CONDAMNATIONS POUR APOLOGIE...
CONDAMNATIONS POUR APOLOGIE DU TERRORISME : LES "PROVOCATIONS" CONTRE LA POLICE PRISES EN COMPTE...
...mais pas la déficience mentale
Plus de 70 procédures et un appel solennel du gouvernement à la plus grande fermeté contre tous ceux qui feraient "l'apologie du terrorisme". Depuis quelques jours, les condamnations se multiplient et vont de quatre ans ferme, à en croire les titres de presse, au simple... rappel à la loi. Alors comment expliquer de telles différences dans les peines ? Et l'apologie au terrorisme sur Facebook est-elle plus ou moins sévèrement punie que des menaces en pleine rue ?
Le gouvernement avait appelé à la "fermeté" contre "l’apologie du terrorisme". La ministre de la Justice avait publié en ce sens une circulaire le 12 janvier, dans laquelle elle demandait aux procureurs de la Républiquede faire preuve d’une "extrême réactivité dans la conduite de l’action publique envers les auteurs de ce type d’infractions".
Deux jours plus tard, Le Monde comptait plus de 70 procédures ouvertes pour apologie et menaces d’actions terroristes et notait une "répression accrue". Si la plupart des sites de presse qui traitent du sujet rappellent les condamnations les plus lourdes, dont celle à quatre ans fermes (qui n’avait pas grand-chose à voir avec l’apologie du terrorisme comme @si l’expliquait aussi), peu soulignent que tous les prévenus n’ont pas été jugés aussi sévèrement.
"JE N'AIME PAS CHARLIE, ILS ONT EU RAISON DE FAIRE ÇA"
Ainsi, un homme, qui a hurlé "je suis fier d’être musulman, je n’aime pas Charlie, ils ont eu raison de faire ça" dans la rue à Saint-Étienne le 11 janvier, a bien commis un délit d’apologie du terrorisme, qui consiste à "présenter ou commenter" publiquement un attentat "sous un jour favorable" selon la circulaire de Taubira. Pourtant, il n’a pas été condamné et a écopé d’un simple rappel à la loi. Idem pour un homme à Courbevoie (92) qui clamait "nique la France, nique Charlie Hebdo". Point commun : aucun des deux hommes ne menaçait quelqu'un en particulier, et rien n’indique qu’ils avaient déjà été condamnés pour d’autres faits.
Il semble en fait que les peines les plus lourdes ont été prononcées contre des individus ayant menacé directement des policiers ou des fonctionnaires. Dans ces cas-là, les peines semblent en tout cas plus exemplaires.
"SA PLACE N'EST PEUT-ÊTRE PAS EN PRISON"
Il en est ainsi pour un Marocain de 38 ans, par exemple, souffrant de problèmes psychiatriques. "Il s'est fait contrôler après avoir fait un doigt d'honneur à la police lundi dans le XIXe arrondissement. Il traite alors les «Français de bouffeurs de porc», qui «méritent ce qui leur est arrivé» et aurait dit selon la police «quand je vois des bombes qui explosent et des policiers qui crèvent, je rigole», «les policiers méritent de mourir, je suis le fils de Ben Laden»", raconte Le Parisien. Alors que le procureur estimait que sa place n'est "peut-être pas en prison", le tribunal a tout de même prononcé une peine de trois mois ferme avec placement en détention immédiate.
Un Isérois qui souffre d'une "déficience mentale légere" depuis l'enfance a lui été condamné à six mois de prison ferme pour avoir "provoqué une patrouille" de police, explique Metronews, en ces termes : "Ils ont tué Charlie, moi j'ai bien rigolé. Par le passé ils ont déjà tué Ben Laden, Saddam Hussein, Mohamed Merah et de nombreux frères... Si je n'avais pas de père ni de mère, j'irai m'entraîner en Syrie".
Un dernier cas a été largement relayé : une fille de 14 ans a été mise en examen pour avoir menacé des contrôleurs dans le tram à Nantes. "On est les sœurs Kouachi, on va sortir les kalachnikov" a lancé l'adolescente aux agents, pour laquelle le juge des enfants a prononcé une mesure de réparation (alternative éducative à l'incarcération) explique Ouest-France.
DES PEINES ENCOURUES PLUS LOURDES SUR INTERNET
Et il n'y a pas qu'en hurlant ce type de propos dans la rue qu'on risque de lourdes peines. Plusieurs cas d'apologie du terrorisme en ligne ont été jugées ces derniers jours. Un homme de 22 ans de Rueil-Malmaison a ainsi été condamné à un an ferme après avoir publié sur Facebook une vidéo dans laquelle "il se moquait d'Ahmed Merabet, le policier abattu lors de l'attaque contre Charlie Hebdo" raconte Metronews, qui précise toutefois qu'il était connu de la police pour des affaires de stupéfiants. Next Inpact a recensé au moins quatre autres condamnations à de la prison ferme pour des messages postés pour les réseaux sociaux, en plus du jeune de Rueil-Malmaison et de la mise en examen de Dieudonné (dont @si parlait ici et là).
Un Varois de 27 ans a ainsi écopé d'un an de prison dont trois mois ferme pour avoir dit, sur Facebook, «On a bien tapé, mettez la djellaba, on ne va pas se rendre, il y a d'autres frères à Marseille». Il avait pourtant avoué avoir "agi par bêtise, pour faire le buzz" avant de présenter ses excuses. Deux Castrais ont été condamnés à respectivement 5 et 12 mois ferme pour des faits similaires, sur le même réseau social. Idem pour un jeune homme de 18 ans de Châlons-en-Champagne : trois mois de prison ferme pour avoir écrit "Il faut rafaler, rafaler (...), nique sa mère Charlie (...), il y en aura d'autres (...), mort à la France" et publier une photo de djihadistes armés.
Des condamnations parfois lourdes, qui s'expliquent notamment par le fait que la loi antiterroriste de novembre 2014, en plus de faciliter les condamnations pour apologie du terrorisme, a revu à la hausse les condamnations pour ce délit s'il est commis en ligne : la peine maximale encourue est passée de cinq à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 à 100 000 euros d'amende (@si vous en parlait ici). Une sévérité qui fait bondir la Ligue des droits de l’homme, citée par Next Inpact. Celle-ci est très critique vis-à-vis de la dernière loi antiterrorisme, qui créerait un quasi-"délit d’opinion" : "les récentes poursuites en rafale sur la base de cette nouvelle disposition, au motif d’une apologie du terrorisme, donnent lieu à des condamnations parfois importantes, et sont prononcées dans les conditions détestables qui sont celles des comparutions immédiates, alors que le plus souvent il s’agit d’actes d’ivrognes ou d’imbéciles sans même aucune publicité".
SANCTION ADMINISTRATIVE POUR UNE PROF
Outre les sanctions pénales, une mesure de suspension a été prise à l'encontre d'une enseignante de Bobigny. En cause, le discours complotiste qu'elle aurait tenu face à une classe, et que des élèves ont enregistré. Un incident rapporté par Le Monde : "Mme M. évoque«le flic soi-disant mort». Elle ajoute qu’«on n’a pas vu les corps des journalistes». «Vous trouvez pas ça bizarre qu’il en manquait un à leur réunion?», interroge l’enseignante en évoquant la conférence de rédaction de l’hebdomadaire satirique".