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  • Sous les décombres, la plage

     
    Patrick Apel-Muller
    Mercredi, 12 Août, 2015
    L'Humanité

     

    L'éditorial de Patrick Apel-Muller. "Anne Hidalgo hypothèque « les valeurs de tolérance et d’échange » dont elle se réclame aujourd’hui dans une tribune du Monde"

    Une énorme explosion, un ballon délaissé et quatre enfants massacrés sur le sable. C’était il y a un an, le 16 juillet 2014, à Gaza. Ce crime de l’armée israélienne, enterré par la commission d’enquête mise en place par Benyamin Netanyahou, n’aura pas jeudi de place sur les bords de la Seine. Là réside l’erreur – plus ! la faute – de la mairie de la capitale. La vocation de Paris était de plaider la paix, d’unir les deux villes de cette région en flammes avec lesquelles elle entretient des relations, Tel-Aviv l’Israélienne et Ramallah la Palestinienne, dans un rendez-vous de dialogue, dans un pari culturel. En choisissant la seule capitale d’une puissance qui opprime un autre peuple, qui dresse un mur de la honte, spolie terres et maisons, en s’obstinant dans cette manifestation, Anne Hidalgo hypothèque « les valeurs de tolérance et d’échange » dont elle se réclame aujourd’hui dans une tribune du Monde.

    Des extrémistes y trouveront matière à propagande pour un État religieux qui accaparerait Jérusalem pour en faire sa capitale et poursuivre le chemin de sang ou de cendres de la colonisation. D’autres y chercheront le biais pour polluer l’exigence d’un État palestinien des remugles de leur antisémitisme. Une faute donc.

    Elle n’est pas la première. Laissons de côté Nicolas Sarkozy et ses déclarations d’amour au sinistre premier ministre israélien. Mais François Hollande, en proclamant sa compréhension pour le pilonnage de Gaza il y a un an, puis en faisant interdire les manifestations de solidarité avec les populations martyrisées, avait terni l’image de la France, le sens de son action depuis des décennies. Tel-Aviv est sans doute une ville joyeuse et noctambule. Jéricho, Bethléem et Jénine n’ont pas cette chance. Pas encore… Mais c’est ce vers quoi tous les efforts devraient tendre. Pour que les décombres n’encombrent plus les plages, quand bien même seraient-elles éphémères sur les bords de la Seine.

     
  • Myopie médiatique contre longue mémoire

     

     

    Toute information publiée dans les médias ne devrait-elle pas être accompagnée d’une notice explicative recensant les contre-indications et effets toxiques ?

    Par Guy Sorman.

    chien à lunettes credits alison elisabeth X (licence creative commons)

     

    Submergés par la marée incessante de l’actualité médiatisée, nous savons simultanément tout sur rien et rien sur tout : l’information remplace la connaissance. Bombardés par les médias traditionnels et nouveaux, il nous échappe que tout événement s’inscrit dans une histoire longue : une compréhension véritable de cette hyper-actualisation exigerait une connaissance du passé et des écoles de pensée qui l’éclairent. Apportons quelques illustrations à notre thèse.

    Considérez la dette grecque. La réduire à un affrontement entre les partisans de « l’austérité » et une « libération » du peuple grec ne permet pas de comprendre combien cette dette s’inscrit dans un cycle qui remonte à l’Indépendance de la Grèce moderne au début du XIXe siècle, puis au traitement de faveur dont elle a bénéficié, en 1919, après la Première guerre mondiale. Depuis que la Grèce a été ressuscitée dans les lieux où naquit la civilisation hellénistique, deux mille cinq cents ans plus tôt, les Grecs modernes ont bénéficié d’une indulgence exceptionnelle : les poètes comme les dirigeants européens ont projeté sur cette tribu ottomane toute leur nostalgie de l’Hellénisme. Cette tribu était « grecque » non pas parce qu’elle descendait des Hellènes, mais parce que de religion orthodoxe – byzantine donc plutôt que Hellène – dans un océan musulman. Ces néo-Grecs, reconnus par les Européens pour ce qu’ils n’étaient pas, ne se crurent jamais contraints de gérer leurs affaires de manière sobre : l’Europe payerait pour l’éternité, une pension alimentaire à la mère supposée de la civilisation occidentale et de la démocratie. L’entrée dans la zone Euro a encouragé les néo-Grecs à s’endetter plus encore, arc-boutés sur leur histoire longue réinventée, une caution définitive contre leurs créditeurs. Une institution à elle seule pourrait libérer la Grèce de sa dette : l’Eglise orthodoxe qui possède un tiers du territoire et ne paye aucun impôt. Mais nul, pas même un gouvernement gauchiste, n’ose incriminer cette Église, parce qu’elle fut et reste l’incarnation de la Grèce contemporaine à la manière dont l’Église catholique en Pologne n’a jamais cessé d’incarner la nation. À la lumière de cette histoire longue, la question est donc moins « La Grèce est-elle en Europe ? » que « L’Église orthodoxe est-elle en Europe ? ». N’appartient-elle pas plutôt à l’Orient ainsi qu’on le constate dans une autre zone de conflit : l’Ukraine ?

    L’Ukraine de l’Ouest, qui fut polonaise, reste catholique et pro-occidentale, tandis que l’Est ukrainien orthodoxe est pro-russe, en un  temps où, de nouveau, le nationalisme russe se confond avec l’Église orthodoxe ressuscitée. Vladimir Poutine semble mieux connaître cette Histoire que les Européens.

    Passons à la Libye, autre exemple : on ne comprend rien aux combats présents si l’on ne se rappelle pas que la Libye contemporaine fut l’assemblage de deux nations distinctes, le Cyrénaïque et le Tripolitaine, par le colonisateur italien. Lorsque les Français et les Britanniques décidèrent d’intervenir en Libye, cette intervention n’aurait eu de sens que pour restaurer les deux nations antérieures, pas pour replâtrer la Libye coloniale.

    La même myopie historique éclaire les conflits en Syrie, Irak et Kurdistan : on ne peut les interpréter que par référence au Traité de Sèvres qui, en 1920, répartit, entre les colonisateurs français et britanniques, des territoires anciennement ottomans. Les Ottomans respectaient la diversité tribale et religieuse : chacun dans l’Empire dépendait des autorités de la religion à laquelle il appartenait. Après le dépeçage, les colonisateurs et leurs successeurs ont imposé des États centraux à des peuples qui, jamais, ne se reconnurent en eux. Les diplomates Sykes et Picot, qui tracèrent en 1917 la ligne droite qui aujourd’hui encore sépare la Syrie et l’Irak, ignoraient tout de ces cultures locales et ne connaissaient pas la différence entre un Chiite et un Sunnite. En 2003, le Général David Petraeus qui, à la demande de George W. Bush, s’empara de Bassorah n’en savait pas plus : n’étaient-ils pas tous Irakiens ?

    Tout le continent africain est pareillement affecté par cette négation du passé : des États trop nombreux y consomment l’essentiel des richesses locales pour perpétuer des frontières coloniales absurdes qui ont balkanisé les cultures. N’allons pas chercher plus loin les causes de la pauvreté en Afrique : le nationalisme y a remplacé et asphyxié le développement.

    Cette ignorance de l’histoire longue génère la plupart des désordres contemporains : une ignorance qui conduit à la guerre, aux migrations de masse, à la pauvreté collective, mais profite aux intérêts acquis. Prospèrent les chefs d’État dont l’État ne coïncide avec aucune nation, les Seigneurs de la guerre, les contrebandiers et – plus modestement – les bureaucrates internationaux chargés de perpétuer cet ordre artificiel. Le Fonds monétaire international, autre exemple de la mémoire courte, emploie dix mille fonctionnaires pour remplir une mission qui n’existe plus. Créé en 1945 pour pallier les déséquilibres des balances des paiements qui avaient semé le désordre économique dans les années 1930, le FMI continue alors que ces déséquilibres ont disparu : saint est l’oubli des origines.

    Par lui-même, aucun événement d’actualité ne fait sens : toute information publiée dans les médias ne devrait-elle pas – dans un monde évidemment théorique – être accompagnée d’une notice explicative, à la manière dont les médicaments sont assortis d’une notice recensant les contre-indications et effets toxiques ? Bien des informations sont toxiques parce que l’opinion publique les engloutit en toute bonne foi et parce que les dirigeants ne sont pas nécessairement, ou ne souhaitent pas être, mieux informés que l’opinion qui les porte.

  • DÉNONCER LE SEXISME ORDINAIRE

    observatoire du 30/10/2014 par Robin Andraca

    DÉNONCER LE SEXISME ORDINAIRE ET ÊTRE ACCUSÉ DE RACISME

    Une vidéo virale américaine crée la polémique

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    Après Bruxelles, New York. Une jeune Américaine se filme en train de marcher dans les rues de Manhattan, pour montrer le harcèlement de rue dont elle est victime quotidiennement. Une jeune étudiante flamande avait eu la même démarche, en 2012, en se filmant dans un quartier populaire de Bruxelles. Alors que ces vidéos souhaitaient attirer l'attention sur le sexisme ordinaire, elles sont toutes les deux taxées de racisme. 

    Une polémique peut parfois en cacher une autre. Equipée de deux micros et d'une caméra (planquée dans un sac à dos quelques mètres devant), cette jeune femme souhaitait alerter l'opinion publique sur le harcèlement dont elle est victime quotidiennement. Et ça semble plutôt bien parti : postée sur Youtube par le collectif international Hollaback, qui lutte depuis des années contre le harcèlement de rue, la vidéo a déjà été vue plus de 15 millions de fois.

    Sauf que. Sur Youtube, la jeune femme a été menacée de viol par plusieurs utilisateurs et la vidéo a été critiquée dans les médias. Slate et Salon se sont par exemple tous les deux penchés sur le phénomène et arrivent à la même conclusion : ce n'est pas seulement l'histoire d'une jeune femme harcelée verbalement par des hommes dans les rues de New York. C'est aussi (et surtout ?) la journée d'une jeune femme blanche harcelée par des hommes qui sont pour la plupart noirs ou latinos. Difficile, en effet, au vu de la vidéo, de leur donner tort.

    FÉMINISTE OU RACISTE ?

    Et ce n'est certainement pas la justification de Rob Bliss, directeur de l'agence marketing partenaire de cette opération, sur le réseau social Reddit, qui éteindra la polémique. "Nous avons eu une bonne quantité de Blancs, mais pour plusieurs raisons, beaucoup de ce qu'ils ont dit l'était en passant, ou hors-caméra. Du coup, leurs scènes étaient beaucoup plus courtes, mais leur nombre était à peu près le même", argue Bliss avant de développer : "Il y a parfois une sirène qui coupe la scène ou quelqu'un qui passe devant la caméra, on a donc dû travailler avec ce qu'on avait. Les villes sont bruyantes et remplies de gens qui passent devant la caméra, vous savez ?". Réponse de Hanna Rosin, qui tient un blog féministe sur Slate : "C'est peut-être vrai mais si au final il faut supprimer tous les passages avec des personnes blanches, autant faire une autre prise". 

    Ce n'est d'ailleurs pas la première fois, Rosin le rappelle également, que l'agence de marketing est soupçonnée de racisme. Dans une vidéo destinée à promouvoir la ville de Grand Rapids, l'agence avait été vivement critiquée par un blogueur localpour avoir transformé une ville pauvre du Michigan, dont 20% de la population est noire, en un gigantesque spot de pub, où presque tous les acteurs sont blancs et semblent tout droit sortis des plus belles parades de Disney World (le lipdub de plus de 9 minutes, est visible ici pour les plus curieux).

    Autre forme de critique : le très populaire site humoristique Funny or Die a aussi détourné le message de la vidéo, en mettant un scène un homme blanc qui marche silencieusement dans les rues de New York.

    La vidéo féministe a (déjà) sa parodie

    LE PRÉCÉDENT BELGE

    En 2012, le film d'une étudiante flamande, qui prétendait aussi dénoncer le sexisme ordinaire, avait déjà suscité la critique en Belgique (et en France, où la vidéo avait été largement reprise par la plupart des médias). La raison ? Annessens, le quartier où a été tournée la vidéo, est principalement habité par la communauté maghrébine de Bruxelles. Interrogée à l'époque sur la chaîne de télévision flamande VRT, Sofie Peeters ne s'en cachait pas : "C'était l'une de mes grandes craintes, comment traiter cette thématique sans tourner un film raciste. Je ne le dis pas volontiers, mais il s'agit de personnes d'origine étrangère dans 95% des cas. Il y a une méconnaissance de nos cultures respectives. Les musulmans ont un comportement assez insistant par rapport à la sexualité : porter une jupe pour une femme, c'est déjà risqué". Taoufil Amzile, responsable de l'association belge des professionnels musulmans, avait réagi à ces propos, estimant que "ce type de comportement dépend de beaucoup trop de facteurs pour simplement le réduire à une question d'origine. Je ne pense pas qu'il existe de déterminisme à ce niveau-là".

    ET EN FRANCE ?

    "Envoyé Spécial" s'était penché, en mars 2013, sur ce sujet. La journaliste Virginie Vilar, équipée à son tour d'une caméra cachée et d'un micro, s'était rendue sur les Champs-Elysées à Paris et à Mantes-la-Jolie pour filmer les harceleurs de rue.

    Interrogée en fin d'émission sur le profil de ces harceleurs, la journaliste estimait qu'ils étaient "surtout jeunes et majoritairement d'origine étrangère". Tout en s'interrogeant à demi-mots : "Ces jeunes parlent-ils de sexualité à la maison ? Quelle image ont-ils de la femme ? Est ce que c'est un mot tabou, la sexualité ? En tout cas, moi ce que j'ai ressenti, c'est qu'il y avait beaucoup de frustration, comme si pour eux, le fait d'aborder une inconnue dans la rue n'était pas si facile, et s'ils le faisaient toujours de manière maladroite, voire agressive".

    L'occasion de relire notre papier : "Un film belge attire l'attention sur le harcèlement de rue".

     
  • BONS PLANS CONSOM'ACTION

     

     

    image: http://www.consoglobe.com/wp-content/uploads/2015/04/marques-amazon-dash-france-00-ban.jpg

    Amazon Dash : le cauchemar commercial bientôt en Europe ?

    Amazon Dash : le cauchemar commercial bientôt en Europe ?

     

    Sur votre lave vaisselle, un bouton de la marque de votre détergent préféré. Sur votre lave linge, un autre pour votre savon habituel. Idem pour votre paquet de couches, de papier toilette ou d’eau minérale. Magique : en pressant ce bouton, une commande automatique est envoyée par les airs, et Amazon vous livre les produits, sans que vous n’ayez rien eu d’autre à faire. Rêve du consommateur pressé ? Ou cauchemar du consumérisme sans limite ? C’est en tout cas le nouveau service que déploie actuellement la célèbre firme logistique sur Internet, pour l’instant aux États-Unis.

    « Amazon Dash » – consommer n’a jamais été aussi simple

    Amazon a conçu une véritable révolution commerciale. Les boutons Amazon Dash sont aujourd’hui disponibles d’après le site pour 271 produits. Apposez-le où vous souhaitez grâce à son adhésif repositionnable, et, via votre application sur smartphone, vous pouvez le configurer pour que chaque pression passe commande du produit que vous souhaitez. Chaque commande passée par le bouton est inscrite sur votre téléphone, où vous devez la confirmer dans la demi-heure.

    Précaution bienvenue : même si vous pressez plusieurs fois le bouton, celui-ci ne peut effectuer une nouvelle commande tant que la précédente n’a pas été approuvée et livrée. Votre nourrisson précoce ou votre chat prodige ne pourront donc pas commander frénétiquement – respectivement… – leurs bonbons ou leur litière préférés.

    image: http://www.consoglobe.com/wp-content/uploads/2015/04/marques-amazon-dash-principe.png

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    Une fois la première commande validée, vous pouvez choisir d’automatiser le fait que la pression équivaut à la commande automatisée.

     

    Donc, avec Dash – un trait, en français, comme dans courir d’un trait, mais aussi « foncez », voire « précipitez-vous » -, comme le met en avant Amazon, l’idée c’est de « simplement presser et ne jamais être à court ». Amazon promet de livrer les produits favoris de la maison, pour que « vous puissiez sauter le trajet de dernière minute au magasin. » Pressez le bouton et vous êtes livré dans les deux jours, indique la porte-parole de la société, Kinley Pearsall.

    Slogan existentiel proposé « ne laissez pas le fait d’être à court vous gâcher la journée »

    On imagine les armées de drones livrant sur votre pas de porte en urgence votre marque absolument indispensable de mousse à raser ou, comme dans la vidéo ci-dessous (en anglais) de capsule café, sans laquelle « votre journée serait gâchée »… Ouf, merci Amazon Dash !

     VIDEO – Amazon lance le bouton Dash

    Ce n’est pas une blague

    Le fait que l’annonce ait été faite aux États-Unis la veille du 1er avril aurait pu laisser penser à une blague. Non, l’offre est tout à fait sérieuse, même si elle est actuellement réservée aux « membres premium » d’Amazon, et sur invitation, et aux seuls habitants des États-Unis.

    Toutefois, la soif commerciale d’Amazon, qui se positionne comme fournisseur sur Internet d’une gamme de produits de plus en plus large, est bien connue. A n’en pas douter, ce premier test estannonciateur d’une stratégie de déploiement ambitieuse, tablant sur l’ubiquité des smartphones et des accès wifi (dont les boutons Dash ont besoin).

    Le shopping sous son plus mauvais jour

    La vidéo d’Amazon paraît presque être une anti-publicité pour son service. Même sans comprendre les paroles, si l’anglais n’est pas votre fort, ce qu’on y voit met en scène le consumérisme moderne sous son pire jour : une consommation de produits standardisés en masse, à un rythme frénétique, et selon un cycle semble-t-il infini, et qu’il ne faudrait surtout pas ralentir. A l’opposé direct de la consommation de produits locaux, aux emballages réduits, consommés et appréciés en quantité adéquate.

    image: http://www.consoglobe.com/wp-content/uploads/2015/04/marques-amazon-dash.jpg

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    Exemple de marques concernées par Amazon Dash aux Etats-Unis : de grandes marques de consommation courante, ce qui tend à limiter le consommateur à ces marques.

     

    Et on n’a pas tout vu. Amazon travaillerait d’après le Wall Street Journal avec des fabricants pour développer des machines – lave-linge, machine à expresso, distributeur de nourriture pour animal domestique, etc. – qui anticiperaient vos besoins en produits pertinents et les commanderaient pour vous avant même d’en venir à bout. Kinley Pearsall, la porte-parole, indique ainsi au journal que « le véritable but à long terme c’est que vous n’ayez jamais à vous préoccuper de presser ce bouton ».

    Tel Mickey dans cette scène de Fantasia où les balais se multiplient à l’infini et versent toujours plus d’eau dans le château que Mickey devait nettoyer, serons-nous aussi un jour noyés sous les hordes de coursiers, drones et autres camions de livraison d’Amazon nous livrant des montagnes de bouteilles de liquide vaisselle ou de rouleau d’essuie-tout ?


    En savoir plus sur http://www.consoglobe.com/amazon-dash-cg#IwXf3jZvMKqi00De.99

  • Pilleurs d'Etat

    Pilleurs d'Etat : pourquoi nos élus en arrivent à se prendre pour des surhommes (et s'en mettent plein les poches)

    Philippe Pascot a côtoyé les élus de tout bord pendant près de 25 ans. Il recense dans cet ouvrage les abus légaux dans lesquels tombe la classe politique française : salaire exorbitant, exonération d’impôts, retraite douillette, cumuls, emplois fictifs, déclarations d’intérêts et d’activités bidons et tant d’autres petits arrangements entre amis... Extrait de "Pilleurs d'Etat", publié aux éditions Max Milo (2/2).

    Bonnes feuilles

    Publié le 15 Mai 2015

    Certains de nos élus en arrivent à se prendre pour des surhommes, au-dessus des lois. Crédit Reuters

     

    C’est l’ancienne ministre Michèle Delaunay, députée de Gironde, qui a très bien décrit le phénomène sur son blog en septembre 201430. Elle y décrit le parcours carriériste de nombre de ses collègues qui suivent tous à peu près le même chemin, certains allant juste plus vite que d’autres. Elle constate aussi que les élus (de plus en plus nombreux) et les parlementaires ne savent rien de la vraie vie, celle des fins de mois difficiles, des courses à faire pour la semaine, des repas à préparer pour les enfants, de la voiture qui tombe en panne au mauvais moment, des transports en commun bondés et toujours en retard.

    De tous ces petits détails, qui empoisonnent la vie quotidienne de tout un chacun, ils n’ont jamais connu l’ombre d’une miette. De la vie, ils ne connaissent que celle qu’ils se sont bâtie en consacrant l’essentiel de leur temps à atteindre le seul objectif qu’ils se sont fixé : être élu. Et comme le dit très justement Mme Delaunay, le virus sympathique du départ, cette envie de transformer le monde, d’aider son prochain, se mue en maladie incurable de celui qui sait tout, dont la parole devient d’évangile, la volonté de puissance remplace celle de bien faire : le surhomme vient au monde. Celui qui, parce que le système le veut, perd toute spontanéité et se met à calculer ce que veut voir l’électeur et non ce qu’il faut faire en réalité pour l’intérêt général.

    Car à ce stade de la carrière naissante de l’élu, celui-ci prend goût au pouvoir et à tout ce qu’il représente. Du jour au lendemain, son statut change, il cesse de faire partie du commun des mortels, il devient un personnage, un notable, quelqu’un de respectable et de respecté.

    Je l’ai moi-même vécu après mon élection en tant que conseiller régional d’Île-de-France, puis de président de la commission de la formation professionnelle et de l’apprentissage de la Région Île-de- France. D’un coup d’un seul, je suis devenu quelqu’un d’autre. On aurait pu croire qu’une fée s’était penchée soudainement sur mon berceau d’élu et, d’un coup de baguette magique, m’avait rendu immédiatement beau et intelligent… Du jour au lendemain, un certain nombre de courtisans administratifs, souvent des chefs de service qui hument la possibilité d’une promotion, venaient me voir, l’échine courbée, me serinant de façon obséquieuse du « Le président veut-il… » ou du « Si le président pense… » à chaque phrase requérant mon attention.

    À l’époque, ce tumulte soudain m’avait tellement perturbé que j’ai mis une bonne journée à comprendre que le président dont parlaient sans arrêt ces gens, et qui paraissait si important à leurs yeux, eh bien c’était moi ! Et non Jean-Paul Huchon, le président de Région, comme je l’ai cru toute la journée.

    Cela crée un choc et vous propulse vite, si on n’y prend pas garde, sur un nuage où on se laisse vite bercer..

    Le pouvoir que l’on vous octroie procure les avantages qui en sont l’accessoire (téléphone, Internet, frais de représentation, invitations diverses et variées…), eux-mêmes doublés d’un soupçon de privilèges et d’un zeste de passe-droits qui font que très vite, de tout là-haut sur le petit nuage, les vraies gens deviennent tout petits, voire insignifiants. Vous venez de toucher le gros lot et plus rien ne compte vraiment que la contemplation de ce que vous êtes devenu.

    Une fois bien installé, l’élu, prenant goût à la fonction, commence à réfléchir et se demande comment faire pour que de locataire de son mandat, il en devienne propriétaire. Sans s’en rendre compte ou par calcul (pour toujours davantage d’élus), l’élu fait ce qu’on appelle « un plan de carrière ». Il commence alors à cumuler : un mandat pour la soif, un autre au cas où, une viceprésidence par-ci, un petit mandat local comme base de repli par-là, un territoire à garder pour avoir sa base arrière…

    Le formatage des élus : un frein à la diversité, la créativité et la prise de risques

    On entre maintenant en politique, toutes tendances confondues, avec un plan de carrière préétabli. On va essayer dans un premier temps de gagner sa place au soleil, puis de la garder et d’agrandir à mesure son terrain de jeu. Le tout entre gens du même monde, de la même corporation, qui se serrent les coudes quand on essaye de toucher à leurs prérogatives. Certes, de temps en temps, ces gens se donnent quelques coups de griffes, mais en général ce sont plutôt des coups de pattes, comme le ferait une portée de chatons joueurs entre eux, juste pour désigner celui qui sera le dominant de la tribu.

    Comme de plus en plus d’élus à responsabilités multiples ont quasiment le même parcours pour arriver au pouvoir, qu’ils sont tous issus à peu près des mêmes couches sociales (à quelques rares exceptions près), qu’ils ne travaillent, vivent, respirent quasiment qu’en vase clos, il tombe sous le sens que la compréhension de la vie au quotidien leur échappe. Dans le même moule de fonctionnement, ne vivant que pour et par leur carrière emportée de haute lutte, entourés d’une foule d’assistants courtisans qui les conseillent tout en montant autour d’eux un cordon sanitaire infranchissable pour celui qui n’est pas coopté par le « sérail », ces élus parlementaires aux mandats multiples ne peuvent plus comprendre et sentir les besoins d’une population dont ils ne font plus partie car ils n’en partagent plus rien (si ce n’est les petits fours lors des inaugurations, des comices agricoles et pince-fesses nombreux).

    Ils décident, peaufinent, détaillent, inventent des règles et des lois qui sont à 100 000 lieues des préoccupations quotidiennes de la population. Comment des parlementaires peuvent-ils comprendre qu’il est difficile de vivre avec un revenu de 500 euros par mois alors que tous sont plus que largement à l’abri du besoin ? En 2012, il ne restait au sein du Palais-Bourbon qu’un seul député ouvrier. Depuis cette date, légère amélioration, il y a 11 députés ouvriers et employés, soit environ 3 % de l’ensemble de l’Assemblée31.

    Si on ne doit pas tomber dans les clichés simplistes et stériles, on est quand même obligé de constater que nos parlementaires ne sont plus à l’image de leurs mandants. La fracture entre ceux « d’en haut » et ceux « d’en bas » s’agrandit d’année en année.

    Dans un rapport du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof ) de 201232, on constate qu’il n’y a quasiment plus aucun parlementaire qui le devient au titre d’un premier mandat. Quasiment tous ont déjà une longue carrière politique ou d’appareil derrière eux. La plupart ayant commencé leur parcours avant 25 ans dans des instances politiques soit comme assistants parlementaires, soit comme conseillers municipaux ou régionaux.

    La politique n’est plus vue comme un sacerdoce dans lequel on s’engage pour défendre la veuve et l’orphelin mais comme une carrière au long cours. Il faut la gérer avec prudence au sein d’un groupe qui vous protégera, et sa continuité passera, pour beaucoup, par une soumission profonde sous des dehors de liberté apparente.

    Sans soutien, sans appui, sans argent, il est quasiment impossible aujourd’hui de gagner une élection parlementaire. Le trublion qui vient déranger la machine bien huilée du parcours obligatoire du candidat programmé ne passe plus que très rarement la barre du premier tour. Il faut être du « sérail ».

    Tous ces élus forment un conglomérat bien tassé dont les couleurs politiques se distinguent de moins en moins, tant le fonctionnement interne de ce bloc uniformisé procède d’un immobilisme prudent nécessaire pour conforter un parcours politique qu’ils veulent sans risque.

    Les parlementaires se gardent bien de s’aventurer dans des réformes profondes de la société en évolution ou sur des terrains trop voyants qui les exposeraient à la critique ou pire, à la vindicte populaire.

    La prise de risque altruiste s’amoindrit pour faire place à une prise de risque calculée qui n’entachera pas leur plan de carrière.

    Extrait de "Pilleurs d'Etat", de Philippe Pascot, publié aux éditions Max Milo, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.