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Sport

  • Tour de France: le piége à con

    18 juillet 2015 | Par Gregoiredsj

     

    Aujourd'hui c'est notre Tour...

    Samedi 18 juillet, le Tour de France passe dans le village des Vignes, en Lozère. Une portion de la route des Gorges du Tarn a été élargie (3 km environ) pour pouvoir faire passer les cyclistes, pour la modique somme de 1 600 000 € ( 1 000 000 € pour le Conseil Général, 600 000 € pour le Conseil Régional). Ils doivent passer devant notre hôtel-restaurant. On nous a prévenu, ça va être impressionnant... Nous attendons.

    A 11h00, la circulation est coupée, et pour l'instant il faut bien le reconnaître, il n'y a personne. A 12h00, une gendarme est déposée sur notre parking pour vérifier que le public respecte bien les consignes de sécurité, mais du public, il n'y en a toujours pas. Chômage technique... Elle cuit doucement sous un soleil de plomb. Jusqu'à 14h00 c'est le calme plat. On vend quelques bières, sodas, cafés. Et puis, une petite foule commence à se former le long des routes, sur notre terrasse. Il paraît que la caravane du Tour est bientôt là. On est venu en famille pour voir ce fabuleux spectacle, ce grand rendez vous sportif. Pas mal de retraités, des parents, des enfants, des adolescents. Ils attendent tous le passage de la mythique caravane du Tour. Quelques motards commencent à débouler à toute vitesse. Un mélange de presse, de gendarmes et puis soudain, comme un éclair arrive une ribambelle de véhicule publicitaire: Vittel sont les premiers, en camion rouge vif. La foule se dresse et s'agglutine au bord du bitume. Sur les camions, de jeunes créatures souriantes et vulgaires se mettent à balancer des échantillons d'eau minérale. Comme une meute de chiens, le public se jette dessus. C'est le début de la curée. Les vieux, les enfants, les ados, les femmes, les hommes se jettent sur les cadeaux, Skoda avec des bobs vert fluos, Festina avec des casquettes, RAGT (semencier industriel) avec des sachets de graines, Haribo avec des sachets de bonbons, Skip avec de la lessive, Le Crédit Lyonnais avec des casquettes jaunes pétard, ERDF avec des portes clefs, Force Ouvrière... Tout le monde est là, les industriels, les syndicats, les cyclistes, le public, ensemble dans cette grande communion commerciale, vide de sens à en gerber.

    Nous sommes pourtant dans une nature magnifique, avec la rivière sous nos fenêtres, les vautours, des mouflons dans les falaises, des paysans qui s'acharnent à produire des produits de qualité (charcuterie, fromages, légumes, vin) et que j'essaye d'aider à mon humble échelle en proposant leurs produits à la carte de notre restaurant. Et là sous nos yeux, avec le soutien financier de toutes nos institutions, défile toute la merde du monde industriel. C'est consternant, aberrant et affligeant. On a envie de dégoupiller une grenade. Au lieu de ça, je vide mon sac sur cette page. Ca n'enlève pas toute cette laideur, mais ça soulage...

  • FOOTBALL


    Brésil : des mamans de supporters pour assurer la sécurité dans les stades

    Le Sport Club do Recife pense avoir trouvé la solution pour éviter les violences dans les tribunes : poster les mères de certains supporters afin de les surveiller.
    • 12 FÉVRIER 2015
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           Des "Mamans sécurité" font le tour du stade de Recife, au Brésil - Crédit : www.sportrecife.com.br      
    "Personne ne veut se battre devant une maman, surtout la sienne" : c'est de ce principe que sont partis les responsables du Sport Club do Recife (Brésil), qui cherchaient une solution pour éviter les violences des supporters dans les tribunes. Ils ont donc "employé les mères de plusieurs supporters comme "stadières" en espérant que cela en dissuade certains de se battre", rapporte The Guardian, qui cite le site du club

    Le Sport Club do Recife, champion de l'Etat du Nordeste en 2014 et vainqueur de la Coupe du Brésil l'année précédente, a formé une trentaine de mamans, qui ont suivi "le même programme que les agents de sécurité officiels dans les stades". Elles ont pris leur fonction le dimanche 8 février, lors du derby contre le Nautico, l'autre grand club de la ville (remporté par le Sport Club 1 à 0). 

    Patrouille de mamans en gilet fluo

    L'idée est qu'elles "patrouillent autour du terrain avec un gilet fluo sur lequel sont inscrits les mots 'Segurança Mãe' ['Mamans sécurité']", note le Guardian, qui explique que "leur présence était mise en valeur sur les écrans géants du stade, avant et au cours du match, pour que les supporters en soient bien conscients". 

    La violence dans les stades est un problème récurrent au Brésil ; elle entraîne depuis quelque temps une baisse de la fréquentation des enceintes sportives. Régler ce problème est devenu une priorité pour l'ensemble des clubs.

  • LE DOPAGE, SUJET À INTENSITÉ VARIABLE SELON LES SPORTS

    enquête Le 10/08/2013 Par la rédaction

    Grosses enquêtes dans le cyclisme, chauvinisme et silence en natation


    Il y a du dopage dans tous les sports”. Cette phrase, plutôt limpide, est signée Jean-Jacques Lozach, rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur l’efficacité de la lutte contre le dopage, qui a rendu le 24 juillet un rapport sur le sujet. Si les médias se sont déchaînés sur le cyclisme et ses performances “surréalistes”, la natation, où la France a récolté 9 médailles, a plutôt eu bonne presse. Une différence de traitement étonnante alors que le rapport de la commission sénatoriale semblait prétendre le contraire. Pourquoi les performances des nageurs ont-elles été moins scrutées ? Enquête.

    Plusieurs événements, ces derniers mois, ont fait remonter le dopage à la surface des médias. D'abord, le 10 octobre 2012, le rapport USADA (l'agence américaine de lutte contre le dopage) reconnaissant que l'US Postal (l'équipe du coureur cycliste Lance Armstrong) "était à la tête du plus sophistiqué, du plus efficace et du plus professionnel système de dopage que le sport a jamais connu". Le 18 janvier, chez Oprah Winfrey, devant des millions de téléspectateurs (nous vous le racontions ici) Armstrong avouait enfin: "Oui, je me suis dopé". Une commission d'enquête sénatoriale, présidée par Jean-François Humbert (UMP), se réunit alors et rend, cinq mois plus tard, le 24 juillet, un rapport de 238 pages. "C'est un peu tard mais c'est quand même une bonne chose", note Pierre Ballester, ancien journaliste à l’Équipe, licencié après avoir voulu mettre au jour les pratiques douteuses de certains de ses confrères dans le livre "De mon plein gré", écrit par Jérôme Chiotti. "Ca faisait quand même treize ans en France, depuis la loi Buffet, que les politiques ne s'étaient plus intéressés à ce problème. Là, avec Armstrong, ils se sont peut-être dit que bon, fallait faire quelque chose". Stéphane Mandard, directeur du service sports au Monde, préfère nuancer: "Dire que tous les sports sont touchés par le dopage, c'est faux. Quand un athlète est contrôlé positif au cannabis, comme c'est parfois le cas, ce n'est pas du dopage".

    Le 25 juin, quelques jours avant le départ du centième Tour de France, un autre scandale éclate : Laurent Jalabert, consultant pour France Télévisions et chroniqueur dans l'Equipe, a été contrôlé positif en... 1998. C'est le journal L'Equipe, via son site Internet, qui sort l'info en premier. Jalabert refuse d'avouer mais décide de cesser immédiatement ses activités de consultant. Cédric Vasseur, dont le nom apparaît pourtant dans l'affaire Cofidis en 2004, le remplace au pied levé. C'est dans ce contexte que le centième Tour de France s'élance et qu'un Britannique de l'équipe Sky, pour la seconde année consécutive, survole l'épreuve. Son nom est Christopher Froome. A la télévision, le doute a fait un immense bond en avant cette année sur le service public qui n'hésite plus à s'interroger sur la "proprété" des performances des coureurs en général et de Froome en particulier. Nous vous le racontions ici. Dans la presse, le soupçon est aussi de mise. Si Libération et Le Monde dénoncent encore et toujours une farce généralisé...

    (la une de Libération du 18 juillet, ci-contre, en est une illustration)picto

    l’Équipe (détenu par le groupe Amaury qui via sa société ASO est l'organisateur du Tour de France) met Froome en Une le 18 juillet. Le titre est intrigant: "Froome, le dossier". A l'intérieur, Fred Grappe, docteur en sciences et entraîneur de l'équipe FDJ.fr, analyse les données livrées par l'équipe Sky au quotidien et en tire la conclusion suivante: "Ses performances sont cohérentes".

    Froome Libé

     

    FroomeLequipe

     

     

     

    Problème: en 2001, dans une étude précise et en insistant sur le souci exacerbé du professionnalisme de l'Américain, Fred Grappe avait déjà tenté de justifier les performances de Lance Armstrong. Autre souci: en une de cette édition du 18 juillet figure une publicité Sky, l'équipe de Froome et le slogan suivant: "We salute you" ("L'équipe Sky vous salue", en français). Fabrice Jouhaud, directeur des rédactions du journal, le reconnaît. "Oui, c'était maladroit". Pierre Ballester ne veut, lui, pas croire au complot : "C'est une cohabitation malheureuse. Les gens du marketing ne connaissaient certainement pas le dossier évoqué. C'est un apparentement malheureux, il ne faut pas y voir plus".

    Malgré tout, même l'Equipe se met donc à ausculter les performances et mieux, sur France Télévisions, Thierry Adam et Cédric Vasseur hurlent au dopage. Une question surgit : les journalistes sportifs seraient-ils soudainement devenus impertinents ? Les championnats du monde de natation de Barcelone, qui ont commencé une semaine après la fin du Tour de France, étaient une belle occasion de vérifier ou non cette théorie. En matière de dopage, après tout, la natation a aussi son mot à dire. Sur ce blog collectif, animé par plusieurs journalistes du Monde,Erwan Le Duc a pris soin de recenser les principaux cas de dopage en natation ces dernières années. Frédérik Bousquet, médaillé de bronze sur 50 mètres papillon et César Cielo, vainqueur du 50 mètres nage libre à Barcelone, en font partie. Or, de ces contrôles ou de ces suspensions, il n’en a jamais été question sur France Télévisions pendant les championnats du monde.

    "CE N'EST PAS NOTRE RÔLE DE TRAQUER LES GENS" (BILALIAN)

     

    Le doute, qui est resté collé à la roue de Froome durant toute la durée du Tour de France (contrairement à la plupart de ses adversaires) s’est littéralement noyé dans la piscine municipale de Montjuïc, choisie pour accueillir les mondiaux de natation. Les commentaires oscillaient plutôt entre un brin de chauvinisme et une différence fondamentale de traitement de la performance dans les deux disciplines sur la même chaîne.

    Le doute pour le cyclisme. La joie pour la natation picto

     

    Joint par @si, Daniel Bilalian, directeur des sports de France Télévisions, est d’abord surpris par la question. “Le dopage on en parle, il n’y a pas d’interdit. Mais quand il y a une affaire. Et pour l’instant, il n’y a pas d’affaire de dopage en natation”. On le relance alors sur le sort réservé aux deux disciplines, où le doute de Adam laisse en moins d’une semaine la place à l’enthousiasme d’Alexandre Boyon, le spécialiste natation. “Quand il n’y a rien, il n’y a rien ! Si demain dans la natation, des enquêtes sérieuses sont faites, on en parlera”. Et Bilalian de reconnaître que des enquêtes sérieuses ont été faites en cyclisme, "mais pas dans les autres sports".

    Dans l'Equipe, en revanche, lorsque Cielo et Bousquet sont médaillés, "la première chose que je fais dans mon article, c'est rappeler leurs contrôles positifs", détaille Céline Nony, envoyée spéciale du journal à Barcelone. En effet, dans les éditions du 31 juillet et du 4 août, les contrôles positifs des deux athlètes sont mis en avant dès les premières lignes de l'article. "On se pose des questions", détaille Nony. On a même des relations compliquées avec les nageurs de Marseille, après avoir mis en doute, dans le journal, les performances de Florent Manaudou et Camille Lacourt (tous les deux médaillés à Barcelone)". D'autres doutes, par ailleurs, avaient été émis dansl'Equipe sur le parcours relativement atypique d'Alain Bernard, médaillé d'or aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008 sur 100 mètres nage libre. "On se sent obligés de poser des questions. Les nageurs aussi se posent des questions sur d'autres nageurs et nous le disent. En 2012, à Londres, le monde entier s'est posé des questions sur Ye Shiwen (la nageuse chinoise qui, sur le dernier 50 mètres de son 400 mètres 4 nages, est allée plus vite que Ryan Lochte, l'une des plus grandes stars de la natation masculine américaine). Des questions donc, mais peu de réponses.

    Pour les réponses, la volonté doit venir de plus haut, juge Bilalian. “Ce sont les fédérations qui peuvent avoir une réelle influence là-dessus. Ce sont elles qui détiennent les véritables leviers”. Le dopage, toujours selon lui, ne représente d’ailleurs pas la principale menace pour le sport : “La corruption et les paris truqués me semblent une menace bien supérieure. C’est encore pire”. Et le rôle des journalistes dans tout ça ? “Leur rôle est de se faire l’écho de l’information. On ne peut pas toujours enquêter, ce n’est pas notre rôle de traquer les gens”.

    "LES PLUS MAUVAIS JOURNALISTES SONT AUX SPORTS" (VAYER) 

    On ne peut pas toujours enquêter, la phrase résonne étrangement. Est-il plus facile d'enquêter sur des sports où la France ne fait pas aussi bonne figure qu'en natation ? Le journaliste sportif : journaliste ou supporter ?, sempiternelle question. "Déjà, je ne suis pas journaliste sportif, je suis journaliste tout court", précise immédiatement Mandard, duMonde. Jouhaud, à l'Equipe, a une vision différente du métier : "Les gens deviennent journalistes sportifs parce qu'ils s'intéressent au sport, parce qu'ils aiment ça, ils n'ont pas franchement d'appétit pour l'investigation". Vayer, dans son style bien particulier, tranche dans le vif: "Les plus mauvais sont aux sports. La plupart des journalistes s'en foutent complètement (du dopage). C'est une question de volonté et ils ne l'ont pas, pour la plupart d'entre eux. Ils sont dans un bocal, les champions sont adulés, ils voyagent, ils sont bien, ils font la promotion du sport". Ballester, aujourd'hui auteur de plusieurs livres sur le dopage, pense que les journalistes n'ont aucun intérêt à franchir la ligne rouge :"Ça ne leur attirera que des emmerdes. Pendant des années d'ailleurs, j'ai été le récipiendaire de journalistes qui ne voulaient pas s'en occuper et me refilaient le sujet". Ce rôle est aujourd'hui celui de Damien Ressiot, journaliste d'investigation à l’Equipe, entièrement tourné vers le dopage, dans toutes les disciplines.

    "LES ACCUSATIONS SANS PREUVES CONTRE FROOME SONT DE L'ASTROLOGIE JOURNALISTIQUE" (JOUHAUD, L'EQUIPE)

    Pour Jouhaud, cela n'est pas vraiment un problème. Selon lui, le traitement médiatique du cyclisme dans les autres journaux, comme Le Monde ou Libération, est le symbole même de ce qu'il ne faut pas faire. "Les accusations des médias contre Froome s'apparentent à de l'astrologie journalistique! Nous, quand on a des infos, on les sort. Armstrong (en 2005, le quotidien révèle que le septuple vainqueur sur la Grande Boucle a été contrôlé positif à l’EPO lors du Tour 1999) et Jalabert, pour ne prendre que les plus connus, c'est nous ! Et quand on sort ça, on nous traite de salauds ! Faudrait savoir ! C'est très hypocrite de leur part en fait: on couvre l’événement, on profite de la caisse de résonance incroyable qu'offre le Tour de France mais on n'a aucune information, on publie une enquête à partir d'une intuition. Essayez d'appliquer le même raisonnement à un scandale politique. Imaginez un journaliste s'attaquer à un ministre sans aucune preuve, sur la base d'une intuition. Vous imaginez le scandale?".Invité à réagir, Mandard ne se fait pas prier: "Ces critiques-là, je les ai déjà entendues il y a dix ans avec le cas Armstrong. Ce sont exactement les mêmes. Ces gens-là n'ont pas retenu la leçon, c'est toujours le même aveuglement qui règne".

    Reste toutefois une interrogation : le dopage sera-t-il un jour traité par les médias comme peut parfois l’être la corruption en politique ? “On ne peut pas spéculer sur le succès de ces investigations, on ne peut pas non plus anticiper la réaction du public. Le dopage a été dénoncé dans le cyclisme mais les gens sont toujours aussi nombreux au bord des routes et devant leur poste de télévision. Le problème le plus fondamental, c’est qu’en dénonçant le dopage, les gens risquent de nous accuser d’être des briseurs de mythes!", analyse BallesterPour Mandard, le problème est bien plus vaste : "J'ai essayé de le faire pendant quelques années (nous vous en parlions déjà icimais c'est encore plus compliqué qu'en politique. En France, les juges ne sont pas intéressés par les affaires de dopage. A l'époque de l'affaire Cofidis, en 2004, je l'avais déjà entendu: "Le parquet s'en fout un peu". Le cyclisme, mine de rien, c'est un petit sport. Si vous essayez par exemple de vous attaquer au football, vous ne vous attaquez pas seulement à une institution : vous touchez aussi et surtout des intérêts économiques, politiques qui sont immenses. Lors de l'affaire Puerto (large programme de dopage imaginé par le Docteur Fuentes en Espagne et mis à jour au printemps 2006) la droite et la gauche en Espagne se sont unis et le monde politique est directement intervenu pour que le scandale n'éclabousse pas le monde du foot ou du tennis. Ce n'est ni plus ni moins qu'une affaire d'Etat". Imagine-t-on en effet, le commentateur de Canal+ demander à Lionel Messi ou à Zlatan Ibrahimovic, à la fin d'une rencontre : "les yeux dans les yeux, êtes-vous dopés ?" comme l'a fait Gérard Holtz cette année sur le Tour de France face à Froome ? Pas certain...

    Par Robin Andraca

    MAJ dimanche 11 août 10h25 modification de la citation de Fabrice Jouhaud sur Froome, Le Monde et Libération

    Mots-clés : cyclismedopageFabrice JouhaudFrance Télévisionsl'EquipeLe MondeLibérationNatationsport,sportifsStéphane MandardTour de France

     

     

  • « So Foot », putain 10 ans!

     

    16/06/2013 | 19h45
     

    Crée en 2003 avec un capital de 450 euros, le mensuel qui parle de football autrement fête ses 10 ans. L’occasion d’en savoir un peu plus sur les raisons de son succès à l’heure où la presse papier s’effondre.

    Commençons par le commencement. Fondé en 2003 par une bande de potes sortis de l’Essec, l’histoire du magazine tient un peu de la légende.« Un soir, on s’est dit : et si on faisait un magazine de foot qui ne ressemble pas à un magazine de foot ? » raconte Franck Annese, son directeur de la publication. C’est ainsi, au culot, que germe l’idée d’un mensuel parlant de football autrement, loin de la plume froide et des codes en vigueur dans le journalisme sportif à la française.

    Plus qu’un business plan bien ficelé, ce qui fait la réussite de So Foot, c’est son ton alliant impertinence et décalage, sans jugement moral. Actuel rédacteur en chef du titre, Marc Beaugé (ancien collaborateur des Inrockuptibles – ndlr) précise :

    « L’idée est de faire un magazine que nous, rédacteurs, aimerions lire plutôt que de chercher désespérément à savoir ce que voudrait le lecteur. Certaines personnes nous achètent pour découvrir une interview pointue, sur six pages, d’un entraineur qui parle de sa conception du jeu, d’autres ne nous lisent que pour savoir qui couche avec qui. Du coup, notre public est large et va du branché parisien qui travaille dans un label au mec de province en BTS action commerciale. »

    On touche au secret. Plutôt que de s’adresser à une cible définie au préalable, So Foot vise large et parle à l’ensemble du public amoureux de football, sans cloisonner. A l’image de son lectorat, divers comme le public d’un stade de football, l’équipe rédactionnelle de So Foot peut ressembler de loin à une sympathique armée mexicaine. Après une partie de ping-pong improvisée dans les locaux du magazine, Stéphane Régy, l’un des fondateurs, confirme : « Chez nous, il n’y a personne à l’accueil, pas de secrétariat, pas d’assistant. Javier, qui fait la compta, est aussi journaliste.So Foot n’est pas devenu une entreprise. On fonctionne toujours de manière fanzinale… »

    Alors que le magazine est toisé à ses débuts, son succès en kiosque (de 4000 exemplaires en 2003 à 45 000 dix ans plus tard) a mis tout le monde d’accord. En l’espace de dix ans, So Foot a vu sa ligne éditoriale évoluer et gagner en épaisseur. Les couvertures sont plus travaillées, les numéros mémorables se sont succédé (Domenech, Socrates, les Losers du foot…). Un saut qualitatif dont Marc Beaugé témoigne : « il y a une exigence journalistique qui n’a rien a voir avec celle des débuts. L’idée de se distraire avec la matière football, de ne pas être moralisateur est, elle, restée la même. Ce sont plutôt les moyens que nous mettons en œuvre pour arriver à nos fins (intervenants, maquette, voyages) qui ont changé. L’ensemble est plus professionnel. »

    « En face de nous, il n’y a que de la merde ! »

    Franck Annese et ses journalistes en sont convaincus : c’est grâce à son contenu et à la primauté donnée aux histoires et à l’humain que So Footprogresse. Et même si l’adage grincheux dit que « la France n’est pas un pays de football », le mensuel conquiert chaque année plus de lecteurs. Dans l’univers périclitant de la presse écrite, la parution fait même figure d’exception. Seule parution sportive à afficher une diffusion en amélioration constante à l’OJD, So Foot a vu ses ventes progresser de 13,6% entre 2011 et 2012. Pour autant, Franck Annese, son directeur de la publication, explique volontiers qu’il aurait aimé avoir plus de concurrence.

    « Contrairement à ce qu’on pourrait croire, on aurait besoin de magazines de foot forts à coté de nous. C’est bête mais on dit souvent ‘si tu veux ouvrir une boulangerie, installe-toi dans une rue où il y a déjà une boulangerie’. C’est la même logique en kiosque où les titres se renforcent les uns les autres sauf que pour l’instant, il n’y a pas d’achat d’impulsion puisqu’en face il n’y a que de la merde ! Si il y avait plus de bons magazines de foot, il y aurait de l’émulation, comme une rivalité PSG-OM, et la possibilité de toucher des lecteurs qui, à la base, n’étaient pas venus nous lire… »

    Îlot prospère dans un océan de titres de presse en difficultés, So Foot a réussi à sortir de l’underground parisien pour conquérir, au fil des années un public plus mainstream sans jamais se trahir. La suite promet d’être belle. En chef de meute, Annese assure que le développement du titre n’est pas terminé : « A Paris, on n’est pas loin d’avoir fait le plein mais en province, on peut progresser. Quand tu vois le nombre de gens qui vont au Stade tous les week-ends, ça nous donne de la marge… »

    « So Foot », un nouvel « Actuel » ?

    Si l’esprit So Foot n’a pas changé avec le temps, les moyens à disposition de la République autonome So Footienne se sont étendus. En complément de la version papier, le magazine dispose d’un site très prisé des fans de foot où la formule aux trois « H » (des histoires, de l’humain, de l’humour) trouve une nouvelle interprétation. Décryptages à chauds, utilisation de la vidéo (Mark The Ugly y sévissait avant de rejoindre Canal Street) et blogs affiliés, SoFoot.com a su prendre très tôt le virage du web. Lucide et un brin flingueur, son directeur explique qu’ »Onze Mondial et les autres n’ont pas compris tout de suite ce que l’arrivée d’Internet avait changé pour un mensuel. C’est en fait toute la mission d’information qui change. Il faut apporter de la plus-value. Cela ne va pas sans effort, avec une rédaction composée de trois personnes qui ne sortent jamais de leur bureau… »

    Forte du succès de So Foot papier + web, la joyeuse bande de potes a lancé Pédale, magazine consacré au cyclisme (si, si !) et So Film, un mensuel dédié au septième art. A l’horizon 2014, So Press, la société éditrice des trois magazines, songe sérieusement à étendre son influence en lançant un quinzomadaire destiné à concurrencer les newsmagazines. Lorsqu’il en parle, caché derrière sa casquette et ses cheveux longs, Franck Annese prend soudain des airs de Jean-François Bizot. Attendez voir… Et si So Foot, fort de la façon dont il réinvente la presse et de l’équipe qu’il fédère, était en fait l’Actuel des années 2000 ?

  • O FOOT, LE MAGAZINE DE FOOT

    SO FOOT, LE MAGAZINE DE FOOT QUI NE RESSEMBLE PAS À UN MAGAZINE DE FOOT

    Dix ans après, analyse du succès d'un media atypique
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    So Foot a dix ans. Lancé en 2003 sous les rires goguenards de certains spécialistes de la presse, le mensuel a réussi un étonnant pari : secouer la presse sportive et imposer un ton en marge des canons traditionnels. A coups de reportages, d'enquêtes et de distance par rapport au milieu du foot. Et au prix, selon certains, d'une certaine exploitation des pigistes.

    + 13 % ! C’est la progression de la diffusion, sur un an, de So Foot. Une performance pour laquelle de nombreux éditeurs de presse quotidienne, de magazines ou de presse spécialisée signeraient les yeux fermés. Mieux, pour la dixième année consécutive,So Foot a gagné des lecteurs d’une année sur l’autre. Dans un contexte généralisé de crise de la presse, de ventes en berne, et de disparition annoncée du papier, comment le mensuel a-t-il réussi cette prouesse ? 

    A en croire son fondateur, Franck Annese, rien de plus simple. "Un soir nous nous sommes dits avec deux copains de l’ESSEC (Guillaume Bonamy et Sylvain Hervé, qui à la différence de Annese n’ont pas de fonctions éditoriales dans le magazine, NDR) que nous avions envie de faire un magazine de foot, qui ne ressemble pas à un magazine de foot", se souvient Annese. Après deux numéros zéro et 450 euros de mise de départ, So Foot est lancé. L’astuce de départ : négocier avec l’imprimeur trois tirages d’avance, soit une économie momentanée de 60 000 euros. Pas mal pour démarrer.

    Lancé en 2003, So Foot séduit aujourd’hui quelques 50 000 lecteurs par mois. 15 000 abonnés et 35 000 acheteurs en kiosques.


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    Une société rentable désormais. Le tout avec très peu de publicité. "Si on se fie à la logique des achats médias en France, c’est normal. Par exemple, Sport&Style, ils ont 50 pages de pub parce qu’ils sont distribués avec L’Équipe, mais personne ne le lit. Les annonceurs préfèrent mettre de la publicité dans un magazine de mode qui n’est pas lu, plutôt que dans un canard de foot qui fait 50 000 ventes. Les gens qui font les achats médias, c’est des gens qui ne vont jamais dans les kiosques. Ils n’ont aucune notion de la réalité de la presse en France", balance Annese.

    annese

    Franck Annese, fondateur et directeur de So Foot

    Le kiosque, c’est justement l’une des autres astuces de la bande de So Foot. "En fait, So Foot, c’est l’opposé de toutes les simagrées que l’on nous raconte sur la presse, détaille Annese. Nous ne considérons pas le lecteur comme un client qui aurait envie de telle ou telle chose. Au contraire même, nous faisons le journal que nous avons envie de lire". Loin des préceptes enseignés dans les écoles de journalisme. Et Annese de poursuivre : "Mes clients, ce ne sont pas mes lecteurs. Ce sont les kiosquiers. C’est vis-à-vis d’eux qu’il faut faire du marketing pour expliquer le projet et pour leur donner envie de mettre le magazine en avant". So Foot est actuellement disponible dans 14 000 points de vente dans l’hexagone. Et sur Paris, Annese assure "qu’il connaît personnellement la moitié des kiosquiers". Faire connaître le journal à ceux qui le vendent et dans les pages dudit journal faire exactement ce dont on a envie, voilà donc le créneau de So Foot.


    "Ce mag n’est pas fait par des journalistes sportifs, mais par des passionnés de foot. Par des gens qui ont envie de traiter le football comme un sujet de société en évitant l’écueil qui aurait été de faire des trucs chiants et larmoyants", raconte le fondateur. Il résume : "il faut faire des journaux qui nous font kiffer. Si on se marre à les faire, d’autres se marreront à les lire". Simple, finalement. Mais au final, qu’est ce qui différencie vraiment So Foot de feu Onze Mondial, de l’historiqueFrance Football ou encore de l’Equipe Mag ? Sur ce point précis, Erik Neveu, le sociologue des médias, qui sera l'invité de notre prochaine émission, a un avis.

    Regardez cet extrait picto

     


    UN JOURNAL DE SPORT QUI N'EST PAS FAIT PAR DES JOURNALISTES SPORTIFS 

    Le premier numéro de So Foot, ou plutôt son numéro zéro, est paru pendant la Coupe du Monde asiatique de juin 2002…sans une seule ligne sur l’évènement. L’anecdote peut faire sourire, mais elle en dit long sur la façon dont les "Sofooteux" envisagent leur magazine. Ce qui différencie ce journal des titres existants est définitivement son ton : décalé, ironique, quasi satirique parfois. Et son approche. "Considérer le foot comme un fait culturel implique d’en parler différemment. Sans tomber dans le cliché de la recette nous aimons bien la règle des trois H", glisse Annese. Les 3 H ? "Humour, humain, histoireNous pensons chacun des angles avec cette trilogie. Il doit y avoir une histoire à raconter, des histoires humaines et si possible contenant un peu d’humour. Nous ne portons pas de jugement sur les choses, nous ne donnons pas de point de vue moralisateur. Nous sommes tous des journalistes et nous aimons les histoires". Raconter des histoires, voilà une logique assez proche de celle de la revue XXI, lancée après So Foot.

    Le ton, mais aussi la place faite aux reportages ou à l’enquête : voilà également ce qui démarque le mensuel. Ainsi, dans le dernier numéro, les journalistes sont partis, entre autres, au Brésil, au Monténégro, en Suisse, en Roumanie, en Italie, en Turquie, en Colombie, à Chypre, dans la banlieue parisienne ou encore à Aix en Provence. Ces reportages et ces enquêtes au long cours coûtent cher. Chaque numéro de So Foot coûte environ 245 000 euros à produire. "C’est un choix. Ce que nous mettons ici, nous ne le mettons pas ailleurs. Mais c’est que qui fonde notre identité", confie Annese. Ainsi, le modèle économique, s’il est professionnel tient aussi un peu du fanzine. Il y a 200 pigistes réguliers par an, les conférences de rédaction sont "épiques" selon les dires de l’un des participants mais cette structure légère (à peine dix permanents) permet aussi les voyages aux quatre coins du monde.

    agentssofoot

    Le ton, les reportages, mais aussi les enquêtes. So Foot a été le premier journal français à s'intéresser en profondeur au racisme dans le football, aux entourloupes des agents de joueurs, au dopage, mais aussi à enquêter sur l'état du championnat tchétchène, sur la rivalité politique entre la Lazio de Rome (droite) et l'AS Roma (gauche), ou encore sur les liens entre quelques clubs libanais et le Hezbollah. Bref, So Foot tape partout, enquête sur tout et même sur des sujets aussi loufoques que les travelos du Bois de Boulogne : gagnent-ils davantage quand le PSG gagne ? C'est ce mix qui a plu au lectorat. C'est ce mix là aussi qui rend parfois la relation au milieu institutionnel du foot plus complexe.

    THIERRY HENRY ET PATRICE EVRA REFUSENT DE PARLER

    En effet reste une interrogation : avec son statut atypique, quel est le rapport entretenu par So Foot avec le milieu du foot : agents de joueurs, clubs, et joueurs ? Après enquête auprès de l’entourage de certains clubs ou joueurs, il ressort que l’image du magazine est plutôt bonne. Quoique regardée avec un brin de méfiance. "So Foot a acquis une vraie dimension, c’est un magazine plaisant à lire. Evidemment qu’il faut compter avec lui, mais pour des choses décalées et sans perdre de vue que l’on peut toujours s’y faire tacler, même lorsque l’on ouvre les portes", confie à @si, le directeur de la communication d’un grand club de Ligue 1. Côté So Foot le son de cloche est le même."Globalement, les gens nous prennent au téléphone. Mais le Oui comme le Non sont en général très francs", sourit Annese.

    Un journaliste du mensuel renchérit "Nous ne sommes pas au quotidien dans la relation aux clubs et aux joueurs, nous n’allons pas aux conférences de presse et nous ne sommes pas dans l’attribution de notes ou de bons points, du coup cela peut à la fois fluidifier certaines relations, mais aussi les compliquer". Clairement, un agent de joueur, un joueur, ou un club de foot, ont comme tous les personnages publics des séquences de communication : il vaut mieux apparaître lors d’une période faste que lors d’une période de blessure, idem pour ce qui est des transferts etc…Problème : cet agenda – dont So Foot se "contrefout"- peut tendre les relations. Ainsi, par exemple, un journaliste del’Equipe raconte. "Un jour j’ai interviewé un international français, il était très tendu, j’essaye de comprendre pourquoi, je lui demande, il me dit : je me méfie des journalistes, l’autre jour il y en a un de So Foot à qui j’ai fait confiance qui me l’a fait à l’envers". Sous entendu : qu’il ne s’est pas mué en porte voix. Impossible toutefois de connaître le nom de ce joueur en colère. Certains joueurs ou ex-joueurs refusent d'ailleurs toujours de parler à So Foot. C'est notamment le cas de Thierry Henry et de Patrice Evra.

    LA VRAIE-FAUSSE INTERVIEW DE LILY ALLEN : UNE CAGADE MÉMORABLE

    lily Dans ce tableau quasi idyllique aucun raté ? Il y en a au moins un, mémorable. En 2009, la chanteuse Lily Allen est interviewée par une journaliste pigiste du mensuel. L'entretien est publié et Lily Allen décide de saisir les tribunaux britanniques en arguant que l'interview n'avait jamais eu lieu et que la journaliste avait "tout inventé". "Nous étions dans une situation très compliquée. C'était parole contre parole", admet Annese qui a malgré tout pris la défense de sa journaliste. Au final, le conflit s'est arrangé à l'amiable mais la petite histoire a coûté 100 000 euros à So Foot. L'interview a-t-elle réellement eu lieu ? Au sein du magazine, les avis sont partagés. Tous, en tout cas, ont un doute. Résultat : depuis cet épisode la règle est d'enregistrer toutes les interviews.

     

    Autre interrogation : le site de So Foot. S'il fonctionne bien, est dans un entre deux. "En fait, avec le site on est dans une situation particulière, détaille un journaliste. Nous sommes dans une logique de flux d'actualité, et en même temps ce n'est pas ce qui fait l'identité de So Foot. Du coup, on essaye de faire des choses drôles et décalées". Ainsi, sur le site, les passionnés de foot peuvent trouver des classement des 100 meilleurs joueurs de l'histoire, des vidéos, des vannes, et des informations traitées de manière éditorialisée sur le marché des transferts. Plus proche de l'immédiateté et du travail classique d'un site d'actualité sportive. Pour le moment, le site coûte environ 30 000 euros par mois et n'a pas encore atteint le seuil de rentabilité. sofoothome

    Une autre critique qui revient souvent à l'encontre de So Foot est la façon dont les pigistes sont payés au lance-pierres. Cet aspect a d'ailleurs été évoqué en janvier 2013 par Libération dans un portrait plutôt élogieux de Franck Annese. "La pige reste le scandale de ses canards : il paye 60 euros la page. Autrement dit peanuts et pipi de chat, un montant si ridicule qu’il serait plus honnête d’admettre que bosser pour So Foot ne permet pas de bouffer", écrit ainsi Mathieu Palain avant de donner la parole à un pigiste "déçu de son chèque" qui décrypte le fonctionnement du canard et d'Annese. "Son fonctionnement, c’est "je te dis oui pour le tour du monde mais ne me demande pas de bien te payer", raconte à Libé ce collaborateur de So Foot. Et là-dessus, Annese répond de manière claire et vive. "On n'exploite pas les pigistes. Ils sont payés 65 euros le feuillet et pas la page, c'est autant qu'à Libération ou aux Inrocks. Je n'accepte donc pas que l'on me fasse des leçons là-dessus, surtout quand ceux qui les font payent autant ou moins que nous. Si Elle et Télérama viennent me dire que nos pigistes sont sous - payés, j'accepte. Venant des autres, c'est vraiment scandaleux".

    Si la réussite globale de So Foot est plutôt saluée par les autres médias, certains journalistes sportifs ou autres ricanent lorsque l'on évoque avec eux le sujet. "Franchement, quand je vois leurs articles je ne me dis pas qu'ils réinventent la presse sportive. Ils sont dans une niche, avec un ton décalé qui démontre un certain talent, mais à part ça c'est un peu court", tacle un journaliste de l'Equipe.

    QATARGATE : UN SCOOP RATÉ ?


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    Il ajoute : "Ce n'est pas dans So Foot que l'on a parlé du Qatargate (le scandale selon lequel le Qatar aurait acheté l'attribution de le Coupe du Monde 2022 avec la complicité de Michel Platini et Nicolas Sarkozy, nous vous en parlions ici), mais dans France Foot". Devant cette critique, Annese rigole. "En fait nous avions sorti les mêmes informations un an auparavant dans le numéro avec Mario Balotelli en Une. Nous avions les documents etc, mais en effet, il n'y a pas eu le même retentissement". En fait, les deux ont raison. Lors du rachat du PSG par les qataris en juin 2011, So Footavait évoqué la réunion entre Nicolas Sarkozy, le prince du Qatar, Tamin bin Hamad al-Thani, Michel Platini, président de l'UEFA, et Sébastien Bazin (Colony Capital, à l'époque, propriétaire du Paris SG en proie à de grosses difficultés financières et proche de Nicolas Sarkozy).

    Mais où France Football va plus loin, c'est qu'il fait la Une sur l'information, qu'il est partie prenante du monde du football et surtout qu'il publie des documents notamment des mails internes à la FIFA, des témoignages d'anciens salariés de l'institution etc... De fait, là où So Foot a évoqué la réunion, France Foot a apporté des éléments supplémentaires.

    Dans la discussion avec une autre journaliste, une autre critique apparaît : le relatif désintérêt de So Foot pour les questions sensibles du foot et notamment la place prépondérante de l'argent. Là-dessus, Annese a une réponse, tranchée. "D'abord, à chaque fois que nous avons eu des éléments nouveaux sur les zones d'ombres des flux d'argent dans le foot, nous avons traité le sujet". Pour lui "passer son temps à pourfendre l'argent roi dans le foot est une posture intellectuelle vaine". C'est pour cela que "le mag n'en parle pas tous les mois". Et il conclut dans un sourire :"Si on veut vraiment moins d'argent dans le foot, on éteint sa télé et on arrête de le regarder ou alors, on change le système capitaliste. Moi je suis pour, mais cela passe par une révolution".

    La révolution, So Foot se contente pour le moment de la faire dans ses méthodes, son ton et son approche culturelle du sport. Pour les dix ans du magazine, certains médias ont célébré cet anniversaire. Des médias amis bien sûr. AinsiLibération avec qui So Foot a fait plusieurs cahiers thématiques lors des Euro ou des Coupes du Monde, à travers un petit papier et un portrait d'Annese, (non sans critiques, on l'a vu). De même, pour les Inrocks qui sur le web ont consacré un papier au modèle So Foot. Enfin, il faut signaler aussi un article de l'Expansion - pas forcément un media ami - qui entrait lui aussi dans les coulisses de l'aventure.

    SO FOOT FAIT DES PETITS

    Dans dix ans, peut-être écrirons nous aussi sur les autres réussites d'Annese. Outre So Foot, l'éditeur a lancé Doolittle (un magazine trimestriel de mode culture et société sur le monde de l'enfance dédié aux parents), Pedale (qui sort une fois par an au moment du tour de France) vrai magazine de journalistes sur le vélo. Mais aussi et surtout So Film, réplique de So Footsur le monde du cinéma. Le pari : s'extraire de la promo, suivre des acteurs sur le long cours et raconter des histoires humaines sur le cinéma. L'idée de base est simple :"sortir de l'idée selon laquelle un mag de ciné est obligé de faire sa Une sur un blockbuster américain", souligne Annese. Au bout d'un an le titre écoule 18 000 exemplaires par mois. Situé entre l'historique Les Cahiers du Cinéma et le leader du groupe Lagardère Première.

    Dernier projet en date : un quinzomadaire de société, car Annese confie ne plus "croire au rythme hebdomadaire" qui aura pour but de "raconter la vie et le monde", loin de la trilogie "Le Point, l'Express, L'Obs qui se ressemblent et ne parlent à personne". Sortie prévue pour la rentrée 2014.

    sofilm

    Les années 1980-1990 ont connu Jean-François Bizot créateur de Nova et d'Actuel, inspirateur de toute une génération de journalistes. Et si dans la personne d'Annese, les années 2000-2010, avaient elles aussi découvert l'inventeur d'un nouveau style de presse ?