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Azel Guen : Décryptage de l'Actu Autrement - Page 154

  • Libye : Michel Collon décrypte

    Libye : conseils anti-manips
    Michel Collon

    22 août 2011

    N’étant pas sur place en ce moment, nous ne pouvons fournir une info de première main. Nous diffusons ci-après quelques messages qui nous parviennent, directement ou indirectement de Tripoli de sources sûres. Mais, sur base des médiamensonges des précédentes guerres, nous appelons à la prudence envers les grands médias… Ils n’ont pas arrêté de nous mentir ou de nous cacher l’essentiel depuis le début de cette guerre : vont-ils, au moment d’un affrontement décisif, changer de méthodes ?

     

    1. Toute image peut être manipulée. Elle ne vous dit pas automatiquement : qui fait quoi, quand, où et pourquoi ? Tous ces éléments ne sont pas dans l’image, mais peuvent être interprétés et déformés par un commentaire que vous n’avez pas les moyens de vérifier. Un montage qui peut avoir pratiqué des coupes, des collages, des amalgames…

      Exemple : Lors de l’invasion de Bagdad, on a présenté en gros plan une « foule » en liesse abattant la statue de Saddam Hussein, mais un plan large montra ensuite qu’il n’y avait là que quelques dizaines de gens, qui en fait étaient des agents des USA.
    2. Donne-t-on les preuves ? Ou bien s’agit-il de rumeurs ? Quelles sont les sources ? Ai-je entendu la version de l’autre partie ? Correctement présentée ? Sinon, pourquoi la cache-t-on ? 

      Exemple Irak : pas de preuves sur les armes de destruction massive. Exemple Afghanistan : pas de preuves sur l'implication des talibans dans les attentats du 11/09. 
      Libye : on a dit que Kadhafi bombardait la population et avait fait 6000 victimes. Quelles preuves ?

      Pour le moment tous les journalistes des agences de presse occidentale, AFP, Reuters, sont retranchés dans un hôtel. Les seuls communiqués viennent de l'opposition libyenne et de l'OTAN. 
    3. Parle-t-on des intérêts ? Nous présente-t-on la version de propagande d’une des parties en présence ou bien expose-t-on ses véritables intérêts économiques et stratégiques ?

      La fausse raison qui à mener à la guerre continue à faire la une des journaux : "Fuite ou procès du leader libyen et de sa famille. Enfin la liberté après 42 ans de règne absolu."

      Pourquoi libérer les libyens d'un côté et soutenir les dictatures de l'autre, en soutenant la répression au Bahreïn par exemple ?



    Les bombardements de l’OTAN sèment peur et mort parmi les civils à Tripoli alors que son mandat est de les protéger :

    Bilan des services médicaux libyens 1856 morts Plus de 6.000 blessés, à 14H42 de très nombreux enfants parmi les victimes bilan de cette nuit. Les chirurgiens opèrent à la lampe de poche dans certains blocs en attendant le rétablissement de l'électricité, l'Otan s'attaquant aux installations électriques. Les hélicoptères de l'OTAN ont mitraillé la foule en panique, pendant que des hommes armés débarquaient depuis des bateaux de l'OTAN. L'hôpital central de Tripoli a été touché par des roquettes. Des scènes de massacre ont été décrites. Des femmes sont emportées comme « butin de guerre ».

    Les bombardements ont repris vers 10h 20 ce matin. Ils sont dirigés sur quelques objectifs précis sur lesquels l’OTAN s’acharne. Les combats ont repris autour de l’hôtel où sont toujours retranché des dirigeants libyens et la presse étrangère.

     

    Le Parti socialiste français favorable au massacre des civils de Tripoli :

    Martine Aubry : "C'est avec plaisir que nous voyons les rebelles entrer dans Tripoli, la capitale où ils auraient pu entrer plus tôt, si la communauté internationale s'était mobilisée plus tôt comme je l'avais demandé".
    "Nous avons soutenu l'intervention de la France derrière l'ONU, bien évidemment. Il fallait le faire"


     

    Don d'ubiquité de Khadafi :

    Difficile de localiser le dirigeant libyen car il est à la fois en Algérie, au Venezuela, en Angola, au Zimbabwe ou encore au fond d'un bunker (sa résidence), ou bien, il est à Syrthe, son "bastion. Pour les habitants de Benghazi, il a même été annoncé mort.

     

    Des journalistes au travail menacés de morts, d'autres blessés :

    L’ordre a été donné par de soi-disant "journalistes" US d’abattre Mahdi Darius Nazemroaya (Global Research Center - Canada) et Thierry Meyssan (Réseau Voltaire). Trois Etats ont offert leur protection diplomatique, aux collaborateurs du Réseau Voltaire. Cependant, piégés dans la ville, ces derniers n’ont aucun moyen de rejoindre leurs ambassades. Ils seraient sous la protection de l'agence de presse Xinhua.

    Dr Franklin Lamb, directeur de Americains pour la Paix au Moyen-Orient, qui partageait des renseignements et des informations sur YouTube, a été touché à la jambe par un sniper près de son hôtel.

     

    Journalistes non-menacés

     

    Le journaliste Mahdi Nazemroaya, situé dans un hôtel du centre de Tripoli avec la presse internationale, affirme que les journalistes sont pris pour cible par les rebelles et les forces de l'OTAN qui les soutiennent. Alors qu'il parle à RT (Russian Today), les tirs peuvent être entendus.
    " Les zones où les journalistes internationaux sont installés sont ciblés pour semer la panique" , a t-il soutenu. "L'OTAN a fait tout le travail. C'est une guerre de l'OTAN. Ils ont bombardé toute la nuit, sans arrêt. Ils ont bombardé la ville entière."
    "Mais les défenseurs de la ville ne sont pas pessimistes", continue Nazemroaya.
    " La situation est de plus en plus tendue ", a déclaré Nazemroaya. "Les membres du personnel de l'hôtel sont de retour avec des fusils. Ce sont des volontaires, pas des soldats. Ils sont confiants." (22/08 - 19h52) - Source :
     RT

     

    Hugo Chavez condamne à nouveau l'action de l'Otan :

    Dans un communiqué datant de dimanche soir, le Président vénézuélien a à nouveau condamné l'action de l'OTAN. « Les gouvernements démocratiques européens (...) démolissent Tripoli avec leurs bombes »


     

    Des convois camions remplis de milliers de volontaires et d'hommes armés se dirigent vers Tripoli pour protéger la capitale de la Libye :

    Des milliers de volontaires des tribus de Ben Walid, Sirte, Sebha, Awlad Slimane, Al Mogarha, Worchafana, Tarhona, Al Siane, Al Ziyayna, Al Hsone, Worfala (1 500 000 d'habitants), ainsi que d'autres sont venus de partout de Libye pour soutenir les habitants de Tripoli ainsi que l'armée contre les attaques des rebelles et de l'OTAN.

    GDF Suez et Total, ils signent les plus fortes hausses ce lundi à la Bourse de Paris (+5% et +4,1%).

    Les deux titres caracolent en tête du CAC 40 ce lundi. Ils profitent de la perspective d'un rétablissement des exportations de pétrole et de gaz libyens en cas de victoire des insurgés, ainsi que de possibles futurs contrats. D’après des analystes interrogés par l’agence Reuters, les entreprises françaises et italiennes pourraient émerger comme les grands gagnants de la redistribution des cartes en Libye du fait du fort soutien dont ont fait preuve Paris et Rome à l'égard des rebelles. Ce malgré leurs liens avec le régime de Kadhafi. Source : EasyBourse


     

    Possible démission du chef rebelle :

    Le chef du Conseil national de transition (CNT), l'organe politique de la rébellion en Libye, a évoqué aujourd'hui sa possible démission pour protester contre les actes de vengeance perpétrés selon lui par certains combattants rebelles sur le terrain. "Je salue l'action des chefs des révolutionnaires, j'ai confiance en leur parole, mais certains actes de quelques-uns de leurs hommes m'inquiètent", a déclaré Moustapha Abdeljalil, évoquant "des actes de vengeance". AFP

    Informations réunies par Cédric Rutter - Investig'Action

     

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    Libye

     

  • Le Soleil Noir de l’Occident se lève sur la Libye

     

    7 août 2011

    Le Soleil Noir de l’Occident se lève sur la Libye

    Guillaume DE ROUVILLE

    L’intervention occidentale de 2011 en Libye, illustre, jusqu’à la caricature, à la fois l’impérialisme humanitaire dont peuvent faire preuve les démocraties et l’aveuglement plus ou moins volontaire des grands médias démocratiques sur les arrières-pensées géostratégiques, pourtant faciles à déceler, des puissances occidentales. Au moment où nous rédigeons ces lignes les informations sont encore parcellaires et il faut bien se garder de porter un jugement définitif sur les événements qui s’y déroulent. Mais, on peut déjà, à grands traits, et sur la base d’éléments factuels rendus publics, présenter une version des faits radicalement différente de celle qui nous est servie par les protagonistes occidentaux et leurs relais médiatiques.

    Tout commence en 2006 quand Kadhafi réprime dans le sang (14 morts parmi les manifestants) une révolte islamiste à Benghazi, avec la bénédiction des Occidentaux qui ont œuvré, depuis 2004, pour faire du dirigeant libyen un homme fréquentable. Quelques années plus tard, mi février 2011, a lieu, toujours à Benghazi, une manifestation des parents des prisonniers ’politiques’ de la révolte de 2006 qui demandent leur libération. À cette occasion, des échauffourées entre manifestants et forces de l’ordre font une dizaine de morts. À partir de là tout s’enchaîne à merveille pour les Occidentaux, qui vont entrer en scène pour impulser le déroulement des événements en leur faveur, après avoir ’subi’ les révoltes arabes de Tunisie et d’Égypte qui ont fait tomber leurs amis autocrates (1).

    Très vite on nous présente devant les caméras quelques ’foules’ clairsemées de rebelles qui, curieusement, ressemblent plus à des soldats et à des islamistes poussant à la guerre civile qu’à des étudiants pacifiques réclamant, comme on a pu le voir en Tunisie et en Égypte, la démocratie téléphones portables à la main. On fait illusion avec quelques centaines de personnes pour annoncer un soulèvement général qui n’a pas lieu. Le soulèvement est circonscrit à une ou deux villes (principalement Benghazi et Derna, toutes deux situées en Cyrénaïque) connues pour leur insoumission au pouvoir central et leur proximité avec les mouvements islamistes les plus extrémistes de la région (2). Al Jazeera, chaîne d’un émir du Qatar (précieux allié des États-Unis dans la péninsule arabique) qui avait pourtant couvert très largement les révoltes arabes en Tunisie et en Égypte, est incapable de nous montrer les foules en délires démocratiques à Benghazi ou ailleurs sur le territoire libyen. Au lieu de cela, on voit quelques rebelles de Benghazi maniant des armes lourdes ou conduisant des chars et l’ancien ministre du Protocole de Kadhafi, Nuri Mesmari, sur fond de Tour Eiffel, appelant à la révolution contre son ancien maître, au nom de droits de l’homme qu’il n’a jamais défendus : celui-ci s’est réfugié en France en novembre 2010, plusieurs mois avant que le vent de révolte ne porte le trouble dans les oligarchies arabes. La chaîne qatarie affirme que le 21 février des avions et des hélicoptères de Kadhafi auraient ouvert le feu contre des manifestants, sans, cependant, pouvoir fournir une seule image pour appuyer ses affirmations, en dépit de la présence sur place de ses journalistes. Pour prix de sa coopération avec les insurgés de Benghazi, Al Jazeera sera, quelques semaines plus tard, mandatée par les rebelles pour créer une nouvelle chaîne nationale libyenne.

    On reconnaît (dès le 10 mars 2011 pour la France (3)) un Conseil National de Transition, formation politique hétéroclite qui se divise en deux parties inconciliables : d’un côté, les anciens cadres de Kadhafi ayant senti le vent tourner et plutôt de tendance laïque (dont le Ministre de la Justice du dictateur jusqu’au 21 février 2011, Mustafa Abdel Jalil, Ministre qui avait supervisé, avec le Ministre de l’Intérieur, la torture des infirmières Bulgares libérées grâce à l’intervention de Nicolas Sarkozy et qui a été désigné par Amnesty International comme un homme particulièrement infréquentable ; et Abdul Fatah Younis, ancien Ministre de l’Intérieur de Kadhafi et auparavant chef de la police politique) ; de l’autre, des fondamentalistes (4) qui réclament la Charia (dont l’un des principaux dirigeants du Conseil, al-Hasidi) et dont les mouvements ont fourni les plus importants contingents de djihadistes en Irak de la part d’un pays étranger (5). Ni les uns ni les autres n’ont un passé de militants des droits de l’homme, mais qu’importe, les démocraties savent transformer le djihadiste en démocrate, l’islamiste terroriste en musulman modéré ami de l’Occident s’il le faut. D’une certaine manière, les rebelles libyens ressemblent aux rebelles kosovars, mafieux avérés et terroristes reconnus, mais amis providentiels instrumentalisés par l’Occident pour appuyer leurs guerres. Les Occidentaux semblent, en outre, rejouer en Libye le pari afghan : on s’allie avec l’ennemi de demain pour combattre l’ennemi d’aujourd’hui (sauf que l’ennemi de demain - les islamistes - c’est déjà l’ennemi d’aujourd’hui, du moins si l’on en croit les raisons de notre présence en Afghanistan !). Que des membres éminents du Conseil National de Transition aient des liens avec les mouvances terroristes islamistes et peut-être, même, avec al-Qaïda, ne semble guère émouvoir nos experts en géostratégie et spécialistes de la guerre contre le terrorisme.

    On passe un marché avec certains membres de la Ligue des États Arabes (6) pour donner l’impression que le monde arabe est derrière l’intervention occidentale : on oublie de mentionner que la Ligue des États Arabes est un club de dictateurs dont l’Arabie Saoudite est l’un des membres les plus influents et que cette dernière, en échange d’une acceptation de principe, a été mandatée pour aller écraser dans le sang, au même instant, une autre révolte populaire, au Bahreïn, celle-ci réelle et de grande ampleur, avec la bénédiction des Occidentaux, dans le silence médiatique le plus total. Il était inconcevable pour les États-Unis et l’Arabie Saoudite de laisser les dirigeants sunnites du Bahreïn céder aux revendications des foules chiites -70% de la population- vues comme les alliées potentielles des Iraniens. Rappelons également que le Bahreïn est le port d’attache de la 5ème flotte américaine. Les militants des droits de l’homme du Bahreïn ont été arrêtés, torturés et exécutés. Les dirigeants de l’opposition et les principaux représentants des manifestations vont bientôt être jugés et sans doute condamnés à mort. Le 19 mai 2011, le prince régnant du Bahreïn était chaleureusement accueilli par le premier Ministre Britannique au 10 Downing Street pour parler des affaires du monde, comme si de rien n’était. On prend également soin de ne pas mentionner que seulement 9 des 22 membres de la Ligue des États Arabes ont donné leur accord pour ’une zone d’exclusion aérienne’ afin de protéger les populations civiles qui seraient la cibles des folies de son dirigeant (les autres membres étant absents lors du vote). Ils n’ont, par ailleurs, jamais donné leur accord pour une intervention au sol de l’OTAN (sans doute inévitable), ni pour armer la rébellion (une réalité dès le début du conflit (7)).

    On sur-représente un soulèvement pour rendre nécessaire une intervention que l’on qualifie dans un premier temps d’humanitaire et que l’on prétend limitée à un pont aérien destiné à protéger les civils des bombardements du dictateur. On jure que ce seront les Nations unies qui interviendront et qu’il n’y aura pas de troupes au sol. On annonce et répète en boucle sur tous les médias que les bombardements de Kadhafi ont fait plus de 6000 morts en quelques jours (dont 3000 à Tripoli (8)). Le nombre de ’6000’ morts a été avancé dès le 2 mars 2011 par le tout nouveau porte-parole de la Ligue libyenne des droits de l’Homme, Ali Zeidan, à ce point proche de la rébellion qu’il est également le porte-parole du Conseil National de Transition ! Quelques jours plus tôt (le 28 février), pressentant sans doute qu’un ’génocide’ serait en cours, on fait entrer en scène l’ONU, par l’intermédiaire de son Secrétaire Général, Ban Ki-moon, qui, à la sortie d’une visite du mémorial sur l’Holocauste à Washington, fait une déclaration dans laquelle il ose un parallèle entre les bombardements supposés du régime libyen sur son peuple et le génocide perpétré par les nazis (9). Il annoncera plus tard que le Conseil de Sécurité des Nations unies devra également poursuivre le tyran devant la Cour Pénale Internationale pour crimes contre l’humanité (ce qui sera chose faite avant la fin du mois de mai 2011, le Conseil de Sécurité ayant saisi le Procureur de la Cour - Luis Moreno-Ocampo - à cet effet, Procureur qui s’exécutera immédiatement).

    Qu’importe que, quelques semaines plus tard, on apprenne que les bombardements contre les foules démocratiques n’ont pas eu lieu. Le spectre de Timisoara (les fameux faux charniers du dictateur roumain Ceauşescu) est de retour. Mais les médias dominants ne reprendront pas la nouvelle. On ne niera pas la répression sanglante, mais il convient d’en mesurer la portée : puisque Kadhafi était devenu l’ami des Occidentaux, c’est que nous avions pardonné son passé (à tort d’ailleurs). Ainsi, l’intervention de 2011 n’est pas basée sur ses crimes passés qui ont, en quelque sorte, été absous par les Occidentaux, mais sur la répression supposée de la rébellion de Benghazi et les ’6000’ victimes qui en ont résulté. Mais, on le sait, les chiffres ont été manipulés (10) et la répression peut, d’une certaine manière, être analysée comme une réponse à un défi militaire orchestré par des Occidentaux appuyant un clan non-démocratique dans le cadre d’une guerre civile provoquée. Face à deux mouvances non-démocratiques, toutes deux responsables de crimes de guerre (11), pourquoi les Occidentaux devraient-ils choisir l’un des deux camps ? Ne peuvent-ils pas se contenter d’appuyer des forces démocratiques crédibles sans vouloir en tirer un profit géopolitique pour eux-mêmes ? Les opinions publiques occidentales, sont, sans aucun doute, prêtes à aider les démocrates sincères des révoltes arabes, sans réclamer en échange autre chose qu’un peu de reconnaissance et le témoignage de l’amitié entre les peuples.

    Des milliers de morts à Benghazi ou une centaine ? :

    « Je suis arrivée fin février, ce n’était pas encore la guerre mais c’était le plus fort de la répression des manifestations. A Al-Baïda, une soixantaine de personnes sont mortes et à Benghazi, entre 100 et 110 personnes ont été tuées. C’est beaucoup, c’est grave mais ce ne sont pas les milliers de morts annoncés ».

    Donatella Rovera, conseillère sur la réaction aux crises à Amnesty International, 16 juin 2011, Rue89 (12)

    fin, au lieu de l’ONU on voit finalement l’OTAN intervenir. Derrière l’OTAN ce sont les États-Unis qui pilotent les opérations militaires depuis leur base de Stuttgart (en Allemagne), base chargée de leurs opérations militaires pour l’ensemble de l’Afrique (il s’agit, plus précisément, de l’Africom, ou centre de commandement unifié américain pour l’Afrique, que la Libye a effrontément refusé de rejoindre en 2007, à la différence de la quasi-totalité des pays africains). Mais, pour ne pas froisser une opinion publique américaine échaudées par l’Irak et l’Afghanistan, les États-Unis préfèrent laisser les premiers rôles médiatiques à leurs subalternes français et britanniques, qui voient là une occasion de bomber le torse à moindre frais. Et, en dépit des dénégations de ses dirigeants, l’intervention au sol commence dès le début des opérations aériennes de l’OTAN, des membres des forces spéciales françaises et britanniques aidant les insurgés à manier les armes lourdes dès le début de la rébellion (13).

    Ainsi, on attise les tensions entre tribus et clans politiques (Kadhafi s’appuie sur les tribus de l’Ouest, du Centre et du Sud -les Fezzans-, qui s’opposent depuis longtemps aux Harabi et aux El-Obeidat identifiés à l’ex-classe dirigeante du temps de la monarchie) dans un pays étranger jusqu’à créer et nourrir une guerre civile au nom des droits de l’homme, comme l’avait fait autrefois la France au Biafra dans les années 1960. On arme une partie contre une autre en tenant soin de ne pas permettre à l’une d’entre elles d’écraser définitivement son adversaire. On démembre l’État, comme en Irak, avec l’intention, sans doute, de créer plusieurs entités indépendantes, mais pas assez fortes pour se dispenser de l’aide et de la protection des Occidentaux. On s’accapare, avec l’aval de l’ONU, une partie des fonds souverains libyens (14) (plus de 35 milliards de dollars pour les États-Unis, le même montant pour l’Europe - les fonds en question ne sont pas ceux de Kadhafi, mais ceux de la Banque Centrale Libyenne et de la compagnie nationale de pétrole) qu’on prétend destinés à la reconstruction d’un pays dont on est le principal destructeur. Il ne serait pas surprenant que nous utilisions ces fonds pour financer nos propres entreprises et pour acheter les alliances nécessaires à nos fins, comme l’ont fait les États-Unis en Irak en toute impunité.

    On met également fin, de la sorte, à une tentative d’indépendance financière de l’Afrique dans laquelle la Libye jouait un rôle majeur. En effet, les investissements libyens (300 millions de dollars) ont permis la réalisation et la mise en orbite (en 2007) du premier satellite de télécommunications de la Regional African Satellite Communications Organization qui ouvre, enfin, aux pays africains, l’espoir de devenir moins dépendants des réseaux satellitaires occidentaux (et notamment du réseau satellitaire européen qui coûtait au continent africain plus de 500 millions de dollars par an). Également importants ont été les investissements de la Libye dans les organismes financiers et de développement créés par l’Union Africaine : la Banque africaine d’investissement, dont le siège est à Tripoli ; le Fonds monétaire africain (dont la Libye est le principal contributeur avec l’Algérie (15)) et qui était destiné à contourner les orientations néolibérales du FMI dès 2011 et, enfin, la Banque centrale africaine qui a pour ambition de créer une monnaie africaine pour l’ensemble du continent au grand dam, notamment, des défenseurs du Franc CFA. De leur côté, les États-Unis voyaient d’un mauvais œil le soutien apporté par le Guide libyen au projet de Dominique Strauss-Kahn, alors directeur du FMI, de faire des Droits de Tirage Spéciaux, émis par l’institution, une monnaie internationale pouvant, à terme, concurrencer le dollar, dans certaines régions du monde. Les fonds souverains libyens, détournés par les Occidentaux, ne viendront plus financer ces organismes de manière indépendante pour l’Afrique. C’est un coup dur porté au continent africain. L’Occident envoie un signal fort à ses amis tyrans qui auraient quelques velléités d’indépendance à son égard : ’tenez vos promesses envers nos oligarchies, ou dégagez’.

    Mercenaires en Libye ? :

    « Il y a eu une certaine hystérie de la part des médias autour de la question des mercenaires. Le Conseil national de la transition (CNT) a organisé des visites dans les prisons pour que les journalistes « voient » les mercenaires, mais il s’agissait surtout de pauvres jeunes gens terrorisés, pas forcément liés au conflit. Mais ils ont été filmés, photographiés, ils étaient reconnaissables. […]

    On n’a pas vu de mercenaires, sauf si cela s’est passé dans l’ouest où nous n’avons pas accès. Nous avons rentré des étrangers et des Libyens noirs qui ont été pris pour cible par les anti-Kadhafi. Le comportement des combattants de l’opposition à leur égard pose question. Ils ont commis des violations graves ».

    Donatella Rovera, Amnesty International, 16 juin 2011, Rue89 (16)

    Dès avril 2011, sous la houlette bienveillante des puissances occidentales, les insurgés de Benghazi, curieusement pressés, diligents et bien inspirés,ont créé une banque centrale (avec l’aide de la banque HSBC) et une nouvelle compagnie nationale du pétrole (la Libyan Oil Company), toutes deux indépendantes du pouvoir central de Tripoli. Ils ont annoncé leur intention de privatiser, à terme, la Libyan Oil Company. Les contrats pétroliers en faveur des Occidentaux ont été renégociés dans la foulée, dans des termes beaucoup plus avantageux pour ces derniers que du temps de la splendeur de leur ami Kadhafi. La gestion de la Libyan Oil Company a été confiée au Qatar. Dès le 29 mars 2011, les Occidentaux décident lors du sommet de Londres que les insurgés seront autorisés à exporter à leur profit le pétrole du pays (17). La guerre humanitaire est, décidément, une affaire bien lucrative pour certains milieux qui n’attendent pas l’issue de la guerre pour négocier leur part du butin.

    Il ne faudra pas s’étonner de voir, à moyen terme, les États-Unis installer des relais puis des bases militaires sur le territoire libyen. Il ne faudra pas non plus jouer l’étonnement si une grande partie des industries libyennes est privatisée au profit de grands groupes occidentaux dans les mois qui viennent. L’opération ’Aube de l’Odyssée’ (18) n’est que le début du long voyage de l’OTAN pour conquérir l’Afrique militairement, à défaut de savoir comment y investir pour l’avenir de ses populations. Face aux révoltes démocratiques inattendues des sociétés tunisienne et égyptienne qui n’ont pas reçu le soutien des dirigeants démocrates, ces derniers ont préféré prendre les devants en Libye pour reprendre la main sur l’échiquier géopolitique régional. Les Occidentaux sont en pleine guerre froide avec la Chine en Afrique et avec l’Iran chiite dans la péninsule arabique toute proche ; les Libyens semblent devoir en payer le prix sous l’œil passif des opinions publiques occidentales. Il n’y a là rien de nouveau pour qui observe froidement les actes de guerre des démocraties au-delà des apparences médiatiques. Dans cette reconquête du terrain perdu (19), les Occidentaux sont aidés par l’Arabie Saoudite, le Qatar et les Émirats Arabes Unis, pays qui ont tous participé à la répression du soulèvement populaire au Bahreïn. La société américaine de mercenaires Xe Services (connue anciennement sous le nom de Blackwater) est en train de constituer aux Émirats Arabes Unis une force d’intervention destinée à mater les révoltes populaires qui pourraient survenir dans la région (20). L’Arabie Saoudite déverse des milliards de dollars pour s’assurer que l’Égypte maintienne son oligarchie en place et n’aille pas davantage vers la voie de la démocratie (21). Dans ce contexte, et Kadhafi n’ayant pas tenu ses promesses à l’égard de des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne en ce qui concerne les contrats pétroliers (22) et l’achat d’armements, il était temps de donner une leçon au nouvel ami peu fiable. 

    Une fois Kadhafi hors-jeu, la France pourra, si l’Algérie a bien retenu la leçon libyenne, relancer l’Union pour la Méditerranée qui avait été snobée par le dictateur libyen.

    S’il est difficile de ne pas se réjouir de la chute d’un dictateur, il est, de notre point de vue, criminel, de la part des pays occidentaux, de prendre prétexte de cette chute pour bombarder, conquérir, démembrer, dépouiller un pays sans y apporter la démocratie. Le dictateur tombe, l’oppression reste, avec, en général, plus de violence, moins de droits pour les femmes (23) et les enfants et une économie dépecée par la rapacité des nouveaux chefs locaux alliés des démocrates aux mains sales. Les charniers laissés derrière elles par les démocraties sont-ils plus tolérables et moins douloureux pour les victimes que ceux légués par les dictatures ? Le désastre irakien était pourtant là pour nous le rappeler : les belles déclarations occidentales sont pavées de mauvaises intentions ; aux promesses succèdent les crimes, aux crimes succèdent les tombes, aux tombes le silence des victimes. Les interventions occidentales semblent, dans nombre de cas, ajouter un surcroît de désespoir aux malheurs des peuples opprimés.

    Les exemples tunisien et égyptien nous montrent que les peuples sont capables de faire tomber leurs tyrans avec moins de sang répandu ou de souffrances endurées que lorsque ce sont les Occidentaux qui s’en mêlent. Mais ces derniers ne peuvent pas imaginer un monde sans eux ; ils veulent se rendre indispensables à tout prix, même si pour cela ils doivent commettre l’irréparable. La démocratie devient un alibi pour les démocrates aux mains sales qui ne supportent pas que le monde leur échappe et que les aspirations démocratiques des pays arabes ne s’inspirent pas d’eux, ne s’appuient pas sur eux, ne se réclament pas d’eux.

    Guillaume de Rouville

     

  • L’ennemi obscur est parmi nous

     

    6 août 2011

    Rubrique L’art de la guerre

    L’ennemi obscur est parmi nous (Il Manifesto)

    De petits faits de chronique en événements dramatiques, tout démontre combien a pénétré l’idée qu’une obscure menace pèse sur nous citoyens des grandes démocraties occidentales. La guerre froide finie, ne pouvant plus soutenir l’existence d’une menace communiste (exemplifiée par Reagan comme « l’empire du mal »), il fallait en trouver immédiatement une autre afin que les Etats-Unis et l’OTAN puissent poursuivre leur course aux armements et leurs politiques de guerre. Et voici que pointe la menace du terrorisme arabo-musulman, l’ennemi obscur qui se cache dans les angles sombres de la terre, selon la définition que son think tank a soufflé au président Bush après les attentats du 11 septembre ( ceux-là, oui, fruit d’obscures trames de services secrets). On s’adresse au grand public, explique Noam Chomsky, comme à des enfants, en usant de personnages et d’intonations infantiles, de façon à susciter des émotions et non des réflexions. Il faut reconnaître que cette technique du grand méchant loup, potentialisée par les media, fonctionne remarquablement en créant de véritables hallucinations collectives. A Pise, une fille dénonce avoir été violée par trois Nord-africains : immédiatement le maire Filippeschi (membre du Partito democratico aujourd’hui dans l’ « opposition » au Parlement, NdT), demande au ministre Maroni (membre de la Lega del Nord, parti de gouvernement avec des positions séparatistes, NdT) plus de forces de police pour la sécurité de la ville, tandis que le Conseil municipal décide à l’unanimité de se constituer partie civile contre les responsables du viol. En réalité, découvre-t-on, ce viol a été inventé par la fille en crise existentielle, mais avec les idées assez claires pour l’attribuer, afin de le rendre crédible, à de fantomatiques Arabes nord-africains. Même phénomène, à une échelle bien plus dramatique, à Oslo. Le massacre est immédiatement attribué au terrorisme arabe musulman. Ceci transparaît dans les premières déclarations officielles : le président Napolitano condamne l’acte terroriste en rappelant l’engagement pour la paix, alors que le président étasunien Obama en appelle au monde entier pour arrêter ces actes de terreur. Plus explicite encore est le président de l’UE Van Rompuy, qui relie l’attentat terroriste au fait que la Norvège rend un bon service à la paix dans les régions les plus instables de la planète (en participant aux guerres en Afghanistan et en Libye). La Norvège - commente le journal britannique The Sun - a ouvert ses portes à des milliers d’immigrés musulmans, qui ont créé un terrain fertile pour le terrorisme. On trouve sur cette même ligne la majorité des journaux italiens. Depuis longtemps - confirme Guido Olimpio sur le Corriere della Sera - la Norvège est dans la ligne de mire du terrorisme d’Al Qaeda. Al Qaeda attaque, annonce Libero. Ce sont toujours eux, ils nous attaquent - dénoncent Il Giornale avec un éditorial de Fiamma Nirenstein (députée du Popolo della libertà, le parti de Berlusconi, et présidente du Conseil international des parlementaires juifs, NdT) - en soulignant qu’avec l’Islam le bonisme ne paye pas. Alberto Flores D’Arcais explique sur le Tirreno qu’il y a une autre possibilité, plus inquiétante encore : que les attentats d’Oslo soient la première démonstration que les menaces de Kadhafi contre l’Europe n’étaient pas seulement des paroles en l’air mais cachaient un terrible et réel projet. La bulle de savon de la matrice arabo musulmane éclate tout de suite : l’auteur du massacre est un Norvégien, lié à la franc-maçonnerie et à des milieux pro-sionistes, qui hait les Arabes et l’Islam et a voulu punir son pays de trop céder à leur égard. En attendant, cependant, on a raconté aux lecteurs-petits-enfants que c’est Kadhafi qui menace l’Europe et qu’il est donc juste de bombarder la Libye pour arrêter le grand méchant loup qui veut nous dévorer.

    Manlio Dinucci

    Edition de mardi 2 août 2011 de il manifesto

     

  • Stop the War

    5 septembre 2011

    Et maintenant, que diriez-vous d’une minute de silence pour les morts en Afghanistan, Irak, Pakistan.... ? (Stop the War)

    Lindsey GERMAN

    Les commémorations du 11/9 ont donc eu lieu, mais n’attendez pas une couverture non-stop de la guerre en Afghanistan, avec son cortège d’histoires poignantes de parents, de conjoints et d’enfants tués.

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    A mes yeux, nous avons touché le fond avec l’omniprésence de Tony Blair dans les médias. Longuement interviewé pour l’émission Today et cité par de nombreux journaux nationaux, il a profité de cet anniversaire pour justifier sa guerre illégale contre l’Irak et encourager de futures attaques contre l’Iran en particulier.

    Ce fût particulièrement scandaleux de le voir profiter de la sympathie naturelle ressentie envers ceux qui ont perdu des proches pour promouvoir de nouvelles guerres, tel un prêcheur démentiel. Et tous les va-t-en guerre l’ont rejoint dans sa mission en ignorant les morts et les destructions bien plus grandes provoquées par ces guerres présentées comme des représailles contre un acte original.

    J’attends toujours des commémorations pour ceux qui sont morts dans la guerre en Afghanistan. Cette guerre, déclenchée il y a dix ans, a tué 20.000 Afghans aux cours des deux premiers mois, selon une estimation d’un rapport de l’ONU. Des dizaines de milliers sont morts depuis, ainsi qu’un million d’Irakiens.

    Mais je ne vois pas les présidents passés et présent des Etats-Unis en train d’observer une minute de silence solennelle. Je suppose que nous n’avons pas d’histoires poignantes à raconter sur des parents, des conjoints et des enfants tués au cours de ces attaques. Je suis certaine que nous n’aurons pas droit à une couverture non-stop de deux semaines sur les moindres détails de la guerre en Afghanistan.

    Le 11/9 est donc présenté comme une terrible tragédie vécue par le peuple américain dans son ensemble – tragédie provoquée par des « fanatiques », des « extrémistes », par « des gens qui haïssent notre mode de vie » (et qui se trouvent être tous des musulmans, évidemment). Mais il n’y a pas d’équivalent pour les Afghans ou les Irakiens qui subissent des guerres toujours provoquées par des méchants issus de leurs rangs et jamais par « l’appareil militaire des Etats-Unis » dont « les objectifs impériaux » les amènent à « haïr les musulmans ».

    Pire encore, ces guerres sanglantes qui provoquent des morts, des blessés, des réfugiés déplacés pendant des années, des niveaux de violence et d’insécurité accrus, la peur, la corruption, des chefs de guerre, des tortures, des emprisonnements, ne sont pour la plupart du temps jamais mentionnées.

    Les médias font passer leurs messages soit par ce qu’ils racontent que par ce qu’ils taisent. En ignorant ces guerres tout en insistant sur le 11/9, le clou est enfoncé. Le fait de ne pas parler de ces guerres fait croire aux gens qu’elles n’ont pas vraiment lieu ou qu’elles vont bientôt se terminer.

    Je suppose que les attaques à Kaboul aujourd’hui par les Taliban sont destinées à contrer cette vision des choses et que c’est pour cela qu’elles ont eu lieu deux jours après le 11/9. Les attaques contre le quartier général de l’OTAN et l’ambassade des Etats-Unis envoient un message très simple : la guerre continue et les envahisseurs ne sont pas en train de la gagner. Ces derniers n’arrivent même pas à effectuer le transfert de pouvoir à leurs alliés afghans.

    Un témoin oculaire à Kaboul à raconté à la BBC : « Il n’y a aucune sécurité à Kaboul. Ceci est la zone la plus sûre et si nous ne sommes pas en sécurité ici alors nous ne sommes en sécurité nulle part en Afghanistan. »

    La véritable histoire de ces dix dernières années, celle qui devrait être criée sur tous les toits, c’est celle de l’échec de la guerre contre le terrorisme. La couverture médiatique du 11/9 était censée le cacher et non le révéler. Mais la réalité finit toujours par s’imposer

  • Bolivie dans la mire de Washington

    30 septembre 2011

    LE MODE D’EMPLOI POUR DÉSTABILISER LES RÉFRACTAIRES

    Bolivie dans la mire de Washington


    Oscar FORTIN

    Le président Évo Morales, lors de son intervention à l’Assemblée générale des Nations Unies, a fait ressortir, entre autres, l’insécurité générée par le nouveau mode d’emploi des Etats-Unis et de l’Otan visant la déstabilisation et le renversement de gouvernements. La crise économique les pousse vers les pays riches en pétrole, minerais et richesses de toute nature.

    « … La crise économique du capitalisme n’est pas seulement conjoncturelle, mais surtout structurelle. Alors que font les pays capitalistes ou impérialistes ? Ils cherchent n’importe quel prétexte pour intervenir dans un pays pour y récupérer ses ressources naturelles (,,,) ils préparent des interventions lorsque les présidents, les gouvernements, les peuples sont ni pro capitalistes ni pro impérialistes. »

    Il est évident que ce qui se passe en Libye met clairement en évidence ce nouveau mode d’emploi qui a été reconnu par le président Obama comme la nouvelle façon de faire. Pour les pays émergents et les observateurs internationaux indépendants, cette nouvelle façon de faire peut se résumer aux points suivants :

    1. Infiltrer, dans les pays concernés, les foyers existants de résistance ou, en leur absence, en créer de toute pièce, par mobilisation de mercenaires, de manière à provoquer des soulèvements au sein de la population et de permettre ainsi une première vague d’information internationale visant à discréditer le gouvernement et à dévaloriser le régime. Faire ressortir le mécontentement d’une population devant un gouvernement et un leadeur toujours plus impopulaires.

    2. Cette première mise en scène sera suivie par l’armement de ces groupes qui créeront des confrontations amenant le gouvernement à utiliser ses forces policières ou son armée pour contrer ces groupes de contestataires. Ça donnera lieu à une seconde vague d’information qui répercutera sur le plan international, avec photos et vidéos, la violence et la cruauté des dirigeants qui oppriment ainsi leur peuple.

    3. Tout cela n’aura été amorcé qu’avec le soutien implicite de certains responsables gouvernementaux et hauts dignitaires politiques prêts à démissionner et à exprimer, le temps venu, leur dissidence avec le gouvernement. Ces nouveaux alliés viendront renforcer la résistance des groupes contestataires. Ainsi une autre vague d’information internationale viendra renforcer cette contestation et donnera une plus grande crédibilité aux mouvementx contestataires.

    4. Ce sera à ce moment qu’un comité national de transition (CNT) sera formé, puis reconnu par les pays membres de l’Otan. Il deviendra la face visible des nouveaux responsables du pays et pourra compter sur l’appui des forces de l’OTAN.

    5. Tout le reste devient technicité : résolution du Conseil de sécurité pour couverture aérienne, entente entre les pays pour partager les coûts des opérations militaires sans oublier le partage du pouvoir et des richesses. Encore là, une information, subtilement travaillée, occupant tout l’espace des médias écrits et visuels, sera mise au point pour convaincre le monde qu’il s’agit d’une grande opération humanitaire.

    Ce schéma, très succinct, apparait en filagramme, dans ce qui s’est passé et se passe toujours en Libye et qui est en opération en Syrie. Les derniers jours nous révèlent qu’elle est également en plein développement en Bolivie et au Venezuela.

    BOLIVIE

    Voici en quelques mots ce qui se passe actuellement en Bolivie. D’abord il y a eu la mise en chantier, il y a quelques années d’une autoroute reliant Villa Tunari-San Ignacio de Moxos. Le tracé de cette voie passe par le Territoire Indigène et le Parc National Isiboro Sécure ((TIPNIS) lequel relie les départementsde Beni y Cochabamba en Bolivie. Il s’agit d’un parc où vivent plusieurs communautés indiennes. Plusieurs communautés se sont manifestées tout au long de l’été contre le passage de cette route sur leur territoire. Le 15 août dernier, une marche, regroupant près de 600 personnes a été organisée pour protester contre ce projet. Elle avait pour destination la Paz, capitale du pays et siège du gouvernement.

    À plusieurs reprises le Président s’est dit ouvert au dialogue et a délégué divers représentants de haut niveau pour entamer des négociations avec les communautés locales et leurs dirigeants. La dernière de ces délégations s’est réalisée la semaine du 20 septembre. Le ministre des Relations extérieures, lui-même indien de source, a dirigé cette délégation.

    Il y a eu, alors, un dérapage imprévisible lorsque la délégation gouvernementale, le ministre en tête, a été prise en otage et forcée de marcher en tête de la marche, servant de bouclier humain pour franchir la ligne de protection policière qui était là pour éviter qu’il y ait confrontation avec un autre groupe d’indiens, ceux-là en faveur de la route. Heureusement les otages ont pu être libérés et la confrontation entre les deux groupes opposés a pu être évitée. Cet incident a aussitôt été rapporté à la commission des droits de l’homme de l’Organisation des États Américains (OEA).

    Mais voilà que le lendemain, un responsable des forces policières donne l’ordre d’évacuer les indiens contestataires et de prendre les moyens nécessaires pour y arriver. Ce fut une répression qui a soulevé la colère des Boliviens et Boliviennes ainsi que du Président lui-même tenu à l’écart de ces actions. Il a aussitôt dénoncé fortement pareille répression et demandé que toute la lumière soit faite sur ceux qui en sont les responsables. Déjà deux ministres ont donné leur démission et le chef de la police qui avait donné l’ordre, en a fait tout autant.

    Devant l’ampleur de cette situation, le président Morales a fait appel à la Commission des droits de la personne des Nations Unies, à celle qui la représente en Bolivie, aux représentants des communautés indiennes ainsi qu’à la secrétaire d’UNASUR de participer à l’enquête devant faire toute la lumière sur cet événement et s’assurer que tous les responsables de ces actes aient à répondre de leurs gestes.

    Il faut dire que les fauteurs de trouble sont actuellement en terrain fertile. Déjà le gouvernement avait découvert des liens étroits de certains leaders des communautés dissidentes avec certains représentants du gouvernement USA ainsi que la circulation de fonds visant à les financer.

    Le Président sait également que certains de ses collaborateurs ou hauts responsables peuvent être invités à se joindre à l’opération de sabotage et, éventuellement, de renversement du gouvernement. Ne prenant aucune chance, il a aussitôt confié à des organismes hors de tout soupçon d’investiguer ce qui s’est produit et de poursuivre, le cas échéant, les véritables coupables.

    Il a également suspendu la construction de l’autoroute et promis que sa reprise sera conditionnelle à une consultation référendaire positive auprès de toutes les populations concernées. Le dernier mot, dit-il, appartiendra au peuple, celui-là même au service duquel je suis.

    Entre temps et en dépit des évènements qui avaient marqué la prise en otage de sa délégation antérieure, le Président a délégué une autre délégation de haut niveau, avec pouvoir décisionnel, auprès des communautés dissidentes pour que la bonne foi de tous et de toutes soit au rendez-vous de la paix. Les nouvelles de ce matin confirment que les échanges se font dans un bon climat et qu’un premier document a déjà été signé par toutes les parties sur les sujets à traiter et sur l’esprit avec lequel chacun doit participer.

    Évo Morales, président de la Bolivie, coupe ainsi l’herbe sous le pied de ses détracteurs et rend accessible aux populations locales toute l’information pertinente sur les véritables dispositions du gouvernement à leur endroit. En faisant appel, dès les débuts, aux organismes multilatéraux et régionaux il rend plus difficile la manipulation dont ils pourraient faire l’objet de la part des Etats-Unis et de l’Otan.

    « Il est impossible de penser que le Président ou le Vice président puissent avoir émis d’autres directives que celles de la sérénité et du dialogue, parce que quand nous étions dirigeants nous avons souffert les tortures. Nous savons ce que c’est. » Le Vice président de l’État, Alvaro García Linera

    Oscar Fortin

    Québec, le 29 septembre 2011

    http://humanisme.blogspot.com