Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Livre - Page 2

  • Nous sommes pensées

     

     
    Book

    Nous sommes pensées

    Jeanne Siaud Facchin cover book

    « Nos pensées sont le produit de notre intellect, qui croise notre patrimoine de souvenirs et de connaissances avec la perception et l'analyse de l'ici et maintenant de la situation vécue. 

    De cette confrontation consciente, émerge un sens. Mais nous sommes aussi habités par des pensées qui s'activent à notre insu. 

    Ou encore, nous pouvons avoir l'illusion - consciente - que certaines pensées nous appartiennent alors qu'elles ne sont pas à nous.
     » 

    « D'où viennent ces pensées ? » 

    Première source : l'histoire de nos ancêtres. Ce qu'ils ont vécu, leurs traumatismes, leurs secrets, constituent un héritage dont nos comportements, nos émotions, sont porteurs. Et cette trame sera la toile de fond, invisible, sur laquelle nous construirons des pensées qui nous sembleront personnelles. Illusion. 

    Deuxième source : le contenant culturel, qui structure nos pensées et donne sens aux contenus de pensées. Par exemple, si vous êtes français et que vous parlez à un autre français, il comprendra facilement vos mots (le contenu), car il a à sa disposition la langue française (le contenant). Si vous dites la même chose à un Japonais, bien que vos paroles gardent le même sens, votre interlocuteur n'en comprendra pas un traître mot. Le contenu est identique, mais le contenant a changé et le sens est perdu. Ainsi, à la source de ce que nous prenons pour nos pensées individuelles, des contenants culturels s'activent imperceptiblement et structurent, sans que nous en ayons conscience, un très grand nombre de nos pensées. Par exemple, la morale judéo-chrétienne, en Occident, imprègne nos idées de bien et de mal, de culpabilité, de peur du jugement... L'inconscient collectif, notion développée par Carl Jung, représente la phase la plus aboutie de ce processus. Cette dimension inconsciente de la pensée humaine est faite de croyances anciennes, de traditions ancestrales, d'héritages culturels ou spirituels, qui nous habitent au même titre que notre conscience propre. Les rêves portent souvent ces symboles de ce que Jung a aussi appelé la « pensée des profondeurs ». 

    Troisième source : tout ce que nous avons construit à force de répétitions et de renforcements. Le mécanisme en est assez simple : nous pensons important de nous comporter de telle ou telle manière, nous évitons d'avoir telle ou telle pensée, nous décidons d'agir de telle ou telle façon... et l'expérience nous indique que nous avons eu raison. Alors nous érigeons en forteresses ces croyances qui doivent nous protéger du monde et conforter notre personnalité. Ainsi des idées comme : « Il vaut mieux être seul que mal accompagné », « Les rapports humains sont toujours intéressés », « Je ne comprends rien aux maths », etc., guident nos actions qui deviendront conformes à ces croyances. Nous avons donc la confirmation qu'elles sont vraies ! Et nous les gravons en nous de façon encore un peu plus indélébile. Le tour est joué ! Ainsi, nous sommes pensées, au-delà, et en deçà de notre conscience. Les pensées les plus automatiques, les plus facilement disponibles, proviennent de ce corpus de pensées tissé au fil de notre vie et qui constitue un réservoir de pensées bien loin de notre illusoire « liberté de penser » ! 

    Redevenir libre. Retrouver une pensée libre, la méditation nous en ouvre le chemin. Un chemin qui nous rend à nous-mêmes et qui nous ouvre une infinité de possibilités.
    Jeanne Siaud-Facchin se base sur Bernard Gibello, « La pensée décontenancée »
    « La pensée humaine est constituée par plusieurs courants dont les formes et les lois sont différentes et qui, normalement, interagissent harmonieusement. L'histoire de chacun, son langage, ses traditions, sa sexualité, sa curiosité, la maîtrise de son corps construisent une pensée créative, libre et contenue. Mais, en certaines circonstances, la pensée se décontenance : pensée de la névrose ou de la psychose, pensée du retard mental ou des troubles d'apprentissage, pensée de la souffrance, pensée privée de langage, pensée du fanatisme... L'auteur propose une compréhension de la pensée et de ses troubles qui intègre les conceptions psychanalytiques, psychologiques, neurologiques et biologiques. Les contenus de pensée (perceptions, affects, représentations psychiques) prennent sens sous l'influence des processus dynamiques qu'il nomme contenants de pensée. L'altération de l'un ou l'autre des contenants entraîne les dérèglements psychiques décrits par la psychopathologie. Fondée sur une expérience clinique approfondie, cette analyse permet de choisir les moyens adéquats de prise en charge. Destiné d'abord aux médecins, psychanalystes et psychothérapeutes, psychologues, éducateurs et enseignants spécialisés à qui il apporte des repères en vue du traitement ou de la remédiation des troubles de la pensée, ce livre intéressera tous ceux pour qui la réflexion sur l'esprit est un métier ou une passion. »
    Source : 
    Jeanne Siaud Facchin, « Comment la méditation a changé ma vie... et pourrait bien changer la vôtre », p.125-128
  • La nouvelle BD érotique et porno, bandante et stylée

    Une bande d’auteurs s’empare de la BD cul et réinvente le genre. Autobiographique, décalée, plus seulement masturbatoire : Rue89 espère vous donner envie.

    La BD pour adultes a perdu une de ses vocations premières : la masturbation. Autobiographique ou décalée, elle fait travailler le fantasme et enterre une bonne fois pour toutes les soubrettes et les parties de cul en costume qui la ringardisaient. Les BD érotiques et porno ne se planquent plus au fond des librairies et exhibent désormais des univers graphiques et des scénarios élaborés.

    Cette rentrée littéraire s’érotise gentiment sous les plumes et pinceaux de Chester Brown et de ses splendides « 23 prostituées » (Ed. Cornélius).

    Préfacée par ce vieil obsédé de Robert Crumb, la BD raconte comment, après une rupture et trois ans d’abstinence, Chester Brown décide de ne plus faire l’amour qu’avec des prostituées. Ici, les corps nus servent l’autobiographie et les réflexions incessantes du héros sur chacune des 23 filles auprès desquelles il cherche du réconfort.

    Au final, la BD décrit le métier sans lyrisme et devient un plaidoyer pour la libéralisation de la prostitution.


    Extrait de « 23 prostituées » de Chester Brown (p 119) (Chester Brown/Cornelius)

    Chester Brown n’est pas un auteur de BD érotique à proprement parler, mais il incarne bien une des évolutions autobiographiques du genre et un érotisme ultracérébral où s’illustrent aussi Loïc Néhou et Frédéric Poincelet dans « Essai de sentimentalisme » (Ego comme X).

    Du cul « Kitsch et décalé »

    Diamétralement opposé « avec des mises en page très visuelles et très provocantes », Joan Sfar sort un nouvel album, « Tokyo », dans lequel il « essaye de revenir aux choses les plus imbéciles et les plus puissantes qu’on a en bande dessinée, c’est-à-dire le sexe et la violence ».

    La BD mêle photos et dessins. Sans avoir rien de pornographique, c’est sans doute l’œuvre la plus sexy de Sfar. Elle mélange histoires de fesses, scénario pompier et gaudrioles en tout genre, et campe des filles en mini-short, des flingues et des crocodiles sur fond de tournage de film porno.

    JOANN SFAR ÉVOQUE SA DERNIER BANDE DESSINÉE « TOKYO » (DARGAUD)

    Beaucoup plus chaude, la nouvelle collection « BD cul » des Requins Marteaux mise sur des signatures inattendues comme Aude Picault ou Bastien Vivès, très en vogue en ce moment.

    Avec une pointe de nostalgie, les albums remettent au goût du jour les petits formats, ces bandes dessinées bon marché imprimées à partir des années 50.

    « On trouve aujourd’hui de la BD érotique bien faite et excitante mais c’est difficile de se branler dessus. C’est de la BD qui n’est pas faite pour ça », observe Bastien Vivès, auteur du récent « Melons de la colère ».

    C’est le « ton kitsch et décalé » de la collection qui a séduit ce dessinateur né en 1984. Passé l’exercice de style, « le challenge était de ne pas se rater. Il n’y a rien de pire que de produire une BD érotique chiante, pas excitante ».


    Extrait des « Melons de la colère » de Bastien Vives (Requins Marteaux)

    D’autant qu’« il y a de fortes chances pour que l’adepte de BD érotique et porno satisfasse déjà quelques fantasmes sur Internet ou en consommant des photos, des vidéos ».

    Parmi les auteurs actuels, c’est Morgan Navarro (né en 1975) qui conjugue sans doute avec le plus de singularité excitation sexuelle, drôlerie et travail d’auteur.

    Son « Teddy beat » pulvérise tous les codes d’un « genre tracé ». Ici, on a affaire à un univers graphique un peu surréaliste, avec des femmes à tête d’ampoule et des personnages animalisés.


    Extrait de « Teddy Beat », de Morgan Navarro (Navarro/Requins Marteaux)

    L’auteur a reçu le prix de l’audace des mains d’un Art Spiegelman conquis, au dernier festival d’Angoulême.

    « On a beau parler d’érotisme, j’ai beaucoup joué avec les codes du porno, il y a des gros plans. Je tenais à faire un truc excitant, bandant.

    Teddy beat, c’est pas le gros porc de service qu’on voit dans les films de cul. Mais c’est un bouquin pour lequel je ne me suis pas posé beaucoup de questions.

    Le scénario, je me le suis fait dans ma tête depuis des annnées. Ce sont des scénarios de branlette. Pour le reste, j’ai joué pas mal avec le porno moderne pas trop crade, un peu gentil, avec des jolies filles. »

    La BD érotique se féminise


    Couverture de « Giovanna ! Si ! » (Cassotto/La Musardine)

    Morgan Navarro revendique peu de références en matière de BD érotique, mais cite volontiers Giovanna Cassoto(née en 1962), à qui l’on doit « Giovanna ! Si ! » et « Pornostar ».

    Avec Aurélia Aurita (« Fraise et chocolat »), Mélinda Gebbie mais aussiNine Antico ou Aude Picault, Giovanna Cassotto fait partie des auteures qui féminisent un genre qui compte encore une écrasante majorité d’hommes.

    Selon Vincent Bernière, directeur de la collection Erotix, chez Delcourt et auteur d’une belle « Anthologie de la bande dessinée érotique » (à paraitre le 5 septembre, Beaux Arts éditions), les BD érotiques ou porno des dessinatrices sont souvent « plus cérébrales » ou « à vocation moins masturbatoire que celles des mecs ».

    « La BD érotique d’aujourd’hui est un délire cérébral, tu te racontes des histoires et le désir monte. On pourrait croire que la BD érotique débande mais le dessin agit comme du Viagra... Alors non, bien sûr qu’elle bande encore. »


    Extrait de « Comtesse », d’Aude Picault (Picault/ Requins Marteaux)

    Le manga, dernier bastion de la BD masturbatoire

    Finalement, le manga reste aujourd’hui le dernier bastion du porno trash, avec ses codifications et ses sous-genres : du hentai qui prolifère en version animée sur des sites porno comme Redtube ou Youporn au ecchi, plus gentil.

    Une flopée de mangas hardcores, ouverts à toutes les pratiques sexuelles circurlent sur Internet.

    Bastien Vivès estime qu’« aujourd’hui, du côté du manga, on trouve tout ce qu’on veut ».

    « Et c’est hyperciblé, avec des scénarios hyperprécis Si on aime les corps amputés ou je ne sais quoi, on trouve. Moi j’étais à fond sur les gros seins, j’ai trouvé mon bonheur. »

    « Il y a souvent la fascination des petites filles qui ne passe pas en France », ajoute Vincent Bernière.

    « Au Japon, le dessin permet beaucoup de choses parce que le lecteur fait la différence. »

    Assez envoûtante, la série « Step Up Love Story » propose une initiation sexuelle dans un style plutôt soft (mais interdit aux moins de 15 ans). Comme souvent, les corps sont dépourvus de poils pubiens, le dessin d’un sexe en érection se fait volontiers métaphorique (une banane épluchée, une floraison).

    En tout, 19 millions d’exemplaires de la série ont déjà été écoulés au Japon et le volume 39 est sorti en France en juillet, aux éditions Pika.


    Extrait de « Step up love story » de Katsu Aki (Katsu Aki/Pika)


    Extrait de « Step up love story » de Katsu Aki (Katsu Aki/Pika)

    En France, la frilosité des éditeurs endigue la majeure partie des productions érotiques et porno de manga.

    « Au niveau de la censure, ce sont toujours les éditeurs les plus inquiets », souligne Vincent Bernière. Même si en France, « il y a une liberté totale dont les auteurs ne s’emparent pas tout à fait ».

    Les pères du genre sont réédités


    Couverture « Le déclic », intégralement rééditée (Manara/Drugstore)

    Joann Sfar renvoie aux vieux albums de Métal Hurlant et à RanXerox, héros deTanino Liberatore. Idem pour Morgan Navarro, qui cite aussi Georges Pichard, et sa série « Paulette ».L’écrasante majorité des dessinateurs actuels s’inspirent des pères de la BD érotique.

     

    Le fait que de nombreux auteurs des années 70 et 80 connaissent actuellement une seconde jeunesse n’y est sans doute pas étranger. Car la BD adulte – son marché notamment – résiste aussi grâce à un précieux travail de réédition.

    Sur leur label Drugstore, les éditions Glénat rééditent un des maîtres de la BD érotique des années 80, Milo Manara (« Le Déclic », « Les Aventures de Guiseppe Bergman »).

    Depuis 2009, chez Delcourt, « la collection Erotix réédite des classiques qu’on ne trouvait plus », insiste son directeur Vincent Bernière : des BD qui ont marqué l’histoire du genre, comme celles de Guido Crépax (« Emmanuelle », « Justine » et « Histoire d’O ») ou Magnus (« Les 110 pilules »).


    Extrait de « 110 pilules » (Magnus/Delcourt)

    Dans un style ouvertement pornographique, on redécouvre aussi un ovni comme« Filles perdues », signé par l’auteur de « Watchmen », Alan Moore et son épouse Melinda Gebbie. Ce trésor de perversion est – après moult déboires d’édition – traduit seulement depuis 2008.


    Extrait de « Filles perdues » d’A. Moore et M. Gebbie (p. 44) (Moore-Gebbie/Delcourt)


    Extrait de « Filles perdues » d’A. Moore et M. Gebbie (p. 119) (Moore-Gebbie/Delcourt)

    En marge de ces rééditions, signalons aussi le travail du label Dynamite, à la Musardine, qui publie des auteurs comme Bruce Morgan ou Ardem ou encore celui des éditions Tabou qui continuent d’élargir leur catalogue.

    Internet, découvertes et archives

    De manière plus informelle, le Web est aussi devenu une mine d’or en matière de BD adulte.

    L’excellente plateforme Grandpapier publie des récits en ligne et des BD sous différents formats numériques. De nombreux auteurs passant sous le radar des éditeurs y présentent leurs créations et chez certains d’entre eux se montrent plutôt inspirés en matière d’érotisme, comme Grisfx ou Big Ben.


    Extrait de « Gourmandise », de Grisfx (Grisfx)

    Outre les tonnes de manga qui circulent, c’est aussi sur Internet que les nostalgiques célèbrent un des âges d’or de la BD érotique avec les Tijuana Bibles des années 30 .


    Extrait d’une « Tijuana Bible » anonyme(DR)

    On les appelle aussi « Dirty Comics » ou « Eight pagers », en raison du format des fascicules bon marché, qui circulaient sous le manteau.

    Les sites d’amateurs comme Tijuana-Bible ou les blogs de collectionneurssont très riches et archivent cette iconographie vintage géniale, souvent anonyme et satirique, qui détourne notamment les icônes populaires de l’entre-deux-guerres.

    Entre créations, rééditions et transmission sur le web, la bande dessinée adulte a donc non seulement de beaux restes, mais aussi de beaux jours devant elle.

     

     

    Aurélie Champagne

  • SI LE MANGA M’ÉTAIT CONTÉ

    27 août 2012

    SI LE MANGA M’ÉTAIT CONTÉ

    Trait de sparation

    Le mangaka Yoshihiro Tatsumi raconte dans une fresque autobiographique la construction du manga moderne et les évolutions culturelles du Japon d’après-guerre



    Dans les librairies de prêt des villes japonaises d’après guerre, les mangas sont bien minces. Pourtant, malgré la pénurie généralisée, les magazines publiant ces petites bandes dessinées de quatre cases fleurissent. Pour cinq yens les trois tomes -à lire sur place- nombreuses sont les têtes brunes à se plonger en silence dans la lecture, à même le sol de leur bouquiniste favori. Yoshihiro Tatsumi est de ceux-là. Ces petits ouvrages de papier recyclé tombent dans les mains de ce garçon d’Osaka et déclenchent une passion qui ne le quittera plus. Du haut de ses 10 ans, il exerce sa plume sans relâche, espérant voir son travail publié un jour.


    C’est le début d’une carrière de mangaka, retracée dans une somme autobiographique en deux tomes, aujourd’hui publiée en France : Une vie dans les marges raconte la naissance du manga moderne ; c’est aussi, en creux, l’incroyable épopée d’un pays en ruine devenu en un demi-siècle la deuxième puissance mondiale et un foyer culturel majeur.

    JPEG - 181.6 ko
    NB : la lecture se fait de droite à gauche.


    Jeune auteur, Yoshihiro Tatsumi aspire déjà à dépasser les marges classiques du manga traditionnel : caractérisé par un format court, un registre comique, un dessin exagéré et résumé aux traits principaux, ce manga se destine surtout aux enfants. Tandis que la société nippone s’ouvre à la culture occidentale, il parcourt les bibliothèques, s’imprègne des romans de Jules Verne, des pièces de Shakespeare, des aventures sombres d’Arsène Lupin et des récits du genre Hard Boiled, un style américain de polar particulièrement sombre et cru. Le cinéma, nouveau loisir des Japonais dans les années 50, alimente lui aussi son imaginaire ; westerns américains etfilms d’action l’impressionnent et l’inspirent.


    Tatsumi expérimente de nouvelles formes et des thèmes jusque là jamais scénarisés dans un manga- monstre envahissant la ville, à l’image de Godzilla ; meurtres et enquêtes ; catastrophes sociales…


    « Faire un manga qui ne serait pas un manga », devient son objectif, bientôt partagé par le petit groupe d’auteurs dans lequel il s’insère. Ses acolytes s’appellent Matsumoto, Isojima, Saito… aujourd’hui des grands noms de l’histoire du manga. Tous publient au sein d’Hinomaru Bunko, maison d’édition basée à Osaka et noyau expérimental très prometteur. Ensemble, ils fondent la revue policière Kage, dont Tatsumi sera un temps rédacteur en chef. Malgré les dissensions et les désaccords qui marquent leur cercle, les jeunes mangakas cherchent une nouvelle appellation à leur genre. Tatsumi en est l’inventeur : le gekiga – littéralement, « images dramatiques »- désigne un manga réaliste, détaillant la psychologie des personnages, proposant un dessin travaillé, et un contenu axé sur des thématiques sombres et destinées aux adultes.


    Les 800 pages d’Une vie dans les marges révèlent un milieu éditorial et artistique en pleine ébullition. De fréquents apartés historiques éclairent les mutations progressives de la société japonaise : premières victoires sportives, émergence de groupes de musiques, feuilletons radiophoniques à la mode, dernières innovations technologiques, tissent une trame de fond sur laquelle le lectorat comme le milieu des mangakas évoluent. Au fil de ces transformations, le gekiga a été critiqué par certains dessinateurs de mangas. Le genre a même été taxé d’incitation au crime au Japon. Yoshihiro Tatsumi, lui, aura passé sa vie à le défendre.


    Victoria Scoffier

  • Connaissez-vous Paul-Eric Blanrue?

    Enfin, j’ai installé le nouveau Office 2007.

    J’espére que ça me donnera envie de sortir et d’organiser mieux mes pensées.

    Par hasard je suis tombé, sur je ne sais plus quel site, sur un certain Paul-Eric Blanrue.

    Et voilà que mon intérêt se porte, comme par hasard sur un thème qui m’a toujours fait réagir : l’injustice.

    Biographie

    Titulaire d'un DEA en histoire, ancien enseignant dans l'enseignement secondaire privé (Nancy, Verdun et Forbach), Paul-Éric Blanrue a été en 1989 directeur de publication du Bulletin Légitimiste, feuille d’information royaliste de la région Lorraine. [2] Il a fondé en 1993 le Cercle zététique, association sceptique à but non lucratif se proposant d'enquêter avec méthode sur tous les sujets relevant de l'extraordinaire, tant en science qu'en histoire. En 2004, il a dévoilé certains des « trucs » de l'illusionniste canadien Gary Kurtz. Il a quitté la présidence du Cercle zététique en 2004. En 2005, pour démontrer que le Suaire de Turin pouvait être un faux réalisé au Moyen-âge, il en a réalisé une réplique avec les seuls moyens de l'époque[3],[4].

    Il a été invité en novembre 2007 au salon des écrivains du B'nai B'rith. [5] [6]

    Il participe au site pro-cubain "Le Grand Soir"[7].

    Il a écrit dans Le Nouvel Observateur hors-série, Le Crapouillot, Science extrême, ou encore dans la revue littéraire Bordel (Flammarion), dans La Vérité (2003) de Marc-Édouard Nabe et dans Point de vue spécial énigmes [8]. Paul-Éric Blanrue est souvent convié à donner son avis sur les sujets relevant de l'extraordinaire : Tout le monde en parle de Thierry Ardisson, On ne peut pas plaire à tout le monde, de Marc-Olivier Fogiel, Ciel mon mardi, de Christophe Dechavanne, Piques et polémiques, de Paul Wermus, D'un monde à l'autre, de Paul Amar, C'est l'heure, de Jean-Luc Delarue, Pourquoi ? Comment ?, de Sylvain Augier, la série Les grandes arnaques, pour la télévision québécoise, Capricorne ascendant sceptique, pour la chaîne Planète, L'Arène de France et Secrets d'Histoire de Stéphane Bern, La foi prise au mot, sur KTO, On n'a pas tout dit de Laurent Ruquier, etc. ont ainsi recouru à ses services.

    Il est par ailleurs consultant et scénariste pour diverses sociétés et maisons de production (documentaires et cinéma, comme Fidélité Productions ou Pathé).

    Sarkozy, Israël et les juifs

    Dans son livre Sarkozy, Israël et les Juifs — dont le titre se veut un clin d'œil au De Gaulle, Israël et les Juifs de Raymond Aron —, Paul-Éric Blanrue établit une synthèse des rapports entre Nicolas Sarkozy et Israël, y compris les données biographiques et psychologiques[9]. Il compare son travail pour la France au livre Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine outre-Atlantique : « leur ambition est au fond la même[9] ». Son objectif avec ce livre est de participer à la prise de conscience du danger que représente la nouvelle politique étrangère française à l'égard d'Israël.

    Les éditeurs habituels des ouvrages de Blanrue, ainsi que le diffuseur en France de l'éditeur belge Marco Pietteur, n'ont pas voulu de cet ouvrage. Un diffuseur français (DG diffusion), qui en a lu le premier chapitre, a refusé de le diffuser[10],[9],[11]. Le livre a donc été diffusé en France exclusivement par correspondance, ce pendant six mois, jusqu'à ce que l'auteur finisse par trouver un diffuseur pour la France[12].

    Alain Gresh a fait une recension de l'ouvrage dans le blog du Monde diplomatique dont la conclusion est : « Un livre qui mérite le débat, et non un interdit de fait »[13]. Le site du journaliste communiste belge Michel Collon lui a fait de la publicité[14].

    Suite à la parution de ce livre, le site REFLEXes, sous-titré « site d'informations antifascistes », article repris sur le site France Palestine Solidarité [15]. Cet article non signé sous-entend que Paul-Éric Blanrue serait « proche » de l'extrême droite, justifiant cela[16], notamment :

    • par sa proximité supposée avec divers cadres lorrains du Front national, dans les années 1980,
    • par sa supposée participation à la fête des 80 ans du négationniste Robert Faurisson, donnée au théâtre de la Main d'Or de Dieudonné,
    • par sa présence au procès de l'humoriste, le 22 septembre 2009, devant la 17e chambre du Tribunal correctionnel de Paris,
    • par le fait qu'Yvonne Schleiter, sœur de Robert Faurisson, aurait chroniqué plusieurs ouvrages de Paul-Éric Blanrue, aors qu'il s'agit en fait de Jérôme Bourbon en ce qui concerne ce dernier livre[réf. nécessaire] dans les colonnes de l'hebdomadaire Rivarol.

    Paul-Eric Blanrue récuse tout cela en expliquant que sa présence dans diverses manifestations de ces milieux est justifiée par une étude préparatoire à l'écriture d'un livre sur Robert Faurisson, dont il annonce la sortie pour 2011[17]. Il donne le numéro de sa carte au Parti communiste français (PCF) depuis 2006. Il est également soutenu par le PCF Sud Ardèche [18], par Jean-Guy Allard, chroniqueur au quotidien castriste Granma [19] et par l'universitaire belge Jean Bricmont[20],[21].

    D'autre part, concernant le Suaire de Turin, Paul-Éric Blanrue s'est très vivement affronté avec les représentants du CIELT, organisme proche des milieux frontistes et catholiques intégristes, jusqu'à des menaces qui ont conduit la chaîne catholique KTO à déprogrammer une de ses interventions[22],[23].

    Dans son livre Retour sur la question juive (Albin Michel, 2009, p. 260), la psychanalyste Élisabeth Roudinesco le définit comme "plus chomskyien que Chomsky".

    Le vendredi 19 février 2010, la chaîne Al Jazeera a consacré un débat d'une heure, en prime-time, à la sortie du livre Sarkozy, Israël et les juifs, en présence d'Éric Rouleau et Alain Gresh.[24

    hierry Meyssan : Paul-Éric Blanrue, bonjour. Vous venez de publier Sarkozy, Israël et les juifs [1]. Dans votre préface, vous comparez votre travail pour la France au livre de John Mearsheimer et Stephen Walt, Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine [2]. Pourtant ces deux ouvrages ont une démarche différente : le leur cherche à préciser qui est ce lobby pro-israélien et quelle est son influence à Washington, tandis que le vôtre prend le sujet dans l’autre sens. Vous montrer comment Nicolas Sarkozy est au service d’un lobby que vous vous abstenez de désigner en détail. Pourquoi avoir choisi cet angle ?

    Paul-Éric Blanrue : Bonjour, et merci de vos questions. Les deux ouvrages sont différents, en effet, mais leur ambition est au fond la même : montrer que les deux pays, qu’il s’agisse des États-Unis, pour Mearsheimer et Walt, ou de la France, dans mon cas, sont placés sous une forte influence pro-israélienne qui peut, à terme, s’avérer dangereuse pour eux. Seulement, en France, la situation n’est pas tout à fait identique à celle des États-Unis. Là-bas, l’histoire de la formation du lobby pro-israélien est telle que sa présence est avalisée par une grande partie de l’opinion, au point que ce lobby est même analysé par de grands universitaires… même si tous ne sont pas d’accord sur l’influence qu’il joue : Chomsky dénie ainsi au lobby pro-israélien son pouvoir au motif que l’idéal sioniste est diffusé à parts égales dans tous les partis et dans tous les secteurs de la société ! Outre-Atlantique, en tout cas, l’alliance avec Israël est devenu un phénomène banal depuis l’après-Eisenhower. Le secrétaire d’État est obligatoirement sioniste, par tradition si l’on peut dire. Chez nous, tout est (ou était !) différent. Je montre qu’il y a peu de temps encore, il n’y avait pas d’unanimité, au sein même des représentants de la communauté juive, sur la façon dont il convenait d’aborder Israël. Tous ne se rangeaient sous la bannière de l’État juif comme de bons petits soldats. Il y avait des résistances, y compris au plus haut niveau de leurs organisations. Souvenez-vous de Théo Klein : lorsqu’il était président du CRIF [3], dans les années 1980, il affichait une position assez modérée sur Israël, dont il annonçait qu’il ne voulait pas être considéré comme l’ambassadeur, à telle enseigne que certains de ses successeurs ont pu le désigner comme un « collabo » des Palestiniens ! Mais il y a bien davantage encore : en France, ceux que j’appelle les « réseaux pro-israéliens » se sont heurtés, jusqu’en 2007, à un gros problème : nous vivions jusqu’alors sous un régime « gaullien » (même si j’ai conscience de la rangée de guillemets qu’il faut placer pour employer ce terme si l’on songe aux circonstances de l’arrivée de François Mitterrand à l’Élysée, par exemple…) Il n’empêche : la résistance du pouvoir politique, à commencer par le Quai d’Orsay, aux revendications des réseaux sionistes était une réalité. Roland Dumas ou Hubert Védrine étaient de farouches partisans d’une position équilibrée au Proche et au Moyen-Orient. Que l’on se souvienne aussi qu’en 2003, le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, a refusé de rencontrer Dominique de Villepin, alors chef de la diplomatie française, parce que celui-ci avait fait savoir qu’il allait rendre visite à Yasser Arafat, à Ramallah ! Cette résistance est un souci que les réseaux sionistes ont réussi à surmonter depuis l’accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Seulement, à la différence des pratiques américaines, Sarkozy n’a pas été contraint de devenir « leur » homme, ni leur « valeur-refuge » : il ne s’est mis à leur service que parce qu’il en a décidé ainsi, par volonté et stratégie politiques délibérées. Après la seconde Intifida, en 2000, il s’est aperçu de la puissance acquise par le lobby pro-israélien américain. Concevant la France comme une Amérique en devenir, il a cherché à s’en faire adouber, important ici les pratiques de là-bas. Il a aussi parié sur la peur du « péril banlieue », qui, pensait-il, pouvait associer dans l’esprit des Français (juifs ou non) les immigrés (musulmans, notamment) à des terroristes en puissance. C’est une des raisons pour laquelle il a invité des policiers israéliens en France à venir expliquer à leurs collègues comment mater les troubles dans les banlieues, comme si celles-ci étaient des « territoires occupés » ! Pour ce faire, dans sa stratégie d’accession au pouvoir, il a employé le vocabulaire et l’idéologie des représentants sionistes, pour lesquels, aujourd’hui, « pro-israélien » et « juif » sont deux synonymes. C’était une manière de galvaniser l’électorat juif, qui est en France l’un des plus importants au monde, ce qui a fait dire à l’UMP Christian Estrosi, que Sarkozy était « le candidat naturel des juifs ». Or, d’un point de vue objectif et historique, je rappelle que le judaïsme est une religion tandis que le sionisme est une idéologie politique. On peut être juif et opposé au sionisme, comme l’ont été et le sont encore de nombreux rabbins ou de nombreuses personnalités d’origine juive (il existe même un site Internet où les sionistes les dénoncent à la vindicte de leur coreligionnaires !), et on peut être sioniste et non-juif, ne songez qu’à Bush ! Bref, toutes ces différences expliquent que je n’ai pas traité le problème dans mon livre comme mes deux collègues américains.

    Thierry Meyssan : Vous avez pris soin de vous en tenir à des informations connues, déjà publiées et non contestées ; de ne jamais vous baser sur des scoops qui pourraient être controversés, de sorte que les éléments de votre raisonnement ne soient pas discutables. Simultanément, vous avez pris soin de déminer un à un les mots ou expressions qui provoquent des réactions épidermiques mettant fin au débat. Cette méthode prudente suffit-elle à assurer une réception raisonnable de votre travail ?

    Paul-Éric Blanrue : Pour commencer, j’estime qu’un livre doit par principe reposer sur des fondements solides, afin d’être inattaquable. C’est une constante chez moi, voyez ma bibliographie qui comporte une dizaine d’ouvrages. C’est aussi une politesse que je dois à mes lecteurs, qui me lisent parce qu’ils savent que je tiens à leur apporter des informations solides. Fondateur, et président durant 10 ans, d’une association sceptique qui s’intitule le Cercle zététique (du grec zetein : chercher), j’ai mené de nombreuses enquêtes au cours desquelles j’ai toujours tenté de faire la part des choses entre les faits vérifiables et la rumeur, ou encore les mensonges. Or j’ai pu constater, au cours de ma carrière, que de nombreux « scoops » non sourcés reposent souvent sur des on-dit et sont en réalité des « bidonnages » destinés à faire un best-seller à peu de frais : aussi, je m’en méfie d’instinct. Ensuite, je ne cherche pas à déminer pour déminer. Si vous faites allusion, par exemple, au fait que je n’emploie pas l’expression « lobby juif » pour caractériser les modalités d’action des sionistes en France, c’est parce que, comme Mearscheimer et Walt, ou chez nous Pascal Boniface [4], je ne crois pas réellement à l’existence de ce prétendu lobby, qui est, selon moi, soit un abus de langage, soit un terme provocateur. Dans les deux cas, il faut l’éviter. De plus, et c’est le plus grave pour moi, il associe juifs et sionistes, deux réalités distinctes comme je l’ai déjà précisé. Vous aurez noté également que je ne parle pas non plus de « lobby sioniste », car la réalité française est différente de l’américaine, même si cette différence tend à se réduire jour après jour. Je fais la recension des nombreuses organisations sionistes, j’indique leurs points communs, leurs différences et parfois leurs contradictions : c’est la raison pour laquelle je préfère parler de « réseaux » pro-israéliens ou sionistes, ces deux derniers termes étant équivalents pour moi. Quant à savoir comment sera reçu mon travail, je l’ignore, n’étant pas Élizabeth Teissier [5]… De mon côté, en tout cas, j’aurai fait tout mon possible pour que ce livre puisse être une base de discussion raisonnable entre deux camps que tout oppose. Il faut que la situation se débloque, sinon on va droit dans le mur.

    Thierry Meyssan : Vous avez déjà fait preuve de courage en abordant un sujet tabou. Ne craignez-vous pas de vous griller définitivement en répondant à mes questions ?

    Paul-Éric Blanrue : Je suis ainsi fait (mon éducation catholique, peut-être) que, depuis toujours, je réponds à qui m’interroge, sans chercher à sonder son cœur ni ses reins. Plus généralement, je me garde bien de juger les gens, à commencer par ceux qui luttent contre un système qui nous écrase. Pour ma part, comme vous le savez, je n’ai jamais été ce qu’on appelle un « complotiste », mais je revendique pour tous le droit à la libre recherche et à la libre publication. Il est possible que mon livre fasse l’objet d’un black-out général, comme l’a été l’un de mes précédents ouvrages, Le Monde contre soi – Anthologie des propos contre les juifs, le sionisme et le judaïsme [6], qui n’a pas bénéficié d’une seule ligne dans les grands journaux parisiens, mais qui, bien étrangement m’a valu d’être invité au salon des écrivains du B’naï Brith ! Il faudra bien que je tente cette fois de surmonter par tous les moyens la stratégie du silence de ceux qui s’opposent à sa diffusion pour de sombres motifs. On ne peut pas vivre sous la dictature de la pensée unique sans réagir, sinon on est bon pour l’esclavage. Il est temps de dépassionner le débat et surtout d’arrêter de diaboliser les contradicteurs !

    Thierry Meyssan : Votre éditeur belge, Marco Pietteur, semble surpris par la réaction de réseaux de distribution qui refusent de placer votre livre dans les librairies en France. Pourtant ce mode de censure a commencé lors de la publication de mon livre sur le remodelage du Grande Moyen-Orient, L’Effroyable imposture 2 [7]. À l’époque, plusieurs grands éditeurs ont renoncé à le publier face aux menaces des distributeurs. En définitive, Jean-Paul Bertrand et Antoine Gallimard ont dû ruser pour contourner cet obstacle. À défaut de pouvoir interdire le contenu d’un ouvrage, on en empêche la présence en librairie. Le lobby pro-Israélien est intervenu pour dissuader les grands médias de mentionner l’existence de mon livre que ce soit dans des articles ou en acceptant des publicités payantes. Ce dispositif a-t-il été actionné de la même manière pour censurer votre travail ? Et avez-vous identifié les personnes et les groupes qui l’ont actionné ?

    Sarkozy, Israël et les juifs, éditions Marco Pietteur, collection « Oser dire » (mai 2009), 205 pp. Ouvrage recommandé et diffusé par le Réseau Voltaire.

    Paul-Éric Blanrue : Pour le moment je ne peux pas dire grand-chose, car je suis dans l’action, c’est-à-dire dans la promotion de mon livre, période peu propice aux enquêtes. Disons que j’ai déjà ma petite idée sur la question, qu’il faudra que je creuse. Le temps de la réflexion viendra et alors, croyez-moi, je dirai ce que je sais. En attendant, remarquez, je vous prie, une chose étonnante : il y a un an et demi, j’écrivais avec mon ami Chris Laffaille, de Paris-Match, un livre sur le mariage de Nicolas Sarkozy avec Carla Bruni, qui s’intitulait Carla et Nicolas, Chronique d’une liaison dangereuse [8]. Déjà, je rendais compte d’un certain nombre de faits, bien que ce ne fût pas de manière frontale. Or ce livre a été classé dans les best-sellers de L’Express, a fait la une de Technikart et a été l’objet de traductions à l’étranger. À la FNAC des Ternes, pour prendre un magasin que je connais bien lorsque je suis à Paris, il faisait l’objet d’une exposition dans une vitrine entière, face à l’entrée. Aujourd’hui, pour mon nouveau livre, j’ai dû être édité en Belgique et le diffuseur de mon éditeur Marco Pietteur est tellement effrayé qu’il refuse de le diffuser en France ! Le fait est remarquable et symptomatique de l’état d’esprit qui règne ici depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Les gens sont terrifiés. On peut les comprendre. Je note avec joie que certains commencent à réagir, puisque sur facebook, un groupe s’est créé, comprenant plusieurs centaines de membres, français ou non, qui réclament que mon livre soit vendu dans les librairies françaises. Son intitulé : « Sarkozy, Israël et les juifs : le livre qui fait peur aux diffuseurs ! » C’est assez bien vu. J’engage vos lecteurs à rejoindre ce groupe de francs-tireurs. La France est-elle tombée si bas qu’on n’ose plus y diffuser un ouvrage qui sera disponible sans problème dans plusieurs pays étrangers, et qui est en voie d’être traduit dans trois langues ?

    Thierry Meyssan : Vous livrez une synthèse très complète des liens unissant Nicolas Sarkozy à Israël, y compris les données biographiques et psychologiques. Cela ne vous empêche pas d’aborder ses liens avec les États-Unis. Vous avez alors choisi d’éluder ses liens familiaux avec la CIA et vous avez cité le faux courriel de la DGSE diffusé au sein des services de police l’accusant mensongèrement d’être agent du Mossad. Votre sujet d’étude ne déforme-t-il pas la réalité en se focalisant sur la subordination de Nicolas Sarkozy à l’agenda israélien et en laissant dans l’ombre les liens peut-être beaucoup plus forts encore qui le lient aux États-Unis ?

    Paul-Éric Blanrue : Mon chapitre 3 s’intitule (je parle de Nicolas Sarkozy) « L’homme des réseaux américains »… Je pense donc avoir noté toute l’importance que revêtent pour lui les États-Unis. Ceci dit, vous avez raison, j’y traite essentiellement de son adoubement par le lobby pro-israélien américain, comme le American Jewish Commitee (AJC). Mais c’est le sujet de mon livre qui le veut. Un autre ouvrage serait à consacrer aux liens noués entre le président français et les États-Unis. Mais pour ma part, je voulais montrer en quoi la politique étrangère française avait changé vis-à-vis d’Israël. Sur ce point, les États-Unis, comme la France de Sarkozy, se rangent de manière quasi inconditionnelle du côté israélien, malgré des réserves de circonstance destinées à ne pas chagriner l’opinion, soucieuse du sort des Palestiniens. Or Nicolas Sarkozy est passé par les États-Unis pour aller vers Israël, et non l’inverse. On voit bien qu’aujourd’hui, alors qu’il a perdu une partie de sa crédibilité auprès d’Obama, il est toujours autant pro-israélien que durant sa campagne électorale. Lorsque, le 24 janvier 2009, la France a envoyé la frégate Germinal lutter contre les livraisons d’armes à la résistance palestinienne, à ma connaissance, les États-Unis n’ont pas joué de rôle direct : cette opération a été réalisée entre Israël, l’Égypte et la France. Par ailleurs, Sarkozy n’a pas besoin des États-Unis pour se déclarer « partisan inconditionnel de la sécurité d’Israël », même s’il est évident que ce rapprochement participe d’une « atlantisation » plus générale (envoi de troupes en Afghanistan, retour dans l’OTAN, etc.). Pour résumer, mon livre n’est en effet qu’un chapitre d’une plus grande histoire à écrire, mais je crois qu’il se situe en plein cœur du problème : nous sommes face à un renversement total des principes sur lesquels notre République est assise. C’est pourquoi il m’a semblé urgent de l’écrire. Avant qu’il ne soit trop tard pour faire machine arrière.

    Thierry Meyssan : Votre livre nous remémore quantité d’événements oubliés —une information en chassant une autre dans les journaux—. Malgré l’abondance de votre documentation, votre narration est toujours agréable à lire. Mais, cette qualité littéraire n’empêche-t-elle pas de hiérarchiser les choses. Par exemple, vous évoquez en passant un lien amical avec la banque Rothschild, mais rien sur l’activité d’avocat d’affaire de Nicolas Sarkozy, ni sur François Pérol, un associé-gérant de Rothschild devenu secrétaire général adjoint de l’Élysée puis président de Natixis dans des conditions douteuses. Comment avez-vous sélectionné les événements que vous relatez ?

    Paul-Éric Blanrue : Merci, tout d’abord, du compliment. Mais hélas, on ne peut pas tout dire, surtout dans un ouvrage que je destine au grand public et que j’ai par conséquent voulu « lisible » alors que la question est complexe. Notez tout de même que pour 200 pages de texte, j’ai disposé un appareil critique de quelque 500 notes infrapaginales, ce qui n’est pas courant dans l’édition française actuelle. Vous avez raison, bien sûr, de dire que les informations sont oubliées par l’opinion, et que l’accumulation de celles-ci dans les journaux, loin d’alimenter les cerveaux de nos contemporains, contribue à tasser les données dans les couches sédimentaires inférieures. Mieux encore : l’abondance d’informations (avec la prime données aux faits divers) fait oublier le sens général de l’histoire qui se déroule devant nous. J’ai donc voulu procéder à un « rafraichissement de la mémoire » de l’opinion publique, tout en organisant mon plan de manière à donner un sens à l’actualité la plus brûlante. Mon point de départ est Sarkozy, l’homme par qui la fracture arrive. Je tente ensuite d’expliquer pourquoi il en est arrivé là et pourquoi la France est dans une impasse dont il faudra bien un jour qu’elle s’extraie.

    Thierry Meyssan : Dans votre dernier chapitre, vous élargissez votre sujet aux milieux culturels. Mais une trentaine de pages, c’est à la fois beaucoup pour éveiller la curiosité et trop peu pour donner une vue d’ensemble du phénomène. Pour faire vite, vous êtes obligé de traiter rapidement certaines personnalités, comme Tariq Ramadan, parce que cela nécessiterait des développements contextuels. Comme vous laissez vous lecteurs sur leur faim, avez vous l’intention d’approfondir cette question dans un autre volume ?

    Paul-Éric Blanrue : J’évoque le cas de Tariq Ramadan, lors de sa confrontation télévisée avec Nicolas Sarkozy, afin de montrer comment ce dernier a intégré dans son discours la rhétorique sioniste actuelle, ce dogme bourré de dynamite qui veut que « juif = pro-israélien ». Pour le reste, je me consacre à l’essentiel : la description des réseaux sionistes français et la façon dont l’actuelle présidence répond à leurs attentes, voire les devance. Je passe en revue des cas connus et moins connus : quel est le parcours du patron de la LICRA ? Qui sont les principaux « poissons-pilotes » d’Israël en France ? Quelles associations intentent systématiquement des procès aux chercheurs indépendants qui critiquent Israël ? En quoi la loi Gayssot est-elle la clé de voûte de la dictature de la pensée unique actuelle ? Pour répondre précisément à votre question : oui, je prépare actuellement, non pas un, mais deux autres livres, qui approfondiront de manière notable ce que j’ai dit dans celui-ci. Je pense qu’ils surprendront vos lecteurs. Ce n’est qu’un début !

    Thierry Meyssan : Terminons par une note plus personnelle. Au cours de cet entretien, vous avez répondu à mes questions en évoquant avec fierté votre travail antérieur. Vos premiers livres traitaient de l’histoire de la famille de France et étaient publiés par des éditeurs traditionalistes. Puis, vous vous êtes passionné pour l’étude des superstitions et vous avez créé le Cercle zététique. Enfin, vous vous êtes tourné vers des sujets d’actualité, Carla Bruni et Jérôme Kerviel. Quelle était votre démarche personnelle au long de ce parcours ? Qu’est ce qui vous motive aujourd’hui ?

    Paul-Éric Blanrue : Ce qui m’intéresse, en premier lieu, c’est de pouvoir publier le résultat de mes recherches. Pour moi, tout éditeur, du moment qu’il est légal, qu’il fait correctement son travail de promotion et qu’il rémunère convenablement ses auteurs, est respectable. Comme je suis un homme nuancé et ouvert, ses idées politiques ou philosophiques ne m’intéressent pas, du moment qu’il me permet de publier ce que j’entends, sans me censurer. Vous connaissez l’adage : « publish or perish »… Un auteur n’existe qu’à travers son travail publié, lu, assimilé et commenté par d’autres. L’éditeur « tradi » auquel vous faites allusion m’a ainsi permis, il y a bien longtemps, d’éditer mes découvertes étonnantes sur le comte de Chambord (fruit d’un mémoire universitaire en histoire), ce que d’autres maisons plus classiques avaient refusé de faire pour des motifs idéologiques. Il a en revanche été incapable, à son tour pour des raisons idéologiques, de publier mes conclusions sur l’histoire du suaire de Turin, qui m’a donc été édité, d’abord, par une maison communiste en coédition avec des cathos de gauche, puis, dans une autre version, par une maison du groupe Flammarion, Pygmalion. Mon livre d’anthologie sur les propos contre les juifs a été publié, lui, par un éditeur connu pour ses collections érotiques… Mon opus sur Kerviel est paru dans une maison spécialisée dans le rock, ce qui ne m’a pas empêché d’annoncer le crise financière de septembre 2008 six mois avant les « experts » du Monde ! Bref, toute ma vie éditoriale est ainsi faite ! Je trouve tout cela amusant. On a tendance à me ranger dans la catégorie des « inclassables », à quoi je dis préférer le terme « d’irrécupérable », qui ne permet, précisément, aucune sorte de « rangement ». Bref, mes maisons d’édition varient en fonction de leur capacité à publier mes livres, c’est-à-dire en fonction de leurs propres normes idéologiques, et non des miennes. Maintenant, vous voyez, je suis contraint d’aller faire éditer en Belgique un livre qui traite de la politique française… Je suis le « Juif errant » de l’édition ! Ce n’est pas par hasard si je passe une partie de ma vie à Venise, la ville du premier ghetto, qui est aussi la cité des labyrinthes, des masques, des reflets et des miroirs cachés. Quant à mes sujets de prédilection, malgré une évolution de surface, ils ont tous un point commun : la traque des mystifications, des mensonges, des erreurs de tous ordres, abondamment diffusées dans le grand public. La véritable histoire est toujours à chercher sous le vernis de la propagande, je ne vous apprends rien. Je ne cesse donc de m’intéresser aux impostures, quelles qu’elles soient, historiques, scientifiques, politiques, idéologiques, religieuses. Pourquoi ? Parce nous vivons dedans ! Nous naissons et mourons entourés de vessies que nous ne cessons de prendre pour des lanternes. Certaines impostures sont innocentes, d’autres moins, parce qu’elles orientent nos vies et celles de nos contemporains. Avec le temps, je me suis concentré sur les affaires qui me paraissent les plus graves. Tout au long de mon existence, j’ai tenté de situer ma démarche dans les pas des Lumières : Voltaire, Diderot, d’Holbach (et le grand Casanova ! ) ont été capables d’écrire sur tous les sujets, petits ou grands, religieux ou mondains, avec le même esprit critique. Voilà ce ce que je tente, contre vents et marées, de faire à ma façon. Il est difficile de vous cacher que j’espère que les conséquences de mes livres seront comparables à celles qu’ont suscité les oeuvres des grands esprits dont je me réclame. Chaque auteur est un peu « mégalo », n’est-ce pas ? Mais s’il ne croit pas à son pouvoir de transformer les mentalités, qui le croira ? C’est en tout cas la raison pour laquelle le dernier chapitre de « Sarkozy, Israël et les juifs » s’intitule : « Pour une nouvelle nuit du 4 août », en référence à l’abolition des priviléges de la noblesse par la noblesse, en 1789. Comme Max Gallo, Dominique de Villepin ou François Bayrou, je pense que nous sommes dans une situation pré-révolutionnaire. La France va bientôt trembler. Mon livre est préventif : ceux qu’il critique sont aussi ceux qui devraient s’en inspirer. À moins qu’ils ne soient prêts à affronter un nouveau 1793 ? Mais autant l’éviter, n’est-ce pas ?

    Thierry Meyssan

    Analyste politique français, président-fondateur du Réseau Voltaire et de la conférence Axis for Peace. Il publie chaque semaine des chroniques de politique étrangère dans la presse arabe et russe. Dernier ouvrage publié : L’Effroyable imposture 2, éd. JP Bertand (2007).


    Les articles de cet auteur
    Envoyer un message




    [1] Sarkozy, Israël et les juifs, éditions Marco Pietteur, collection « Oser dire » (mai 2009), 205 pp.

    [2] Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, par John Mearsheimer et Stephen Walt, La Découverte, 2007, 500 pp.

    [3] CRIF : Conseil représentatif des institutions juives de France.

    [4] Voir Est-il permis de critiquer Israël ?, par Pascal Boniface, éd. Robert Laffont (2003), 239 pp.

    [5] Élizabeth Teissier est une célèbre astrologue française qui fut proche de François Mitterrand.

    [6] Le Monde contre soi – Anthologie des propos contre les juifs, le sionisme et le judaïsme, par Paul-Éric Blanrue, préface de Yann Moix, Éditons Blanche, 2007, 318 pp.

    [7] L’Effroyable imposture 2, par Thierry Meyssan, éd Alphée-Jean-Paul Bertrand (2007), 400 pp.

    [8] Carla et Nicolas, Chronique d’une liaison dangereuse, par Paul-Éric Blanrue et Chris Lafaille, Éditions Scali, 2008, 155 pp.

    Et voilà que mon intérêt se porte, comme par hasard sur un thème qui m’a toujours fait réagir : l’injustice.

    voir:

    -aymeric chauprad+www.zenetique.org

     

    -"les amis de sarko" sur youtube...