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GéoPolitik - Page 11

  • Affaire Snowden,suite...

     

    Affaire Snowden: la détention de David Miranda fait des vagues

    Scandalisé par la détention de son compagnon David Miranda (d), Glenn Greenwald (g) - ici à l'aéroport de Rio le 19 août 2013 - a promis de faire de nouvelles révélations.
    REUTERS/Ricardo Moraes

    La détention, dimanche 18 août, durant neuf heures d’un collaborateur du Guardian à l’aéroport d’Heathrow provoque un vif émoi en Grande Bretagne et en dehors. Compagnon de l’un des journalistes auquel Edward Snowden a fait des révélations en mai dernier, David Miranda s’est vu confisquer son matériel électronique sous prétexte d’activité « terroriste », une méthode jugée illégale.

     

    La paranoïa suscitée par l’affaire Snowden - cet ancien consultant de la NSA (l’Agence américaine de renseignement) auteur de la fuite de documents ultrasecrets dans les médias - continue d’agiter le monde politique et diplomatique de part et d’autre de l’Atlantique. Dernier épisode en date, la détention dimanche 18 août durant neuf heures par la police anglaise de David Miranda, compagnon et collaborateur de Glenn Greenwald, le journaliste américain du quotidien anglais The Guardian auquel Edward Snowden a divulgué des informations confidentielles à partir de mai 2013.

    Détention illégale

    Alors qu’il transitait par l’aéroport d’Heathrow en provenance de Berlin et en partance pour Rio de Janeiro où il devait retrouver Glenn Greenwald, David Miranda, 28 ans, a été arrêté par la police anglaise en tant que suspect d’activité terroriste, un chef d’accusation qui a permis aux policiers de lui confisquer tous ses appareils électroniques (téléphone portable, ordinateur, clefs USB, DVD, consoles de jeux, etc.) et de le soumettre à un interrogatoire poussé durant neuf heures, soit le maximum prévu par l’article 7 de la loi antiterroriste promulguée en 2000 au Royaume-Uni.

    La nouvelle de la détention de David Miranda, illégale au strict regard des faits, a déclenché un torrent d’indignation. « La rétention de David Miranda était illégale et inexcusable. Il est de toute évidence victime de tactiques de représailles (de la part des gouvernements anglais et américains, ndlr) », s’est par exemple insurgé Widney Brown, un responsable d’Amnesty International cité par l’Agence France-Presse. « L’arrestation est sans justification puisqu’elle concerne un individu contre lequel aucune charge ne peut justifier l’utilisation de cette juridiction », a protesté officiellement le Brésil, pays dont David Miranda est ressortissant.

    Accréditant un peu plus la thèse de représailles ciblées, la Maison Blanche, un rien gênée, a pour sa part reconnu par la voix d’un porte-parole avoir été informée par avance de l’arrestation de David Miranda par la police anglaise. Les États-Unis n’étaient évidemment pas sans savoir que le collaborateur de Glenn Greenwald s’était rendu à Berlin pour y rencontrer Laura Poitras, une réalisatrice américaine travaillant aussi sur les révélations d’Edward Snowden.

    Contre-attaque en règle

    Scandalisé par la tournure des événements, Alan Rudsbridger, le rédacteur en chef du Guardiana révélé dans un article paru ce mardi 20 août, avoir été obligé, sous la menace de lourdes sanctions financières pour son journal et après avoir subi de nombreuses pressions émanant du pouvoir, d'autoriser le mois dernier la destruction de documents fournis par Edward Snowden. « Un des moments les plus bizarres de la longue histoire du Guardian s’est produit », décrit-il dans son article. « Deux experts en sécurité des services secrets ont supervisé la destruction de disques durs dans les sous-sols du journal. »

    De son côté, David Miranda a annoncé qu’il allait engager une poursuite judiciaire contre sa détention par les autorités britanniques. « David Miranda engage des poursuites au sujet du matériel qui lui a été confisqué lors de son interrogatoire dimanche à l'aéroport londonien d'Heathrow et pour la façon dont il a été traité », a déclaré sur la chaîne BBC Alan Rudsbridger. « Il veut récupérer ce matériel et il ne veut pas qu'il soit copié », a ajouté le rédacteur en chef du Guardian. C’est toutefois Glenn Greenwald qui s’est montré le plus vindicatif. « Je vais être bien plus agressif à partir de maintenant », a-t-il déclaré à Rio, où il est basé. « Je vais publier beaucoup plus de documents. (…) J’ai de nombreux documents sur le système d’espionnage britannique. Je pense qu’ils vont regretter ce qu’ils ont fait », a-t-il menacé.

    L’opposition britannique s’est également saisie de l’affaire, le Parti travailliste demandant des explications sur les raisons qui ont poussé les autorités à appliquer la loi antiterroriste à un passager en transit contre lequel aucun chef d’inculpation n’a été notifié. « Cela provoque une consternation considérable et il est nécessaire d’apporter rapidement une réponse », a déclaré Yvette Cooper, la députée travailliste chargé des questions de police, citée par l’AFP. « L’article 7 est une partie essentielle des disposition britanniques sur la sécurité. C’est à la police de décider quand il est nécessaire et approprié de recourir à ces mesures », s’est borné à répliquer le ministère anglais de l’Intérieur par l’intermédiaire d’un porte-parole.

  • NSA: dernières révélations

    Ce que nous apprennent les dernières révélations sur la NSA

    10/08/2013 | 10h06
     
     
     
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    Des gens portent des masquent d'Edward Snowden pendant le témoignage de Glenn Greenwald, au Brésil, le 6 août 2013 (Ueslei Marcelino/Reuters)

     

    Si nul ne doutait des capacités américaines à se doter de tels mécanismes de surveillance, les révélations sur les pratiques de la NSA pointent les failles d’un système américain « schizophrène » : entre surveillance à outrance et promotion de la liberté.

    Impasse. Les Etats-Unis semblaient avoir atteint une sorte de point de non-retour après l’affaire Snowden. En réalité, il se pourrait que ce ne soit qu’un début. Un ancien haut responsable de la NSA – sous couvert de l’anonymat – a confirmé ce jeudi au New York Times l’étendue du filtrage numérique de l’agence de sécurité américaine. Quelques jours plus tôt, le journaliste collaborateur du Guardian au Brésil, Glenn Greenwald, a également prévenu que l’espionnage américain ne se limitait pas à la lutte contre le terrorisme. Il serait également industriel et commercial. On se souvient du programme ECHELON (1999), utilisé pendant de nombreuses années aux Etats-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande pour intercepter via des satellites les télécommunications commerciales à l’échelle mondiale.

    Glenn Greenwald aurait en sa possession près de 20 000 documents secrets reçus des mains d’Edward Snowden et pourrait les rendre public “d’ici une dizaine de jours”. C’est ce qu’il a déclaré, auditionné par la Commission des relations extérieures du Sénat brésilien sur les révélations de l’ancien consultant de la NSA actuellement en Russie. Mais si Snowden fait office de “détonateur”, il est loin d’être le seul administrateur de systèmes a avoir eu accès à ce types de données. Quatre millions d’Américains sont en effet dotés de la “top secret security clearance”. Autrement dit, 1 Américain sur 50 peut actuellement se procurer les informations confidentielles des renseignements américains. Parmi eux, on dénombre 500 000 entreprises privées comme celle pour laquelle a travaillé l’ancien consultant de la NSA.

    “Avant même d’arriver au grand public, on peut imaginer que de nouvelles fuites pourraient arriver dans les oreilles de puissances étrangères, d’entreprises du renseignement étranger ou d’autres services d’Etat”, estime Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du Net.

    Pour l’hacktiviste Nicolas Diaz, l’enjeu est de taille : “Les Etats-Unis risquent de perdre la confiance de leurs citoyens et des autres pays avec leur arrogance technologique”. La conséquence d’une “schizophrénie latente entre promotion des libertés fondamentales et surveillance à outrance”, selon lui

    >> A lire aussi : Plainte contre X de la FIDH dans l’affaire Snowden: “La France s’est couchée devant les autorités américaines”

    Du point de vue américain, cet espionnage acharné est “légitimé” depuis le 11 Septembre et le début de la guerre contre le terrorisme mondial initiée par Georges W. Bush. “Près de 300 terroristes ont été arrêtés” grâce à XKeyscore, affiche fièrement le diaporama de formation de la NSA. Et pour les défenseurs de l’agence de sécurité américaine, les récentes menaces d’attentats justifiant la fermeture d’ambassades américaines au Moyen-Orient et en Afrique démontrent plus que jamais la valeur de tels programmes. Sans contester leur utilité dans le démantèlement de réseaux terroristes, Nicolas Diaz déplore tout de même la position de l’administration Obama :

    “Les Etats-Unis sont encore sous la chape de plomb de la famille Bush fondée sur la terreur d’un Etat Policier. Obama continue la politique rampante créée avec le Patriot Act et c’est désemparant…”

    Ce texte législatif voté le 26 octobre 2001 autorise la surveillance de toutes les télécommunications sans aucune autorisation préalable au nom de la défense des intérêts américains contre la menace terroriste. Il vient amender une autre loi, le Foreign Intelligence Surveillance Act (Fisa) qui autorise les agents du renseignement américain à collecter “statutairement [des] informations des renseignements étrangers (…) à partir des fournisseurs de services électronique sous supervision judiciaire”. Malgré quelques modifications en 2007, Fisa rend légal la surveillance de citoyens américains pouvant être en relation avec des cibles terroristes étrangères. Ce que Jérémie Zimmermann considère comme un “emballement du système juridique américain post-11 Septembre qui donne de plus en plus de pouvoirs à la NSA”.

    Ces mêmes prérogatives dont l’ampleur a été mise à nue par les deux derniers programmes espions en date de la NSA : Prism, dévoilé par le Guardian et le Washington Post fin juillet, puis XKeyscore décrypté par le Guardian début août. Ce dernier permettrait à ses analystes de recueillir en temps réel à les métadonnées d’un internaute lambda à l’aide d’un simple formulaire et sans autorisation préalable. Emails, tchats, sites visités, tout pourrait être collecté grâce à 700 serveurs disposés dans le monde entier.

    “Grâce à ces révélations, on a appris que les Etats-Unis sont effectivement postés au niveau de ces ‘backbones’ ou ‘nœuds névralgiques’ numériques, qui fonctionnent comme des péages”, explique Nicolas Diaz.

    En étant présent au niveau de ces passages numériques obligés, les Etats-Unis interceptent ainsi tous les flux d’information qu’ils souhaitent à l’étranger comme sur leur territoire et font ensuite leur tri grâce à la puissance de calcul de Xkeyscore.

    Une surveillance “massive et généralisée”

    Pour ce faire, les agents de la NSA remplissent un formulaire, précisent la période pendant laquelle les informations doivent être stockées (la période de stockage varie selon le poids et l’importance des données concernées, quelques jours tout au plus) en justifiant plus ou moins précisément les motifs de sa recherche. Ils ont ainsi accès à l’ensemble des contenus et les “contenants”, plus connus dans le jargon sous le nom de métadonnées (nom d’utilisateur, adresse, langue…à des messages réceptionnés. Pour Jérémie Zimmermann ces révélations sont bien “la preuve irréfutable du caractère massif et généralisé de cette surveillance” :

    “Jusque là, on n’avait que de très fortes suspicions et on se faisait taxer de complotistes, de paranoïaques. On a aujourd’hui l’assurance que c’est une réalité”, ajoute le porte-parole de la Quadrature du Net.

    Tout internaute est donc susceptible d’être contrôlé. Si de son côté la NSA affirme ne surveiller que des “cibles étrangères”, le fameux témoignage d’un de ses anciens employés au New York Times tue une nouvelle fois dans l’œuf les prétentions de l’agence de sécurité américaine. Selon lui, en effet, la NSA stockerait non seulement les communications d’Américains en contact direct avec des étrangers sous surveillance mais elle filtrerait également tout contenu mentionnant des informations relatives à ces cibles, avant de les “copier” puis de les stocker pendant un laps de temps plus ou moins long, selon l’importance et la taille de telles données. Chargée de réagir à ces nouvelles déclaration, la porte-parole de la NSA, Judith A. Emmel, ressort le même discours :

    “Les renseignements recueillis ne visent pas les Américains mais ‘les puissances étrangères et leurs agents, les organismes étrangers et les terroristes internationaux’.”

    L’agence de sécurité précise que ses opérateurs doivent être sûrs à 51 % que l’individu ciblé soit étranger pour lancer leur traque numérique, dans le cadre notamment de l’autre programme d’espionnage Prism. Un “habillage cosmétique pour dire qu’ils accèdent aux données de tout le monde, tout le temps”, d’après Jéremy Zimmermann : “Quand tu es sûr à 50% de quelque chose, c’est pile ou face +1, tu n’es sûr de rien du tout”, ironise-t-il.

    La collaboration effective des géants d’Internet

    Les révélations successives relatives aux manœuvres de la NSA ont aussi cela d’inédit qu’elles dévoilent la collaboration effective des géants de la recherche sur Internet avec la NSA dans da traque globale des Etats-Unis. Le programme Prism permettrait aux renseignements américains d’utiliser les données issues des plus grands fournisseurs d’accès internet grand public : Google, Yahoo!, AOL, Youtube… Pour autant, un “accès direct” à leur données a très vite été démenti par les principaux concernés.

    “Nous n’avons pas de preuve qu’un contrat imposerait à Google et consorts de laisser les renseignements américains avoir directement accès à leurs serveurs”, confirme Nicolas Diaz.

    Les fournisseurs d’accès semblent jouer sur les mots, alors que la présentation du programme Prism mis en ligne par le Washington Post liste les compagnies concernées.

    “Ces firmes nient avoir un accès direct, mais des accès indirects suffisent… leur démenti est par là-même une arnaque complète”, continue le porte-parole de la Quadrature du Net.

    En France, ces soupçons de collusion ont également été réaffirmés par la FIDH à travers une plainte contre X déposée conjointement avec la LDH devant le procureur de la République française le 12 juillet dernier. Interrogé par les Inrocks, le président d’honneur de la Fédération, Patrick Beaudoin, a lui aussi émis des doutes certains sur cette collusion :

    “L’objet d’une potentielle enquête pourra apprécier si ces multinationales ont été complices ou victimes de ce système comme elles le laissent entendre. Mais je n’imagine pas qu’elles n’aient pu avoir connaissance d’une intrusion des renseignements dans leur logistique.”

    L’accusation peut inquiéter ces prestataires numériques qui se targuent d’une transparence absolue de leurs méthodes et du droit à la liberté numérique de leurs utilisateurs : “Votre vie privée est notre priorité”, rappelait Microsoft dans sa dernière campagne de pub, en mai dernier.

     

     

    Alors que son administration a été récemment sommée de s’expliquer devant le Sénat, Barack Obama viendrait tout juste de recevoir à la Maison Blanche plusieurs représentants de sociétés high-tech, dont Tim Cook (PDG d’Apple) et Vint Cert (vice-président de Google) pour échanger sur les pratiques de surveillance de son gouvernement.

     
  • Chomsky sur les négociations...

    Chomsky sur les négociations israélo-palestiniennes et la Syrie

    12 septembre 2013

    Pour la première du Mur a des oreilles, Frank Barat a interviewé Noam Chomsky sur la supercherie des négociations israélo-palestiniennes. Le linguiste qui n'a pas la langue dans sa poche donne également son avis sur la situation en Syrie. (IGA)

    Entretien avec Noam Chomsky qui évoque les négociations Israélo-palestiniennes et la situation en Syrie.
    (le 06/09/2013)
    LMaDO (Frank Barat) : Quelle est la définition de « négociations » dans le dictionnaire israélo-américain ? Et pourquoi l'Autorité Palestinienne joue-t-elle le jeu ?
    NC : Du point de vue des États-Unis, les négociations sont un moyen pour Israël de continuer d'appliquer ses politiques systématiques de confiscation de tout ce qu'il veut en Cisjordanie, de maintien du siège de Gaza, de séparation de Gaza d'avec la Cisjordanie et, bien sûr, d'occupation du plateau du Golan Syrien. Tout ça avec le soutien total des États-Unis. Comme depuis plus de vingt ans ans et l'expérience d'Oslo, le cadre posé par les négociations offre simplement une couverture pour cela.
    LMaDO : Pourquoi l'Autorité Palestinienne joue-t-elle le jeu et continue-t-elle de retourner à la table des négociations ?
    NC : Probablement, en partie, en désespoir de cause. On peut se demander si c'est le bon choix mais ils n'ont pas beaucoup d'alternatives.
    LMaDO : Selon vous c'est donc plus ou moins pour survivre qu'ils acceptent le cadre des négociations ?
    NC : S'ils refusaient de se joindre à ces négociations, menées par les États-Unis, leur base de soutien s'effondrerait. Ils survivent principalement sur des dons. Israël s'est assuré qu'ils ne développent pas une économie productive. Ils sont une sorte de « Société Schnorrer », comme on dirait en Yiddish : vous pouvez juste emprunter et vous vivez avec ce qu'on vous accorde.
    Ont-ils une alternative à cela ? Ce n'est pas très clair. Mais s'ils refusaient l'injonction des États-Unis à venir négocier, même sur des bases totalement inacceptables, ils perdraient du soutien financier. Et ils ont du soutien, de l'extérieur. Suffisamment pour permettre à l'élite palestinienne de vivre une vie plutôt décente – souvent fastueuse même – pendant que leur société s'effondre autour d'eux. 
    LMaDO : La chute, la disparition de l'Autorité Palestinienne serait-elle une mauvaise chose après tout ?
    NC : Cela dépend de ce qui la remplacerait. Si, par exemple, Marwan Barghouti était autorisé à participer à la société civile à nouveau, comme l'a finalement été Nelson Mandela à son époque, cela pourrait redynamiser l'organisation d'une société palestinienne capable de faire pression, avec de réelles exigences. Mais n'oublions pas qu'ils n'ont que très peu d'options.
    En fait, revenons vingt ans en arrière, au début des accords d'Oslo. Des négociations étaient en cours, les négociations de Madrid, pour lesquelles la Palestine était représentée par Haider Abdel-Shafi – homme de la Gauche Nationaliste, très respecté en Palestine. Il avait refusé les termes de négociations posés par Israël et les États-Unis, qui exigeaient que l'expansion des colonies se poursuive. Son refus a entrainé le blocage complet des négociations, qui n'ont donc abouti à rien. 
    Pendant ce temps, les Palestiniens de l'étranger, menés par Arafat, empruntaient une route secondaire via Oslo et prenait le contrôle des négociations. Haider Abdel-Shafi était tellement opposé à cela qu'il n'a même pas assisté à la mascarade de cérémonie où Clinton rayonnait pendant qu'Arafat et Rabin se serraient la main. Il n'est pas venu parce qu'il avait compris que c'était une véritable trahison. Lui avait agit selon ses convictions et n'avait donc rien obtenu.
    Et nous n'obtiendrons rien sans un soutien important de l'Union Européenne, des pays du Golfe et, en fin de compte, des États-Unis. 
    LMaDO : D'après vous quels sont les réels enjeux des évènements actuels en Syrie ? Et quel peut en être l'impact sur la région ?
    NC : La Syrie va au suicide. C'est une histoire horrible qui empire de jour en jour. Il n'y a aucune lueur d'espoir à l'horizon. Ce qui va se passer, si cela continue, c'est que la Syrie va finir par être divisée, probablement en trois régions : une région Kurde, qui est déjà en train de se former et qui pourrait se joindre d'une certaine manière au Kurdistan Irakien semi-autonome, peut-être par le biais d'une sorte d'accord avec la Turquie.
    Le reste du pays sera divisé entre une région dominée par le régime de Assad – un régime horriblement violent, et une autre zone dominée par les différentes milices, qui vont des milices extrêmement malveillantes à d'autres plus laïques et démocratiques. 
    Pendant ce temps, Israël observe et apprécie le spectacle. Le New York Times de ce matin citait un dirigeant israélien exprimant son plaisir à voir les arabes se massacrer entre eux.
    C'est également très bien pour les États-Unis, qui ne souhaitent pas non plus de solution à ce conflit. Si les États-Unis et Israël voulaient vraiment aider les rebelles – ce qu'ils ne font pas – il leur serait facile de le faire, sans intervention militaire. Par exemple, si Israël déployait des troupes sur le plateau du Golan (bien sûr il s'agit du plateau du Golan Syrien mais, de nos jours, le monde tolère plus ou moins, accepte même, l'occupation israélienne dans cette zone) ; s'il faisait juste ça, cela obligerait Assad à déplacer des forces vers le sud ce qui soulagerait un petit peu les rebelles. Mais rien ne laisse penser que cela va se passer. Ils ne donnent pas non plus d'aide humanitaire aux nombreux réfugiés qui souffrent. Ils ne font aucune des choses très simples qu'ils pourraient faire. 
    Tout cela laisse supposer qu'Israël et les États-Unis préfèrent que les choses se passent exactement comme elles sont en train de se passer, comme le relayait le New York Times de ce matin. Pendant ce temps, Israël peut célébrer son statut d' « Oasis au milieu du Désert » (« Villa in the Jungle », ndt) comme ils aiment s'appeler.
    Un article intéressant d'Aluf Benn a paru dans Hareetz. On pouvait y lire que les israéliens s'amusent, vont à la plage et s'auto-congratulent d'être ce petit village paisible pendant que le reste de la région se déchire et s'entretue. Et, bien évidemment, Israël ne fait que se défendre. Ils aiment cette image et elle semble ne pas déplaire non plus aux américains.
    Le reste n'est que fanfaronnades.
    LMaDO : Que pensez-vous des discussions à propos de frappes américaines ? Cela va-t-il arriver ?
    NC : Un bombardement ?
    LMaDO : Oui.
    NC : Eh bien, il y a un débat intéressant aux États-Unis à ce propos. L'extrême droite, qui est un peu en marge du panel international, s'y oppose – pas pour des raisons que j'approuve. Ils s'y opposent parce qu'ils disent : « Pourquoi devrions-nous résoudre les problèmes des autres et gaspiller nos ressources ? »
    Ils demandent, littéralement : « Qui viendra nous défendre lorsque que nous serons attaqués puisque nous passons notre temps à aider les pays étrangers ? »
    Ça, c'est l'extrême droite.
    Pour savoir ce que pense la droite « modérée », nous pouvons lire des gens comme David Brooks du New York Times par exemple, considéré comme un analyste intellectuel de droite.
    Pour lui, l'effort américain de se retirer de la région n'a pas un « effet modérateur ». Au contraire, il dit que la présence des forces américaines dans la région a un effet bénéfique. Cela améliore la situation, comme vous pouvez le voir en Irak par exemple. Mais si nous nous retirons, nous ne sommes plus capables de gérer et améliorer la situation.
    Ceci est l'opinion la plus répandue des intellectuels de droite jusqu'aux les libéraux-démocrates, etc...
    Alors il y a de grands débats pour savoir si « Nous devrions exercer notre Responsabilité de protéger ? »
    Eh bien, jetez juste un oeil au bilan de la Responsabilité de protégeraméricaine. Le fait même que ces mots puissent être prononcés en dit long sur la culture morale et intellectuelle des États-Unis, et de l'Occident en général.
    Sans parler du fait que c'est une grossière violation de la loi internationale.
    La dernière trouvaille d'Obama est de dire que ce n'est pas lui qui a fixé la « ligne rouge » mais le monde, par le biais de ses conventions sur la guerre chimique. Eh bien, en effet, le monde a un traité à ce sujet, traité qu'Israël n'a pas signé et que les États-Unis ont totalement négligé, par exemple quand ils ont soutenu l'utilisation d'armes chimiques par Saddam Hussein. Aujourd'hui, cet épisode est utilisé pour dénoncer Saddam Hussein, et on oublie qu'il n'était pas seulement toléré mais clairement soutenu par le gouvernement Reagan. Évidemment, la convention sur la guerre chimique ne dispose d'aucun pouvoir coercitif. 
    La Responsabilité de protéger, ça n'existe pas. C'est une fraude. Une invention de l'Occident. Il existe deux notions de ce concept : la première a été votée par l'Assemblée Générale des Nations Unies, qui parle de « Responsabilité de protéger » mais ne donne aucune autorisation d'intervenir, sous quelque forme que ce soit, sauf sous les conditions de la Charte des Nations Unies. Il en existe une seconde version, adoptée seulement par l'Occident, les États-Unis et ses alliés, qui est unilatérale et dit que la Responsabilité de protéger permet « l'intervention militaire par des organisations régionales, dans la région qu'elles contrôlent, sans autorisation du Conseil de Sécurité. »
    Si on le traduit en anglais, cela veut dire que les États-Unis et l'OTAN sont autorisés à utiliser la violence quand ils le décident et sans autorisation du Conseil de Sécurité. Voilà ce qu'est la Responsabilité de protégerdans le langage occidental. Si ce n'était pas si tragique, ce serait risible.
    LMaDO : Merci professeur Chomsky, ce fut un plaisir de discuter avec vous.
    Traduction : Ounsi et R.K-B
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    Israël-Palestine Negociations Syrie

  • Le grand tabou US

     
     

    24 septembre 2013

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    « Quand on s’engage à servir son pays et qu’on prête serment, on s’y tient. Ce n’est pas une option. » Steven Bussi de la Fondation Néoconservatrice Heritage, à propos de Chelsea Manning, (anciennement connu sous le nom de Bradley). Vraiment ? Peu importe ce que l’on demande à un individu qui s’est engagé ? Peu importe ce qu’il voit ou ce qu’il sait, il doit ignorer sa conscience et obéir aux ordres ? Mais Steven, mon ami, vous n’êtes pas sans savoir qu’après la Seconde Guerre Mondiale de nombreux Allemands utilisèrent, bien évidemment, l’excuse d’avoir obéi aux ordres. Les alliés victorieux exécutèrent pourtant beaucoup d’entre eux.

     

     

    Les condamnations à mort furent prononcées par le Tribunal Militaire International de Nuremberg, en Allemagne, qui déclara que les individus ont des devoirs internationaux qui surpassent les obligations nationales d’obéissance. C’est pour cela que les citoyens, en tant qu’individus, ont le devoir d’enfreindre les lois nationales pour empêcher que des crimes contre la paix et contre l’humanité n’aient lieu.

     

    En outre, le Principe IV de Nuremberg stipule : le fait qu’une personne agisse selon les ordres de son Gouvernement ou d’un supérieur ne l’exonère pas de sa responsabilité au regard des lois internationales, pour peu qu’on parvienne à démontrer qu’il avait la possibilité d’agir autrement.

     

    Manning, mais aussi Edward Snowden, avaient des alternatives d’ordre moral et ils les ont saisies.

     

    Il convient de dire que Barack Obama a refusé de présenter à la justice ceux qui, sous l’ère Bush, étaient impliqués dans les actes de torture car, affirme-t-il, ils ne faisaient qu’obéir aux ordres. Cet homme instruit, n’a-t-il jamais entendu parler du Tribunal de Nuremberg ? Pourquoi n’est-il pas gêné de répéter encore et toujours le même argument ?

     

    Durant les trois dernières années d’incarcération, de torture et d’humiliation que Manning a vécues et qui ont augmenté considérablement ses difficultés personnelles déjà existantes, j’imagine que l’idée du suicide lui a traversé l’esprit à bien des reprises. Cela aurait été le cas si j’avais été à sa place. Au cours des milliers de jours et de longues nuits d’incarcération à venir, ces pensées habiteront peut-être Manning. Si les pensées se transforment en désir et si le désir devient insupportable, j’espère que cette jeune femme courageuse trouvera le moyen de le réaliser. Toute personne possède ce droit, même les héros.

     

    Les Etats-Unis et leurs petits caniches européens sont peut-être allés trop loin, pour leur propre bien, dans leurs tentatives de contrôler toute communication dissidente en exigeant toutes les données de la part des sociétés impliquées dans la messagerie codée, en mettant la pression pour fermer plusieurs d’entre elles, en obligeant l’avion du président bolivien à atterrir, en détruisant les ordinateurs d’un journal important, en arrêtant la conjoint d’un journaliste pendant plus de neuf heures dans un aéroport, en s’appropriant les conversations téléphoniques de journalistes de l’Associated Press, en menaçant d’emprisonnement un journaliste du New York Times s’il ne révélait pas sa source lors d’une opération d’infiltration, en mentant de manière éhontée au plus haut niveau, en dissimulant des micros au sein du Parlement Européen et des Nations Unies, en organisant des surveillances sans limites. Où tout cela s’arrêtera-t-il ? A quel moment cela sera-t-il contreproductif et permettra aux Etats-Unis de revenir à un niveau de surveillance normal ? Le 24 Juillet, une loi limitant le pouvoir de la NSA a été retoquée par seulement 217 votes contre 205 à la Chambre des Représentants.

    Et combien de temps encore Amnistie Internationale continuera-t-elle à salir son image en niant l’évidence ? A savoir que Manning rentre dans la catégorie des Prisonniers d’Opinion. Quiconque visite le site d’Amnistie Internationale à la recherche de Prisonniers d’Opinion en trouvera un grand nombre, dont plusieurs cubains. Existe-il un lien entre l’oubli de Manning et le fait que la Directrice Exécutive d’Amnistie Internationale, Suzanne Nossel, ait pris ses fonctions actuelles tout de suite après son départ du Département d’Etat Américain, où elle occupait le poste de Vice-Secrétaire Adjointe en charge des Organisations Internationales ?

     

    Un coup de fil au siège d’Amnistie Internationale à New York ne m’a pas permis d’obtenir une quelconque explication sur l’oubli de Manning. Je suggère que les lecteurs essaient de l’obtenir en contactant le bureau d’Amnistie Internationale de leur pays.

     

     

     

    En attendant, l’autre grande organisation internationale de défense des droits de l’homme, HRW, a vu le Directeur du bureau de Washington, Tom Malinowski, être nommé par Obama, Secrétaire d’Etat Adjoint en charge de la Démocratie, des Droits de l’Homme et du Droit du Travail. Est-il vraiment exagéré d’attendre d’un haut fonctionnaire à la tête d’une organisation de défense des Droits de l’Homme qu’il refuse de travailler pour un gouvernement qui a le plus enfreint les Droits de l’Homme au cours des cinquante dernières années ? Et si cette nomination vous semble écœurante, il vous faut considérer la torture comme le meilleur exemple de la cruauté humaine. Qui d’autre que les Etats-Unis a été le plus impliqué dans cette horreur ? Allant même jusqu’à l’enseigner, fournissant manuels et équipements, créant des centres de torture un peu partout dans le monde, séquestrant des personnes pour les conduire vers ces lieux, incarcération, alimentation forcée, Guantanamo, Abu Ghraib, Bagram, Chili, brésil, Argentine, Chicago…

     

     

    Que Dieu nous pardonne !

     

     

    Auteur de Killing Hope : U.S. Military and CIA Interventions Since World War II, Rogue State : a guide to the World s Only Super Power.

    Son dernier ouvrage s’intitule America s Deadliest Export : Democracy.

    Contact : BBlum6@aol.com <mailto:BBlum6@aol.com>

    Source originale : Counterpunch

     

    Traduction : Collectif Investig'Action

  • Michel Collon à Algeriepatriotique

     
     

    26 septembre 2013

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    Algeriepatriotique : Comment évaluez-vous le développement de la situation en Syrie en ce moment ?
    Michel Collon : Je crois que l’on assiste à un tournant historique. On voit que les Etats-Unis, qui ont été, jusqu’à présent, très arrogants et se permettaient de déclencher des guerres assez facilement, sont maintenant face à une résistance très forte en Syrie, face aussi à un refus de la Russie et face à la résistance croissante des pays du Sud. Le sentiment qui se développe en Amérique latine, en Afrique, dans le monde arabe aussi et en Asie bien entendu, est que les Etats-Unis sont une puissance déclinante, qu’ils mènent une politique égoïste visant seulement à voler les richesses pendant que les peuples restent dans la pauvreté, et qu’il est donc temps de résister à ces guerres qui sont purement économiques, des guerres du fric, et qu’il faut construire un front par rapport aux Etats-Uniset à leurs alliés européens, puisque l’Europe suit les Etats-Unis de manière très docile et hypocrite et est impliquée dans ce système.


    Nous avons réalisé une série d’entretiens avec des personnalités aussi divergentes les unes que les autres, notamment Paul Craig Roberts qui fut conseiller de Reagan. Un point revient souvent : dans le monde occidental, aujourd’hui, les anti-guerre par rapport à ceux qui dénonçaient la guerre du Vietnam, par exemple, sont à droite. Pourriez-vous nous faire un commentaire à ce sujet ?

    Nous avions, en Europe, un mouvement anti-guerre extrêmement puissant qui s’était développé justement pendant la guerre du Vietnam. Ce mouvement a été très affaibli. On en a vu encore une pointe en 2003 au moment où Bush a attaqué l’Irak et où nous étions des millions dans la rue, mais il faut bien constater que quand les Etats-Unis ont attaqué la Libye, quand ils sont intervenus en Yougoslavie et en Afghanistan, il n’y a pas eu de forte résistance. Je pense qu’il faut analyser le problème en se demandant comment la Gauche européenne qui avait toujours été en principe anti-guerre, anti-coloniale, anti-injustices sociales, se retrouve maintenant, à de très rares exceptions, aux côtés des Etats-Unis et de l’Otan, dans une grande alliance qui englobe Israël, l’Arabie Saoudite, le Qatar et toutes ces dictatures épouvantables qui prétendent qu’elles vont apporter la démocratie en Syrie. Et la gauche européenne marche avec ça ? C’est une comédie et il est très important d’expliquer d’où cela provient. Je pense qu’on a perdu le réflexe de se méfier du colonialisme, de refuser la guerre et de rechercher des solutions politiques aux problèmes. On a perdu cette idée que les nations ont le droit de décider de leur système social, de leur avenir, de leurs dirigeants et que ce n’est pas à l’Occident colonial de dire qui doit diriger tel ou tel pays. Nous avons un grand examen de conscience et une analyse à faire : comment se fait-il que ceux qui devraient être à gauche se retrouvent avec ceux que je considère, moi, comme l’extrême droite, à savoir Israël, l’Arabie Saoudite et le Qatar ?

    D’après les informations que nous avons récoltées à travers nos entretiens et qui se confirment, Barack Obama serait otage du lobby israélien, notamment via l’Aipac et ses partisans, comme Susan Rice, Lindsay Graham, etc., et les néo-conservateurs pro-israéliens. Qu’en pensez-vous ?

    C’est une thèse très répandue que les Etats-Unis sont dirigés par Israël et je ne suis pas d’accord avec cette position. Je pense, en fait, que c’est le contraire. Ce n’est pas le chien qui commande à son maître, c’est le maître. Quand vous regardez l’économie israélienne et son budget, vous voyez bien que la force est aux Etats-Unis et qu’Israël est ce que j’appelle le « porte-avions » des Etats-Unis au Moyen-Orient. Bien sûr, le lobby est un phénomène qui joue, mais le jour où l’élite des Etats-Unis décidera qu’Israël ne nous est plus utile ou qu’il nous fait du tort parce que tout le monde arabe est en train de résister et nous allons perdre notre crédit et notre marge de manœuvre au Moyen-Orient, ce jour-là, les Etats-Unis lâcheront Israël. Il y a des fantasmes sur le lobby juif qui dirigerait le monde, mais je ne crois pas à cette théorie.

    L’Aipac n’est pas une vue de l’esprit…

    Nous sommes dans un monde dirigé par les multinationales. Quand vous voyez qui a le pouvoir de contrôler les richesses, de décider l’économie, de contrôler Wall Street, la City, Frankfurt, etc., ce sont des multinationales. Et le fait qu’il y ait quelques patrons juifs n’est pas le problème. Je pense vraiment que l’on doit s’en prendre au système des multinationales et ne pas prendre la conséquence pour la cause.

    Vous avez dit dans l’émission de Taddéï : « Vous m’inviterez un jour car ce sera au tour de l’Algérie d’être ciblée par une frappe ou une guerre. » Le pensez-vous toujours ?

    Oui, je pense que ce qu’il se passe en Tunisie et au Mali et l’attaque contre la Syrie annoncent qu’effectivement les Etats-Unis sont en train d’exécuter un plan de recolonisation de l’ensemble du monde arabe et des pays musulmans – puisqu’il y a l’Iran aussi – qui ont échappé au colonialisme classique. Clairement, l’Algérie fait partie des cibles, comme l’Iran, et donc il est très important de voir qu’en défendant l’autodétermination du peuple syrien, on empêche les Etats-Unis d’attaquer les cibles suivantes. Ce que je dis dans ce cas, c’est que, en fait, il s’agit toujours de la même guerre. Nous sommes dans les différents chapitres d’une même guerre de recolonisation.

    Entretien réalisé par Mohsen Abdelmoumen