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INDÉPENDANCE, MODE D'EMPLOI

 09h15 le neuf-quinze

 
Par Daniel Schneidermann le 03/04/2013
 
Je me souviens de Fabrice Arfi évoquant calmement, sur les plateaux, chez nous et ailleurs, le menteur Cahuzac. C'était un jeune flic poursuivant sa partie contre un élégant voyou, qui finirait bien par tomber un jour. Le flic était sûr de tenir sa proie. Et peu importait que le voyou parle bien, et porte l'habit de ministre. Il n'était déjà plus qu'un poisson, se débattant au bout d'une ligne.
Dans ce poisson, tous les confrères d'Arfi faisaient encore semblant de voir un ministre. Ils le recevaient pour parler budget, comme si de rien n'était. Ils lui posaient rituellement une question de poisson au début de l'interview, puis semblaient oublier le poisson, et jouaient à l'interview classique, saluant l'artiste de l'austérité, son savoir-faire, sa virtuosité dans la cause sacrée de la réduction du déficit.
Qu'est-ce d'autre, un journaliste indépendant, que quelqu'un qui n'est pas obligé de considérer un justiciable comme autre chose qu'un justiciable ? Ce n'est pas moi qui parle de journaliste indépendant, c'est Pujadas et Ayrault, hier soir, encore sonnés de l'aveu , évoquant tous les deux, comme une réalité désormais admise, institutionnelle, "les médias indépendants", en saluant leur travail. C'est donc officiel, ratifié par le Premier ministre et le speaker d'Etat: il y a "les médias indépendants", et les autres. Reste à trouver un nom pour les autres.

Pourquoi les médias indépendants sont-ils plus indépendants que les autres ? Pas parce que leurs journalistes seraient intrinsèquement meilleurs. Et pas (seulement) non plus parce qu'ils sont financièrement indépendants, sans financements publicitaires ni étatiques, sans autres propriétaires que leurs équipes de rédaction. C'est aussi (me semble-t-il) parce qu'ils se sont rendus intellectuellement indépendants du suivi des pouvoirs au jour le jour. A la différence de tous ses confrères, Mediapart ne suit pas assidûment, au jour le jour, l'actualité politique traditionnelle au sens de la course de chevaux (y aura-t-il un remaniement ? Montebourg a-t-il vraiment engueulé Ayrault ? Où en est le feuilleton Copé-Fillon ? Et tiens, où en sont les sondages ? Etc). Se délivrer des servitudes de ces distrayants feuilletons (partager des déjeuners, solliciter des confidences, respecter le off) est aussi une condition de l'indépendance.

PS: heureux de retrouver les matinautes, après une semaine d'enquête sur le terrain dont je rapporte (en toute indépendance) ce scoop exclusif: la grippe 2013 est vraiment implacable.

Mediapart 2

 

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