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  • Le rôle de tueur de l’OTAN

    Le pire n’est pas que l’OTAN existe. Ce qui est pire c’est la capacité de l’Occident à dominer l’information.

    Le pire n’est pas qu’on puisse bombarder, envahir et occuper l’Afghanistan, l’Irak ou la Libye ; c’est qu’on réussisse à faire croire aux peuples que c’est pour la démocratie et la liberté. Le voilà, le pire.

    Le pire, ce n’est pas le chômage, c’est d’arriver à faire croire que le chômage de masse, c’est encore la démocratie.

    En fait, le pire, ce n’est pas la réalité que nous voyons et vivons, non, le pire, c’est l’ensemble du système de représentation. C’est de croire qu’on vit autre chose.

    Des pays occidentaux accusent Kadhafi et le tuent. 8 mois de guerre asymétrique et une exécution. Le pire c’est que beaucoup insultent encore le cadavre. Les assassins ? Non, non, le cadavre de Kadhafi.

    Quelle défaite de l’intelligence !

    Un peu comme si, à Büchenwald ou Birkenau, face au spectacle de l’univers concentrationnaire, on avait craché un dernier coup sur les juifs survivants, les résistants arrêtés, les corps calcinés. Ou ricané des Vietnamiens sous le napalm, des Chiliens, des Argentins, en taule... Et ça au prétexte qu’on serait de gauche. De cette gauche pure qui n’a pas de sang sur les mains mais qui a une conscience vierge comme le Saint-Esprit et la Vierge Marie.

    Et voui, nous sommes bien les produits des choses à mystères et à miracles. L’assassin n’est pas le tueur debout, son arme encore fumante, non, c’est le cadavre qui gise là, par-terre...

    Non, l’OTAN c’est pas le pire. Le pire, c’est Hollywood et CNN. A Hollywood, les USA ont gagné la 2ème guerre mondiale. Et, à CNN, ils ont gagné toutes les suivantes. Avec une arme de destruction massive : la démocratie.

     

  • La destruction de la Libye vus d’Afrique

    La destruction de la Libye et le meurtre de Mouammar Kadhafi - vus d’Afrique (I Just Said That !?)

    Je suis terriblement bouleversé par ce qui se passe de nos jours, et j’avoue qu’il m’est difficile d’être impartial.

    Il y a pourtant un certain nombre de faits que nous devons garder en mémoire si nous voulons rester assez sains d’esprit pour trouver le moyen de nous protéger des criminelles agressions européennes et américaines. Les voici :

    Mouammar Kadhafi venait d’une tribu arabe libyenne. Il appartenait à une culture complètement différente de celle des Américains et des Européens. par conséquent il n’était pas —et n’a jamais prétendu être— le champion des soit disantes valeurs occidentales de "démocratie" et de "liberté". Cela ne l’a cependant pas empêché de faire du bien à son peuple et à d’autres peuples de l’Afrique.

    Quand il a pris le pouvoir, il y a 42 ans, par un coup d’état PACIFIQUE —notez bien cela : il n’a pas eu besoin de verser le sang de son propre peuple pour renverser le gouvernement du roi Idriss (un gouvernement léthargique qui laissait les Libyens vivre dans la misère et le sous-développement)— il a pris des mesures pour s’assurer que la richesse pétrolière de la Libye profiterait au peuple libyen. Au cours des années, il a mis en place un vrai état providence avec des soins médicaux de grande qualité gratuits pour tous les Libyens, l’enseignement public gratuit, la reforestation de larges territoires de la Libye et il a fait passer la Libye d’une économie à faible revenu à une économie à revenu moyen.

    Des Africains noir non-libyens sont venus y travailler en masse. Un Kényan qui travaillait dans une compagnie basée en Libye quand les Européens nous ont attaqués en mars dernier était effondré : il parlait du haut niveau de vie de la Libye et de la vie confortable qu’on menait dans ce pays où on trouvait de l’essence pour seulement 10 shillings kényans le litre !

    Kadhafi n’était pas un européen ni un Américain moderne assez arrogant et idiot pour prétendre que la bonne gouvernance consiste en des élections régulières et des mandats limités pour les leaders. Comme un commentateur ghanéen l’a écrit l’autre jour, Kadhafi considérait qu’il avait consacré ses 42 ans de règne à prendre soin de son peuple. Ce qui est ridicule c’est que les Occidentaux pensent que seuls les systèmes de gouvernement qu’ils ont élaborés doivent être utilisés. On oublie qu’il y a de très bons systèmes de gouvernement différents créés par d’autres peuples. Avant d’être, hélas, conquis par les prédateurs blancs, les Agikuyu, par exemple, pratiquaient la démocratie et chaque génération transmettait le pouvoir à la suivante pacifiquement par cycles de 35 ans.

    Kadhafi a soutenu les mouvements de libération dans d’autres pays d’Afrique, notamment en Afrique du Sud. Il a financé et armé le Congrès National Africain de Nelson Mandela quand les puissances occidentales faisaient des affaires avec le régime d’apartheid (séparation des races) dirigé par les blancs. Quand Bill Clinton est allé en Afrique du Sud et a critiqué la Libye dirigée par Kadhafi, Nelson Mandela lui a répondu sur un ton de reproche : "Nous ne pouvons pas vous accompagner dans la critique de ceux qui nous ont aidés au moment le plus noir de notre histoire."

    C’est honteux de voir les médias dominants, les médias kényanes y comprises, se gargariser de clichés comme "le dictateur Kadhafi", le despote Kadhafi" et la "tyrannie" imposée par Kadhafi. L’autre jour un journal local a publié un dessin humoristique extrêmement insultant et de mauvais goût sur Kadhafi. Tout cela est le résultat de l’ignorance et du lavage de cerveau opéré par le Juggernaut (force implacable ndt) des médias occidentales. Nous avons beaucoup d’Africains qui sont incapables de penser par eux-mêmes et pour eux-mêmes. On peut dire que ces gens sont des esclaves sur les plans intellectuel et spirituel. Un aspect du caractère et de la personnalité de Kadhafi leur échappe. Kadhafi croyait que les Arabes descendaient des Africains Noirs et il enjoignait à son peuple à respecter tout spécialement les noirs. (Un de ses fils, Hannibal, a reçu le nom d’un célèbre général africain qui a utilisé des éléphants pour lutter contre l’armée romaine au temps de Jésus ; Hannibal était au service de Carthage qui était situé en Libye.) Et Kadhafi a mis en place une politique d’accueil pour que des Africains noirs viennent travailler en Libye comme employés ou même soldats dans l’armée. Kadhafi voulait former une Union Africaine qui aurait inclut les Arabes de son pays et la vaste population de l’Afrique sub-saharienne. On dit que sa mort l’a empêché de réaliser son idée de créer une Banque Africaine qui serait rentrée en compétition avec la Banque Mondiale dominée par les blancs.

    Il est clair que les médias dominants n’appréciaient pas ces projets-là ; et d’ailleurs ils ne sont pas du tout horrifiés par ce que les "révolutionnaires" ont fait —à savoir arrêter et massacrer des noirs et en mettre d’autres dans des camps de concentration.

    Les esclaves intellectuels ne sont pas capables de se rendre compte de la honte, de l’horreur et de la duplicité de la campagne occidentale contre Kadhafi. Le Grand Mensonge a été de prétendre qu’il y avait un soulèvement populaire contre Kadhafi. C’était en fait une rébellion armée fomentée depuis Paris et autres capitales occidentales et qui aurait échoué sans les armes de destruction massive de pointe françaises, anglaises et américaines. UNE CHOSE EST SURE : KADHAFI JOUISSAIT D’UN SOUTIEN ARME POPULAIRE ET LOCAL MASSIF et il aurait vaincu les rebelles sans les bombardements et les missiles des assassins américains, anglais et français. Un homme qui dirigeait un pays de seulement 6,5 millions d’habitants a tenu tête pendant plus de six mois à une alliance de pays regroupant près de 500 millions d’habitants. Pour moi, Kadhafi était un lion qui se défendait contre des brutes sans foi ni loi, des homme sans honneur : Barrack Obama, David Cameron et Nicolas Sarkozy. Ces assassins entreront dans l’histoire pour leurs agissements criminels et abjectes.

    Quels leçons devons-nous tirer de tout ça en tant qu’Africains qui se respectent ? Il faut s’attendre à ce que ces gens dont la puissance militaire est immense se rendent coupables d’autres crimes. Mais nous avons une arme redoutable contre eux : nous pouvons prendre de plus en plus conscience de leurs objectifs et dénoncer leur prétention à diriger le monde comme grotesque et impropre. Nous pouvons leur donner leurs vrais noms : brutes, prédateurs avides, voleurs des ressources d’autres peuples, menteurs et manipulateurs. Et bien sûr, je peux voir le reste du monde s’allier pour se défendre mutuellement : L’Afrique, L’Inde, le Brésil et d’autres pays d’Amérique du sud, la Russie et la Chine. Les jours des ces dirigeants malfaisants sont comptés.

    Et voilà, je l’ai dit !

    P. Ngigi Njoroge est maître de conférence dans une université locale

  • L’ennemi obscur est parmi nous

     

     

    Rubrique L’art de la guerre

    L’ennemi obscur est parmi nous (Il Manifesto)

    De petits faits de chronique en événements dramatiques, tout démontre combien a pénétré l’idée qu’une obscure menace pèse sur nous citoyens des grandes démocraties occidentales. La guerre froide finie, ne pouvant plus soutenir l’existence d’une menace communiste (exemplifiée par Reagan comme « l’empire du mal »), il fallait en trouver immédiatement une autre afin que les Etats-Unis et l’OTAN puissent poursuivre leur course aux armements et leurs politiques de guerre. Et voici que pointe la menace du terrorisme arabo-musulman, l’ennemi obscur qui se cache dans les angles sombres de la terre, selon la définition que son think tank a soufflé au président Bush après les attentats du 11 septembre ( ceux-là, oui, fruit d’obscures trames de services secrets). On s’adresse au grand public, explique Noam Chomsky, comme à des enfants, en usant de personnages et d’intonations infantiles, de façon à susciter des émotions et non des réflexions. Il faut reconnaître que cette technique du grand méchant loup, potentialisée par les media, fonctionne remarquablement en créant de véritables hallucinations collectives. A Pise, une fille dénonce avoir été violée par trois Nord-africains : immédiatement le maire Filippeschi (membre du Partito democratico aujourd’hui dans l’ « opposition » au Parlement, NdT), demande au ministre Maroni (membre de la Lega del Nord, parti de gouvernement avec des positions séparatistes, NdT) plus de forces de police pour la sécurité de la ville, tandis que le Conseil municipal décide à l’unanimité de se constituer partie civile contre les responsables du viol. En réalité, découvre-t-on, ce viol a été inventé par la fille en crise existentielle, mais avec les idées assez claires pour l’attribuer, afin de le rendre crédible, à de fantomatiques Arabes nord-africains. Même phénomène, à une échelle bien plus dramatique, à Oslo. Le massacre est immédiatement attribué au terrorisme arabe musulman. Ceci transparaît dans les premières déclarations officielles : le président Napolitano condamne l’acte terroriste en rappelant l’engagement pour la paix, alors que le président étasunien Obama en appelle au monde entier pour arrêter ces actes de terreur. Plus explicite encore est le président de l’UE Van Rompuy, qui relie l’attentat terroriste au fait que la Norvège rend un bon service à la paix dans les régions les plus instables de la planète (en participant aux guerres en Afghanistan et en Libye). La Norvège - commente le journal britannique The Sun - a ouvert ses portes à des milliers d’immigrés musulmans, qui ont créé un terrain fertile pour le terrorisme. On trouve sur cette même ligne la majorité des journaux italiens. Depuis longtemps - confirme Guido Olimpio sur le Corriere della Sera - la Norvège est dans la ligne de mire du terrorisme d’Al Qaeda. Al Qaeda attaque, annonce Libero. Ce sont toujours eux, ils nous attaquent - dénoncent Il Giornale avec un éditorial de Fiamma Nirenstein (députée du Popolo della libertà, le parti de Berlusconi, et présidente du Conseil international des parlementaires juifs, NdT) - en soulignant qu’avec l’Islam le bonisme ne paye pas. Alberto Flores D’Arcais explique sur le Tirreno qu’il y a une autre possibilité, plus inquiétante encore : que les attentats d’Oslo soient la première démonstration que les menaces de Kadhafi contre l’Europe n’étaient pas seulement des paroles en l’air mais cachaient un terrible et réel projet. La bulle de savon de la matrice arabo musulmane éclate tout de suite : l’auteur du massacre est un Norvégien, lié à la franc-maçonnerie et à des milieux pro-sionistes, qui hait les Arabes et l’Islam et a voulu punir son pays de trop céder à leur égard. En attendant, cependant, on a raconté aux lecteurs-petits-enfants que c’est Kadhafi qui menace l’Europe et qu’il est donc juste de bombarder la Libye pour arrêter le grand méchant loup qui veut nous dévorer.

    Manlio Dinucci

    Edition de mardi 2 août 2011 de il manifesto

     

  • La vie humaine n'a pas la même valeur selon...

    Échange de prisonniers entre Israël et les Palestiniens : deux poids, deux mesures dans les JT

    Le 18 octobre dernier, le sergent Gilad Shalit a été libéré après plus de cinq ans de captivité

    dans la bande de Gaza. Le même jour, 477 prisonniers palestiniens étaient relâchés, dans le

    cadre d'un accord entre Israël et le Hamas, qui prévoit en outre que 550 autres Palestiniens

    quitteront les prisons israéliennes au mois de décembre. Cet échange a fait l'objet d'une

    intense couverture médiatique, notamment par les télévisions. Qu'ont-elles dit et montré ?

    Une étude des JT de TF1, France 2 et France 3 du 18 octobre (midi et soir) révèle un

    consternant déséquilibre dans le traitement de ce qui n'était pas une « libération d'otage »

    mais bel et bien un échange de détenus : non seulement l'essentiel du temps d'antenne et des

    moyens journalistiques ont été consacrés à la libération de Gilad Shalit et aux réactions

    israéliennes, mais les prisonniers palestiniens, leur famille, leurs proches... ont bénéficié d'un

    maigre traitement factuel, la compassion et l'empathie, l'émotion et la joie étant réservées au

    traitement médiatique des réactions israéliennes.

    « Libération de Shalit » ou échange de détenus ?

    Le choix des titres des JT parle de lui-même.

    Au 20 heures de TF1...

    Les 477 prisonniers palestiniens ne font ni la « une », ni les gros titres. Dans les JT du 18 octobre (comme dans la

    presse écrite), des sujets leur sont néanmoins consacrés. Mais le décompte du temps accordé, respectivement, à la

    libération de Gilad Shalit et aux réactions en Israël d'une part, et à la libération des prisonniers palestiniens et aux

    réactions en Cisjordanie et à Gaza d'autre part, est éloquent. Si l'on additionne ces durées dans les sept JT observés

    (13 heures et 20 heures de TF1 et de France 2, « 12/13 », « 19/20 » et « Soir 3 » sur France 3), le résultat est le

    suivant : 17 min 37 s ont été accordées à Shalit, 7 min 56 s aux prisonniers palestiniens [1]. Soit 69 % du temps

    pour le premier et 31 % pour les seconds. Ce sont notamment les duplex réalisés par les diverses chaînes qui ont

    fait pencher très nettement la balance : sur sept duplex organisés (un par JT), six ont eu lieu à Mitzpé Hila, village

    dans lequel réside la famille Shalit, et un à... Tel Nof, base militaire où Shalit a retrouvé ses parents. Aucun duplex

    n'a été réalisé depuis Gaza ou Ramallah, où des centaines de milliers de Palestiniens célébraient pourtant le retour

    des prisonniers et où les principaux dirigeants palestiniens ont prononcé des discours.

    Les titres et les dispositifs indiquent donc que le choix opéré dans l'ensemble des JT de TF1, France 2 et France 3

    était de couvrir la « libération de Shalit » avec, en arrière-plan, le « retour » des prisonniers palestiniens, comme si la

    double nationalité de Gilad Shalit suffisait à justifier une telle disproportion. Or, au-delà des chiffres, le ton et les

    termes employés montrent que les JT ont invité à partager le soulagement ou l'allégresse du côté israélien, tandis

    que les sentiments équivalents des Palestiniens étaient tenus, c'est le moins que l'on puisse dire, à une certaine

    distance.

    Une empathie à sens unique

    « Des fleurs blanches, des acclamations et des larmes de joie, le Franco-Israélien Gilad Shalit a retrouvé la liberté

    aujourd'hui après cinq ans de détention, il a retrouvé sa famille aussi. Mêmes scènes de liesse en face, côté

    palestinien, où des centaines de prisonniers échangés contre le soldat sont arrivés tout à l'heure » (David Pujadas,

    20 heures de France 2). « Il n'a que 25 ans, vient de passer cinq années prisonnier du Hamas : le Franco-Israélien

    Gilad Shalit savoure ses premières heures de liberté et ses retrouvailles avec sa famille. Scènes de liesse en

    Israël, scène de liesse aussi à Gaza et en Cisjordanie, où l'on fête le retour triomphal des 477 premiers prisonniers

    palestiniens » (Carole Gaessler, « 19/20 » de France 3) [2].

    Sur France 2 comme sur France 3, dans les « lancements », on explique donc que les « scènes de liesse » ont lieu

    côté israélien et côté palestinien. En revanche, seule la famille de Gilad Shalit est mentionnée, comme si les

    prisonniers palestiniens n'allaient pas, eux aussi, retrouver leurs familles et leurs maisons. La présentation épouse,

    là encore, une asymétrie qui vaut parti pris, qu'il soit ou non volontaire. Tandis que les Palestiniens rentrent « à Gaza

    », « à Ramallah », ou « en Cisjordanie », Gilad Shalit rentre « à la maison », comme l'ont souligné des incrustations:

    L'emploi de l'expression « retour à la maison » ou les fréquentes références à la « famille » de Gilad Shalit invitent à

    la proximité et au partage : ils n'ont pas d'équivalent, s'agissant de la libération des prisonniers palestiniens. Quoi

    que l'on pense des raisons et de la légitimité de la détention de l'un et des autres, qui peut soutenir que les

    souffrances endurées par les familles et les proches de ces derniers n'étaient pas équivalentes à celles qu'ont

    endurées la famille et les proches de Gilad Shalit ?

    On l'a dit, 477 prisonniers ont été relâchés le jour de la libération de Gilad Shalit. Et 550 autres suivront en

    décembre. Sur l'ensemble des sept JT du 18 octobre, seuls deux prisonniers ont été nommés et interviewés (chacun

    durant quelques secondes) : « Abdulrahmane Elqeeq » (au 20 heures de TF1) et « Alla Bazian » (au « 19/20 » de

    France 3 et au « Soir 3 ») [3]. Les autres demeurent des anonymes, que l'on ne voit pas rentrer « à la maison » ou

    retrouver leur « famille ». Au cours des sept JT, la parole a été donnée une fois à un membre de la famille d'un

    prisonnier. C'était sur TF1, où l'on a entendu brièvement la mère de l'un des prisonniers libérés (dont on ne nous

    précise pas le nom) remercier ceux qui avaient détenu Gilad Shalit. Était-ce la seule réaction qui pouvait être

    recueillie ? Rien n'est moins sûr... Mais ce qui est certain est que de tels propos, a fortiori lorsqu'ils sont les seuls

    rapportés, ne peuvent guère susciter d'empathie chez le téléspectateur. Aucune des trois chaînes n'a choisi de filmer

    le « retour à la maison » de l'un des prisonniers, ou de permettre aux téléspectateurs de partager l'émotion des proches des détenus. Volontaire ou non, cette option révèle que l'empathie a été réservée à Shalit et à ses proches,

    tandis qu'une distance permanente a été maintenue non seulement avec les prisonniers palestiniens - dont certains

    venaient de passer vingt ou trente ans derrière les barreaux [4], mais également avec leurs familles, comme si elles

    étaient responsables de leur propre douleur, désormais apaisée.

    Lors du 13 heures de France 2, le contraste était encore plus saisissant. L'envoyé spécial en Israël, Claude

    Sempère, explique : « la famille de Gilad Shalit a quitté son domicile du nord d'Israël. Ils ont été conduits sur une

    base militaire. Dans quelques heures, ils vont pouvoir serrer leur fils dans leurs bras ». Quelques minutes plus

    tard, en plateau, Élise Lucet explique à son tour : « À Gaza, on a assisté à des scènes de liesse, à des

    embrassades avec les responsables du Hamas ». Et avec les familles ? On ne le saura pas. On n'en apprendra

    pas plus lors du 20 heures de David Pujadas, durant lequel on sera néanmoins bien informé : « [Gilad Shalit] est

    toujours dans sa maison, qui se trouve à 200 mètres derrière moi, et il a besoin de communiquer, manifestement il

    parle, il raconte son histoire à ses proches à sa famille et, autre information importante, il vient de terminer un

    excellent dîner » (Dorothée Ollieric, envoyée spéciale en Israël) [5].

    Chacun aura compris qu'il ne s'agit pas ici de contester une émotion bien réelle ou de ternir la joie compréhensible

    de la famille et des proches de Shalit. Mais, à bien regarder les JT du 18 octobre, le « retour » des prisonniers

    palestiniens méritait à peine qu'on s'y attarde : non seulement ces prisonniers semblaient n'avoir ni nom, ni visage, ni

    maison, mais ils n'avaient ni famille, ni proches, ni soutiens dignes d'empathie. Pourtant leurs souffrances et leur joie

    étaient elles aussi compréhensibles. Et ce au-delà des prises de position dans le « conflit ». Aussi le double standard

    de l'émotion est-il probablement une forme de prise de position...

    ***

    ... Comme l'est également la totale absence de mention de l'existence et du sort du détenu franco-palestinien Salah

    Hamouri. Lors des sept JT du 18 octobre, son nom n'a jamais été prononcé. Sa situation est-elle comparable à celle

    de Gilad Shalit ? Cette question excède de très loin le champ de la critique des médias. Mais pour comprendre

    pourquoi les médias l'ont ignorée, nous renvoyons nos lecteurs à l'émission (payante) d'« Arrêt sur images » qui lui a

    été consacrée [6]. Si l'hyper-médiatisation de la libération de Shalit résulte, comme certains semblent le penser, du

    simple fait qu'il possède la nationalité française, alors le silence concernant Hamouri n'en est que plus assourdissant.

    Certes, le 19 octobre, le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a été questionné sur France Inter au sujet du cas

    Hamouri (qu'il a affirmé ne pas connaître...) Mais une recherche sur la base de données Factiva [7] indique qu'il y a

    eu dans la presse française, au cours de l'année passée, 2503 occurrences du nom « Shalit » contre... 173

    occurrences du nom « Hamouri ». Soit un rapport de 1 à 14,5.

    À la lumière du traitement de l'échange du 18 octobre, le sort des prisonniers palestiniens, qu'ils aient ou non la

    nationalité française, ne semble guère préoccuper les grands médias. C'est ainsi qu'aucun des JT du 18 octobre n'a

    jugé bon de mentionner le fait que plusieurs centaines de prisonniers palestiniens étaient en grève de la faim depuis

    la fin du mois de septembre, soutenus par une grève de la faim « tournante » de 3000 de leurs codétenus, pour

    protester contre leurs conditions de détention, notamment la pratique abusive de l'isolement et les restrictions sur les droits de visite [8]. Gageons que le retour des 477 premiers libérés et la libération annoncée de 550 détenus

    supplémentaires sera l'occasion, pour les grands médias, d'approfondir la question des prisonniers palestiniens,

    indispensable pour une réelle compréhension des enjeux de la situation au Proche-Orient et d'une hypothétique «

    résolution du conflit ».

    Colin Brunel