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Lobbies du tabac -2-


Lobbies du tabac: les critiques se durcissent contre le patron de l'office européen anti-fraude

05 MAI 2013 | PAR LUDOVIC LAMANT

« Comme il n'a pas trouvé de preuves, il en a établi d'autres »


Le rapport de l'Olaf sur John Dalli.

Le rapport ne parvient pas à conclure que John Dalli fut le « cerveau » de l'affaire. Mais il établit tout de même une série de contacts réguliers – rendez-vous, coups de téléphone impromptus – entre l'ex-commissaire européen et l'intermédiaire maltais, pour le moins problématiques. Dalli avait d'abord nié un rendez-vous avec Zammit à l'Olaf, avant de revenir sur sa déclaration et d'en reconnaître l'existence. 

Le Maltais n'a donc pas respecté à la lettre la convention cadre de l'OMS, à laquelle il était, en tant que commissaire européen, soumis. Cette charte l'obligeait à rendre publics tous ses rendez-vous avec des lobbyistes de l'industrie du tabac.  

Mais le rapport, en l'état, n'apporte pas véritablement de nouveaux éléments par rapport à ce que Giovanni Kessler, le patron de l'Olaf, avait déjà avancé lors d'une conférence de presse le 17 octobre, au moment de la démission de Dalli. En fait, les doutes sur le sérieux de l'enquête, menée personnellement et dans un temps record par Kessler, ne cessent de croître depuis deux mois. 

À l'origine, Kessler avait évoqué deux rendez-vous de John Dalli, début 2012, avec les intermédiaires de Swedish Match, le fabricant du fameux « snus ». Mais d'après les déclarations mi-mars de Johann Gabrielsonn, un salarié de cette entreprise suédoise, le deuxième rendez-vous n'a en fait jamais eu lieu. Pire : Kessler aurait fait pression sur Gabrielsson pour que ce dernier confirme malgré tout, lors d'une audition devant les eurodéputés en janvier, l'existence de cette seconde entrevue (lire notre précédent article). 

Autre grain de sable dans l'argumentaire du patron de l'Olaf : lors d'une audience du procès en cours à Malte, mi-avril, la lobbyiste de Swedish Match, témoin clé, a éclairé d'un jour très particulier les circonstances de l'enquête. Son premier interrogatoire s'est déroulé en juin 2012, de manière impromptue, en marge d'un déplacement au Portugal, en l'absence d'avocat, a-t-elle affirmé. Dans la foulée, Giovanni Kessler lui aurait proposé un déjeuner, arrosé au vin. Durant ce repas à titre privé, l'Italien lui aurait conseillé de se tenir à distance de Dalli.



La situation se complique encore pour Kessler, quand on lit le rapport annuel du comité de surveillance de l'Olaf, publié fin avril. Dans cet audit, les auteurs sont chargés de s'assurer de l'indépendance des enquêtes de l'office européen. Sur l'année écoulée, leur constat est sans appel : les relations avec l'actuel délégué général, Kessler, ont été « particulièrement difficiles », accusant ce dernier d'avoir bloqué l'accès à certains documents, empêchant le panel de travailler. 

Dans un autre rapport, consacré au seul cas Dalli, rédigé par le même comité de surveillance, et dont Mediapart a pu lire des extraits, les auteurs s'inquiètent explicitement de la légalité de certaines procédures. Un témoin se serait par exemple fait enregistrer à son insu, lorsqu'il passait un coup de fil à titre privé, au milieu d'un interrogatoire mené par l'Olaf. La retranscription de cet appel aurait été utilisée dans le rapport final sur Dalli. 

« D'emblée, Giovanni Kessler a fait une enquête pour prouver la culpabilité de Dalli », juge Inge Grässle, dans un entretien à Mediapart. « En décidant qu'il prendrait lui-même l'enquête en main, il a choisi de faire une enquête à charge. Et comme il n'a pas trouvé de preuves, il en a établi d'autres. Il a même utilisé des écoutes téléphoniques, ce qui est interdit en Belgique, sans autorisation d'un juge… Il n'a pas respecté les droits des personnes qu'il interrogeait. »

 

 

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