Le cunnilingus ciment du couple ?
Le cunnilingus ciment du couple ? Ne faisons pas de ce plaisir sexuel une stratégie
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LE PLUS. Messieurs, vous êtes prévenus, le cunnilingus rendrait votre partenaire fidèle. C'est la conclusion à laquelle sont arrivés des chercheurs souhaitant à l'origine démontrer que cette pratique sexuelle avait des avantages en termes de rétention du sperme (et donc de reproduction). Pour David Courbet, transformer le cunni en tactique pour éviter de porter les cornes, c'est revenir au Moyen Âge.
Édité par Daphnée Leportois Auteur parrainé par Aude Baron
Peut-on aimer le cunnilingus (et le proclamer martialement) sans en faire une stratégie conjugale ? (Steve Rhodes/FLICKR/CC).
"Vous voulez un enfant ? Mettez-vous au cunnilingus !" Tel était en gros l’objet d’une récente étudepubliée dans la revue, a priori sérieuse, américaine en ligne "Evolutionary Psychology". L’intitulé exact fait de suite moins sexy : "Atteindre l’orgasme grâce à un cunnilingus, permet-il de mieux retenir le sperme ?"
Sauf qu’après avoir interrogé 243 cobayes par questionnaire (pas d’ateliers pratiques, le sérieux en aurait pris un coup), ce fut la débandade. Après avoir obtenu son orgasme, madame ne semble pas mieux retenir les petites bêtes de monsieur en vue de créer un marmot.
Afin d’éviter l’échec total, ils ont tout de même découvert un aspect exclusif de la relation sexuelle. En fait trois, mais tous découlent les uns des autres :
1. L’orgasme féminin permettrait d’augmenter la satisfaction de vie de couple (ouah, ça commence bien !) ;
2. Encouragerait à d’autres relations sexuelles (dingue) ;
3. Et enfin atténuerait les risques de devenir cocu. Et là on dit chapeau !
Ces génies ont donc conclu que la sexualité permettait une meilleure harmonie du couple. Et qui plus est, en sus (oui, elle est facile) de la pipe, le cunni serait aussi un ciment du couple !
Merci messieurs : un petit pas pour l’homme, un grand pour la recherche. L’aspect positif à en retirer serait peut-être le fait qu’enfin on s’intéresse à l’orgasme féminin et non plus à la toute puissance masculine.
Une sexualité stratégique ?
On connaissait déjà plus ou moins différents moyens sexuels pour permettre d’accoucher, comme stimuler les tétons ou garder une sexualité durant sa grossesse permettant de stimuler et préparer l’utérus au travail, comme nous le rappelle cet extrait de la série "Friends" où il est conseillé à un couple séparé d’avoir des rapports sexuels pour que bébé arrive. Ou d’aider les petits spermatozoïdes à atteindre leur but en restant en position du poirier. Bonjour les cervicales…
Sauf que la sexualité doit-elle toujours être reliée à la procréation ou à un aspect pratique ? Faire partie d’un schéma stratégique ?
Procéder à des études comme celle menée par ces chercheurs américains revient à essayer de légitimer le sexe et d’en faire un produit. Dans une société où tout se vend, tout s’achète, tout se consomme, le sexe fait bande à part. Le plaisir, c’est sympa, mais ça ne rapporte pas de fric en soi (sauf dans quelques cas). En plus d’être une vision purement comptable et capitaliste de la sexualité, son arrière-pensée manque cruellement de modernité.
Une vision moyenâgeuse
N’ayant qu’un but procréatif, le sexe doit être vanille et rester dans un schéma classique hétérosexuel tout bien tout propre. L’homosexualité ? Une terrible déviance qui ne mène qu’à la zoophilie, à la polygamie incestueuse et bien sûr à la pédophilie, cela va de soi.
Cela rappelle quelque peu le Moyen Âge. Toute sexualité subversive, orientation sexuelle ou position "contre-nature" durant cette période était condamnée par l’Église et débouchait à une véritable chasse aux sorcières. Se terminant bien souvent par le bûcher. Plus tard, les travaux du docteur Samuel Auguste Tissot vont démontrer les dangers de l’onanisme. Et, comme par hasard, la masturbation était manifestement plus grave chez la femme que chez l’homme. Selon ce brave homme, celle-ci courait le risque de devenir indécente et furieuse et nécessitait parfois un internement.
Le "fléau" de l’onanisme
Au XIXe, d’autres études vont rappeler aux femmes qui ne l’avaient pas encore remarqué la société patriarcale dans laquelle elles vivent. En atteste l’exemple de la nymphomanie, considérée par les médecins comme une maladie organique. Sous prétexte qu’une femme puisse désirer une activité sexuelle plus intense que la normale (reste à savoir en quoi consiste la norme), la société masculine, touchée dans sa virilité, considèrera cet état de fait comme une menace éventuelle à l’ordre moral et public. Qui se voit accusée de nymphomanie va au-devant de sévères sanctions : enfermement pour folie, mise au ban de la société, clitoridectomie ou autres actes mutilants.
Afin de lutter contre le "fléau" que représente l’onanisme, l’excision du clitoris a notamment été préconisée par certains médecins, à l’instar du gynécologue-obstétricien anglais Isaac Baker Brown (fervent défenseur de la clitoridectomie dans les années 1850), jusqu’au XXe siècle. Mais également dans le but de traiter le lesbianisme, considéré par beaucoup comme une maladie psychique.
Ces temps sombres ne sont pas entièrement révolus, certaines femmes en faisant encore les frais sous couvert de respect des traditions. Quant au terme nymphomanie, il s’est vu substituer par le terme hypersexualité, politiquement plus correct et moins stigmatisant à l’égard des femmes.
Le sexe oral comme véritable amour
Alors avant de s’intéresser à savoir si le sperme ferait maigrir ou non (peut-être était-ce le seul argument qu’a trouvé ce chercheur pour recevoir une gâterie…) ou de pouvoir se vider les testicules en bonne conscience pour sauver sa prostate, pourquoi ne pas simplement mettre le plaisir en avant ? Pour soi comme pour son/sa/ses partenaire(s).
Le plaisir n’est-il pas toujours plus grand quand il est partagé ? Et tout aussi intense et naturel, voire moins anxiogène, s’il est dénué de toute arrière pensée procréative ? Les préliminaires ou le sexe oral tout simple sont au contraire les véritables marques de l’amour et du désir qu’ont les partenaires l’un pour l’autre.
En passant outre l’odeur et le goût, qui peuvent en freiner plus d’un, la fellation associée en retour au cunnilingus, en se livrant totalement à son partenaire, procure des moments de complicité et de partage parfois bien plus intenses que les rapports sexuels plus formatés. Et jusqu’à preuve du contraire, personne n’en est tombée enceinte !