l'empire vs Venezuela
19 juin 2015
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, une super puissance est apparue sur la planète, que l’humanité n'avait jamais connue auparavant : “Nous possédons environ 50% de la richesse mondiale avec seulement 6,3% de la population. Notre objectif principal dans cette époque à venir est de créer un système de relations qui nous permettra de maintenir cette situation d’inégalité sans porter atteinte à notre sécurité nationale”, George Kennan, chef d’État-major de planification stratégique au département d'Etat des Etats-Unis, le 23 février 1948.
Le 9 mars dernier, le président des Etats-Unis, Barack Obama, a qualifié le Venezuela “d’une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale” de son pays. Cette déclaration fut précédée de 148 autres déclarations ou communiques du gouvernement des Etats-Unis contre le gouvernement du Venezuela, depuis le début du mois de février battant ainsi tous les records d’ingérence américaine contre le Venezuela pour l’année 2014, en moins de 40 jours.
Noam Chomsky pense que la politique étrangère des Etats-Unis fonctionne sur base de deux principes :
garantir la liberté « d’exploiter et de voler » les ressources des pays du Tiers-Monde au bénéfice des entreprises étasuniennes ;
mettre en place un système idéologique qui assure que la population se maintienne passive, ignorante, apathique et qui garantit qu’aucun de ces thèmes ne soit compris par les classes éduquées.
Au vu de ces principes, on comprend le dégoût de l’élite qui dirige les Etats-Unis envers les gouvernements chavistes du Venezuela. Mais il faut contextualiser au regard de l’histoire contemporaine l’obsession des États-Unis envers le Venezuela. A la fin de la deuxième guerre mondiale, les Etats-Unis assument le rôle d’empire à l’échelle globale avec pour cobaye la Grèce, première victime d’une liste qui continue de s’étendre de nos jours.
Le pays hellène avait eu une résistance armée importante contre l’invasion nazie allemande ; après la capitulation des Germains pendant la deuxième guerre mondiale, les forces armées résistantes, ayant connu une influence socialiste et communiste, refusèrent d’accepter la tutelle anglo-américaine sur le pays. Une guerre civile explosa en 1947, dans laquelle les Etats-Unis sont intervenus en appliquant des politiques contre-révolutionnaires, et ceci au nom de la doctrine Truman. Le secrétaire d’Etat nord-américain, Dean Acheson était la personne chargée de convaincre le Congrès de soutenir une intervention en Grèce argumentant : “comme des pommes dans un tonneau infecté par une seule pomme pourrie, la corruption en Grèce infectera l’Iran et tout le territoire oriental”, et s’étendrait aussi à l’Italie et à la France qui possédaient de grands partis communistes.
La rébellion grecque fut étouffée volontairement au moyen de la torture, de l’exil politique et de la destruction des syndicats. Dorénavant, les Etats-Unis, à l’aide d’interventions directes ou indirectes, appliqueront la politique contre-révolutionnaire dans le monde entier avec la défense des libertés et droits humains comme credo. Ils sont donc intervenus de cette manière en Corée, aux Philippines, en Thaïlande, en Indochine, en Colombie, au Venezuela, au Panama, au Guatemala, au Brésil, au Chili, en Argentine et dans une longue liste de pays que les Etats-Unis inondèrent avec une rivière de sang pour maintenir cette disparité à l’intérieur du pouvoir mondial si chère a George Kennan.
La menace que représente le Venezuela pour les Etats-Unis est de ce type, “la pomme pourrie” qui peut “infecter” les autres régions. En fait, il existe plusieurs pommes du tonneau latino-américain qui ont déjà été « infectées » de différentes manières : le Brésil, l’Argentine, la Bolivie, l’Equateur, le Nicaragua, l’Uruguay ou le Salvador connaissent pour le moment des expériences d’indépendance politique et économique majeure envers les Etats-Unis. La menace vénézuélienne est représentée par l’exemple “dangereux” que sont les politiques utilisant leurs propres ressources pour améliorer et élever la qualité de vie des citoyens, récemment la secrétaire exécutive de la commission économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL), Alicia Barcena, a indiqué que le Venezuela est un des pays ou la pauvreté, la pauvreté extreme et l’inégalité ont le plus diminué. Sans nul doute, c’est l’exemple que les Etats-Unis combattent dans la région et dans le monde car les ressources destinées à la population native du Venezuela sont celles que ne percevront pas les multinationales nord-américaines.
Maintenant, il existe un fait aggravant, que la Grèce soit une autre fois « infectée » comme l’atteste le triomphe électoral de SYRIZA. L’Espagne pourrait être la prochaine à entrer en quarantaine si PODEMOS triomphait aux prochaines élections générales. Le panorama politique européen a augmenté l’hystérie de l’élite nord-américaine et de ses associés européens qui luttent par tous les moyens pour que l’exemple chaviste n’affecte pas non plus le sud de l’Europe, ce qui convertirait le cauchemar de l’ancien Secrétaire d’Etat Dean Acheson, en réalité.
L’empire applique une politique sanitaire en Amérique Latine, ou le manu militari et les coups-d’Etat cherchent à discipliner la région et à contenir voir, éliminer le “virus” chaviste. Ainsi, nous pouvons constater la réactivation, en 2008, après 68 ans d’inactivité, de la flotte IV qui cible a nouveau les ressources militaires américaines vers les Caraïbes et l’Amérique du Sud ; le coup d’Etat contre le président Manuel Zelaya du Honduras en 2009, les nouvelles bases militaires en Colombie la même année et le coup-d’Etat contre Fernando Lugo du Paraguay en 2012. On peut y ajouter les tentatives avortées de faire tomber les gouvernements du président vénézuélien Hugo Chavez en 2002, d’Evo Morales de Bolivie en 2008, de Rafael Correa d’Equateur en 2010 et de Nicolas Maduro du Venezuela en 2014.
Dans ce même sens, on peut apprécier les tentatives actuelles de saboter ou de faire tomber les gouvernement de Cristina Fernandez de Kirchner, d’abord avec l’attaque des fonds-vautours l’année passée et ensuite avec la dénonciation infondée du Procureur de la République, Alberto Nisman en janvier 2015, Procureur qui recevait des instructions depuis l’ambassade des Etats-Unis à Buenos Aires, selon les révélations des sources infiltrées par Wikileaks. La présidente du Brésil n’a pas été épargnée non plus, victime d’attaques à travers du cas très médiatisé de PETROBRAS ou de la tentative de jugement politique au Parlement.
Un fait à souligner, les gouvernement les plus assiégés aujourd’hui par la politique extérieure américaine, les ONG et les médias qui la représentent sont ceux qui enregistrent le plus d’investissements venant de Chine en Amérique Latine : Argentine, Brésil et Venezuela. Les Etats-Unis, depuis 1823 jusqu’à ce jour et après avoir formalisé la doctrine Monroe de “l’Amérique aux Américains” ont toujours concentré leurs efforts sur l’élimination de leurs concurrents européens du continent (à cette époque la Chine n’était pas considérée comme une concurrente) et sur l’appropriation des richesses de ses voisins, au sud du fleuve Bravo.
L’offensive impériale contre la région et contre le Venezuela en particulier est expliquée par le fait que le chavisme soit resté à l’avant-garde de la révolution en Amérique Latine et en opposition à la doctrine Monroe (sans oublier la révolution cubaine). C’est précisément pour cela qu’il est peu probable de rencontrer une solution dialoguée aux différences entre les gouvernements de Barack Obama et de Nicolas Maduro, les Etats-Unis n’accepteront pas un Venezuela indépendant, car cela impliquerait de renoncer à leur projet hégémonique et mondial.
Source : Journal de Notre Amérique no.4, Investig’Action, mai 2015.