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"Balancer des noms ?

"Balancer des noms ? Ce n'est pas le rôle de la presse "

Evasion fiscale : comment rompre l'omerta ?

600 milliards d'euros, rien que ça ! Ce serait le produit de l'évasion fiscale en France. Une évasion fiscale que la justice et la police se garderaient bien de combattre malgré les moulinets officiels contre les paradis fiscaux. C'est l'accusation lancée par un journaliste de La Croix, Antoine Peillon, dans un livre paru il y a quelques semaines et qui bizarrement, semble passer sous le radar des médias dominants.

Nous avons donc souhaité l'inviter pour en savoir plus sur les mécanismes de cette évasion fiscale. A ses côtés, nous recevons également Xavier Harel, spécialiste de l'évasion fiscale et auteur d'un livre intitulé La grande évasion (éd. Les Liens qui libèrent et Babel) ; et Philippe Dominati, sénateur UMP et président d'une commission d'enquête au Sénat sur l'évasion fiscale.

Dans ce domaine complexe, les choses pourraient bien évoluer assez rapidement : deux heures après le tournage de notre émission, on apprenait qu'une information judiciaire devait s'ouvrir sur l'évasion fiscale orchestrée par UBS.

L'émission est présentée par Daniel Schneidermann, préparée par Marion Mousseau et Dan Israel
et déco-réalisée par Dan Israel et François Rose.

Chroniqueurs: Anne-Sophie Jacques, Didier Porte, Maja Neskovic, et Charline Vanhoenecker

La vidéo dure 1 heure et 33 minutes.

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Une fois n'est pas coutume, nous commençons l'émission par la chronique de Maja Neskovic, qui est allée @ux sources d'un autre chroniqueur d'@si : Didier Porte ! Comment trouve-t-il l'inspiration ? Un travail d'équipe...

On enchaîne logiquement par la chronique de Didier Porte. Cette semaine, il s'est intéressé à la Politique Académy de France 4 : "Qui veut devenir Président ?". Une émission au casting de rêve... (acte 1)

Place au débat : l'exil fiscal. Un thème choisi après les révélations de l'ancien directeur du Monde, Eric Fottorino, dans notre émission D@ns le texte . Selon lui, la justice aurait stoppé des enquêtes sur des évasions fiscales impliquant des hommes politiques. Un sujet tabou, l'évasion fiscale ? Dans son livre, Ces 600 milliards qui manquent à la France (reportez-vous au compte-rendu d'Anne-Sophie Jacques si vous ne l'avez pas encore fait), Antoine Peillon a enquêté sur les activités de la filiale française de la banque suisse UBS, qui apparaît comme "la Rolls" de l'évasion fiscale. Comment ça marche ? "Des commerciaux suisses d'UBS sont invités le territoire français à l'occasion d'événements mondains, et sont mis en contact, via leurs collègues d'UBS France, avec des clients très fortunés, explique Peillon. La discussion est conviviale, discrète et elle aboutit à la proposition d'ouverture de comptes non déclarés de l'autre côté de la frontière". Ce procédé est doublement illégal car, outre l'évasion fiscale, il est interdit à un agent suisse d'opérer sur le territoire français. 

A propos du travail de son confrère, Xavier Harel est dithyrambique : "Il y a un scoop, toutes les deux pages", assure-t-il. Certes, on savait déjà qu'UBS avait eu les mêmes pratiques aux Etats-Unis mais c'est la première fois que le mécanisme est décrit précisément en France. Philippe Dominati, président d'une commission d'enquête au Sénat sur l'évasion fiscale, assure qu'il n'était pas au courant du cas particulier de cette banque. Mais Peillon doit témoigner devant la commission la semaine prochaine. D'ailleurs, le journaliste assure que certaines de ses sources "sont déterminées à venir devant la commission" pour témoigner et "certains sont prêts à sortir de l'anonymat". Mais comment expliquer que la création de cette commission d'enquête au Sénat ait été passée sous silence jusqu'à présent ? "L'ampleur du phénomène [de l'évasion fiscale] a été très peu perçu, y compris par des confrères très bien informés", assure Peillon. "C'est en cours de travail que, moi-même, j'ai découvert les montants, les proportions et le poids en conséquence sur notre économie", ajoute-t-il. (acte 2) 

Si Peillon n'a pas rencontré la direction d'UBS au cours de son enquête, il a été confronté, sur la télévision suisse, à un dirigeant de cette banque lors de la sortie du livre. Tout en réfutant le contenu du livre, ce dirigeant a déploré la méthode du journaliste, qui n'aurait cherché à joindre la direction de la banque que la veille de la remise du manuscrit. "C'est une blague, rétorque Peillon. Mais il n'a cherché à joindre la direction que son enquête bouclée. "Si je l'avais fait avant, ils auraient empêché ce travail", assure le journaliste avant d'ajouter : "On est sur des affaires où la situation est très tendue du point de vue de la sécurité". L'enquête a débuté en août 2011 et dès le mois de novembre, plusieurs sources de Peillon lui ont rapporté qu'il était surveillé. "Ils m'ont dit qu'il fallait que je prenne des précautions et de ce point de vue, ces avertissements sont assez désagréables car ils sont lourds". Dans ces conditions, comment recueille-t-on des informations sur ce type de sujet ? "La source d'information, ce n'est jamais la direction de la banque" qui s'abrite derrière le secret bancaire selon Harel. "Ce sont souvent des individus au sein de la banque, qui ont eux-mêmes été menacés parce qu'ils ont refusé de faire ce qu'on leur disait". 

Depuis 2009, Nicolas Sarkozy assure "qu'il n'y a plus de paradis fiscaux" ou presque. Or, pour Xavier Harel, "rien ou presque n'a changé". D'ailleurs, si ça avait été le cas, "les paradis fiscaux se seraient vidés comme une baudruche" puisque tous les avoirs seraient rentrés. Seule (maigre) avancée : un début d'échange d'informations entre les pays européens et les paradis fiscaux. Car pour éviter d'être sur une liste noire, un pays, considéré comme un paradis fiscal, doit signer 12 conventions d'échanges d'informations bancaires avec d'autres pays. Sauf que les paradis fiscaux ont signé des conventions entre eux : "Le Lichtenstein a signé neuf conventions sur douze avec des paradis fiscaux", ironise Harel. Et comme par magie, aujourd'hui, il n'y a plus de pays dans la liste noire. Quant aux pays qui ont signé une convention avec la France, les résultats parlent d'eux-mêmes : seules 30% des demandes d'informations sur des comptes soupçonnés d'évasion fiscale ont été satisfaites... et les données transmises étaient déjà connues de la France. Un système totalement inefficace donc. D'ailleurs, "les fuites de l'argent français vers la Suisse se sont aggravées cette année" selon Peillon. Philippe Dominati ne partage pas ce pessimisme et assure qu'il y a eu de réelles avancées : "Le fisc a récupéré seize milliards d'euros cette année, soit un de plus que l'an dernier". (acte 3)

Que font le fisc, la justice, la police française face à l’évasion fiscale? "Ils transmettent au Parquet de paris", répond Peillon. "Mais un an, deux ans passent, et rien n’est instruit. Ils s’en étonnent et commencent même à s’en scandaliser". La section financière est appelé le coffre-fort, "tout est verrouillé", assure-t-il. Sarkozy ne souhaite pas de poursuites judiciaires contre les bénéficiaires d’évasion fiscale? demande Daniel. "En tout cas les poursuites qui devraient avoir lieu n’ont pas lieu" répond Peillon. Dominati rétorque que c’est la Cour de cassation qui a empêché le gouvernement de poursuivre plusieurs personnes, car elle estimait qu’ils n’y avait pas assez de preuves. Les listes obtenues par Peillon sont-elles exploitables juridiquement? "Elles sont déjà exploitées, transmises au Parquet", assure-t-il.

Pourquoi la question est-elle absente de la campagne? s'interroge Daniel. Peillon n'est pas aussi scandalisé. "C’est certainement parce que les candidats découvrent tout juste sa dimension économique, le montant n’était pas connu auparavant", assure-t-il. "Le sujet est compliqué", ajoute Harel, " il en train d’infuser". "Le problème est que le sujet est verrouillé dans le débat démocratique, il y a des gens qui profitent de l’évasion fiscale, des financements dans les partis qui ne sont pas légaux", ajoute Peillon. "Des hauts fonctionnairesme disent : nous ne pouvons plus faire notre métier dans de bonnes conditions. Certains intérêts particuliers empêchent que cela fonctionne". De son côté, Dominati rappelle que, depuis 2008, "il y a eu 23 lois pour lutter contre la fraude fiscale, votées à l’unanimité". (acte4)

Le thème n’est pas complètement absent de la campagne présidentielle: sur France 2, dans l’émission "Des paroles et des actes", Eva Joly a accusé Sarkozy de bénéficier indirectement de l'évasion fiscale en recevant des financements politiques illicites de ceux qui détiennent ces comptes. "Mes sources m’ont dit que la campagne présidentielle de 2007 présente des gros problèmes de légalité", souligne Peillon. "Mais je ne suis pas sur que d’autres candidats n’ont pas bénéficié de systèmes équivalents", ajoute-t-il. Et d’assurer: "La justice ira jusqu’au bout", se fondant sur "beaucoup de contacts dans le monde judiciaire". Remarque prémonitoire, puisque nous apprenions quelques heures après l'enregistrement, que la justice s'apprêtait à ouvrir une information sur UBS .

Comment faire émerger ce sujet dans le débat public?, se demande Anne-sophie. Elle propose dans son article de faire comme les Américains, "balancer les noms" qui sont sur les listings. "Ca a fait énorme débat idéologique chez nous, au Seuil" confie Peillon. "Ce n’est pas forcément le rôle de la presse de faire ce relaisparce qu’il y a défaut du système judiciaire", ajoute-t-il. "On a donné les noms de gens qui ont une notoriété publique importante, précise-t-il. L'Intérêt de ce livre, n'est pas de donner des noms, mais de soulever un phénomène dont l'ampleur dépasse les noms qui sont donnés." Au passage, Peillon précise que Fottorino travaillerait aussi sur le sujet. "Je sais que mes sources sont aussi les sources de Fottorino", précise-t-il.

Charline s’est glissé cette dans les coulisses de l’émission "Des paroles et des actes" jeudi soir. Surprise: Mélenchon tutoie les journalistes. (acte 5) Re-surprise : Mélenchon a livré un scoop interplanétaire à la notre chroniqueuse, par ailleurs journaliste à la RTBF, sur la Wallonie dans une future et hypothétique VIe République. 


 

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