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  • Crash de l’A320 vu par Elkabbach...

    Crash de l’A320 : quand Jean-Pierre Elkabbach explorait la piste arabo-terroriste

    par Julien Salingue, le 28 mars 2015

    Le 25 mars 2015, c’est-à-dire le lendemain du crash de l’A320 de la compagnie Germanwings, Jean-Pierre Elkabbach recevait sur Europe 1 Alain Vidalies, secrétaire d’État aux transports. Alors que les boîtes noires de l’avion n’avaient pas encore été examinées (et la responsabilité de l’un des deux pilotes établie), l’intervieweur d’Europe 1 s’est improvisé enquêteur et a tenté d’en savoir plus sur le crash. Ce qui l’a amené à poser des questions… étonnantes, notamment lorsqu’il s’est mis à s’intéresser aux passagers de l’avion [1] :


    - Jean-Pierre Elkabbach : « Parmi les 144 passagers victimes de cette catastrophe, il y a 67 Allemands, 45 Espagnols, c’est-à-dire 112. Qui sont les 32 autres ? »
    - Alain Vidalies : « Il y a un certain nombre de nationalités, cela a été dit, des Belges, des Anglais, des Turcs, il y a des vérifications qui sont en cours puisque nous sommes à l’intérieur de l’espace Schengen… »
    - JPE : « Justement on se disait avec Maxime Switec [présentateur du journal de 8h sur Europe 1] tout à l’heure, comment se fait-il qu’il y avait le nom des passagers mais pas leur nationalité ? »
    - AV : « C’est la réalité quand vous prenez un avion à l’intérieur de la France ou à l’intérieur de l’espace Schengen… »
    - JPE : « Et il n’y a pas de changement à envisager ? »
    - AV : « Écoutez je pense qu’à ce moment-là ça voudrait dire qu’on ne pourrait plus prendre les billets par internet ou d’une manière facile donc je crois qu’il faut réfléchir à ces conséquences… »
    - JPE : « Dans les noms que vous avez des passagers, il n’y en a pas qui viennent d’endroits où on pourrait soupçonner qu’ils sont en mission suicidaire ? »

    STOP.

    Pas besoin de lire entre les lignes pour comprendre que selon Jean-Pierre Elkabbach, on aurait donc pu soupçonner certains passagers d’être « en mission suicidaire » sur la seule base de leur nom. Notons au passage que la formule de l’intervieweur est maladroite et un peu obscure. Avec le franc-parler qu’on lui connaît, Jean-Pierre Elkabbach aurait pu tout simplement demander : « Y’a-t-il un Arabe dans l’avion ? ».

    Pour l’aider à préparer ses prochaines interviews, Acrimed a décidé de soumettre quelques questions-types qui pourront être réutilisées (sans payer de droit d’auteur) par Jean-Pierre Elkabbach :

     « Dans les noms que vous avez des passagers, il n’y en a pas qui viennent d’endroits où on pourrait soupçonner qu’ils ont des grosses voitures et qu’ils aiment voler des poules ? »

     « Dans les noms que vous avez des passagers, il n’y en a pas qui viennent d’endroits où on pourrait soupçonner qu’ils ont beaucoup de poils et qu’ils sont tous maçons ou femmes de ménage ? »

     « Dans les noms que vous avez des passagers, il n’y en a pas qui viennent d’endroits où on pourrait soupçonner qu’ils se nourrissent exclusivement de riz et qu’ils sont fourbes ? »

     « Dans les noms que vous avez des passagers, il n’y en a pas qui viennent d’endroits où on pourrait soupçonner qu’ils aiment l’argent et qu’ils complotent pour diriger secrètement le monde ? »

    Etc.

    On en rajoute ? Pas vraiment. La réponse d’Alain Vidalies confirme d’ailleurs que tout le monde, à commencer par l’interviewé lui-même, a compris ce que sous-entendait Jean-Pierre Elkabbach :

    « Il n’y a aucun nom de cette nature pour répondre précisément à votre question ».

    On aurait pu attendre d’un responsable politique « de gauche » qu’il reprenne l’intervieweur d’Europe 1. Mais non, il n’en fut rien.

    L’air (irrespirable) du temps sans doute…

    Julien Salingue

     

    Notes

    [1] Voir la vidéo intégrale de l’interview ici. L’extrait que nous avons isolé débute vers 2’58. Notons que les propos de Jean-Pierre Elkabbach ont été relevés sur quelques sites, entre autres libération.fr et rue89. Mais le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont loin d’avoir suscité une véritable indignation.

  • ACRIMED: Critique des médias

    Critique des médias sur le Web (janvier-février-mars 2015)

    par Franz Peultierle 16 avril 2015

    N° 33 de notre sélection trimestrielle (cette fois-ci) d’articles de critique des médias parus sur le Web et disponibles gratuitement. Où il est question de « Charlie » et ses suites, de sexisme, de racisme, et de diverses choses.

    « Charlie » et ses suites

    Charlie à tout prix ? (La pompe à phynance, 13/01) – « Mais les choses deviennent moins simples quand “Charlie” désigne – et c’est bien sûr cette lecture immédiate qui avait tout chance d’imposer sa force d’évidence – quand “Charlie”, donc, désigne non plus des personnes privées, ni des principes généraux, mais des personnes publiques rassemblées dans un journal. On peut sans la moindre contradiction avoir été accablé par la tragédie humaine et n’avoir pas varié quant à l’avis que ce journal nous inspirait – pour ma part il était un objet de violent désaccord politique. Si, comme il était assez logique de l’entendre, “Je suis Charlie” était une injonction à s’assimiler au journal Charlie, cette injonction-là m’était impossible. Je ne suis pas Charlie, et je ne pouvais pas l’être, à aucun moment. »

    La vie ratée de Philippe Val (Les mots sont importants, 13/04) – « Revenons au plus grave dans cette diatribe en réalité aussi bête qu’ancienne. Était-ce d’ailleurs la peine de la signaler ? Non sans doute, si ce n’est pour ce passage hallucinant dans lequel de “société” en “système”, de “riches” en “juifs”, Philippe Val finit tout bonnement par traiter les sociologues d’antisémites. »

    Val/Lapix, la question non-posée (Arrêt sur images, 10/04) - « Ce que ne rappelle pas la pourtant percutante Anne-Sophie Lapix, c’est qu’un groupe de onze salariés de Charlie, constitué après les attentats, réclame une redistribution des actions du journal à tout le personnel. Et pourquoi ? Parce qu’on a découvert alors les faramineux dividendes empochés en son temps par Val, notamment après les bonnes ventes de la fameuse couverture "C’est dur d’être aimé par des cons" (300 000 euros pour la seule année 2008, et 1,6 million pour tout l’exercice de son mandat de directeur, selon BFMTV). Pourquoi ces pudeurs ? »

    Le sexisme et ses avatars

    Voilà ce que je refuse de voir le 8 mars (Slate.fr, 07/03) – « Rien n’est réellement mis en œuvre par les chaines pour donner davantage de place aux femmes dans leurs émissions TV. En revanche, le 8 mars, ces mêmes chaines pensent combler leurs graves lacunes en proposant un “Motus” ou seules des candidates s’affrontent, un “N’oubliez pas les paroles” avec un public exclusivement féminin ou encore un inévitable “Grand journal” 100% filles (qui rime avec “hihihi”). »

    Le nu, étendard sexiste des valeurs occidentales (Culture visuelle, 09/02) – « L’unique raison pour laquelle de nombreux journaux reprennent cette information, malgré l’absence de déclaration explicite de l’actrice comme de réaction des autorités iraniennes, est parce qu’elle mobilise un stéréotype islamophobe, permet de reproduire un schéma médiatique éprouvé qui renvoie une image positive de l’Occident – et fournit accessoirement un petit frisson d’excitation sexuelle. »

    Du déni des victimes

    Statistiques de l’islamophobie : misère du journalisme mensonger(Blogs de Mediapart, 26/02) – « Dans sa chronique du 15 décembre 2014 sur France Culture, la journaliste Caroline Fourest remet en cause notre intégrité professionnelle et le caractère scientifique de notre livre Islamophobie (La Découverte). Elle est récidiviste puisque lors de sa parution en 2013, elle nous avait déjà attaqué, sur la même antenne, en nous accusant d’être des “chercheurs-militants”, dont le livre aurait eu pour “fil conducteur” le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), “association communautariste” influencée par Tariq Ramadan et financée par le milliardaire George Soros et le Qatar. »

    France 2 s’acharne sur Zyed et Bouna (Télérama.fr, 20/03) – « Souvenez-vous. 10 novembre 2005. David Pujadas : “Depuis le début de cette vague de violence, beaucoup soulignent le sang-froid et le professionnalisme des forces de l’ordre.” Déjà, à l’époque, nous sommes tous policiers. “Mais, pour la première fois aujourd’hui, huit policiers ont été suspendus dans le cadre d’une procédure disciplinaire.” Une procédure disciplinaire initiée… par France 2 !!! »

    Et aussi...

    Respecter une victime présumée de viol ne doit pas empêcher un journaliste de vérifier les faits (au contraire) (Slate.fr, 08/04) – « Pour Rolling Stone, les erreurs ont été faites parce que la journaliste et la rédaction ont eu peur d’avoir l’air de douter du récit d’une victime de viol. L’éditeur et la journaliste, Sabrina Rubin Erdely, disent qu’ils ont été trop accommodants avec Jackie car ils voulaient éviter de la traumatiser et qu’elle refuse ensuite de coopérer. »

    On n’est pas rendu… (reportage à l’enregistrement d’“On n’est pas couché” sur France 2) (Article11, 29/01) – « Le fameux chauffeur de salle. Celui dont on entend toujours parler quand on évoque les émissions télévisées enregistrées en public. Ce qui frappe en premier, c’est son air désabusé, las, vide. Cet homme n’habite pas son corps, il le pilote. Comme s’il appliquait à lui-même la méthode qu’il utilise sur le public. “Alors, alors, vous êtes en forme ?” Malgré l’énergie qu’il tente d’insuffler à sa prestation, la voix est traînante. Il se force, n’y croit pas. C’est tout à fait fascinant, mais ça n’a l’air de choquer personne. Et surtout pas l’homme qui hurle dans mon dos, façon marionnette montée sur ressorts. “Ouuuuiiiiiii !” »

    Témoignage d’une pigiste de Radio France (Lundi.am, 06/04) – « Le boulot de pigiste c’est : tu fais la même chose qu’un titulaire, c’est-à-dire que tu fais des reportages, tu fais aussi de la présentation de journaux et on t’appelle quand il y a un journaliste en moins, tu bouches les trous, tu es remplaçant. »

    Numéro23 : polémique sur une plus-value « scandaleuse » (Le Monde.fr, 10/04) – « “Il est assez scandaleux qu’on puisse faire autant de bénéfice sur une ressource publique.” La sentence prononcée par la députée PS Martine Martinel, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, mercredi 8 avril, résume assez bien les critiques déclenchées par le rachat de Numéro23. »

    Facebook veut vassaliser la presse en accueillant ses contenus (blog « L’An 2000 », 24/03) – « Si elle était prévisible, cette évolution n’en est pas moins inquiétante pour la presse. Elle confirme que les médias sont devenus accros à Facebook et ses 1,4 milliards d’utilisateurs, au point de consentir à n’être plus que des sous-traitants. La presse se met dans la position de la Grèce face à ses créanciers. Au bord du précipice, elle risque d’accepter cette injection de pages vues fraîches en échange d’une perte de souveraineté. »

    [http://nonvirgule.tumblr.com/] (Tumblr.com) – Une sélection d’articles dont le titre commence par « Non, », « parce que les articles sur les vraies infos, c’est un peu trop facile ».

  • Dieudonné:Le Maroc aussi?

     Chroniques
     

    Ahmed NAJI

     
    Polémique autour du spectacle de Dieudonné à Casablanca / La satire proie aux rugissements
     
     
    Doit-on sacrifier la liberté d’expression au Maroc pour plaire à une partie étrangère ? C’est actuellement le débat qui agite le microcosme des internautes marocains sur les réseaux sociaux, suite à la diffusion d’une information, non confirmée, sur l’interdiction du spectacle de l’humoriste français Dieudonné M’Bala M’Bala, normalement programmé le 29 avril au Complexe Mohammed V, à Casablanca.
    Au Maroc, les choses sont claires concernant la distinction entre 
    la liberté d’expression et la diffamation ou l’atteinte aux valeurs nationales, religieuses et éthiques. Si quelques personnalités politiques étrangères et autres groupes de pression sont incapables de faire la distinction entre antisionisme et antisémitisme, c’est leur problème, pas celui des Marocains. Dans leur écrasante majorité, ces derniers considèrent eux-mêmes le sionisme comme une bête immonde, alors qu’ils n’ont strictement aucun problème avec le judaïsme, une fraction de la société marocaine étant d’ailleurs, depuis plus deux millénaires, juive. 
    Mieux encore, parmi les militants marocains les plus engagés en faveur de la cause palestinienne et les plus critiques envers le sionisme, on compte pas mal de juifs marocains, Sion Assidon, Abraham Serfati et Edmond Amran El Maleh comptant parmi les plus célèbres. Les sœurs Nadia et Rhita Bradley ont même consenti d’énormes sacrifices dans la lutte contre le sionisme. Bref, un sketch comme celui de l’humoriste Dieudonné sur les colons sionistes en Palestine occupée n’aurait, par exemple, jamais suscité la moindre polémique au Maroc. 
    Une bonne partie des Marocains refuse mordicus de tomber dans le piège qui consiste à faire passer pour antisémite toute personne qui critique le sionisme. Quelques franges de la société marocaine, volontairement au garde à vous, se montrent, par contre, hardies à dénoncer tout ce qui est de nature à déplaire à leurs maîtres à penser, en espérant leur reconnaissance et bénédiction. Ce sont ceux là même qui deviennent étrangement muets quand les Sionistes massacrent des Palestiniens ou ne craignent pas le ridicule des prises de positions ambivalentes. Mais là encore, le respect du principe sacré de la liberté d’expression fait qu’ils sont libres, au Maroc, de se faire la voix de leurs maîtres.
    L’humoriste français Dieudonné M’Bala M’Bala peut avoir des prises de position politiques qui dérangent dans son pays ; des responsables politiques dudit pays pourraient chercher à le museler, en invoquant divers prétextes pour le traîner devant les tribunaux, ce sont là des affaires franco-françaises. De ce côté-ci de la Méditerranée, c’est le Maroc, et il n'est pas question de se laisser entraîner, juste par suivisme complaisant, dans des considérations difficiles à justifier.
    De plus, quel image donnerait le Maroc de lui, sur le continent et à travers le monde, s’il venait à renoncer à ses principes juste pour ne pas déplaire à quelques politicards étrangers ? Dieudonné peut s’exprimer en toute liberté, au Maroc, tant que c’est dans le cadre du respect de la loi. Ce n’est pas à coup de renonciations et de compromissions que le Maroc peut entretenir son image de pays ouvert et tolérant et continuer à donner l’exemple en Afrique et dans le Monde arabe.
    Si les pro-sionistes ne supportent pas les « quenelles » de Dieudonné et veulent lui interdire la parole partout sur la planète, que peuvent bien dire alors les Palestiniens, qui eux supportent des bombes, obus et balles sionistes beaucoup plus meurtriers, dans l’indifférence quasi-générale ? 
    Les Marocains ont librement exprimé leur choix, comme il sied dans une démocratie, concernant la forme d’humour, quelque peu acerbe, qui caractérise Dieudonné. Ils ont massivement acheté les billets de son spectacle, la « Bête immonde », programmé à Casablanca. Une « quenelle » de gros calibre pour ceux qui s’imaginent que tous les Marocains sont comme eux, à se complaire dans la vassalité.
    18/4/2015
  • Décryptage: Les noirs americains

     

    De l’image trop rose de la vie des Noirs américains dans les séries

     

     
    Obama n’y a rien changé. Outre-Atlantique, des sitcoms donnent une vision optimiste du quotidien des Afro-Américains. Loin de la réalité.

    Une épouse chirurgienne, quatre beaux enfants, une promotion dans la boîte de pub où il travaille, une luxueuse maison et une berline allemande, Andre Johnson a réussi. Lui, le Noir élevé à Compton, un des pires quartiers de Los Angeles, vit le « rêve américain ». Un rêve qui ne vient pas sans sacrifice. « Le truc, s'inquiète-t-il en voix off, c'est que j'ai l'impression qu'à force de faire des efforts pour réussir les Noirs ont oublié leur culture. » Qu'ils ont « blanchi », qu'ils ne sont plus que Black-ish (« vaguement noirs »), pour reprendre le titre de la sitcom dont il est le héros, lancée outre-Atlantique en septembre dernier.

    D'autres comédies apparues sur le petit écran amé­ricain cette saison mettent en avant l'intégration des minorités ethniques, leurs efforts et leurs réussites. Tout en s'amusant de leur regard sur leur culture. Cristela, par exemple, a pour héroïne une jeune ­Latina qui veut ­devenir avocate. A sa grand-mère immigrée qui lui rappelle quelle vie elle menait « dans [son] ­village au Mexique », elle répond sans cesse « c'est ton village, pas le mien ».

    Quant à la série Fresh off the boat (littéralement « à peine descendu du bateau »), elle raconte le quotidien d'une famille taïwanaise installée en Floride et propriétaire… d'un grill ­façon cow-boy.

    Cela fait maintenant plus de trente ans que la mise en scène d'Afro-Américains des classes moyenne et supérieure est chose courante à la télé­vision outre-Atlantique. Avec quelques séries mythiques comme le Cosby Show ou Le Prince de Bel-Air… Problème : Black-ish s'inscrit dans le même registre bienveillant et optimiste, alors que les événements tragiques de Ferguson, de New York ou de Berkeley soulignent les inégalités et les injustices raciales dont la communauté noire continue d'être victime.

    Des séries à œillères

    Le rêve d'une Amérique post-raciale, où la couleur de peau n'importe plus, a de nouveau été brisé ces derniers mois. MaisBlack-ish se réjouit du regard « décoloré » du plus jeune fils d'Andre, qui voit en Barack Obama « le président tout court »et non « le premier président noir des Etats-Unis ». Illusion, ou vision en devenir d'une nation où les valeurs de la déclaration d'in­dépendance, « la vie, la liberté et la recherche du bonheur », se marieraient aux spécificités culturelles ?

    « L'élection d'Obama a fait croire, à tort, qu'un président de couleur pourrait, presque symboliquement, corriger à lui seul un système qui dessert les Noirs », explique David J. Leonard. Pour ce professeur à l'université d'Etat de Washington, spécialiste de l'image des minorités raciales dans les médias américains, ces séries ratent le coche : « Elles parlent de l'individu, pas de la société, et réduisent des questions globales à des ­enjeux intimesElles nous font croire que la réussite d'un citoyen dépend de sa volonté, de ses valeurs et de sa culture. »

    Et, avec cette approche typiquement américaine, elles font fi des véritables raisons des inégalités ethniques outre-Atlantique, confirme Olivier Esteves, co­auteur de La Question raciale dans les séries américaines. « Ces inégalités sont avant tout une question de classes sociales, d'accès à la santé, à l'éducation, explique-t-il. Ce n'est pas l'individu qui pose problème, mais le système. »

     

    Un chef d’œuvre

    Sur le sujet, les spécialistes préfèrent citer The Wire, le chef-d'œuvre de David Simon lancé en 2002 et qui a pris fin huit mois avant l'élection d'Obama, en 2008. « On y parlait de tout ce qui pose vraiment problème dans l'Amérique de Ferguson, de la police, de la ­justice, de l'éducation, de la manière dont la société américaine entretient les stéréotypes raciaux, analyse David J. Leonard. The Wire changeait notre perception des Afro-Américains, la ­complexifiait. Elle discutait les enjeux structurels de la question raciale, en ­dépassant sa dimension individuelle. »

    Mieux, pour Olivier Esteves, The Wire « tentait non seulement de dépeindre une réalité politique et sociale, mais elle proposait aussi des pistes de réflexion pour améliorer son avenir ». Etudiée de Harvard à Stanford, décryptée, considérée com­me un apport majeur à la sociologie américaine contemporaine, Sur écoute (son titre français) n'était pas une série populaire – elle porte même le titre ironique de « plus grande série que personne ne regardait ». Diffusée sur HBO, une chaîne payante, elle n'a été suivie que par un public pointu, limité. A l'inverse de Black-ishCristelaet Fresh off the boat, toutes diffusées par la grande chaîne ABC, propriété de Disney.

    Audience confidentielle

    Comme souvent à la télévision américaine, les séries qui osent traiter frontalement les questions politiques et sociales n'ont qu'une audience confidentielle. Or les grands networks ont besoin de larges audiences pour vendre des pubs : ils ­évitent donc les sujets polémiques, jugés anxiogènes. Il faut se rendre sur le câble pour trouver des séries comme Treme, autre création de David Simon pour HBO, qui met notamment en scène une police corrompue et raciste, dans la Nouvelle-Orléans de l'après-Katrina. « Dans les séries ­populaires, il y a toujours un bon flic pour régler leur compte aux mauvais flics », s'agace David J. Leonard. « Le réalisme, ce n'est pas nécessairement ce que l'industrie recherche », reconnaît Simon lui-même, étonné qu'on le laisse poursuivre son œuvre.

    L'industrie du divertissement vend du rêve et peine encore à mettre les Américains le nez dans la violence de leur quotidien. Les grandes chaînes laissent souvent les vraies problématiques sociales et raciales à l'arrière-plan. Et préfèrent les glisser dans une intrigue policière ou en rire. Pourtant, à défaut de mettre les mains dans lecambouis, « le simple fait qu'elles soient produites, la façon dont elles sont marketées, montre que les gens continuent d'espérer, que l'utopie qu'elles mettent en scène est populaire », analyse Frances Negrón-Muntaner, directrice du Center for the study of ethnicity and race de l'université Columbia, à New York. Elles ne régleront certai­nement pas les tensions ravivées à Ferguson, mais elles poursuivent la lente évolution de l'image des mino­rités raciales à la télévision, avec un humour de plus en plus décomplexé – « les Noirs ne peuvent pas être racistes, c'est un fait ! » s'exclame Andre dans Black-ish, superbe de mauvaise foi.

    “Sauveur de la télévision”

    Entre le « rêve post-racial » et le « rêve américain » d'ascension professionnelle et sociale, c'est le second qui continue de l'emporter… Shonda Rhimes, productrice noire ultra influente, créatrice de Grey's Anatomy, incarne à elle seule le débat, tout en voulant le dépasser. Dans Scandal etHow to get away with murder, Rhimes met en scène deux héroïnes noires qui occupent des postes d'autorité – une communicante et une avocate.

    Suivies par plus de dix millions de télé­spectateurs, ces séries « ne blanchissent pas leurs héroïnes », affirme Frances Negrón-Muntaner, en témoi­gne cette scène de How to get away with murder où Viola Davis enlève sa perruque lisse pour révéler ses cheveux crépus. « Mais elles refusent de faire de la question raciale une pro­blématique. »

    Dans un portrait publié l'automne dernier dans le magazineThe Hollywood Reporter, qui la qua­lifiait de « sauveur de la télévision », Shonda Rhimes demandait à faire ­barrer les mots« femme » et « noire » censés la présenter. « Les questions de race et de genre définissent mon identité, lâchait-elle. Elles sont capitales. Mais que tout le monde passe son temps à en parler, ça me gonfle. »

    A lire :

    La Question raciale dans les séries américaines, d'Olivier Esteves et Sébastien Lefait, éd. Les Presses de Sciences-Po, 200 p., 20 €.

    African Americans on television : Race-ing for ratings, de David J. Leonard et Lisa Guerrero, éd. Praeger (en anglais), 456 p., 58 $.

    A voir :

    The Wire, intégrale (5 saisons), 24 DVD Warner Bros., 60 €.

    Scandal, sur Canal+ Séries, DVD saisons 1 et 2, ABC Studios.

    Black-ishCristelaFresh off the boat, séries encore inédites en France.

  • Pour en finir (vraiment) avec le terrorisme

    Affrontement factice entre civilisation et barbarie

    Les attentats de Tunis et de Sanaa viennent de confirmer que les pays musulmans sont les plus touchés par les actions djihadistes contre les populations civiles. Le dernier numéro de « Manière de voir » rappelle également que, si elle permet de mobiliser l’opinion, la « guerre contre le terrorisme » contribue à l’aggravation des problèmes politiques sous-jacents, notamment au Proche-Orient.

    par Alain Gresh, avril 2015

    Ce fut une bataille homérique, couverte heure par heure par tous les médias du monde. L’Organisation de l’Etat islamique (OEI), qui avait conquis Mossoul en juin 2014, poursuivait son avancée fulgurante aussi bien vers Bagdad que vers la frontière turque ; elle occupait 80 % de la ville de Kobané, en Syrie. Les combats firent rage pendant plusieurs mois. Les miliciens kurdes locaux appuyés par l’aviation américaine reçurent des armes et le soutien de quelque cent cinquante soldats envoyés par le gouvernement régional du Kurdistan d’Irak. Suivis avec passion par les télévisions occidentales, les affrontements se terminèrent début 2015 par un repli de l’OEI.

    Le numéro actuellement en kiosques de « Manière de voir » décrypte les significations politiques du terrorisme. Après avoir évoqué les attentats de Paris et la dérive djihadiste, les articles analysent le phénomène dans ses contradictions (actions d’extrême droite et d’extrême gauche, séparatisme, terreur d’Etat…) en s’attachant aux réflexions de penseurs contemporains (Jacques Derrida, Noam Chomsky, Giorgio Agamben, etc.). Documents graphiques, extraits littéraires et cartographie inédite donnent au lecteur des outils pour mieux comprendre.

    Mais qui sont ces héroïques résistants qui ont coupé une des têtes de l’hydre terroriste ? Qualifiés de manière générique de « Kurdes », ils appartiennent pour la plupart au Parti de l’union démocratique (PYD), la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Or le PKK figure depuis plus d’une décennie sur la liste des organisations terroristes dressée aussi bien par les Etats-Unis que par l’Union européenne. Ainsi, on peut être condamné à Paris pour « apologie du terrorisme » si l’on émet une opinion favorable au PKK ; mais à Kobané, leurs militants méritent toute notre admiration. Qui s’en étonnerait à l’heure où Washington et Téhéran négocient un accord historique sur le nucléaire et où le directeur du renseignement national américain transmet au Sénat un rapport dans lequel l’Iran et le Hezbollah ne sont plus désignés comme des entités terroristes qui menacent les intérêts des Etats-Unis (1) ?

    Ce fut un été particulièrement agité. A Haïfa, un homme déposa une bombe sur un marché le 6 juillet ; vingt-trois personnes furent tuées et soixante-quinze blessées, en majorité des femmes et des enfants. Le 15, une attaque perpétrée à Jérusalem tua dix personnes et fit vingt-neuf blessés. Dix jours plus tard, une bombe explosa, toujours à Haïfa, faisant trente-neuf morts. Les victimes étaient toutes des civils et des Arabes. Dans la Palestine de 1938, ces actes furent revendiqués par l’Irgoun, bras armé de l’aile « révisionniste » du mouvement sioniste, qui donna à Israël deux premiers ministres : Menahem Begin et Itzhak Shamir (2).

    Un concept flou

    Résistants ? Combattants de la liberté ? Délinquants ? Barbares ? On sait que le qualificatif de « terroriste » est toujours appliqué à l’Autre, jamais à « nos combattants ». L’histoire nous a aussi appris que les terroristes d’hier peuvent devenir les dirigeants de demain. Est-ce étonnant ? Le terrorisme peut être défini — et les exemples du PKK et des groupes sionistes armés illustrent les ambiguïtés du concept — comme une forme d’action, pas comme une idéologie. Rien ne relie les groupes d’extrême droite italiens des années 1970, les Tigres tamouls et l’Armée républicaine irlandaise (Irish Republican Army, IRA), sans parler de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et du Congrès national africain (African National Congress, ANC), ces deux derniers dénoncés comme « terroristes » par Ronald Reagan, par Margaret Thatcher et, bien sûr, par M. Benyamin Netanyahou, dont le pays collaborait étroitement avec l’Afrique du Sud de l’apartheid (3).

    Au mieux, on peut inscrire le terrorisme dans la liste des moyens militaires. Et, comme on l’a dit souvent, il est l’arme des faibles. Figure brillante de la révolution algérienne, arrêté par l’armée française en 1957, Larbi Ben Mhidi, chef de la région autonome d’Alger, fut interrogé sur la raison pour laquelle le Front de libération nationale (FLN) déposait des bombes camouflées au fond de couffins dans les cafés ou dans les lieux publics. « Donnez-nous vos avions, nous vous donnerons nos couffins », rétorqua-t-il à ses tortionnaires, qui allaient l’assassiner froidement quelques jours plus tard. La disproportion des moyens entre une guérilla et une armée régulière entraîne une disproportion du nombre des victimes. Si le Hamas et ses alliés doivent être considérés comme des « terroristes » pour avoir tué trois civils pendant la guerre de Gaza de l’été 2014, comment faut-il qualifier l’Etat d’Israël, qui en a massacré, selon les estimations les plus basses — celles de l’armée israélienne elle-même —, entre huit cents et mille, dont plusieurs centaines d’enfants ?

    Au-delà de son caractère flou et indécis, l’usage du concept de terrorisme tend à dépolitiser les analyses et par là-même à rendre impossible toute compréhension des problèmes soulevés. Nous luttons contre l’« empire du Mal », affirmait le président George W. Bush devant le Congrès américain le 24 septembre 2001, ajoutant : « Ils haïssent ce qu’ils voient dans cette assemblée, un gouvernement démocratiquement élu. Leurs dirigeants se désignent eux-mêmes. Ils haïssent nos libertés : notre liberté religieuse, notre liberté de parole, notre liberté de voter et de nous réunir, d’être en désaccord les uns avec les autres. » Pour affronter le terrorisme, il n’est donc pas nécessaire de modifier les politiques américaines de guerre dans la région, de mettre un terme au calvaire des Palestiniens ; la seule solution tient à l’élimination physique du « barbare ». Si les frères Kouachi et Amedy Coulibaly, auteurs des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, sont mus fondamentalement par leur haine de la liberté d’expression, comme l’ont proclamé les principaux responsables politiques français, il est inutile de s’interroger sur les conséquences des politiques menées en Libye, au Mali et dans le Sahel. Le jour où l’Assemblée nationale rendait hommage aux victimes des attentats de janvier, elle votait d’un même élan la poursuite des opérations militaires françaises en Irak.

    N’est-il pas temps de dresser le bilan de cette « guerre contre le terrorisme » en cours depuis 2001, du point de vue de ses objectifs affichés ? Selon le Global Terrorism Database de l’université du Maryland, Al-Qaida et ses filiales ont commis environ deux cents attentats par an entre 2007 et 2010. Ce nombre a augmenté de 300 % en 2013, avec six cents actes. Et nul doute que les chiffres de 2014 battront tous les records, avec la création du califat par M. Abou Bakr Al-Baghdadi (4). Qu’en est-il du nombre de terroristes ? Selon les estimations occidentales, vingt mille combattants étrangers ont rejoint l’OEI et les organisations extrémistes en Irak et en Syrie, dont trois mille quatre cents Européens. « Nick Rasmussen, le chef du Centre national de contre-terrorisme américain, a affirmé que le flot de combattants étrangers se rendant en Syrie dépasse de loin celui de ceux qui sont partis faire le djihad en Afghanistan, Pakistan, Irak, Yémen ou Somalie à un moment quelconque au cours de ces vingt dernières années (5). »

    Ce bilan de la « guerre contre le terrorisme » serait bien fragmentaire s’il ne prenait en compte les désastres géopolitiques et humains. Depuis 2001, les Etats-Unis, parfois avec l’aide de leurs alliés, ont mené des guerres en Afghanistan, en Irak, en Libye et, de manière indirecte, au Pakistan, au Yémen et en Somalie. Bilan : l’Etat libyen a disparu, l’Etat irakien sombre dans le confessionnalisme et la guerre civile, le pouvoir afghan vacille, les talibans n’ont jamais été aussi puissants au Pakistan. Mme Condoleezza Rice, ancienne secrétaire d’Etat américaine, évoquait un « chaos constructif » en 2005 pour justifier la politique de l’administration Bush dans la région, annonçant des lendemains qui chanteraient l’hymne de la démocratie. Dix ans plus tard, le chaos s’est étendu à tout ce que les Etats-Unis appellent le « Grand Moyen-Orient », du Pakistan au Sahel. Et les populations ont été les premières victimes de cette utopie dont on a du mal à mesurer ce qu’elle a de constructif.

    Des dizaines de milliers de civils ont été victimes des « bombardements ciblés », des drones, des commandos spéciaux, des arrestations arbitraires, des tortures sous l’égide de conseillers de la Central Intelligence Agency (CIA). Rien n’a été épargné, ni fêtes de mariage, ni cérémonies de naissance, ni funérailles, réduites en cendres par des tirs américains « ciblés ». Le journaliste Tom Engelhardt a relevé huit noces bombardées en Afghanistan, en Irak et au Yémen entre 2001 et 2013 (6). Quand elles sont évoquées en Occident, ce qui est rare, ces victimes, contrairement à celles que fait le « terrorisme », n’ont jamais de visage, jamais d’identité ; elles sont anonymes, « collatérales ». Pourtant, chacune a une famille, des frères et des sœurs, des parents. Faut-il s’étonner que leur souvenir alimente une haine grandissante contre les Etats-Unis et l’Occident ? Peut-on envisager que l’ancien président Bush soit traîné devant la Cour pénale internationale pour avoir envahi et détruit l’Irak ? Ces crimes jamais poursuivis confortent le crédit des discours les plus extrémistes dans la région.

    En désignant l’ennemi comme une « menace existentielle », en le réduisant à l’« islamo-fascisme » comme l’a fait le premier ministre Manuel Valls, en évoquant une troisième guerre mondiale contre un nouveau totalitarisme héritier du fascisme et du communisme, l’Occident accorde à Al-Qaida et à l’OEI une visibilité, une notoriété, une stature comparable à celle de l’URSS, voire de l’Allemagne nazie. Il accroît artificiellement leur prestige et l’attraction qu’ils exercent sur ceux qui souhaitent résister à l’ordre imposé par des armées étrangères.

    Certains dirigeants américains ont parfois des éclairs de lucidité. En octobre 2014, le secrétaire d’Etat John Kerry, célébrant avec les musulmans américains la « fête du sacrifice », déclarait en évoquant ses voyages dans la région et ses discussions concernant l’OEI :« Tous les dirigeants ont mentionné spontanément la nécessité d’essayer d’aboutir à la paix entre Israël et les Palestiniens, parce que [l’absence de paix] favorisait le recrutement [de l’OEI], la colère et les manifestations de la rue auxquels ces dirigeants devaient répondre. Il faut comprendre cette connexion avec l’humiliation et la perte de dignité (7). »

    Il y aurait donc un rapport entre « terrorisme » et Palestine ? Entre la destruction de l’Irak et la poussée de l’OEI ? Entre les assassinats « ciblés » et la haine contre l’Occident ? Entre l’attentat du Bardo à Tunis, le démantèlement de la Libye et la misère des régions abandonnées de la Tunisie dont on espère, sans trop y croire, qu’elle recevra enfin une aide économique substantielle qui ne sera pas conditionnée aux recettes habituelles du Fonds monétaire international (FMI), créatrices d’injustices et de révoltes ?

    Infléchir les politiques occidentales

    Ancien de la CIA, excellent spécialiste de l’islam, Graham Fuller vient de publier un livre, A World Without Islam (« Un monde sans islam ») (8), dont il résume lui-même la conclusion principale :« Même s’il n’y avait pas eu une religion appelée islam ou un prophète nommé Mohammed, l’état des relations entre l’Occident et le Proche-Orient aujourd’hui serait plus ou moins inchangé. Cela peut paraître contre-intuitif, mais met en lumière un point essentiel : il existe une douzaine de bonnes raisons en dehors de l’islam et de la religion pour lesquelles les relations entre l’Occident et le Proche-Orient sont mauvaises (...)  : les croisades (une aventure économique, sociale et géopolitique occidentale), l’impérialisme, le colonialisme, le contrôle occidental des ressources du Proche-Orient en énergie, la mise en place de dictatures pro-occidentales, les interventions politiques et militaires occidentales sans fin, les frontières redessinées, la création par l’Occident de l’Etat d’Israël, les invasions et les guerres américaines, les politiques américaines biaisées et persistantes à l’égard de la question palestinienne, etc. Rien de tout cela n’a de rapport avec l’islam. Il est vrai que les réactions de la région sont de plus en plus formulées en termes religieux et culturels, c’est-à-dire musulmans ou islamiques. Ce n’est pas surprenant. Dans chaque grand affrontement, on cherche à défendre sa cause dans les termes moraux les plus élevés. C’est ce qu’ont fait aussi bien les croisés chrétiens que le communisme avec sa “lutte pour le prolétariat international” (9). »

    Même s’il faut s’inquiéter des discours de haine propagés par certains prêcheurs musulmans radicaux, la réforme de l’islam relève de la responsabilité des croyants. En revanche, l’inflexion des politiques occidentales qui, depuis des décennies, alimentent chaos et haines nous incombe. Et dédaignons les conseils de tous ces experts de la « guerre contre le terrorisme ». Le plus écouté à Washington depuis trente ans n’est autre que M. Netanyahou, le premier ministre israélien, dont le livre Terrorism : How the West Can Win (10) prétend expliquer comment on peut en finir avec le terrorisme ; il sert de bréviaire à tous les nouveaux croisés. Ses recettes ont alimenté la « guerre de civilisation » et plongé la région dans un chaos dont tout indique qu’elle aura du mal à sortir.

    Alain Gresh