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Ces histrions du racisme qui dégradent la République

 

Nicolas Bedos, Dieudonné M’Bala M’Bala et Manuel Valls.

Shanan KHAIRI
Nicolas Bedos

Comme beaucoup, j’ai assisté avec curiosité puis consternation au dernier psycho-drame français : "l’affaire Dieudonné". Voici donc un humoriste qui a été exclu des média voici plusieurs années pour avoir presté un sketch sur la shoah. Un humoriste qui depuis lors s’est peu à peu acoquiné avec divers représentants de l’extrême-droite officielle ou souterraine, sombré dans un délire conspirationniste et abaissé à réaliser de nombreux spectacles au caractère antisémite indéniable. J’apprends qu’il a fait l’objet de plusieurs condamnations de justice pour ce motif mais qui n’ont pas été mise en application par les pouvoirs exécutifs successifs. Cet épiphénomène des dérives racistes de la société française était jusqu’ici à l’arrière-plan de la déferlante de propos et actes haineux visant les communautés musulmane et Rom ces dernières années dans une relative impunité judiciaire.

Pour sa part, Manuel Valls, se plaçant dans la filiation des ministres de l’Intérieur sarkozystes s’est à plusieurs reprises tristement distingué par des interventions racistes.

Peu après avoir stigmatisé la communauté Rom, nous le voyons avec surprise se poser en chantre de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Prétextant de l’inapplication des décisions de justice, donc de sa propre incompétence, il médiatise sa volonté de faire interdire les spectacles de Dieudonné.

Après une intervention personnelle du Président de la République lui apportant son soutien, Manuel Valls décide non pas d’agir dans le cadre judiciaire mais de mettre en œuvre des moyens d’exception sous un fallacieux prétexte : l’interdiction administrative pour un trouble à l’ordre public qui semblait pourtant inexistant. Chacun pensait que cette manœuvre serait annulée par les tribunaux administratifs.

Tel fut effectivement le cas. Coup de tonnerre cependant lorsqu’un membre du Conseil d’État réduisit l’arrêt du tribunal administratif à néant et légitima la position de Manuel Valls par des attendus inquiétants. Inquiétants car ils justifient une limitation de la liberté d’expression par l’exécutif en intégrant les notions floues d’atteinte à la dignité humaine et, plus grave encore, d’atteinte à la cohésion nationale.

Hors quelques voix discordantes, les commentateurs et politiques saluèrent cette incroyable régression de nos libertés et de l’État de droit dans un concert de louanges unanimes au nom de la lutte contre l’antisémitisme. Cette surenchère médiatico-politique culminant lors de l’appel public du journaliste Philippe Tesson à l’application de la peine de mort pour Dieudonné.

Dernier avatar de ce mélodrame, Nicolas Bedos, déjà l’objet d’une plainte pour injures raciales, a cru bon de perpétrer un sketch raciste caricaturant les communautés maghrébine, musulmane et banlieusarde sous la forme d’un dealer, inculte, antisémite et fan de Dieudonné dont l’identité française même était niée. Cette indigne prestation sur une chaîne de télévision publique ne suscitant quant-à-elle aucune réaction des journalistes ou politiciens.

Cela étant posé, voici la République mise devant une terrible alternative par Manuel Valls : faire un pas vers la dictature ou faire reculer l’État de droit.

Un pas vers la dictature si la nouvelle jurisprudence du Conseil d’État devait s’appliquer de manière égale à tous les citoyens. Il ne fait guère de doute en effet que l’incitation à la haine raciale ou religieuse, dont la parole antisémite n’est qu’une modalité particulière, constitue une atteinte à la dignité humaine.

Si toute parole de cet ordre devait désormais être interdite a priori, il en résulterait non seulement la censure préalable par l’exécutif d’humoristes aussi douteux que Dieudonné ou Bedos mais également de tous ceux qui stigmatisent quotidiennement les Français d’origine africaine, les musulmans ou les Roms. La liste est longue, de Manuel Valls à Marine Le Pen, en passant par Eric Zemmour et Elizabeth Levy.

Pour le même motif, la dissolution de nombre d’organisations par décret se voit dorénavant justifiée, au premier rang desquelles le Front National. Le concept d’atteinte à la cohésion nationale étant plus flou encore, toute parole critique de quelque nature que ce soit pourrait se voir censurée par le gouvernement. Cela n’arrivera pas, du moins à court terme. Heureusement.

Manuel Valls a donc mis fin à l’Etat de droit face au racisme en France. Alors que la République a toujours fait et fait encore preuve d’une grande tolérance face aux discours de haine raciale et religieuse, elle vient de nous signifier que l’antisémitisme doit faire l’objet d’une condamnation exceptionnelle. Que la souffrance des autres communautés est donc secondaire. Outre le renforcement des délires complotistes des fans de Dieudonné, il en résultera immanquablement un accroissement légitime du ressentiment des Français d’origine africaine à l’égard d’une République qui continue à les maltraiter au quotidien et des haines inter-communautaires.

Paraphrasant Albert Camus et Karl Marx, il faut le redire avec force : des moyens injustes ne peuvent jamais servir un but juste. La lutte contre le racisme et l’antisémitisme est juste et les moyens actuellement mis en œuvre sont insuffisants. Toute parole et tout acte raciste, même sous prétexte d’humour ou du débat politique, doit être dénoncé, poursuivi et sanctionné. Mais en renforçant l’arsenal législatif et dans le cadre judiciaire. Que ce soit par des procédures a posteriori ou en flagrant délit. La censure par l’exécutif n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais acceptable.

Shanan Khairi

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