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Afrique - Page 2

  • Réserve naturelle de biocombustibles (1/2)

     

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    Sénégal, région de Saint-Louis. L'entreprise italo-américaine Senhuile-Senethanol a obtenu une concession de 20.000 hectares de terres pour 55 ans pour cultiver des tournesols et des patates douces. L'investissement, qui vise essentiellement à produire de l’éthanol pour l'export n'est pas la première tentative de l'entreprise dans le pays : elle avait déjà essayé l'année précédente à Fanaye. A la suite d'une manifestation de protestation ayant entraîné deux morts et un vingtaine de blessés, le gouvernement avait opté pour la délocalisation du projet. C'est ainsi qu'une réserve naturelle, la réserve Ndiaël protégée par la convention de Ramsar, a été déclassifiée de son statut au nom de l’intérêt public et concédée à l'entreprise. La zone n'est pourtant pas moins peuplée que Fanaye, ni moins vitale pour ses habitants qui l'utilisent pour leurs propres activités économiques et leur subsistance.

    Avec 3,8 millions d'hectares de terres arables et 60% de la population active occupée dans l'agriculture familiale, le Sénégal n'est toujours pas en mesure de garantir sa souveraineté alimentaire et il importe le 60% de sa consommation, principalement le riz, le blé et le maïs. Cette dépendance a montré largement ses limites quand la crise pétrolière de 2006 s'est répercutée sur le marché agroalimentaire et a provoqué une forte inflation des prix des biens de première nécessité. A Parcelles, dans la banlieue de la capitale sénégalaise, le riz a augmenté de 35% en une seule journée1. L'ancien président Wade, avec la devise d'assurer l'indépendance énergétique du pays et faire face à la crise alimentaire, avait lancé en 2008 la Grande offensive agricole pour la nourriture et l'abondance (GOANA), programme politique dans lequel s'était inscrit deux ans plus tard la Loi d'orientation des biocarburants2 qui trace le cadre général pour le développement de l'industrie des biocarburants dans le pays.

    Un programme spécial biocarburants visant à promouvoir la culture du Jatropha Curcas3 avait déjà été lancé en 2007 dans le cadre du plan Retour Vers L'agriculture (REVA) (2006), prévoyant de « créer une dynamique nationale de retour massif des populations vers la terre » à travers la création de « pôles d’émergence agricoles (PEA) », mais ayant explicitement pour finalité la promotion de l’initiative privée dans le secteur agro-industriel, ce qui a surtout provoqué des attributions massives en faveur des dirigeants politiques et religieux, et des sociétés internationales. Il en a été de même pour la GOANA qui exhortait elle aussi tous les Sénégalais en mesure de cultiver la terre à le faire et demandait aux communautés rurales de mettre à la disposition de ce programme une superficie de 1.000 hectares chacune, en donnant la priorité à ceux qui avaient les moyens de se lancer dans une exploitation rentable.

    Ce n'est donc pas un hasard si depuis 2006 le Sénégal a connu une forte augmentation des investissements directs étrangers dans l'agriculture. « Nous sommes en présence d'un mécanisme construit pour enlever les terres aux paysans et les faire revenir dans les mains de l'état, qui à son tour les accorde aux grands capitaux » déclare Mariam Sow, coordonnatrice d'Enda Pronat4, ONG sénégalais active dans le champ du développement rural et parmi les premières a avoir attiré l'attention sur l'ampleur des acquisitions de terres dans le Pays. L'IPAR, Initiative Prospective Agricole et Rurale affirme5 qu'en mai 2011, 249.353 hectares ont déjà fait l’objet de transactions à destination de privés étrangers, et 160.010 sont passés dans les mains de nationaux ne résidant pas dans les communautés rurales intéressée, soit au total plus de 10% du potentiel agricole du pays.

    Il faut donc s'inscrire dans ce panorama pour comprendre l'histoire du projet agricole Senhuile-Senéthanol initiée le 20 juillet 2010 quand M. Karasse Kane, président du conseil rural de la communauté de Fanaye, (département de Podor, région de Saint-Louis) signe avec l'entreprise Senéthanol un accord de mise à disposition de 20.000 hectares de terrain situé sous sa juridiction. Le projet, un investissement de 137 milliards de francs CFA (environ 228 millions d'euros), prévoyait la conversion de terres agropastorales, composées de savane et de plaines sèches, utilisées alors pour l'élevage traditionnel en une culture intensive de patate douce pour la production d'éthanol.

    Senéthanol est composée à 25% de capitaux privés sénégalais les 75% restants appartenant à ABE ITALIA SRL, elle-même propriété de ABE LLC (Advanced Bioenergy, USA) à 66% et AGR.I. SRL à 34%. Comme c'est souvent la méthode pour rentrer sur ce type de marché, c'est une entreprise partiellement locale qui négocie l'accord avec les autorités, mais ce n'est en réalité que l'arbre qui cache la forêt puisqu'en marge de cet accord, Senéthanol signe une alliance avec une autre société Italienne TAMPIERI FINANCIAL GROUP, spécialisée elle dans la culture de tournesols pour la production d'huile et de biocarburant, donnant naissance à Senhuile-Senéthanol détenue à 49% par SENETHANOL SA et 51% par TAMPIERI FINANCIAL GROUP SPA6.

    Selon ses promoteurs le projet agricole de Fanaye aurait dû créer au moins 5.000 emplois, et on peut se demander lesquels en considérant que ce type d'exploitation entièrement mécanisée ne nécessite que très peu de main d’œuvre, exception faite dans certains cas de la récolte, ce qui ne se produit que quelques mois dans l'année. Le recrutement n'a pas eu lieu, ce qui a renforcé la position des habitants qui jugent inacceptables de telles concessions dans un pays où l’accès à la terre est déjà précaire. L'arrivée de l'armée et la sécurisation de la zone n'a pas contenu la protestation, et six mois après les violents affrontements de Fanaye, le 20 mars 2012, deux décrets sont émis le même jour.7 Le premier établit la déclassification partielle d'une aire de 26.550 hectares située dans la réserve naturelle de Ndiaë, déclarée en 1977 « zone humide d'importance internationale » par la Convention de Ramsar. Le second décret en attribue 20.000 pour une période de 55 ans au projet Senhuile-Senéthanol. Une antenne de 6.000 hectares située en périphérie de la zone est destinée au relogement des populations qui habitent la terre désormais concédée à l'entreprise. Il s'agit de 37 villages, 9.000 habitants des communautés rurales de Ngnith, Diama de Ronkh et Ross-Béthio.

    Les Peuls, éleveurs semi-nomades, qui habitent depuis des siècles l'Afrique occidentale, représentent le principal groupe ethnique dont la plupart étaient déjà sur place avant que la zone ne soit déclarée réserve naturelle, ce qui les avait alors privés de la possibilité d'avoir ne serait-ce qu'un droit d'usage de la terre à des fins agricoles. La communauté s'était cependant vu accorder le droit d'utiliser le bois mort, la nourriture et les plantes médicinales, gommes et résines que l'on trouve naturellement dans la réserve. Ils étaient également autorisés à utiliser la zone pour le pâturage, le site étant le seul espace encore disponible pour l'élevage dans la région. On comprend donc les raisons de l'indignation des villageois qui déclarent n'avoir pas été mis au courant avant la mise en exploitation du projet. Ils l'ont découvert brutalement, réveillés un beau matin par le bruit des machines au travail.

    Une telle course à la terre peut paraître surprenante, et en particulier dans un pays caractérisé par la faible disponibilité en eau et la désertification croissante des sols. Ce n'est pas l'avis de la Banque mondiale qui dans son rapport Awakening Africa's Sleeping Giants publié en 2009, décrit la savane guinéenne comme l'une des plus grandes réserves de terres agricoles sous-utilisées dans le monde et insiste sur l'idée que des potentiels agricoles nettement sous-explorés se cachent dans toute l'Afrique, incluant notamment des zones semi-désertiques. Sous la formule Land Abundant, Investor Scarce la Banque mondiale semble donc justifier les investissements terriens sur le continent, en souhaitant leur réglementation dans un optique win-win. On est de fait face à une pression pour la commercialisation à grande échelle de la terre sur le continent Africain.

    Quatre ans plus tard, cette approche n'a pas changé, la dernière publication sur le site de la Banque mondiale8affirme que le potentiel du secteur agricole et agroalimentaire en Afrique pourrait se chiffrer à 1.000 milliards de dollars à l’horizon 2030. C'est à dire trois fois plus qu'aujourd'hui. On y trouve aussi confirmée l'idée que l'Afrique concentre plus de la moitié des terres fertiles et pourtant inexploitées de la planète.

    La Banque mondiale interprète ici ce que les marchés avaient déjà commencé à mettre en application : depuis l'année 2008, environ 45 millions d'hectares (représentant l'équivalent de plus de 80% de la surface de la métropole française) ont été l'objet de transactions financières visant à investir dans des projets agricoles, les deux tiers ayant eu lieu sur le sol africain et concernant des terrains d'une superficie comprise entre 10.000 et 200.000 hectares. Selon l'ONG Grain, la superficie vendue ou concédée serait en réalité largement supérieure, de l'ordre 56 millions d'hectares pour la seule période 2008-2009 si l'on considère l’ensemble des chiffres rapportées par les médias et les dénonciations des réseaux locaux. Ce sont les économies les moins développées, caractérisées par la prédominance du secteur agricole, qui attirent le plus ces capitaux. D'après les données relevées pour le Land Matrix Database9, les investisseurs sont attirés par des pays qui combinent une bonne garantie institutionnelle des investissements et une faible sécurité foncière pour les populations autochtones, ce qui permet un accès facile à la terre tout en assurant un prix bas10.Au Sénégal, du fait de la persistance de la loi sur le domaine national, la plupart des terres ne sont affectées que pour un droit d’usage, pouvant être facilement révoqué par l'état au nom de l'intérêt public, notion dont le cadre manque fort de précision.

    Lors d'un repérage dans la région, accompagnée par Isma Ba, le chef du village de Yowré, et Stefano Lentati, directeur de l'ONG italienne Fratelli dell'uomo11, nous avons pu observer nous-même l'exploitation. On n'est qu'à quelques kilomètres de la frontière avec la Mauritanie où la nature semble n'offrir que du sable et quelques herbes sèches, et des centaines de milliers de tournesols et de longs canaux remplis d'eau se détachent du décor. En se déplaçant de quelques kilomètres, on peut voir en action le système d'arrosage projeter en l'air d'énormes quantités d'eau. Une telle technique d'irrigation, canaux à ciel ouvert et jets continus en plein soleil par 45 degrés, entraîne vraisemblablement une perte des deux tiers du précieux liquide par évaporation avant même d'avoir pénétré le sol. De leur coté, les femmes de Iowre marchent dix kilomètres de plus chaque matin pour atteindre le puits où se fournir en eau : les gardiens placés au contrôle de la zone interdisent le passage.

    (… à suivre)

    1ALAIN ANTIL, « Les émeutes de la faim » au Sénégal. IFRI, mars 2010

    2Loi 2010-22 du 15 Décembre 2010

    3Plante non comestible mais dont les graines sont riches en matières grasses transformables (env. 35% d'huile)

    5Faye I.M., Benkahla A., Touré O., Seck S.M., Ba C.O,Les acquisitions de terres à grande échelle au Sénégal : description d’un nouveau phénomène.Initiative Prospective Agricole et Rurale, mai 2011

    6Impact des investissements agricoles italiens dans les biocarburants au Sénégal, Dossier IPAR, avril 2012

    7Décret n°2012-366 du 20 mars 2012 et Décret n°2012-3667 du 20 mars 2012

    9http://landportal.info/fr/node/10290 : Le Land Matrix est une base de données publique en ligne qui permet à tous les utilisateurs d'accéder et de contribuer à améliorer les données sur les transactions foncières.

    10Anseeuw, W. ; Boche, M. ; Breu, T. ; Giger, M. ; Lay, J. ; Messerli, P. ; Nolte, K. Transnational Land Deals for Agriculture in the Global South, Analytical Report based on the Land Matrix Database Number 1, April 2012. The Land Matrix Partnership (CDE, CIRAD, GIGA, GIZ, ILC)

     

  • L’esclavage n’est pas que l’affaire des Noirs

    TRIBUNE
    10/05/2013 à 08h17

    Jean-Claude Tchicaya | ex-maire adjoint


    TRIBUNE

    En ce 10 mai, nous voulons rendre un hommage appuyé et une reconnaissance vibrante et républicaine aux femmes et hommes réduits en esclavage, célèbres, anonymes ou mis dans l’anonymat, qui ont participé à leur propre libération et à celle de la France et de la République.

    La loi du 10 mai 2001 reconnaît la traite négrière et l’esclavage comme crime contre l’humanité.

    Donc cela nous appelle à une reconnaissance politique du combat de ces héros de notre démocratie tous les 10 mai, reconnaître en ces femmes et hommes, esclaves ou non, tous leurs alliés actifs, célèbres ou non, blancs ou non, leur combat pour la liberté, pour la justice, pour la démocratie, pour l’égalité, pour le droit de vivre autrement que sous la férule et sous le joug des maîtres et des lois abjectes.

    Durant plusieurs siècles, la souffrance, l’injustice à son paroxysme étaient les compagnes obligées de ces êtres humains.


    Plan d’un navire de la traite négrière, musée d’histoire de Nantes (SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA)

    Durant ces longs siècles, les esclaves ont éprouvé toutes les stratégies possibles, peu ou prou, pour résister, combattre, lutter contre l’avilissement, les coups de fouet, les humiliations, l’exploitation économique et physique, les nombreux viols, de la traversée en galères aux plantations, l’exigence du reniement d’eux-mêmes, de leur nom, de leur identité, de leur religion, de leurs cultures.

    Leur couleur était associée politiquement et juridiquement à l’inégalité des dites « races », organisée par un code noir, le code juridique le plus terrifiant qu’ait engendrée notre République, écrit par Colbert à la demande de Louis XIV.

    Ce code noir a rencontré beaucoup d’assentiment mais il a aussi, par ces articles, innommables d’inhumanité, aux effets concrets directs sur la vie des esclaves, déclenché des oppositions et non des moindres, des révoltes, des solidarités mais malheureusement, c’est bien l’assentiment qui a rassemblé la majorité de nos concitoyens.

    Et pour ceux et celles qui veulent se cacher derrière le petit doigt de l’époque ou du contexte, nous ne devons pas oublier que chaque minute, chaque jour, chaque année, chaque décennie, chaque siècle, réduits en esclavage ou non, des gens s’y sont opposés au péril de leurs vies.

    Ombres et de lumières

    Oui, notre histoire est faite d’ombres et de lumières.

    Pour certaines de ces lumières apprises à l’école, qui ne sont pas sans positions contradictoires, ambivalentes voire coupables et qui ont même organisé et convoqué le regard des uns et des autres pour installer dans l’esprit des gens, le racisme et le relativisme culturel, le complexe d’infériorité et de supériorité et passaient de l’esprit à la loi, souvent de manière simultanée.

    Oui, notre Histoire est faite de moments glorieux et de moments ignominieux.

    Le dire est se référer aux faits. Il n’y a pas de coupables héréditaires ni de victimes héréditaires mais il y a un héritage que l’on doit tous s’approprier.

    Nous réitérons notre hommage et reconnaissance quelle que soit notre couleur, catégorie sociale, religion ou non, du combat pour la liberté de toutes ces femmes et hommes.

    Pas de concurrence de mémoires

    Ce n’est pas l’histoire des Noirs contre celle des Blancs ou seulement une histoire de Noirs, comme cela est malheureusement trop souvent perçu.

    Il s’agit bien de l’histoire de France, de l’Europe, du monde car il y a quatre siècles, ce trafic à bouleversé le monde sur le plan humain, politique, géographique, juridique, philosophique, scientifique et dans bien d’autres domaines.

    Et dans notre monde, le continent le plus meurtri fut l’Afrique et ceci n’est pas sans conséquences actuellement.

    Ce texte n’est ni victimaire, ni doloriste, ni en concurrence de mémoires car mettre des mémoires en concurrence serait d’une incroyable indécence. Il y a un devoir d’Histoire, de justice, de vérité afin d’en traquer les avatars, les effets et les conséquences dans notre société, sans anachronismes.

  • Du colonialisme français à l’intervention française au Mali


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    29

    6 mai 2013

    F :  

    « La guerre au Mali a pour but de se débarrasser des islamistes radicaux », nous dit-on. Pourtant, ces mêmes islamistes combattent dans « notre » camp en Libye et en Syrie. Et ils sont financés par « nos amis » : Arabie Saoudite et Qatar. Spécialiste de l'Afrique et auteur chez Investig'Action de « La stratégie du chaos », Mohamed Hassan éclaire les dessous d'une guerre beaucoup trop schématisée par les médias. Troisième et dernier volet de notre série « Causes et conséquences de la guerre au Mali » (IGA).

     

     
     

     

     

    Le conflit au Mali s’inscrit dans un large contexte et il a toute une histoire derrière lui. Il y a les djihadistes qui ont quitté la Libye pour le nord du Mali, armés par le Qatar et l’Arabie saoudite. Et il y a les militaires français, belges et autres, occidentaux et africains, qui sont intervenus au Mali. Pour situer correctement cette intervention française, nous devons faire un retour sur le colonialisme français au Mali.

     

    Quand les colonialistes français ont conquis le Mali, le territoire faisait partie d’une vaste zone économique s’étendant autour du Sahel. Les caravanes partaient d’une ville oasis vers une autre, tout droit à travers le désert. Dans cette économie originelle régnait une bonne intelligence entre les paysans et les nomades. Les paysans avaient besoin des nomades pour pouvoir acheter des marchandises venant d’autres régions et constituaient donc leur clientèle. Toute la population de cette région était musulmane.

     

    Cette zone économique était très prospère à l’époque. L’an dernier, le site Internet celebritynetworth.com a classé un Malien à la première place du classement des vingt-cinq individus les plus riches ayant jamais vécu. Le journal a converti les biens du roi Mansa Moussa Ier qui, de 1312 à 1337, a régné sur un royaume situé à l’intérieur du Mali actuel, en tenant compte de l’actuel prix de l’or et de l’inflation au fil des siècles. L’homme, aujourd’hui, pèserait quelque 400 milliards de dollars. Il y avait également une vie intellectuelle très riche : Tombouctou est connue comme l’un des premiers et principaux centres intellectuels du monde. À son apogée, le royaume malien s’étendait jusqu’à la côte du Sénégal. L’arabe y était la langue véhiculaire.

     

    Le colonialisme français a détruit tout ce système. Pour tuer toute capacité intellectuelle, des milliers de professeurs ont été assassinés. À l’instar de la quasi-totalité des pays africains, le Mali que nous connaissons aujourd’hui a des frontières artificielles. La région faisait partie de ce qu’on appelait le Soudan français. En 1960, elle devint indépendante, d’abord comme une fédération avec le Sénégal, mais, après deux mois à peine, le Sénégal se retira de cette fédération. Le Mali actuel est le quatrième pays d’Afrique par sa superficie. Après le coup d’État contre le premier président nationaliste du Mali, Modibo Keita (1960-1968), le pays est devenu un État néocolonial.

     

    Un tel État ne peut constituer une nation ni ne peut se développer de façon autonome. Le Nord, une région désertique, est abandonné à son sort et les habitants y sont discriminés. Il y a des tensions ethniques entre les Touaregs (nomades) et les autres groupes de population. Le commerce à grande échelle de jadis a complètement décliné. Que reste-t-il pour un grand nombre de nomades qui sillonnent la région avec leurs caravanes ? Contrebande, enlèvements moyennant rançon, trafic d’humains…

     

    Une partie importante de ces Touaregs sont devenus soldats en Libye, dans l’armée de Kadhafi. Après leur retour dans le nord du Mali, ils ont entamé une guerre au Nord-Mali pour l’indépendance de ce qu’ils appellent l’Azawad — une lutte qui, depuis quelques décennies, s’anime brusquement puis se calme à nouveau. Le 24 janvier 2012, ils se sont emparés de la ville d’Aguelhok et y ont tué une centaine de soldats de l’armée malienne. Au cours des mois suivants, ils se sont mis à attaquer d’autres villes dans le nord.

     

    Le massacre d’Aguelhok a suscité un énorme mécontentement dans l’armée et parmi les familles des soldats, car c’est très pauvrement armés qu’il leur a fallu combattre les insurgés bien équipés et entraînés. Le 22 mars, le président malien Amadou Toumani Touré (surnommé « ATT ») a été renversé par un coup d’État de militaires mécontents et d’officiers subalternes sous la direction d’Amadou Sanogo.

     

    Pour les pays voisins du Mali qui, après le renversement du président ivoirien Gbagbo, subissent fortement l’influence de la France, ce fut un prétexte pour annoncer un embargo sur les armes contre l’armée malienne qui, de la sorte, n’avait pas l’ombre d’une chance contre les insurgés accourant en masse. Les mois suivants, le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) s’empara de tout le nord du pays. Ensuite, le MNLA fut chassé à son tour par trois groupes djihadistes : Ansar Dine, Al Qaeda dans le Maghreb islamique (AQMI) et MUJAO — des groupes qui reçoivent des armes et de l’argent du Qatar et de l’Arabie saoudite — et ainsi la boucle fut bouclée.

     

    Quand il a semblé alors que ces djihadistes allaient se précipiter vers la capitale malienne Bamako, le président par intérim Dioncounda Traoré aurait demandé au président français François Hollande (PS) d’intervenir militairement. Ce qui rendait en fait impossible un plan soigneusement et difficilement élaboré des Nations unies et de l’Union africaine.

     

    Conclusion

     

    Comment la situation devrait-elle évoluer ? Toute solution au conflit du Mali est contrecarrée par trois problèmes importants.

     

    Primo : personne ne permet aux Maliens de résoudre eux-mêmes leurs différends et problèmes mutuels. L’ingérence étrangère rend la chose impossible. La guerre ne fera qu’exacerber les tensions mutuelles dans tout le pays. Si vous avez la peau plus claire et qu’on vous prend donc pour quelqu’un du nord, vous risquez aujourd’hui de ne plus pouvoir traverser à l’aise les rues de Bamako.

     

    Secundo : les États africains sont très faibles, quand on voit qu’un pays comme le Mali ne peut même pas venir à bout d’une rébellion bien organisée de quelque 500 djihadistes. L’Union africaine (UA) elle aussi est faible. Les pays de la SADC (Southern African Development Community) essaient bien de changer le cours des choses et étaient à l’avant-plan de l’opposition de l’UA à la guerre en Libye. Mais il y a encore bien trop de chefs d’État africains qui pensent davantage à leur propre intérêt et aux ordres qu’ils reçoivent de leurs maîtres en Europe et aux États-Unis qu’à l’unité africaine.

     

    Tertio : si, depuis que la crise du capitalisme mondial s’est aggravée en 2008, la France ne veut pas devenir une nouvelle Espagne, Italie ou Grèce, elle va devoir défendre son hégémonie en « Françafrique » et autour de la Méditerranée. Mais les choses ne s’annoncent pas très bien pour la France, car les contradictions avec les États-Unis en Afrique s’accroissent. En Côte d’Ivoire, l’armée française est intervenue pour installer Ouatarra au pouvoir ; or, en fait ce dernier est avant tout un pion des États-Unis. Et les États-Unis ont tiré parti de la guerre au Mali pour installer une base pour leurs drones dans le pays voisin, le Niger. En d’autres termes, nous pouvons nous préparer à une période durant laquelle le Mali et toute la région qui l’entoure vont se retrouver dans un conflit permanent, comme celui qu’a connu la Somalie au cours des années 90.


     

    Extrait de « Causes et conséquences de la guerre au Mali », article paru dans Études marxistes, n°101.

     

    Voir aussi « L'Occident à la conquête de l'Afrique » et « Ces islamistes que soutient l’Occident ».

     

    Mohamed Hassan est spécialiste du Moyen-Orient et de l’Afrique. Il est l’auteur, avec David Pestieau, de L’Irak face à l’occupation (EPO, 2004) et, avec Grégoire Lalieu et Michel Collon, de La stratégie du chaos, Investig’Action/Couleur Livres, 2012.
     

     

     

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  • AFRIQUE, TERRE DE PILLAGES

     

     

    Recherche: richesses afriquearmée terre pillagepillage matières premières

    AFRIQUE, TERRE DE PILLAGES dans etranger Entre le 19ème et le 20 ème siècle, les européens ont pillé les ressources et les richesses de l’Afrique. Les crimes coloniaux sont nombreux : division des ethnies par des frontières artificielles, ségrégation raciale, assassinats, déportations, travaux forcés, expropriations … Les routes et autres infrastructures ont été construites dans le but de favoriser le pillage et le transport des matières premières, mais aussi de faciliter l’acheminement des forces armées. Leur construction a été faite par les africains soumis trop souvent à de véritables travaux forcés. L’esclavagisme a fait la prospérité des grandes villes comme Bordeaux, Nantes, La Rochelle, Saint-Malo etc. et de véritables fortunes ont été bâties !

    Que sont devenus Sylvanus Olympio, Patrice Lumumba, ou Thomas Sankara ? Tous assassinés pour avoir voulu l’autonomie et la liberté de leur pays, plutôt que de le livrer à des prédateurs, en échange d’un peu d’or ! Souvenez-vous de ces soldats, enrôlés dans l’armée française, pour défendre la « Mère Patrie » pendant la seconde guerre mondiale, et qui furent massacrés, pour avoir demandé que leurs pensions de guerre soient alignées sur celles de leurs frères d’armes français. Que sont devenus ceux de Setif qui après la victoire sur l’Allemagne nazie, réclamaient eux aussi plus de liberté !

    La dictature, le clientélisme et la prédation des matières premières, mises en place par la colonisation sont devenues la norme pour les protégés des multinationales telles que Bongo, Sassou, Eyadema, H.Habre, Compaore …ou des dictateurs comme Mobutu et Bokassa. L’ Afrique est un continent riche, mais les pays occidentaux, la France en particulier, a toujours les dents plantées à l’intérieur ! L’armée française et la puissance publique y défendent des intérêts privés. Le continent noir reste un enjeu économique majeur pour des sociétés comme Bouygues, Lafarge, Areva ou Total.

    Comme l’Amérique du sud est le jardin des USA, l’Afrique est l’arrière cour des puissances coloniales européennes, directement, ou sous couvert d’indépendance de façade, elles contrôlent l’économie du continent. Ce n’est pas demain que l’on produira et consommera africain ! La dette est un véritable fléau, chaque minute, l’Afrique paye 25000 euros aux créanciers du nord ! Et aussi longtemps que les richesses seront confisquées par une minorité africaine corrompue ayant le soutien de l’occident, aucun mur si haut soit-il n’empêchera les africains de quitter cette terre de misère.

    Ce sont des Africains qui ont vendu aux négriers d’autres Africains, et donc l’Afrique serait responsable de son propre malheur ! Non c’est la cupidité humaine ; combien de français ont vendu d’autres français aux allemands, combien de français exploitent leurs concitoyens au seul nom du profit. Qui dresse les français les uns contre les autres pour gagner les élections et arriver au pouvoir ?

    Pourquoi le F.M.I. et la Banque Mondiale interdisent-ils aux pays africains toute subvention à leurs paysans, pendant que les pays développés eux, n’arrêtent pas de subventionner leurs propres agriculteurs ? Pourquoi les prix du café, du cacao, du coton et d’autres matières premières dont vivent les paysans africains sont arbitrairement fixés à la Bourse de Londres, de Paris ou de New york ?

    «Une grande partie de l’argent qui est dans notre porte monnaie, vient de l’exploitation depuis des siècles de l’Afrique»

    Jacques CHIRAC

  • WANGARI MAATHAI, « PLANTEUSE D’ARBRES »

     

    Posté par 2ccr le 3 janvier 2013

    Recherche: wangari maathai racisme

    WANGARI MAATHAI, Wangari Muta Maathai, née le 1er avril 1940 à Ihithe et morte le 25 septembre 2011 à Nairobi, était une biologiste kényane. Elle était également professeur en médecine vétérinaire. Cependant, elle est mieux connue pour son militantisme politique et écologique. Le 8 octobre 2004, elle devint la première africaine à recevoir le Nobel de la paix pour « sa contribution en faveur du développement durable, de la démocratie et de la paix ». C’est grâce à la mentalité progressiste de ses parents que la jeune Wangari a la chance d’aller à l’école, pour ensuite être la première femme en charge d’une chaire universitaire à Nairobi.

    En 1977, elle fonde le Green Belt Movement (mouvement de la ceinture verte), destiné à lutter  contre la déforestation, facteur de sécheresse et de pauvreté pour les populations locales. Wangari pense globalement et agit localement ; elle constate que les communautés africaines n’avaient jamais commercialisé leur relation à la nature, et aujourd’hui elles sont menacées par la mondialisation, la privatisation et le biopiratage.

    Du temps des colons, les sociétés africaines étaient qualifiées d’arriérées, leurs croyances pécheresses, leurs pratiques agricoles inefficaces, leurs systèmes tribaux absurdes, leurs normes culturelles barbares et sauvages. Mais W. Maathai, par les témoignages de ses grands parents, connait les bienfaits de la période précédant le colonialisme. Les chefs étaient obligés de rendre des comptes, les gens mangeaient à leur faim, leur histoire et leur vision du monde était véhiculée par leur riche tradition orale, leur cohabitation avec les autres créatures et la nature était harmonieuse. La perte du mode alimentaire indigène et l’oubli des méthodes culturales ont contribué à l’insécurité  alimentaire et à la diminution de la biodiversité.

    Dans le cadre du Mouvement de la Ceinture Verte, elle développe dans les villages un programme civique d’éducation à l’environnement. Elle explique que les problèmes sont politiques et sociaux, et qu’il est nécessaire de voter pour des politiciens plus honnêtes. Les femmes sont invitées à jouer un rôle plus préventif dans la société, par l’éducation, le planning familial, la recherche d’une alimentation saine et la lutte contre la corruption.

    L’objectif de planter des millions d’arbres à travers l’Afrique pour stopper les ravages du déboisement a été repris dans une dizaine de pays : Tanzanie, Ouganda, Malawi, Ethiopie, Zimbabwe… ; en près de trente ans, Wangari et son organisation ont soutenu la plantation de plus de 30 millions d’arbres fournissant du combustible, de la nourriture et du bois de construction. Cela a aussi permis de créer des centaines de milliers d’emplois. « L’Afrique ne doit pas dépendre du reste du monde, chaque africain, chaque africaine peut jouer un rôle à son niveau, c’est ce que je fais en plantant des arbres. »

    Activiste turbulente, Wangari Maathai s’est battue toute sa vie contre la déforestation en Afrique avec une énergie qui lui a valu parfois les foudres des autorités, des tabassages au cours des manifestations et des séjours en prison. Ses déclarations sur le virus du sida, « une création de chercheurs mal intentionnés », ont aussi suscité des réserves à son égard, notamment de Washington.

    Wangari était consciente qu’avant la colonisation, les communautés africaines tiraient de la nature leur inspiration, leur nourriture, leur sens de la beauté et leur spiritualité. Leur mode de vie durable et de qualité se passait de sel, desavon, de matières grasses, de soda, d’une consommation quotidienne de viande et d’autres « biens » qui ont accompagné l’apparition des « maladies des riches ».


    « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait »

    Mark TWAIN