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Maroc - Page 4

  • Maroc:L'avortement en question

    Face à la loi, avorter en haute mer

     Le “bateau pour l’avortement” de l’association Women on Waves, qui pratique des avortements dans les eaux internationales, doit arriver ce jeudi 4 octobre au port de Smir. Une provocation pour certains, une opération légitime pour d'autres.

     

    Photo Women on waves, lors d'une précédente campagne.Photo Women on waves, lors d'une précédente campagne.
    Les autorités marocaines autoriseront-elles le voilier de l’ONG néerlandaise Women on Waves  (“des femmes sur les vagues”) à accoster dans un des ports du pays ? “Les Marocaines qui ont choisi d’interrompre leur grossesse pour diverses raisons peuvent le faire à bord du bateau, en toute sécurité”, précise Ibtissame Betty Lachgar, psychologue, membre du très controversé Mali (Mouvement alternatif pour les libertés individuelles), initiateur de cette croisade contre l’interdiction de l’avortement, qui se félicite au passage de cette initiative qui aura lieu pour la première fois dans un pays arabo-musulman.

    “Nous allons mettre en place un numéro de téléphone où les femmes pourront nous contacter, afin de leur expliquer la procédure. L’avortement se fait en haute mer, dans les eaux internationales, loin du territoire marocain.” Une manière de contourner la loi marocaine qui condamne l’avortement.

    L’initiative, qualifiée de courageuse par certains et de provocatrice par d’autres, vise surtout à inciter le gouvernement Benkirane à “abroger les articles 449 à 458 du Code pénal, qui pénalis l’avortement”. La loi condamne aussi bien la femme que toute personne qui tente de l’aider à pratiquer une IVG. Cette loi est qualifiée de désuète par les partisans de la légalisation de l’avortement, notamment l’Amlac (Association marocaine de la lutte contre l’avortement clandestin).

    La réalité amère vécue par les femmes nécessite une réforme urgente de la législation. “Nous recensons de 600 à 800 avortements clandestins chaque jour au Maroc. C’est une véritable tragédie, et le gouvernement n’en est pas conscient. Les femmes n’avortent pas par plaisir. S’il y a avortement, c’est qu’il y a souffrance et détresse”, s’indigne Ibtissame Betty Lachgar, en précisant que “l’Etat n’a pas à choisir à la place de la femme d’avorter ou non. C’est un droit de la femme”. Pour sensibiliser autant de femmes et de jeunes filles, l’ONG a diffusé sur Internet une pétition. “Notre objectif est d’attirer l’attention sur les conséquences d’une grossesse non désirée et d’un avortement illégal, et de mettre fin aux pratiques clandestines qui comportent de nombreux dangers en offrant des moyens d’avortement légaux, contrôlés et sanitaires afin de sauver des vies”, poursuit-elle.

    Alors que Bassima Hakkaoui, ministre la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social est restée injoignable, une source au sein du département de Mustapha El-Khalfi, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a déclaré que “cette initiative de Women on Waves est un non-événement. Elle est tellement marginale qu’elle ne doit pas nous détourner des questions prioritaires et fondamentales pour le pays. L’appel à des pratiques interdites dans la législation marocaine sera traité selon les textes législatifs en vigueur.”

    Des observateurs interrogés sur la question sont unanimes à dire que le scénario vécu par la croisière “Exotic Mediterranean”, transportant des passagers homosexuels, se répétera. Le navire avait été interdit de faire escale à Casablanca “pour des raisons de sécurité”.
  • Prisons. Journal d’un ancien de Oukacha

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          Prisons. Journal d’un ancien de Oukacha
          Un témoignage très fort sur le dur quotidien d'un prisonnier (DR)

           

          Il a passé 3 ans dans le célèbre pénitencier de Casablanca pour un crime qu’il n’a pas commis. Aujourd’hui libre, il a accepté de nous raconter son séjour carcéral à travers un témoignage poignant, qui confirme toutes les révélations du récent rapport parlementaire sur la situation des prisons marocaines.

          “Novembre 2008. Un vendredi soir, j’errais dans Mohammedia, comme beaucoup de jeunes de mon âge (ndlr : il a 19 ans au moment des faits), à la recherche d’une fille de joie. Soudain une armada de policiers, surgis de nulle part, nous encerclent, la fille et moi, comme si nous étions de dangereux criminels. Pour s’en sortir et ne pas tomber sous le joug de la loi contre la prostitution, la jeune femme affirme à la PJ que je l’ai agressée physiquement et que j’ai essayé de l’enlever pour la violer. Résultat, au lieu d’un simple délit d’incitation à la débauche, je suis accusé de tentative de séquestration et de viol, ainsi que de coups et blessures. Mon dossier est immédiatement transféré à la Cour d’appel de Casablanca. Moi qui n’avais jamais mis les pieds dans une stafit (fourgonnette de police), je me retrouve en face d’un magistrat de la chambre criminelle.

           

          Pain nu et violence au quotidien

          Je suis emmené à la prison de Oukacha. Au service des affectations, je confie mes effets personnels aux gardiens, qui m’attribuent un numéro de matricule avant de me conduire à ma cellule, au 3ème étage de l’aile 6. Composée de 8 lits superposés, elle est prévue pour abriter 16 détenus. Mais  ils sont 34 à y vivre, entassés les uns sur les autres. En y entrant, toutes les horreurs entendues à l’extérieur sur la prison se bousculent dans ma tête. Le chef de chambre, un colosse qui purge 25 ans pour avoir mis le feu au domicile de son père, me désigne mon coin : près de la porte, juste à côté des WC. C’est la règle : le dernier arrivé occupe la plus mauvaise couche, avant de progresser peu à peu sur le plancher. En guise d’espace vital, chaque prisonnier dispose de jouj chboura (l’équivalent de la largeur de deux mains), pas un centimètre de plus ! Les plus anciens, eux, ont droit à un lit. La nuit, il arrive même qu’on reçoive quelques gouttes d’eau ou d’urine lorsqu’un des détenus enjambe les autres, qui dorment à même le sol, pour aller aux toilettes.

          J’ai vite compris que, quoi qu’il arrive, mieux vaut faire profil bas. S’habituer à vivre dans la crasse et la promiscuité. Apprendre à accepter l’inacceptable. à manger l’immangeable : du thé et du pain dur pour le petit-déjeuner servi à 9h30, des haricots blancs ou des lentilles pleines de cailloux le midi et de la bissara (purée de fèves) ou une bouillie de semoule le soir. Parfois, la nourriture est tellement immonde que, même affamés, on ne parvient pas à finir nos plâtrées. 

          La violence est omniprésente. En ce qui me concerne, une semaine à peine après mon arrivée, j’ai eu droit à ma première bagarre : le chef de chambre voulait donner un lit à une de ses connaissances qui venait d’être incarcérée. Il n’a pas apprécié que je lui rappelle la règle tacite de transmission des couches et m’a frappé au visage avec une boîte de conserve. J’ai gardé une trace de cet épisode : une grosse cicatrice au front.

           

          Compter les heures…

          Au bout de trois mois, je suis sorti pour la première fois de prison. Un bref aller-retour pour comparaître devant le juge. Cette fois encore, mon procès est ajourné. Un report de quatre longs mois, ma présumée victime ayant disparu dans la nature. La mort dans l’âme, je n’ai pas d’autre choix que de regagner ma cellule. Prendre mon mal en patience. Tuer le temps. En prison, l’expression “tuer le temps” prend tout son sens, l’ennui étant le principal ennemi. Et il faut récidiver, jour après jour, aux rythmes et horaires imposés par les matons. Il faut être debout à 7h, en rang deux par deux pour le premier appel de la journée. Rebelote à 17h lors de la relève des gardes. Heureusement, entre les deux, il y a la promenade, le moment le plus attendu par tous les détenus. Une à 9h et une à 15h chacune durant une heure et demie. C’est l’occasion de prendre un bol d’air, de lier des amitiés et, surtout, de se dégourdir les jambes, chose que l’exiguïté des cellules ne permet pas. Parfois, les détenus organisent des matchs de foot pour se divertir un peu. Mais pas seulement.

          La promenade est aussi un moment stratégique, où se trament tous les deals et trafics possibles et imaginables. Et quand les gardiens sonnent la fin de la “récré”, chacun regagne sa cellule pour vaquer à ses occupations habituelles : faire la lessive, nettoyer les sols… Garder un semblant de propreté, assurer un minimum d’hygiène dans la chambrée est un travail de tous les jours. D’autant que le risque d’attraper la gale est important. Mais faire le ménage dans les cellules n’est pas chose aisée. Il faut composer avec les coupures d’eau, très fréquentes. à Oukacha, il est souvent plus facile de trouver du pain ou une clope que de l’eau.

           

          La nuit & l’ennui

          L’une de mes occupations préférées durant mes trois ans derrière les barreaux, c’était d’écouter la radio. Surtout la nuit. Et quand sur Medi1 c’était l’heure de “Bayt Assadaqa” (La maison de l’amitié), un silence presque monacal se faisait dans la cellule. Tous les détenus suivaient cette émission où les auditeurs appellent pour dédier un morceau. Puis venait l’instant crucial du coucher, où il faut être très réactif et veiller à ce que personne n’essaie de déborder sur la place de l’autre.

          A 1h30, les lumières s’éteignent. Et à partir de là, c’est l’angoisse, la misère émotionnelle, affective… Les plus faibles font parfois office d’exutoire, de “poupée gonflable” pour les molosses. Il faut faire attention et surveiller ses arrières. Ceux qui peuvent se permettre le luxe d’avoir un téléphone entretiennent des relations à distance.

          Au bout d’un an en prison, j’ai réussi à me procurer, moi aussi, un portable, que j’utilisais pour appeler des filles pour des pseudo-séances de téléphone rose, le soir, un peu avant l’extinction des feux. Ça aide à tenir le coup.

          Une fois, après une énième audience au tribunal, j’étais tellement déprimé que j’ai écrit une lettre au directeur de la prison de Oukacha. Il n’a jamais pris la peine de me répondre. Peut-être même qu’il ne l’a jamais reçue. Désespéré, j’ai décidé d’entamer une grève de la faim. Au bout de 5 jours, je suis tombé dans le coma sous les yeux du personnel, qui est resté totalement indifférent à mon état de santé. J’ai alors compris que, si je ne voulais pas devenir fou, ou mourir, il fallait que j’accepte mon sort, que je m’adapte. Et, surtout, que je trouve des moyens pour mieux supporter la vie derrière les barreaux.

           

          I will survive

          En prison, tout s’achète. Encore faut-il avoir de l’argent ou une monnaie d’échange. Ce qui était loin d’être mon cas. Donc, pour “gagner ma vie”, j’ai d’abord commencé par rendre des services à certains détenus, dont je prenais en charge le nettoyage du linge et de la vaisselle. J’ai ensuite élargi ma clientèle : je suis devenu le monsieur ménage de toute la cellule. Ma rétribution ? Conformément aux codes de la prison, chaque prisonnier qui recevait de la visite de sa famille me donnait 10 dirhams par semaine et un paquet de détergent. Mes revenus dépendaient du nombre de visites des détenus de la cellule. Et je faisais ensuite fructifier mes gains en achetant et en revendant du cannabis. Cette activité est largement répandue à Oukacha, mais elle comporte des risques, car elle est soumise au bon vouloir du chef de quartier.

          Un jour, j’ai passé quinze jours au cachot quand, lors d’une fouille, on a retrouvé deux “doses” sur moi. Une autre fois, le chef de quartier m’a confisqué deux paquets de papier à rouler car je les écoulais à son insu. Avec le temps, j’ai réussi à me le mettre dans la poche en l’arrosant régulièrement. La dernière année, j’ai même été promu chef de cellule sur recommandation de mon prédécesseur. Encore un code propre au milieu carcéral.

          Pour faire du business en prison, il faut obligatoirement avoir le soutien des deux personnes qui ont droit de vie ou de mort sur les détenus : le chef de chambre et le chef de quartier. Le premier est l’intermédiaire du deuxième, il est ses yeux et ses oreilles. Il a la charge d’informer le chef de quartier du moindre événement ou incident se produisant à l’intérieur de la cellule, mais également de lui remettre l’argent collecté auprès des prisonniers pour acheter son silence. Les sommes versées varient suivant le type de marchandise trafiquée, sauf pour certains services dont les tarifs sont fixés d’avance et connus de chacun.

          Vous voulez disposer d’un téléphone portable ? Il vous en coûtera 50 dirhams par semaine et par appareil. Tout se monnaie à Oukacha. La loi de l’offre et de la demande y est reine. quatre cigarettes Marquises valent 5 dirhams le jour des visites. Après, pour le même prix, vous n’en aurez que trois. Si vous achetez un paquet de clope à crédit, c’est du deux contre un. La feuille à rouler s’obtient pour 2 DH. Ainsi, l’achat d’un paquet de 75 feuilles m’assurait un bénéfice de 50 DH en le revendant au détail. La dose de zetla (cannabis) coûte, elle, 50 DH. En vendre en petites quantités permet d’assurer une rente et une consommation personnelle en cas de coup dur. Même l’emballage du demi-litre de lait peut trouver preneur pour 1 DH. Il est très demandé par les détenus pour faire du feu et réchauffer le reste des repas. La pilule de Nozinan 100 (médicament prescrit pour troubles psychiatriques, ndlr) se monnaie en échange de 10 DH ou autant de cigarettes. Une fois achetée, la pilule est diluée dans le verre d’un “bleu” afin qu’il tombe en léthargie et se laisse faire plus facilement. Si vous êtes nouveau et avez les moyens, vous pourrez négocier le lit d’un détenu en place entre 500 et 800 DH selon les cellules.

          Je me suis livré à tous les trafics. En prison, il faut savoir dealer avec des individus de la pire espèce. Mais, grâce à mon petit commerce, j’ai rencontré parfois des personnes extraordinaires, avec un vrai sens de l’honneur et de la solidarité.

          En novembre 2011, le juge a prononcé ma mise en liberté provisoire. J’ai laissé tout ce que j’avais accumulé comme objets et marchandises à celui qui était devenu mon meilleur ami et je l’ai recommandé pour me succéder en tant que chef de chambre, comme le veut la tradition carcérale. Et je suis sorti. Une semaine plus tard, j’ai été déclaré innocent par la justice. Le choc. Le Makhzen a pris trois ans de ma vie, durant lesquels j’aurais pu devenir un criminel, un vrai. Aujourd’hui je suis libre, et j’ai 23 ans”.

           

          (certains détails ont été changés pour protéger l’anonymat du témoin)

           

          Lexique. Les mots pour le dire 

           

          • Moul lwa9t. Le gardien de prison ayant la charge d’un quartier.

          • 9awwad moul lwa9t. Sobriquet désignant le prisonnier chef de chambre. Ne se dit jamais en sa présence.

          • La gare. Le plancher ou le sol de la cellule.

          • Ftila (mèche). Tout ce qui peut servir à faire du feu, généralement imbibé d’huile.

          • Samsonite. technique consistant à rouler des billets de banque ou de la drogue dans du cellophane et les dissimuler dans le rectum.

          • La faille. La fouille au corps.

          • Ould bab Allah ou Bennix. prisonnier fauché et sans ressources.

          • Chber. Mesure utilisée pour délimiter les places. C’est l’espace (environ 20 cm) entre l’auriculaire et le pouce, la main écartée dans le sens

          horizontal.

          • Kay9li chfenj. Littéralement “il frit les beignets”. Se dit d’un détenu qui se laisse abuser sexuellement.

          • Meddah. terme qui désigne le prisonnier qui annonce, à voix haute, les libérations ou les dates d’audience.

          • Bidanci. Pitance. Se dit de la nourriture servie à chaque prisonnier. Mais aussi de l’ustensile utilisé pour la recevoir.

           

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        • Cri d’alarme. Touche pas à mon frère

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          Cri d’alarme. Touche pas à mon frère
          Boubacar Seck (DR)

           

          Les rues marocaines sont devenues le théâtre d’un racisme “anti-noir” quotidien, violent, intolérable. TelQuel  joint sa voix à celle de l’auteur de cette lettre ouverte pour dire : “Attention, stop, baraka !”

          Amis marocains, l’urgence du moment m’oblige à vous écrire cette lettre de souffrance. J’ai découvert le royaume chérifien il y a quinze ans lors d’un séjour d’études. Je me souviens, comme si c’était hier, de l’accueil, de la générosité et de la disponibilité des gens. Partout, c’étaient les mêmes scènes : sourires, curiosité intellectuelle et invitations interminables. J’étais doublement chouchouté. Parce que j’étais étranger, mais surtout parce que j’étais sénégalais. Cette marque de considération, je l’ai su plus tard, est une longue tradition entre les deux peuples. “Sénégal, Maroc, c’est kif-kif. Nous sommes des frères !” me répétaient les garçons de café ou les chauffeurs de taxi. Effectivement, j’ai eu l’occasion de le vérifier durant toutes ces années et lors de mes nombreux séjours au Maroc.

           

          Mais que s’est-il donc passé ?

          Ce qui sourd depuis quelques mois nous accable vous et moi. Des récits d’agressions s’égrènent par-ci, des témoignages de propos xénophobes se multiplient par-là. Des leaders d’opinion et des hommes de pouvoir dérapent en toute quiétude, etc. Je n’ai pas rêvé ni fantasmé puisque ce sentiment est partagé par beaucoup de mes “frères subsahariens” rencontrés dans les bleds du royaume.

          Pourtant, vous aviez fait de ce “couchant”, L’Maghrib, notre lever de soleil, notre seconde patrie. Nous qui avions quitté la nôtre pour diverses raisons, vous nous aviez adoptés comme vos frères ou vos enfants. Notre proximité religieuse facilitait encore plus les choses. Ne sommes-nous plus les bienvenus? L’accueil légendaire du peuple marocain s’est-il émoussé avec les tourments et les inquiétudes du quotidien ? La crise (économique et sociale) suffit-elle à tout expliquer, tout permettre, tout pardonner ? Je ne crois pas.

          Paradoxe, c’est au moment où un parti islamo-conservateur arrive au pouvoir que les valeurs de tolérance, d’ouverture et d’hospitalité prônées par l’islam et le rite malékite s’affaiblissent de manière criante. C’est au moment où le pays, grâce à la force et la détermination des mouvements associatifs et politiques, questionne de nouveau ses principes de liberté, de démocratie et de sécularisation que le repli s’organise. C’est au moment où la jeunesse marocaine semble ouvrir des brèches dans le bloc des conservatismes, archaïsmes et inégalités de la société, que les légendes des “mangeurs d’enfants” refont florès.

          C’est au moment où on atteste des vertus de la circulation des informations et des hommes que la terrible concaténation (le nombre d’immigrés équivaut au nombre d’étrangers) chère à l’extrême-droite européenne fait écho dans le pays de Moulay Idriss. 

           

          L’immigration, ce nouveau tabou

          Certes, l’ignorance est parfois le vecteur de comportements inacceptables, mais il ne faut pas se tromper de douleur ni de révolte.

          Je ne comprends pas mes amis qui se taisent. “A la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis mais des silences de nos amis”, disait Martin Luther King. Je vous écris, chers amis marocains, parce que la perspective de voir cette terre aux valeurs multiséculaires emprunter cette mauvaise pente m’insupporte. L’idée que les difficultés aient réussi à voiler les yeux des grands esprits et déjouer toutes les vigilances me crève le cœur. L’idée que la promesse chérifienne, taillée dans les racines de la tradition et hissée sur les ailes de la modernité, soit un temps oubliée me paraît inimaginable. Et pourtant.

          J’assiste depuis quelques mois avec délectation aux joutes politiques et sociétales sur la religion, la corruption, la sexualité, l’éducation, l’avortement, l’homosexualité, la liberté de conscience... S’il vous plaît, ajoutez-y l’immigration, ce nouveau tabou !

          Ce qui est en cours n’est pas irréversible. Je suis même profondément persuadé que c’est une parenthèse et que vous allez bientôt la refermer.  

          Pour cela, nul dahir n’est nécessaire. Seulement une parole forte pour rappeler les valeurs qui vous caractérisent depuis la nuit des temps. Une parole pour dire: “Mat9ich sahbi !”, “Mat9ich khouya !” comme vous disiez “Mat9ich bladi !” lorsque d’autres valeurs étaient attaquées.

          Je vous écris parce que je suis un ami et un amoureux du Maroc. Je ne peux me résoudre à le voir tourner le dos à son âme en vous regardant dans les yeux et en vous disant “koulchi bikhir”.

          * Architecte

           
        • Maroc:Immigration sursaharienne

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          Immigration. Stand up for your rights

          • 25 Jui 2012
          • Par : Jules Crétois
          • Actualités
          • 0 commentaires(s)

          Immigration. Stand up for your rights

          (DR)

           

          Les droits des Subsahariens clandestins sont de plus en plus bafoués. Au grand dam des militants associatifs, qui déplorent l’inertie de la classe politique.

          “L'afflux de Subsahariens” serait, selon le ministre de l’Emploi, Abdelouahed Souhail, une des raisons de la crise de l’emploi au Maroc. C’est ce qu’il a affirmé à New York le jeudi 5 juillet 2012. Une déclaration qui arrive alors que la répression à l’encontre des migrants subsahariens présents clandestinement sur le territoire (estimés entre 10 et 12 000 selon les différents rapports) s’est accrue. Pierre Delagrange, président du Collectif des communautés subsahariennes, assure : “Je reçois de très nombreux appels de migrants qui se plaignent de la brutalité des contrôles et des renvois aux frontières. Les arrestations, quant à elles, se multiplient depuis quelques semaines.” L’indignation a logiquement traversé les frontières. De nombreux articles ont été écrits par des journaux étrangers rapportant le calvaire que vivent leurs compatriotes sous nos cieux. Ainsi, le journal sénégalais Le Quotidien titrait en mai dernier : “Casa casse du Sénégalais.” Ces temps-ci, les rapports sur la question des migrants pleuvent. Cet été 2012, deux paraîtront : un du très officiel Conseil national des droits de l’homme (CNDH), et l’autre de l’Organisation marocaine des droits de l’homme (OMDH).

           

          Procédures cavalières

          De son côté, l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) a rendu le sien en juin 2012. Un rapport peu élogieux quant à l’attitude des autorités marocaines, qui se résumait à une effrayante liste d’entorses aux droits humains : des migrants refoulés à la frontière algéro-marocaine sans qu’aucun procès-verbal ne soit signé, des interventions surprises à 6h du matin, des bagages détruits, des personnes qui se blessent en tentant de prendre la fuite et même des rumeurs de viol par les garde-frontières… Les militants associatifs pointent du doigt des procédures cavalières frisant l’illégalité. L’exemple le plus récurrent : les expulsions en Algérie en l’absence d’avocats ou de représentants d’ambassade. Il s’agit là d’une violation de la loi marocaine 02-03 relative aux droits migratoires ainsi que d’importants traités internationaux ratifiés par le royaume, qui prévoient que les migrants ne soient expulsés que vers leur pays d’origine ou au minimum vers un pays prêt à les accueillir et où leur sécurité sera garantie. Hicham Rachidi, membre du Gadem, un groupe de soutien aux migrants, enfonce le clou : “Les seules réponses à l’immigration clandestine sont d’ordre sécuritaire. Aucune autre solution, même d’ordre humanitaire, n’est proposée.”

          Les premières conclusions d’un rapport publié mercredi 4 juillet 2012 par le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME), dirigé par Driss El Yazami —spécialiste des problématiques migratoires—, s’ouvraient sur ces mots : “Il est aujourd’hui largement admis que le Maroc est à la fois un pays de transit et de destination.” Plus loin, on peut lire : “L’immigration irrégulière change le Maroc et pose des défis aux responsables politiques.” Et c’est là que le bât blesse. L’activisme de la société civile contraste avec l’inertie de la classe politique. Saïd Tbel, qui s’occupe des questions migratoires à l’AMDH, explique : “Pour le moment, nous réclamons la reconnaissance des droits fondamentaux des migrants, mais nous ne parlons même pas de régularisation ou de questions politiques car nous savons que personne en face n’a de point de vue. Les rares sorties sur l’immigration sont simplement hors sujet.” Et Tbel de citer cet amalgame du député de l’USFP, Abdelhadi Khayrat, en mai dernier, entre immigrés subsahariens et terroristes venus de Libye. Effectivement, trouver un élu ou un cadre de parti capable d’aborder en connaissance de cause le sujet de la migration relève du défi. Kenza El Ghali, parlementaire de l’Istiqlal et chercheuse sur les questions migratoires, est une des rares élues à s’être penchée sur la question. Elle déplore “l’inexistence de discussions au parlement à ce propos”, ajoutant : “Il faut légiférer, la seule loi dont nous disposons (02/03) date de 2003” ! La députée istiqlalienne, qui semble avoir accepté son isolement, a prévu de passer à l’action dans les jours qui viennent, en envoyant une lettre au Premier ministre pour l’alerter sur la gravité de la situation des migrants (manque de reconnaissance, frustration, déscolarisation des plus jeunes, etc.) “Le Maroc n’a pas de plan d’action alors même que les Subsahariens, en s’installant durablement, deviennent une nouvelle composante de la société”, souligne-t-elle.

           

          Les harraga contre-attaquent

          En attendant que la classe politique veuille bien prêter l’oreille à leurs doléances, certains immigrés ont décidé de sortir de l’ombre et de prendre leur destin en main. Un projet de regroupements des travailleurs migrants est d’ailleurs sur les rails. Camara Laye, militant pour le droit des immigrés, explique : “Dans la classe politique, impossible de trouver une oreille attentive. Nous nous sommes donc tournés vers les militants syndicaux.” Le 1er mai dernier, ils étaient 260 travailleurs clandestins à défiler à Rabat, encadrés par des syndicalistes marocains. Et les discussions entre représentants communautaires et cadres de l’Organisation démocratique du travail (ODT) commencent à porter leurs fruits : les migrants clandestins pourront bientôt —la création de la section interne est prévue pour l’été 2012— intégrer le syndicat pour défendre eux-mêmes leurs droits.       

           

          Profil. Dessine-moi un migrant

          Les données sur cette population sont rares. Le tout récent rapport du CCME situe l’âge moyen des migrants à 31 ans. Majoritairement des hommes, sans enfants, célibataires, bien que les choses changent et que de plus en plus de personnes mariées s’installent au Maroc. Sans surprise, la plupart affirment émigrer pour des raisons économiques : ils recherchent un travail ou fuient une extrême pauvreté. La majorité d’entre eux viennent du Cameroun, du Sénégal, du Ghana et du Nigéria. Jusqu’à très récemment, beaucoup de clandestins ne vivaient que de mendicité ou de vente à la sauvette. Mais depuis peu, les choses commencent à évoluer : certains trouvent des emplois -informels- dans le BTP, l’agriculture et, dans une moindre mesure, comme employés de maison. La phrase à retenir du rapport du CCME est sûrement celle-ci : “La moitié des migrants disent qu’ils seraient tentés de séjourner au Maroc, si une régularisation avait lieu.”