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Les très chers tableaux de Guéant

Mediapart

 

Deux tableaux d’un artiste flamand du XVIIe siècle valaient-ils 500 000 euros en 2008 ? C’est ce qu’affirme Claude Guéant pour répondre aux informations du Canard enchaîné de ce matin. L’hebdomadaire révèle qu’au terme des deux perquisitions qui ont visé son domicile, dans le cadre de l’affaire Tapie et du financement de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy par la Libye de Kadhafi, les enquêteurs ont trouvé la trace d’un versement de 500 000 euros, venant d'un compte à l'étranger, sur un des comptes de l’ex-ministre de l’intérieur.

« Cet argent n'a strictement rien à voir avec un financement libyen, a déclaré Guéant sur RMC ce mardi. (…) Cet argent vient d'une transaction banale d'œuvre d'art. C'est juste le produit de cette vente. J'ai vendu ces tableaux à un avocat étranger. J'ai tous les justificatifs. Tout cela est une affaire privée et banale. »

Cette vente, si elle a bien eu lieu, s’est faite à des tarifs étonnants, vu la cote de l’auteur de ces deux marines, Andries Van Eertvelt, dont le Louvre ne détient pas un seul tableau. Un lecteur de Mediapart, féru de peinture classique, nous a mis sur la piste d’un lot de tableaux du même peintre qui avait été mis à la vente en juillet 2008 chez Drouot. Proposée par l’étude Baron-Ribeyre associés, cette paire de tableaux, des batailles navales, était estimée entre 150 000 et 200 000 euros (pour le lot). Mais elle n’a pas trouvé preneur.

Le catalogue de la vente est encore disponible sur le net, les tableaux sont présentés dans le lot n° 86. Les voici (cliquez sur l'image pour la voir en grand format) :

 

© BaronRibeyre.com

 

Il ne semble pas s'agir des tableaux détenus par Guéant. Bien que le peintre, le sujet et les dates concordent, l'ex-ministre a indiqué sur Canal+ que ces tableaux, désormais propriété d'un avocat« malaisien » étaient de petite dimension : « environ 30 cm sur 60, peintes sur bois. » Les tableaux repertoriés par Baron-Ribeyre sont plus grandes (109 x 159 cm).

Le mystère persiste donc sur le prix de la transaction : les petits tableaux de Guéant se sont vendus plus de deux fois plus chers que l'estimation faite pour les grandes toiles. Et sans doute à une valeur bien plus élevée que la cote officielle de l’artiste. À la même période, une autre marine de Van Eertvelt s'est vendue à Munichpour 17 000 euros. Et chez Sotheby’s, son tableau le plus cher s’est vendu à 168 750 euros en mai 2010. Cela n'a pas empêché Claude Guéant d'indiquer mardi soir sur Europe 1 : « Vous pouvez regarder Internet, c'est à peu près ça. » Mais il était convenu plus tôt : « C'est vrai, j'ai fait une bonne affaire. »

Des fonds spéciaux toujours distribués après l'interdiction de Jospin en 2001 ?

Par ailleurs, Claude Guéant s’est livré à des déclarations étonnantes pour justifier des paiements en liquide qui intriguent aussi les enquêteurs. Il assure que l’argent venait des primes en liquide versées aux collaborateurs ministériels : « Les factures en liquide portent sur des montants modestes (20 000 euros). Cela vient de primes payées en liquide. Elles n'ont pas été déclarées car ce n'était pas l'usage. A posteriori, on se dit que c'était anormal. D'ailleurs, ça a été modifié », a-t-il déclaré. Problème, Lionel Jospin est censé avoir officiellement mis fin à cette distribution des« fonds spéciaux » en 2001.

Or c’est en mai 2002 que Guéant est devenu directeur de cabinet du ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy. Mais il a expliqué auMonde qu’à son époque, le système perdurait : « Quand je suis arrivé au ministère de l'intérieur, il y avait plus de 400 personnes concernées par ces primes dont le régime fiscal n'était pas défini. J'ai d'ailleurs remis le système à plat pour mettre fin à ces pratiques en 2006. » Sur Europe 1, Guéant a ensuite parlé de« plusieurs milliers de personnes concernées ». Des explications qui ne convaincront sans doute pas Roselyne Bachelot, ministre de l’environnement en 2002. « Soit c'est un menteur, soit c'est un voleur », a-t-elle déclaré sur Direct8. Interrogé par Mediapart, un ministre du gouvernement, très au fait de ces questions, ne croyait pas non plus à ces justifications. À notre connaissance, ces primes en liquide, maintenues un moment, concernaient les agents des services secrets ou certains fonctionnaires réalisant des enquêtes. Mais sur France 2, Guéant a indiqué que les primes des membres du cabinet au ministère de l'Intérieur était « alignées ».

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