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Azel Guen : Décryptage de l'Actu Autrement - Page 51

  • La résistance palestinienne teste des missiles anti-aériens contre les avions israéliens

     

         
    • Publié le : samedi 19 avril

    Les Palestiniens de Gaza reconnaissent que l’armée de l’air israélienne leur a causé d’énormes problèmes dans les affrontements militaires précédents - problèmes restés longtemps sans solution adéquate.

    La domination du ciel a donné à Israël le moyen d’atteindre ses objectifs majeurs, tels que les assassinats et l’élimination des emplacements d’armes, le tout à un coût minime. Les factions armées de Gaza sont déterminées à contrer cette capacité par des missiles anti-aériens dont elles sont à présent en possession, bien qu’en quantités limitées.

    Le Centre Al Mezan pour les droits de l’homme à Gaza, estime le nombre de Palestiniens tués par l’armée de l’air israélienne à 911 sur les 2 269 tués de la période de 2008 à aujourd’hui. La plupart de ces assassinats sont survenus au cours de la guerre menée en 2008-2009. En revanche, la confrontation de 2012 a vu 143 Palestiniens assassinés par l’ armée de l’air israélienne, sur un total de 171 morts.

    Les combattants palestiniens ont essayé de se soustraire aux coups de l’aviation israélienne dans les affrontements récents, en adoptant la plus grande prudence dans leurs déplacements. Comme indiqué précédemment dans Al -Monitor, les combattants ont évité les communications filaires et sans fil, qui, à travers l’analyse des empreintes vocales auraient pu être l’un des principaux moyens de les localiser et les exposer, comme c’était le cas dans de nombreux assassinats.

    En outre, Al-Monitor a appris qu’il y a quelques mois, les Palestiniens avaient commencé à utiliser une tactique consistant à couvrir les ruelles étroites avec de longs morceaux de tissu, des couvertures, des toiles et des bâches contre les survols israéliens, de façon à obscurcir la vision des avions de surveillance et les empêcher de suivre les mouvements sur le terrain, réduisant ainsi le risque d’être pris pour cible.

    De nouveaux défis

    Israël a reconnu en 2012 que 10 missiles anti-aériens Strela, tirés à l’épaule, avaient visé ses avions de guerre. Cette évolution a surpris les Israéliens et leur a imposé une nouvelle série de défis. Bien qu’aucun des avions n’a été endommagé, le tir de missiles marque une amélioration nette des capacités militaires du Hamas, lequel est resté silencieux sur la question .

    Ce nouveau développement est cohérent avec les informations recueillies de sources militaires bien informées par Al-Monitor au sujet de la situation dans la bande de Gaza, laissant entendre qu’au début de janvier 2014, les combattants palestiniens ont mené un essai sur le terrain, tirant un missile anti-aérien vers un avion israélien tournant sur la frontière orientale de la bande de Gaza. 

    L’aile militaire du Hamas, les Brigades Izz ad-Din al-Qassam, a annoncé à plus d’une occasion que ses canons et ses missiles anti-aériens avaient réalisé une percée qui aurait une incidence sur la capacité des avions d’attaque de manœuvrer pendant le combat. Les Brigades affirment avoir endommagé un hélicoptère israélien, qui a été forcé d’atterrir, et abattu un drone de surveillance armé. Elles ne fournissent pas les dates de ces incidents, mais diffusent des vidéos sur YouTube des restes de drones israéliens, qui selon elles, ont été abattu par des missiles anti-aériens du Hamas.

    À la mi-septembre 2013, les Brigades al-Qassam ont révélé que leurs troupes à Gaza possédaient des missiles anti-aériens SA-7, qui ont été présentés au public lors d’un défilé militaire en présence de ce contributeur Al-Monitor. Apparaissaient également des mitrailleuses légères, des fusils de sniper, des lance-roquettes antichar RPG, ainsi que des armes lourdes montées sur les véhicules à quatre roues motrices.

    Des sources militaires israéliennes en 2012 ont attribué le fait que ces armes soient disponibles, à l’effondrement du régime de Mouammar Kadhafi en Libye qui a conduit à l’écoulement de quantités massives d’armes sophistiquées dans la bande de Gaza. Selon un rapport d’Al-Monitor datant de 2012, environ 1 000 de ces missiles ont disparu des stocks militaires de la Libye. Malgré les efforts américains pour les localiser, quelques centaines d’exemplaires n’ont été jamais retrouvés.

    Al-Monitor a également appris de sources militaires dans la bande de Gaza que le nombre d’armes anti-aériennes était de plusieurs dizaines et qu’elles étaient réparties entre les principales factions armées. Le flux de ces armes a considérablement ralenti après que l’Égypte ait détruit les tunnels de contrebande le long de sa frontière avec la bande de Gaza en juillet 2013. Cela a contraint les groupes armés palestiniens à ne pas faire usage des armes anti-aériennes aussi souvent qu’ils le souhaiteraient, puisque les fournitures de remplacement sont peu nombreuses et espacées.

    La défense aérienne

    Al-Monitor a examiné un document militaire de l’unité de défense aérienne de l’une des factions de Gaza. Ce document disait que l’ armée de l’air israélienne a grandement contribué au ciblage de dizaines de membres de la faction, par sa capacité à suivre leurs mouvements. L’ armée de l’air a également déjoué un certain nombre de plans au cours des deux guerres précédentes en empêchant des unités palestiniennes de tirer des roquettes sur les colonies israéliennes, ou en assassinant des combattants s’avançant vers la frontière orientale de la bande de Gaza.

    Le document qui est une synthèse écrite et destinée à toutes les factions palestiniennes, ajoutait que l’unité s’est efforcé au cours des dernières années d’élaborer des plans militaires pour faire face à toute invasion israélienne de Gaza. Ils ont parfois réussi, selon le document, à repousser des incursions terrestres, comme cela s’est produit au cours de la guerre de 2008 sur la frontière sud de la ville de Gaza. Mais l’armée de l’air israélienne était à l’affût des unités armés palestiniennes d’avant-garde, fer de lance de la résistance face à l’armée israélienne.

    L’objectif principal de l’acquisition d’armes anti-aériennes était de paralyser l’armée de l’air, mais cela reste un défi, étant donné le petit nombre de ces armes dans la bande de Gaza et la difficulté d’en acquérir plus en raison de la destruction des tunnels de contrebande par l’Égypte.

    En conclusion, le document déclarait : « Tant que l’ armée de l’air israélienne aura pour rôle de déjouer tous les plans palestiniens de défense de Gaza contre les invasions terrestre, elle devra être attaquée, ses sorties aériennes déjouées, et il faudra mettre fin à ses survols 24h sur 24 de l’espace aérien palestinien. »

    À cet égard, les Brigades al-Qassam ont affirmé que leur unité de défense aérienne a commencé ses opérations avec des capacités limitées, composées de canons de taille moyenne et de mitrailleuses lourdes. Le groupe affirme avoir réussi à poser une menace réelle pour l’aviation israélienne en entravant ses missions, et d’avoir descendu trois dirigeables de surveillance dans le sud et le nord de la bande de Gaza. Mais sans préciser les dates des incidents ou fournir des preuves pour étayer sa revendication.

    Dans une ferme dans l’est de Gaza, un commandant de haut rang a dit à Al-Monitor dans une interview : « La résistance a le droit de posséder toutes les armes qui sont nécessaires pour faire face à la machine de guerre israélienne. Gaza a été transformée en un terrain d’essai pour tous les types de roquettes, les bombes au phosphore ou au vide, les bombes à percussion lancées par l’ armée de l’air israélienne. Dans toute nouvelle confrontation, la résistance ne donnera pas à Israël une nouvelle occasion de répéter ses tactiques ».

    Malgré le manque de moyens pour une réponse anti-aérienne soutenue, le commandant sur le terrain [a affirmé que] les Palestiniens peuvent [maintenant] s’engager dans la lutte pour le ciel. « Je peux dire que l’époque où l’armée de l’air israélienne avait l’initiative et estimait que l’espace aérien de Gaza était grande ouvert pour que ses drones, hélicoptères et avions F-16 y manœuvrent librement du nord au sud, est révolue depuis longtemps et ne reviendra jamais. »

  • Ces histrions du racisme qui dégradent la République

     

    Nicolas Bedos, Dieudonné M’Bala M’Bala et Manuel Valls.

    Shanan KHAIRI
    Nicolas Bedos

    Comme beaucoup, j’ai assisté avec curiosité puis consternation au dernier psycho-drame français : "l’affaire Dieudonné". Voici donc un humoriste qui a été exclu des média voici plusieurs années pour avoir presté un sketch sur la shoah. Un humoriste qui depuis lors s’est peu à peu acoquiné avec divers représentants de l’extrême-droite officielle ou souterraine, sombré dans un délire conspirationniste et abaissé à réaliser de nombreux spectacles au caractère antisémite indéniable. J’apprends qu’il a fait l’objet de plusieurs condamnations de justice pour ce motif mais qui n’ont pas été mise en application par les pouvoirs exécutifs successifs. Cet épiphénomène des dérives racistes de la société française était jusqu’ici à l’arrière-plan de la déferlante de propos et actes haineux visant les communautés musulmane et Rom ces dernières années dans une relative impunité judiciaire.

    Pour sa part, Manuel Valls, se plaçant dans la filiation des ministres de l’Intérieur sarkozystes s’est à plusieurs reprises tristement distingué par des interventions racistes.

    Peu après avoir stigmatisé la communauté Rom, nous le voyons avec surprise se poser en chantre de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Prétextant de l’inapplication des décisions de justice, donc de sa propre incompétence, il médiatise sa volonté de faire interdire les spectacles de Dieudonné.

    Après une intervention personnelle du Président de la République lui apportant son soutien, Manuel Valls décide non pas d’agir dans le cadre judiciaire mais de mettre en œuvre des moyens d’exception sous un fallacieux prétexte : l’interdiction administrative pour un trouble à l’ordre public qui semblait pourtant inexistant. Chacun pensait que cette manœuvre serait annulée par les tribunaux administratifs.

    Tel fut effectivement le cas. Coup de tonnerre cependant lorsqu’un membre du Conseil d’État réduisit l’arrêt du tribunal administratif à néant et légitima la position de Manuel Valls par des attendus inquiétants. Inquiétants car ils justifient une limitation de la liberté d’expression par l’exécutif en intégrant les notions floues d’atteinte à la dignité humaine et, plus grave encore, d’atteinte à la cohésion nationale.

    Hors quelques voix discordantes, les commentateurs et politiques saluèrent cette incroyable régression de nos libertés et de l’État de droit dans un concert de louanges unanimes au nom de la lutte contre l’antisémitisme. Cette surenchère médiatico-politique culminant lors de l’appel public du journaliste Philippe Tesson à l’application de la peine de mort pour Dieudonné.

    Dernier avatar de ce mélodrame, Nicolas Bedos, déjà l’objet d’une plainte pour injures raciales, a cru bon de perpétrer un sketch raciste caricaturant les communautés maghrébine, musulmane et banlieusarde sous la forme d’un dealer, inculte, antisémite et fan de Dieudonné dont l’identité française même était niée. Cette indigne prestation sur une chaîne de télévision publique ne suscitant quant-à-elle aucune réaction des journalistes ou politiciens.

    Cela étant posé, voici la République mise devant une terrible alternative par Manuel Valls : faire un pas vers la dictature ou faire reculer l’État de droit.

    Un pas vers la dictature si la nouvelle jurisprudence du Conseil d’État devait s’appliquer de manière égale à tous les citoyens. Il ne fait guère de doute en effet que l’incitation à la haine raciale ou religieuse, dont la parole antisémite n’est qu’une modalité particulière, constitue une atteinte à la dignité humaine.

    Si toute parole de cet ordre devait désormais être interdite a priori, il en résulterait non seulement la censure préalable par l’exécutif d’humoristes aussi douteux que Dieudonné ou Bedos mais également de tous ceux qui stigmatisent quotidiennement les Français d’origine africaine, les musulmans ou les Roms. La liste est longue, de Manuel Valls à Marine Le Pen, en passant par Eric Zemmour et Elizabeth Levy.

    Pour le même motif, la dissolution de nombre d’organisations par décret se voit dorénavant justifiée, au premier rang desquelles le Front National. Le concept d’atteinte à la cohésion nationale étant plus flou encore, toute parole critique de quelque nature que ce soit pourrait se voir censurée par le gouvernement. Cela n’arrivera pas, du moins à court terme. Heureusement.

    Manuel Valls a donc mis fin à l’Etat de droit face au racisme en France. Alors que la République a toujours fait et fait encore preuve d’une grande tolérance face aux discours de haine raciale et religieuse, elle vient de nous signifier que l’antisémitisme doit faire l’objet d’une condamnation exceptionnelle. Que la souffrance des autres communautés est donc secondaire. Outre le renforcement des délires complotistes des fans de Dieudonné, il en résultera immanquablement un accroissement légitime du ressentiment des Français d’origine africaine à l’égard d’une République qui continue à les maltraiter au quotidien et des haines inter-communautaires.

    Paraphrasant Albert Camus et Karl Marx, il faut le redire avec force : des moyens injustes ne peuvent jamais servir un but juste. La lutte contre le racisme et l’antisémitisme est juste et les moyens actuellement mis en œuvre sont insuffisants. Toute parole et tout acte raciste, même sous prétexte d’humour ou du débat politique, doit être dénoncé, poursuivi et sanctionné. Mais en renforçant l’arsenal législatif et dans le cadre judiciaire. Que ce soit par des procédures a posteriori ou en flagrant délit. La censure par l’exécutif n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais acceptable.

    Shanan Khairi

  • Gil Hilel dénonce le vrai visage de l’occupation israélienne en Palestine

     

    25/02/2014 | 19h23
    Des soldats israéliens entrent dans une maison à la recherche d'un Palestinien, en septembre 2013 (Reuters/Ammar Awad)

     

    Il y a vingt ans, la ville d’Hébron était ébranlée par le massacre du Tombeau des Patriarches. Divisée en deux zones, elle symbolise l’impossible cohabitation entre Israéliens et Palestiniens. Plusieurs milliers de soldats assurent leur pénible coexistence. Gil Hilel a servi trois ans dans cette ville fantôme. Aujourd’hui membre de l’association Breaking the silence, elle brise les tabous et témoigne de la réalité de l’occupation israélienne en Palestine.

    “Le premier jour de mon service, je pensais accomplir quelque chose de bien pour mon pays. J’étais très fière !” Gil Hilel a servi entre 2001 et 2003 dans l’unité Sahlav en charge du maintien de l’ordre à Hébron. En Israël, le service militaire est obligatoire pour les femmes comme pour les hommes, pendant trois ans. “L’armée, nous en parlions beaucoup à l’école, elle devait marquer une étape, celle du passage à l’âge adulte”, explique Gil. Devait…

    Gil Hilel

    Rapidement, Gil est confrontée à la réalité de l’occupation. La ville est divisée en deux secteurs : H1, administré par les autorités palestiniennes, et H2, contrôlé par l’armée israélienne. Une conséquence directe du massacre du Tombeau des Patriarches, survenu le 25 février 1994. Ce matin-là, Barouch Goldstein, un médecin israélien de 37 ans, ouvre le feu sur les fidèles musulmans palestiniens en prière. Bilan : 29 morts et 125 blessés. Aujourd’hui, un grillage sépare certaines rues empruntées par les Palestiniens des maisons israéliennes en surplomb. L’objectif : protéger les passants des projectiles lancés par les colons. Avec ses 177 000 habitants, Hébron est la ville la plus peuplée de Cisjordanie et la seule ville palestinienne au centre de laquelle vivent des colons israéliens. Pour permettre cette cohabitation, près de 3 000 militaires patrouillent nuit et jour pour assurer la protection de quelque 700 Israéliens.

    Stratégie de persécution

    “Occuper, c’est instaurer la peur”, résume Gil. Les soldats patrouillent en permanence, encerclent des maisons choisies au hasard au milieu de la nuit, réveillent ses habitants, séparent les hommes et les femmes, vérifient leurs papiers d’identité et fouillent toutes les pièces dans un vacarme inouï. Tout le quartier doit savoir que l’armée est partout, tout le temps et qu’elle peut surgir à n’importe quel moment. L’occupation repose sur cette stratégie de persécution. “Pour mon premier jour sur le terrain, mon commandant nous a emmenés dans un quartier palestinien d’Hébron. Il a arrêté un homme qui marchait dans la rue et l’a roué de coups.” De retour à la base, Gil demande pourquoi : “C’est lui ou moi, il doit avoir peur de moi, sinon il me tuera, c’est comme ça que tu resteras en vie Hilel”, répond son supérieur. On lui interdit de reposer la question, sous peine d’être sanctionnée. Or être puni, c’était risquer de ne pas rentrer chez soi pendant deux mois. “Alors je suis rentrée dans le rang”, soupire-t-elle. Plus les mois ont passé, plus les justifications de l’armée ont fini par faire leur effet :

    “J’étais en permanence au contact des Palestiniens, pourtant je ne les voyais plus comme des êtres humains, ils étaient de potentiels terroristes.”

    Gil apprend la langue de l’occupation : ordres et contre-ordres pour soumettre l’ennemi. Elle pouvait tout exiger, obliger un homme à rester debout, sans eau ni nourriture pendant plusieurs heures devant elle parce qu’elle estimait qu’il lui avait manqué de respect, lui demander de s’asseoir, puis de se relever et de s’asseoir encore, 50 fois de suite si elle le souhaitait. “On pouvait faire ce que l’on voulait. Et quand on avait passé une bonne journée, on se montrait parfois plus clément”, raconte-t-elle. Très mesurée et réfléchie, la jeune femme n’a pas peur des silences, elle prend son temps et cherche ses mots.

    Gil Hilel se souvient d’un regard, un regard qu’elle n’a pas compris à l’époque et qui la hante aujourd’hui.

    “Un jour, une jeune Palestinienne que je connais bien passe devant mon check point. Je l’arrête, lui demande sa pièce d’identité et l’interroge sur sa destination, alors que je sais qu’elle va à l’école. La petite demande pourquoi je l’arrête aujourd’hui encore, je lui réponds sèchement : ‘Parce que !’

    Gil s’interrompt, elle a du mal à rassembler ses souvenirs.  “Je décide de la punir pour son impertinence. Je l’ai forcée à rester debout devant moi pendant toute la durée de mon service. Il y avait tant de haine dans son regard, dans ses yeux d’enfants. Je n’ai compris la signification de ce regard qu’une fois redevenue civile. Comment pouvais-je lui demander de me voir comme un être humain quand je ne la voyais que comme un ennemi, un arabe ?” se souvient Gil.

    “Je ne veux pas savoir ce que tu fais là-bas”

    Le week-end suivant, Gil retourne chez ses parents et, toute fière, raconte cet épisode. Un silence gêné s’installe. “Je ne veux pas savoir ce que tu fais là-bas, reviens-moi juste saine et sauve”, lui répond sa mère. Gil réfléchit à ce silence, mais rapidement le quotidien reprend ses droits. “Je n’avais pas le temps de penser à tout ça. Huit heures sur le terrain, huit heures de corvées à la base, je dormais quelques heures et je repartais pour huit heures sur le terrain. C’était une routine très dure, la seule chose que je voulais, c’était avoir mes quelques jours de repos pour rentrer chez moi”, explique-t-elle.

    Aujourd’hui, Gil a 31 ans et termine son master “Action sociale”. Elle veut se lancer dans la politique pour changer les choses de l’intérieur et mettre un terme à l’occupation. Elle anime des conférences et des visites d’Hébron avec Breaking the silence, l’association de vétérans israéliens qui a recueilli son témoignage. Créée il y a près de dix ans, Breaking the silence a rassemblé plus de 900 récits qui dessinent le vrai visage de l’occupation.

    “Chaque mois, j’attends ces rendez-vous avec impatience, partager mon expérience avec des jeunes qui viennent de terminer leur service militaire, c’est difficile et très émouvant, mais c’est tellement gratifiant”, Gil glisse quelques mots en hébreu, se reprend et formule, hésitante : “Je n’arrive pas à exprimer tout ce que je ressens… Aujourd’hui j’ai vraiment le sentiment de faire quelque chose de bien pour ma communauté.”

    “Tout a changé quand je suis redevenue civile”

    La jeune femme ne regrette pas ses années de service, c’était la réalité du terrain, une réalité avec laquelle il fallait apprendre à composer si l’on voulait survivre. Aujourd’hui, elle veut changer les choses, mettre un terme à l’occupation morale, à cette stratégie de la peur. Gil a attendu dix ans avant de témoigner. “Quand j’étais soldat, j’étais très fière de ce que l’on faisait. J’obéissais aux ordres. Tout a changé quand je suis redevenue civile, je me suis dit : ‘Mais putain, qu’est qu’on a fait ?’ Au fur et à mesure, j’ai commencé à poser des questions sur l’action de mon gouvernement”, explique-t-elle. Et une question en entraînant une autre, toutes ses croyances ont été ébranlées. “Témoigner est un acte patriotique, il faut que la communauté israélienne sache ce qu’il se passe sur le terrain, qu’elle connaisse le prix à payer pour sa sécurité”, affirme-t-elle.

    Elle vit “au bout du monde” dans un kiboutz au nord du pays. Elle travaille d’arrache-pied pour valider son année, depuis qu’elle a commencé ses études, elle n’a plus une minute à elle. “C’est mon service académique !”, plaisante la jeune femme. Quand elle n’est pas dans ses livres, elle débat avec son petit ami, enseignant, à qui elle voue un véritable culte. Sa voix éraillée hésite : “Je sais que le processus que j’ai initié ne se terminera jamais, c’est une remise en cause permanente.”

  • Gaza divise la France

    ILS PARLENT DE NOUS

    Pour Abdou Semmar, rédacteur en chef d'Algérie-Focus, les tensions suscitées en France par le conflit israélo-palestinien s'expliquent par l'instrumentalisation de la question palestinienne par le gouvernement, les politiques et la communauté arabo-musulmane.
    • 22 JUILLET 2014
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     A Sarcelles, le 20 juillet 2014, une manifestation pro-palestinienne a dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre.- AFP/PIERRE ANDRIEU
    COURRIER INTERNATIONAL Pourquoi le conflit israélo-palestinien suscite-t-il tant de passions en France ? 
    ABDOU SEMMAR La question palestinienne est une question fondamentale de la conscience collective arabo-musulmane depuis les années 1970. Ce qu’on appelle la "minorité visible", l’immigration maghrébine, greffe sur la question palestinienne ses propres questions sociales et politiques. La communauté musulmane ici en France instrumentalise le conflit israélo-palestinien et transmet ainsi un message politique au reste du pays. La question est également instrumentalisée par les politiques. Le Front de gauche et le NPA [Nouveau Parti anticapitaliste]  espèrent ainsi récupérer l’électorat arabo-musulman, qui n’est pas assez écouté et qui a son mot à dire. 

    Les manifestations ont été dans un premier temps interdites. Qu’avez-vous pensé de cette décision ? 
    Cette mesure n’aurait pas choqué si elle avait été prise à Alger ou en Corée du Nord. Elle a rappelé que la France, le pays des droits de l’homme, n’est peut-être pas le modèle démocratique qu’elle prétend être. Par ailleurs, plusieurs personnes présentes à la manifestation de Barbès ont dénoncé les méthodes de la police française, proches de celles de la police algérienne. Les manifestants auraient été contenus à Barbès, le quartier de Paris où l’on compte le plus grand nombre de Maghrébins. Certains manifestants ont eu le sentiment qu’on avait tenté de discréditer leur protestation. 

    Pourquoi les manifestations ont-elles dégénéré ?
    De nombreux Français ne connaissent rien aux conditions de vie de leurs concitoyens musulmans. Il y a une ségrégation sociale qui se développe d’une façon très choquante. II y a deux France : celle des policiers et des bobos d'un côté, celle des cités de l'autre. Et quand ces deux France se rencontrent, c’est l’incompréhension et la bagarre.

  • Le sionisme comme nationalisme extrême

    24 juillet 2014

    Article en PDF :  
     

     

    Relatant une manifestation de soutien aux Palestiniens qui a eu lieu à Roubaix le 19 juillet, un journaliste de Nord Eclair, Bruno Renoul, s’est offusqué de voir une banderole présentant un drapeau israélien sur lequel l’étoile de David avait été remplacée par une croix gammée. Ce journaliste explique que l’Etat d’Israël n’est pas un Etat totalitaire et qu’on ne saurait le comparer à l’Etat nazi. Et pour conforter son raisonnement, il ajoute que comparer l’Etat d’Israël au Troisième Reich est "injurieux pour les victimes du nazisme dont les Juifs ont été les cibles principales".

    Disons d’abord un premier contresens, l’Etat d’Israël serait donc l’Etat des Juifs, ce qui conduit à considérer toute critique de la politique de cet Etat comme une forme d’antisémitisme, argument malheureusement trop courant. Mais ce qui importe, plus important qu’une équation lapidaire "sionisme = nazisme", c’est de chercher ce qui est commun à ces deux idéologies qui toutes deux s’appuient sur la notion d’Etat-Nation telle qu’elle a été théorisée par Herder au tournant des XVIIIe-XIXe siècle et qu’elle s’est développée en Europe. La notion d’Etat-Nation peut conduire à un nationalisme extrême exclusif que l’on retrouve dans le fascisme italien, le nazisme allemand et aujourd’hui le sionisme israélien.

    La question est moins d’identifier ces idéologies que de comprendre ce qu’elles ont de commun, ce commun se définissant, en ce qui concerne le nazisme et le sionisme, par la pureté ethnique, le terme "ethnique" restant suffisamment ambigu pour prêter à toutes les interprétations. Le nazisme voulait un Etat purement aryen et pour cela voulait vider l’Allemagne de tous ses éléments non aryens dont les Juifs. Le sionisme, quant à lui, veut construire un Etat juif, moins au sens religieux que dans un sens ethnique mal défini, et pour cela veut vider l’Etat d’Israël de tous ses éléments non juifs. Cette volonté de pureté ethnique est l’un des points communs aux deux idéologies nazie et sioniste et je ne vois pas au nom de quoi il serait interdit de le dire.

    Affirmer que l’on ne peut comparer le nazisme et le sionisme sous prétexte que les Juifs ont été victimes du nazisme s’appuie d’abord sur un premier contresens qui fait du sionisme, non une idéologie juive, ce qu’elle est effectivement puisque inventée par des Juifs, mais l’idéologie des Juifs, de tous les Juifs, ensuite sur une incompréhension du sionisme, idéologie européenne construite par des Juifs européens, qui ont cru trouver dans la construction d’un Etat juif la solution à l’antisémitisme européen. Malheureusement, en voulant construire cet Etat dans un pays peuplé, la Palestine, ils ont transformé une idéologie qu’il voulait libératrice en mouvement de conquête et c’est cela qui fait du sionisme un nationalisme extrême au même titre que le nazisme.

    C’est ce nationalisme extrême qui conduit aujourd’hui la politique israélienne à chercher à éradiquer la terre d’Israël de toute présence non juive, que ce soit sous la forme militaire brutale telle l’agression contre Gaza ou, il y a quelques années, la répression des Intifadas, que ce soit sous la forme de l’occupation ou que ce soit sous la forme de ce qu’on appelle les colonies, lesquelles ne sont qu’une façon d’abord de débarrasser la terre de ses habitants palestiniens ensuite de l’annexer pour en faire une terre israélienne.

    J’ajouterai un point qui est loin d’être anecdotique sur les ressemblances entre le sionisme et le nazisme. Hitler a cru trouver dans un symbole venu d’Asie, la staviska, un symbole de la pureté aryenne ; une façon de confisquer un symbole qui n’a rien à voir avec le nazisme ; ainsi on trouve des croix gammée dans des pagodes bouddhistes. La façon dont le sionisme utilise l’étoile de David, y compris pour le drapeau israélien, est plus pernicieuse. L’étoile de David est un vieux symbole juif qui n’a rien à voir avec le sionisme. En confisquant ce symbole à son profit, le sionisme se présente comme le représentant exclusif des Juifs et amène ainsi à considérer à tort l’étoile de David comme un symbole israélien. On comprend alors que l’étoile de David puisse devenir un objet de répulsion comme la staviska a pu devenir un objet de répulsion. Ce qui est choquant, c’est alors moins la répulsion devant un objet détourné de sa signification première que l’usage qui en est fait par des idéologies meurtrières.

    On pourrait dire la même chose du nom même de l’Etat qui s’appelle Israël. Le nom "Israël" représente une longue histoire et c’est cette histoire que le sionisme a voulu confisquer. Lorsque j’entends le slogan "Israël assassin", je suis choqué moins par le fait que l’on puisse crier un tel slogan mais par la façon dont une idéologie nationaliste extrême a conduit à ne voir Israël qu’à travers l’Etat d’Israël et son idéologie fondatrice, le sionisme.

    Rudolf Bkouche membre de l’Union Juive Française pour la Paix

    Source : Investig’Action