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Azel Guen : Décryptage de l'Actu Autrement - Page 3

  • Des journalistes pris pour cibles

    Des journalistes pris pour cibles : le SNJ interpelle les autorités françaises (communiqué)

    le 20 juin 2015

    Nous publions un communiqué du SNJ, auquel nous nous associons pleinement (Acrimed).

    Après le piratage de sites Internet et une première vague de sinistres canulars visant la vie privée de confrères l’an dernier, une nouvelle série d’attaques odieuses a été lancée cette semaine contre des journalistes français. « Au moment où j’écris ces lignes, il est quatre heures du matin ce jeudi : le Samu, les pompiers et des policiers de différentes unités viennent de quitter mon appartement parisien. Vous l’avez deviné : Ulcan a encore frappé », écrit ainsi une des victimes, Pierre Haski, de Rue89, qui le raconte jeudi sur le site d’information. Autre cible : Denis Sieffert, directeur de l’hebdomadaire Politis, lui aussi réveillé en pleine nuit par une descente de police à son domicile, et dans les locaux du journal.

    Auparavant, plusieurs autres citoyens avaient été malmenés de la même manière : Pierre Stambul, co-président de l’Union Juive pour la Paix, qui milite pour le droit des palestiniens, et Jean-Claude Lefort, ancien député et ancien président de France-Palestine Solidarité. Le procédé est toujours le même : le hacker prend le contrôle de la ligne téléphonique de sa victime et appelle la police en inventant un drame qui mobilise les secours pour rien. « Ça a beau être la deuxième fois que je suis censé avoir tué ma femme – la première fois était en août l’an dernier –, ça n’a pas empêché la mobilisation d’une trentaine de personnes de plusieurs corps pour débouler chez moi en pleine nuit », poursuit Pierre Haski.

    Le journaliste fondateur du site Arrêt sur Images a lui aussi été concerné : « Le commissariat de mon arrondissement reçoit en pleine nuit l’appel d’un correspondant qui se fait passer pour moi. Ce correspondant affirme qu’il vient de tuer sa femme, et qu’il est retranché chez lui, prêt à tirer sur la police. Résultat ? Trente policiers de la BAC déployés dans l’escalier et dans la cour de mon immeuble, deux commissaires, une procureure adjointe, mes voisins réveillés au coeur de la nuit », résume Daniel Schneidermann.

    Comme il l’avait déjà fait en août 2014, le Syndicat national des journalistes, première organisation de la profession, apporte son total soutien aux victimes de ces attaques aussi lâches qu’indignes, qui portent atteinte aux droits fondamentaux de la presse, de la liberté d’expression et de la démocratie. Il se range résolument aux côtés des trois confrères dans toutes les démarches, plaintes, etc., qu’ils seront amenés à entreprendre.

    Le SNJ interpelle les autorités françaises : où en est l’enquête ouverte sur les premiers événements d’août 2014 ? À l’époque, cette forme de harcèlement psychologique touchant également les proches des journalistes ciblés, avait provoqué le décès du père de Benoît Le Corre, notre confrère de Rue89. Un individu résidant en Israël, ex-membre en France de la « Ligue de Défense Juive », se faisant appeler Ulcan, est très fortement soupçonné d’être à l’origine de ces attaques.

    Le SNJ réclame une nouvelle fois aux pouvoirs publics une réaction à la hauteur de ces tentatives de déstabilisation et demande au gouvernement de faire le nécessaire auprès de son homologue israélien pour faire cesser les agissements de ces activistes. Le SNJ interpelle le ministre de l’intérieur mais également Laurent Fabius qui doit se rendre à la fin de ce mois en Israël. Toutes les agressions se faisant sur le même modus operandi, la justice de ce pays doit collaborer avec les juges français. Le SNJ invite tous les journalistes à démontrer activement leur solidarité et à suivre de très près les suites données par les autorités françaises à ces agressions contre notre profession. Laisser se prolonger une telle impunité, c’est non seulement bafouer les règles élémentaires de la République mais aussi adresser un message de laisser-faire à des extrémistes qui entendent par tous les moyens faire taire les journalistes faisant leur travail en toute indépendance.

    Paris, le 19 Juin 2015

  • Fukushima, 4 ans après

    Fukushima, 4 ans après : les réfugiés de l’atome forcés au retour en zone contaminée

    4 juil. 2015 | Par Frederic Ojardias

    - Mediapart.fr

    Les 120 000 déplacés nucléaires de Fukushima font face à des pressions gouvernementales croissantes pour retourner vivre dans les zones pourtant fortement contaminées. Alors que la centrale ravagée continue de déverser sa radioactivité, le gouvernement japonais, farouchement pro-nucléaire, veut donner l’illusion d’un retour à la normale.

    De notre envoyé spécial au Japon. - « Ma maison est inhabitable. Elle est beaucoup trop radioactive. » Assis en tailleur sur son tatami, M. Nakano, 67 ans, ouvre son quotidien local à la page qui donne chaque jour, comme si c’était la météo, les taux de radioactivité de chaque hameau situé autour de la centrale dévastée de Fukushima Daiichi. Au feutre rouge, il a dessiné un point devant le taux de son village : 14,11 μSv/h. « C’est très élevé et très dangereux. En plus, c’est une mesure officielle, à laquelle je ne fais pas confiance. Je pense que la radioactivité y est en réalité encore plus forte. »

    Dans les zones évacuées, les courtes visites sont tout de même autorisées la journée. M. Nakano s’est ainsi rendu avec sa femme, en décembre dernier, dans leur maison désertée, située dans la commune d’Okuma, pour une cérémonie et des prières à la mémoire de son père défunt. Sur des photos prises lors de la visite, le couple apparaît couvert de protections de la tête aux pieds : blouse, masque, sac plastique autour des chaussures. « Nous n’aimons pas trop y aller. La maison est abîmée, les animaux sauvages y entrent, nous avons été cambriolés. Il n’y a rien à faire, à part prier, laisser des fleurs et regarder. La dernière fois, on est restés 20 minutes, et on est repartis. »

    M. et Mme Nagano vivent depuis 4 ans dans un petit deux-pièces, situé dans une barre de logements provisoires et préfabriqués, construits en urgence après l’explosion de la centrale. Au lendemain de la tragédie du 11 mars 2011, toute la commune d’Okuma, sa mairie, son administration et ses 11 500 habitants ont déménagé dans la ville d’Aizu-Wakamatsu, à 120 km du lieu de l’accident. Autour de cette cité d’accueil se sont multipliées ces barres de logements temporaires gris, sans étage et impeccablement entretenus.

     

    Un réfugié nucléaire prie devant la tombe de sa famille morte durant le tsunami © Toru Hanai/Reuters Un réfugié nucléaire prie devant la tombe de sa famille morte durant le tsunami © Toru Hanai/Reuters

     

    Dans le salon minuscule des Nakano, une table basse, un tatami et deux télés. Sur les murs beiges où les vis sont apparentes, ils n’ont accroché que deux photos : des clichés aériens de leur grande maison abandonnée, avec la centrale en arrière-plan. De leur unique fenêtre, la vue donne sur les autres préfabriqués. « Au début, tous ces logements étaient remplis. Mais ils sont à moitié vides maintenant, soupire M. Nakano. Seuls les plus âgés, 70 ans en moyenne, sont restés. Les jeunes partent s’installer ailleurs et refont leur vie. »

    Comme Yoshida Kuniyoshi, 34 ans. Cheveux long, petite barbiche, voix posée et déterminée, ce diplômé d’une université de Tokyo s’exprime en anglais. Originaire lui aussi d’Okuma, il vit dans une maison vacante d’Aizu-Wakamatsu, dont le loyer lui est payé par le gouvernement. Éditeur d’une petite revue locale, il gagne sa vie en donnant des cours de soutien scolaire dans une salle de classe improvisée, au premier étage de son domicile. « Le lendemain du tsunami, les haut-parleurs de la commune nous ont donné l’ordre d’évacuer à cause des radiations, se souvient-il. Avec mes parents, nous nous sommes enfuis à bord de camions de l’arméeJe suis très reconnaissant envers les habitants d’Aizu-Wakamatsu qui nous ont accueillis. »

    Yoshida Kuniyoshi sort d’un placard son compteur Geiger, soigneusement enveloppé dans une pochette en plastique. « Quand je retourne chez moi, ça bipe comme un fou, c’est flippant. » Sur son tableau noir, à la craie, il indique les doses maximales de radioactivité, bien trop élevées selon lui, autorisées par le gouvernement dans les zones où l’ordre d’évacuation sera bientôt levé.« Je ne leur fais pas confiance. Quand ils nous disent “c’est sûr”, je les soupçonne surtout de servir les desseins de l’industrie nucléaire. »

    Jeune marié, il n’a aucune envie de retourner s’installer dans sa maison irradiée, malgré la probable fin, d’ici deux ans, des indemnités et des aides financières. « Les journaux proches du gouvernement écrivent que les évacués coûtent trop cher. Il y a une pression pour mettre fin aux compensations données aux réfugiés nucléaires. Je pense que dans mon cas, elles cesseront dès 2017, comme c’est déjà prévu dans certaines zones. 2017 sera une année de combat », prévient-il, dans un petit rire amer.

    Ces indemnités sont pourtant modestes : 100 000 yens par mois (725 euros), une somme qui permet à peine de survivre dans un Japon où le coût de la vie est très élevé. Leur fin programmée est l’une des mesures les plus coercitives mises en place par le gouvernement du premier ministre Shinzo Abe, arc-bouté sur sa politique pro-nucléaire, pour contraindre les populations à retourner vivre dans les zones contaminées. Un grand nombre des 120 000 réfugiés nucléaires (officiellement enregistrés comme tels) étaient propriétaires de leur maison ou de leur ferme ; or la région n’est pas riche, et beaucoup n’auront pas les moyens financiers de s’installer ailleurs.

    Pour rassurer les populations déplacées sur leur retour, le gouvernement a lancé des travaux gigantesques de « décontamination » : pendant des mois, dans les zones évacuées parmi les moins irradiées, des milliers de travailleurs grattent les sols, enlèvent 5 cm de terre autour des habitations et dans les rizières, reconstruisent les routes, tentent de retirer le césium radioactif qui s’accroche aux surfaces. Ces travaux sont très onéreux, produisent des milliers de tonnes de déchets radioactifs qu’il faudra entreposer quelque part… et leur efficacité est remise en doute.

    « Ce que nous observons en pratique, c’est que dans ces soi-disant “zones décontaminées”, 90 % du territoire reste contaminé. La région possède beaucoup de forêts, qui sont impossibles à nettoyer. Les gens vont donc revenir dans des zones constituées d’îlots et de couloirs décontaminés, alors que le reste est toujours irradié, accuse Jan van de Putte, expert nucléaire de Greenpeace, interviewé dans le petit bureau de l’ONG à Tokyo. Ce n’est pas un endroit où vous voulez laisser vos enfants jouer dans la nature. Nous pensons que les populations évacuées devraient au minimum avoir le droit de choisir de rentrer, ou pas. Mais le gouvernement leur impose son opinion, ce qui est totalement irresponsable. »

    L’administration Abe veut à tout prix relancer une partie des 48 réacteurs à l'arrêt

    Dans la plupart des pays, la dose maximale de radioactivité admissible (en dehors de la radioactivité naturelle et des doses reçues lors de traitements médicaux comme les scanners) est fixée à 1 milliSievert (mSv) par an. C’est notamment le cas en France. Pour les travailleurs du secteur nucléaire, cette dose maximale passe à 20mSv/an. Or, à Fukushima, le gouvernement entend bientôt lever l’ordre d’évacuation dans des zones fortement irradiées, où même après « décontamination », les populations seront exposées à des doses proches de 20 mSv/an, « et jusqu’à 50 mSv/ an dans les endroits non-nettoyés », avertit Jan van de Putte.

    « C’est considérable. Je rappelle que c’est la norme pour les employés français du nucléaire, une norme qui sera appliquée à des enfants, à des nouveau-nés, à tout le monde ! Et il est évident que cela aura des conséquences sanitaires énormes », dénonce Cécile Asanuma-Brice, directrice adjointe du bureau du CNRS à Tokyo et chercheuse associée à la maison franco-japonaise de la capitale.

    Cette sociologue considère que la politique d’incitation au retour va au-delà de la fin des subventions et des travaux d’une décontamination illusoire : elle relève de la manipulation psychologique. « Le gouvernement cherche à créer un sentiment de nostalgie par rapport au territoire d’origine. C’est extrêmement vicieux. Par exemple, alors que les enfants commençaient enfin à s’établir et à se réintégrer sur leur lieu de refuge, on a organisé des ateliers avec leurs anciens camarades de classe de Fukushima. On les replonge avec leurs anciens amis, on les fait cuisiner, en leur expliquant que les légumes viennent du jardin du grand-père, de la tante. On leur raconte des légendes fabuleuses. Et quand le gamin revient chez lui, il demande : “Maman, on rentre quand à la maison ?” Cela génère une plaie ouverte. Les gens ne peuvent jamais s’établir. Psychologiquement, c’est invivable. »

    Cécile Asanuma-Brice pointe du doigt la complicité des organisations internationales du nucléaire dans cette politique de retour et dans les efforts sémantiques déployés pour dédramatiser la situation. « Par exemple, on ne parle plus de victimes, mais de “personnes affectées”. L’affect, cela renvoie à une attitude qui n’est pas rationnelle, c’est contraire à l’intellect. »

     

    Le Premier ministre Shinzo Abe particiupe à une récolte de riz dans la province de Fukushima en septembre 2014 Le Premier ministre Shinzo Abe particiupe à une récolte de riz dans la province de Fukushima en septembre 2014

     

    Ces efforts considérables déployés par le gouvernement de Shinzo Abe s’expliquent par une stratégie de normalisation : les autorités veulent faire croire qu’un retour à la normale est possible et qu’elles sont capables de gérer le désastre. L’administration Abe, soutenue par un puissant lobby nucléaire, veut à tout prix relancer une partie des 48 réacteurs nippons, tous à l’arrêt depuis plus d’un an. Avant l’explosion de Fukushima, le Japon était la 3e puissance nucléaire civile mondiale. La réticence face à l’atome d’une majorité de la population – la seule à avoir été victime d’attaques nucléaires, à Hiroshima et Nagasaki, en 1945 – n’entame pas la résolution des autorités.

    Or, pour donner l’impression d’un retour à la normale, il faut que le plus grand nombre de réfugiés nucléaires acceptent de rentrer chez eux. Pas seulement les personnes âgées (moins préoccupées que les jeunes générations par les effets à long terme de la radioactivité), mais aussi les jeunes, les médecins, les commerçants… D’où ces opérations massives de« décontamination » dans les zones évacuées, alors que d’autres zones toujours habitées et contaminées (comme par exemple la ville de Fukushima) ne font l’objet d’aucune opération de nettoyage. La contamination n’est en effet pas uniforme : elle se présente plutôt sous la forme d’un patchwork, avec des « points chauds » disséminés un peu partout, certains jusque dans la banlieue de Tokyo.

    Ces points chauds ne sont pourtant pas nettoyés. « Ces zones ne sont pas la priorité du gouvernement, regrette Jan van de Putte, de Greenpeace. On assiste à une concentration de moyens basée sur un agenda purement politique, et non pas sur la protection des populations. C’est une approche très cynique et scandaleuse. » Un même sentiment de colère exprimé par Cécile Asanuma-Brice : « On fait prendre le risque d’un investissement nucléaire à des populations qui ne bénéficient pas des risques pris. D’un point de vue des droits de l’homme, on marche sur la tête. »

    Face à ces pressions croissantes, les 120 000 évacués nucléaires sont divisés, entre partisans au retour et les autres. Des tensions ressenties jusqu’au sein des familles : « Je vois autour de moi de nombreux cas de divorces ou de séparations, observe Mme Furukawa, 51 ans, assistante maternelle, qui vit dans l’une des barres de logements provisoires d’Aizu-Wakamatsu. Dans mon village évacué, la radioactivité est retombée à 1 μSv/h (soit 8,8 mSv/an). Je sens que nous sommes forcés d’y retourner, mais je refuse. Pas pour moi, mais pour mes trois enfants. » Et son mari ? Elle rigole : « Mon mari, il m’obéit ! »

    Au début, les opposants au retour étaient très critiqués. Comme Mme Kowata, 59 ans, originaire d’Okuma, rencontrée dans la salle communale d’un lotissement provisoire. Cette toute petite dame alerte, aux yeux pétillants et au sourire communicatif, arbore une belle paire de chaussettes colorées à orteils séparés… et a fondé un réseau de femmes qui refusent de rentrer. Elle a entamé un long combat contre son maire pour que les sommes immenses perdues dans une décontamination jugée inutile soient utilisées pour construire, ailleurs, une nouvelle ville d’Okuma.« J’ai été très critiquée pour cela. Mais maintenant, quand les réfugiés voient la radioactivité toujours présente chez eux, ils refusent d’y retourner. »

    « Chez moi, les tatamis et le toit sont pourris. Je pense que quelqu’un y vit : j’ai retrouvé des baguettes utilisées et des bols de nouilles instantanées. Je lui ai laissé un message : “Cette maison est dangereuse, vous allez tomber malade…” » Mme Kowata a intenté un procès contre sa mairie et accuse son maire de contraindre ses administrés au retour alors que lui-même s’est construit une maison dans une zone sûre. « Le maire nous promet de l’emploi, il dit qu’il construira des usines et une ferme d’aquaculture… »

    C’est le contribuable japonais qui paie la facture de la gestion de la catastrophe

    « Fin mai, une enquête, menée auprès de 16 000 réfugiés nucléaires par un professeur de l’université de Waseda à Tokyo, a révélé que 40 % d’entre eux souffraient de stress post-traumatique et “d’angoisse de mort face au nucléaire”, souligne Cécile Asanuma-Brice. Comment peut-on contraindre ces personnes à retourner vivre sur le lieu de leur traumatisme, alors que la centrale en déliquescence n’est pas stable et que les tremblements de terre sont nombreux ? »

    Contrairement à une idée reçue, la crise dans la centrale de Fukushima-Daiichi est loin d’être terminée. Chaque jour, la Tokyo Electric Power Company (TEPCO), l'exploitant, y déverse 300 tonnes d’eau pour refroidir les barres de combustible. Cette eau radioactive est stockée dans d’immenses cuves à l’étanchéité remise en doute. Les cœurs de trois réacteurs – inaccessibles – ont fondu et ont traversé la première enceinte de confinement ; on ne sait pas jusqu’à quel point ces masses à très haute température ont traversé la deuxième enceinte pour atteindre le sol en béton de la centrale.

    Problème : la centrale fuit de partout et sa radioactivité contamine les nappes phréatiques et l’eau qui passe dessous pour rejoindre l’océan Pacifique. Ces fuites sont appelées à s’aggraver au fur et à mesure que les fissures s’élargissent avec le temps. C’est pour empêcher cette contamination souterraine que TEPCO a entamé la construction d’un « mur de glace » profond de 30 mètres et long de 1,5 km, une technologie incertaine qui n’a jamais été mise en œuvre à cette échelle. Autre sujet d’inquiétude : la structure de la centrale, en particulier le 4e réacteur, est très endommagée. En cas de nouveau séisme, d’autres dégagements d’intense radioactivité ne sont pas à exclure, s’alarme Jan van de Putte : « Je m’inquiète notamment de l’impact, impossible à évaluer, d’un éventuel dégagement de strontium radioactif. »

    Le gouvernement et TEPCO visent 2045 pour le démantèlement complet de la centrale. « Personne n’y croit ! s’emporte Shaun Burnie, autre expert de Greenpeace, en visite au Japon. Un dirigeant de TEPCO a reconnu qu’on ne disposait pas encore des technologies nécessaires pour retirer le combustible fondu. Il a même spéculé sur un démantèlement qui prendrait 200 ans. Personne n’en sait rien. »

    Entre 6 000 et 7 000 travailleurs sont employés chaque jour sur ce chantier cauchemardesque. Parmi eux, se trouve le fils de M. et Mme Nagano, le couple réfugié à Aizu-Wakamatsu. « Notre fils a besoin de gagner sa vie pour nourrir ses enfants », expliquent-ils. Sont-ils inquiets ? Haussement d’épaules : « La famille sait bien qu’il n’a pas d’autre choix. » TEPCO fait d’ailleurs face à une pénurie d’ouvriers : les plus expérimentés ne peuvent plus travailler car ils ont atteint la dose radioactive accumulée maximale.

    « La majorité de ces travailleurs ne sont pas des salariés de TEPCO, rappelle Shaun Burnie. Ce sont des sous-traitants, des sous-traitants de sous-traitants. Certains ouvriers sont des sans-abri, recrutés dans la rue. Leurs conditions de travail sont terribles, leurs salaires misérables, leur retraite inexistante. Nous avons le respect le plus total pour ces hommes qui font de leur mieux dans une situation impossible. » La situation fait en tout cas le bonheur des yakuzas : les gangsters japonais sont spécialisés dans le business du recrutement de travailleurs temporaires dans des conditions douteuses. TEPCO aussi s’en sort très bien : c’est le contribuable japonais qui paie la facture de la gestion de la catastrophe. En 2014, l’entreprise a même fait des bénéfices.

     

    Le Premier ministre Shinzo Abe encourage les decontaminateurs de TEPCO en septembre 2013 Le Premier ministre Shinzo Abe encourage les decontaminateurs de TEPCO en septembre 2013

     

    Il est encore trop tôt pour mesurer les conséquences de la catastrophe nucléaire en termes de santé publique : après l’explosion de la centrale ukrainienne de Tchernobyl, la hausse notable du nombre de cancers de la thyroïde, en particulier chez les enfants, a commencé à être observée 5 ans après la catastrophe. Au Japon, 4 ans seulement après les premières retombées radioactives, selon l’université médicale de Fukushima, sur 385 000 Japonais de moins de 18 ans, 127 ont été opérés ou sont en phase de l’être pour un cancer de la thyroïde. Soit un taux d’incidence de 330 cancers pour 1 million d’enfants, à comparer au taux de 1,8 pour 1 million observé en France (entre 1997 et 2001).

    Cette augmentation déjà visible des maladies liées à l’irradiation s’explique en partie « par le fait que le gouvernement n’a pas toujours dévoilé les informations les plus importantes après le début de la crise », regrette le Dr Hasegawa Hiroshi. Cet agronome spécialiste de la culture bio a démissionné de son poste de fonctionnaire après l’explosion de la centrale : il s’était disputé avec son patron, qui refusait de publier des informations liées à la radioactivité.

    « Les gens ne savaient pas quoi faire après l’accident : rester, ou partir ? Ils devaient prendre une décision, et je me suis dit que je pouvais les aider avec mes connaissances scientifiques. » Le Dr Hasegawa dirige désormais un « laboratoire citoyen » de mesure de la radioactivité dans la ville de Fukushima. Son labo fournit des mesures indépendantes du sol, de la nourriture et des doses accumulées par les individus. « Avec ces informations, nous donnons aux citoyens de Fukushima les moyens de prendre une décision. » Pour les enfants, les examens de mesure de la radioactivité du corps sont gratuits. Le laboratoire est financé grâce à des donations.

    Certains savent qu’ils ne retourneront jamais chez eux. Comme M. et Mme Watanabe, 65 et 62 ans, agriculteurs : leur ferme, située à 3 km de la centrale, se trouve sur un futur site de stockage des déchets issus de la « décontamination ». Un site « temporaire », prévu pour durer au moins 30 ans. Ce qui ne les empêche pas de retourner chez eux tous les mois, pour nettoyer, désherber, et prendre soin des tombes. « C’est plus fort que nous. Nous ne pouvons pas nous empêcher d’y retourner pour l’entretenir. » Mme Watanabe, le visage expressif et vif, retient ses larmes en parlant de leur maison et de leur ferme, dont une grande photo encadrée orne le mur de leur chambre à coucher.

    Mais les Watanabe refusent de s’apitoyer sur leur sort. Ils ont préféré éviter les logements préfabriqués et vivent dans un petit appartement d’Aizu-Wakamatsu. Lui fait du jardinage, elle travaille dans la cuisine d’un onsen, une source thermale locale. Sur le mur du salon, chacun a son calendrier, couvert d’activités et de rendez-vous. Ils sont fiers de montrer qu’ils ne restent pas inactifs, qu’ils ne sont pas des assistés. Ils demandent au gouvernement des indemnités qui leur permettraient d’acheter une ferme et de recommencer leur vie ailleurs. « Nous sommes les victimes. Pourtant, les bureaucrates nous disent : “Vos terres sont contaminées” et ce qu’ils nous offrent en échange ne nous permettra pas de nous installer ailleurs. Le Japon est-il toujours un État de droit ? »

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    « Avant la catastrophe, nous nous inquiétions un peu de la possibilité d’un accident nucléaire, mais jamais nous n’aurions pensé que cela puisse être si grave. Quand nous avons été évacués, nous pensions être de retour trois jours plus tard. Tous ces experts de l’industrie nucléaire nous assuraient : c’est une énergie sûre. Sûr, sûr, sûr, on entendait ce mot tout le temps. »

    Yoshida Kuniyoshi, l’éditeur de revue, lance un avertissement similaire, en nous raccompagnant hors de sa petite salle de classe : « Vous, les Français, vous devriez réfléchir aux conséquences d’un accident nucléaire chez vous. Les villes que vous aimez, les souvenirs que vous chérissez… Un accident nucléaire peut tout détruire. Ici, l’industrie nucléaire a tué nos vies, et tout ce que nous ont légué nos ancêtres. »

    Même écho chez les activistes de Greenpeace : « Contrairement à une idée reçue, les campagnes japonaises ne sont pas densément peuplées. À Fukushima, 230 000 personnes vivaient dans un rayon de 30 km. En Europe, la plupart des centrales nucléaires sont situées dans des régions plus peuplées. Un accident similaire en Europe aurait un impact beaucoup plus grave », remarque Jan van de Putte. Avec 73 % de son électricité produite par le nucléaire (au Japon : 28 % avant la crise, 0 % aujourd’hui), l’économie française est beaucoup plus dépendante de l’atome. Donc beaucoup plus vulnérable en cas d’accident. 

  • A Madagascar, on ne rigole pas avec la loi...

    Un périple autour du monde : à Madagascar, on ne rigole pas avec la loi

    Publié le 27 août 2015 dans Culture
     

    Parce qu’un con qui marche va toujours plus loin qu’un intellectuel assis, deux frères sont partis sur les routes depuis de longs mois, traversent les frontières, les villes et les campagnes à l’occasion d’un tour du monde à durée indéterminée, sans casques ni golden-parachutes. Au fil de leur voyage, ils livrent leurs impressions sur des expériences qui les ont marqués.

    Aujourd’hui, face à l’inflexible bureaucratie malgache.

     

    À Kampala (Ouganda), trois semaines après avoir croisé mon ami Florian à Mbeya (Tanzanie), je me voyais successivement refuser les visas éthiopien et saoudien (je ne voulais qu’un jour de transit pour faire les 50km entre les Émirats et le Qatar), pendant qu’il voyait son arrivée à Madagascar compromise par des douaniers un peu trop scrupuleux. Nous avions déjà fait part dans un précédent article de notre amour incommensurable pour les douaniers et de quelques moyens pour les berner. De sa plume, il livre à son tour son expérience des uniformes, malgaches cette fois :

    Après trois mois et demi à arpenter l’est de l’Afrique je m’envolais gaiement rejoindre un pote à Madagascar. D’après ses retours, à Mada c’est la fête permanente et nous allions bien en profiter. Bref j’étais impatient, d’autant plus que j’allais revoir mon plus vieux compagnon de voyage.

    J’arrive donc à l’aéroport d’Antananarivo et commence les formalités administratives : check de santé, achat du timbre et file d’attente pour l’obtention du visa. Une fois au guichet je vois qu’ils vérifient scrupuleusement si l’on a son billet de retour, je n’en ai pas, je n’en prends jamais pour garder de la flexibilité dans mes voyages.

    Une fois au guichet, cela devient un gros problème et on me met sur le côté.

    Ce n’est que le début d’une longue attente, 27 heures en tout, pour que l’on décide quoi faire de moi qui viens de commettre une si grave infraction aux règles de l’administration malgache.

    Quand je suis conduit au bureau de la douane je ne m’inquiète pas. Je n’imagine pas qu’une broutille comme ça puisse être grave, au pire j’achèterai un billet retour immédiatement ou lâcherai un bakchich. J’attends donc, longtemps, je m’emmerde et je tourne en rond. Autour de moi les douaniers sont estomaqués, venir à Madagascar sans un billet retour c’est inimaginable, inconscient, presque criminel. J’ai beau leur dire que j’ai déjà été dans plus de vingt pays, y compris la Russie et la Chine, sans aucun souci, ils sont inflexibles : dans les autres pays peut-être, mais à Madagascar on respecte les règles !

    Après deux heures d’attente, je rencontre enfin le chef, en costume militaire, belles épaulettes et chaussures de luxe, il prend l’affaire très au sérieux.

    Je m’explique, lui dis que je peux acheter un billet s’il le faut, et avec tous les sous-entendus que ça implique, qu’il y a forcément un moyen de « s’arranger » (il y a cinq personnes autour de nous je ne peux pas lui proposer d’argent devant eux). Il rigole méchamment et me dit qu’il doit réfléchir.

    Au bout de quelques temps un employé d’Air Madagascar vient me voir et me propose de réserver un faux billet pour dans trois jours, ainsi j’aurai un visa provisoire et à moi ensuite de me débrouiller pour le faire prolonger. Ça marche pour moi, on fait la commande, on imprime et on retourne voir le chef. Mais non ce n’est pas si simple, si j’ai un avion dans 3 jours je vais devoir attendre 3 jours à l’aéroport. J’abandonne donc l’idée et me prépare à passer la nuit à l’aéroport.

    Au cours de ces 27 heures j’ai eu le temps de causer avec tous ceux qui ont un problème avec la douane. Il y a un Kényan qui a bien un billet de retour mais qui visiblement ne plaît pas aux douaniers, il attendra trois heures avant d’obtenir son visa, pendant lesquelles il n’a jamais bien compris pourquoi il était là. Il y a aussi une Malgache, qui veut partir en Chine mais a un problème de visa. Pour une mystérieuse raison, au lieu de rentrer chez elle, elle restera avec nous pendant 24 heures. Le troisième est un Turc qui par je ne sais quel miracle a un visa touriste et un visa étudiant commençant le même jour, un crime odieux qui mérite certainement l’expulsion.

    Mais le plus chanceux d’entre nous c’est Thomas le Camerounais, il est volontaire pour une église depuis trois mois, pour faire renouveler son visa il a fait un aller-retour aux Seychelles. Là-bas ils l’ont expulsé parce qu’il n’avait pas assez d’argent. Il restera 24 heures à la douane avant de subir un interrogatoire de police puis trois jours de prison, le temps de trouver les fonds pour payer son retour au Cameroun. Le pire dans tout ça c’est qu’il est ami avec un des douaniers.

    Parmi les flics, certains sont assez sympas, nous accompagnent manger, nous installent pour dormir. Du coup on discute un peu et je vois qu’eux aussi trouvent ça stupide. Il y en a même un qui connait l’étudiant turc et essaie de l’aider, je lui saute dessus et lui demande de parler au chef pour moi, il s’enfuit presque en courant… Pas bon signe ça.

    Tous mes collègues d’infortune restent d’un calme olympien, assis sur leurs chaises à ne rien faire. Je ne sais pas comment ils font, moi je tourne en rond d’ennui et de rage, je demande toutes les 2 heures où ça en est. Au bout d’un moment je pète un plomb et je gueule, voici plus de 15 heures que cela dure et va falloir trouver une solution avant que je doive passer une autre nuit à l’aéroport. Je finis par apprendre que le chef suprême a pris sa décision et que je rentre à la maison par le premier avion. Pas de possibilité d’arrangement, de pot de vin, rien. Je suis expulsé.

    Voilà, je dois donc prendre un billet, à mes frais bien sûr. L’administration locale étant d’une efficacité redoutable, il faudra bien 3 heures (il faut dire que je trouve tous les moyens de faire chier, c’est ma petite revanche mesquine).

    Ils refuseront catégoriquement que j’aille ailleurs qu’en France, parce qu’ils sont persuadés qu’aucun pays ne me donnera de visa sans billet de retour…

    Il y a bien la possibilité d’aller à La Réunion mais il faut attendre un jour de plus ici, et à ce moment-là, je n’ai qu’une envie, celle de partir de cet endroit.

    Juste avant mon départ, le chef des douanes me dira qu’ils ont expulsé vingt personnes pour la même raison depuis le début de l’année, qu’il ne décide pas des lois mais se contente de les appliquer, bête et méchant. Je suis tombé sur le seul type du pays qui respecte la loi, c’est quand même con.

    Le pire dans cette histoire est que je connais au moins deux personnes qui sont entrées dans le pays sans billet de retour…

  • L’empire contre la Corée du Nord

    L’empire contre la Corée du Nord : l’histoire de la poule et de l’œuf ?

    Qui est à l’origine de l’escalade militaire ?

     
     
     

    Après l’essai nucléaire du 6 janvier 2016 - que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a présenté comme étant pour la première fois celui d’une bombe H – le Conseil de sécurité des Nations unies a envisagé le soir même, à l’unanimité, l’adoption de nouvelles sanctions contre la RPD de Corée – dont l’élaboration pourrait prendre à nouveau plusieurs semaines.

    Par ailleurs, de nombreux commentateurs ont repris l’analyse des armées américaine et sud-coréenne, selon lesquelles il ne s’agissait pas de l’explosion d’une bombe à hydrogène. Mais il y a plus significatif que la réaction, attendue, du Conseil de sécurité des Nations unies, et le débat (pas non plus nouveau s’agissant de l’arsenal balistique et nucléaire de la RPDC) sur la nature de l’essai nord-coréen, qui tend à occulter le fait que le programme nucléaire de la RPDC continue de se développer bien qu’elle soit déjà le pays le plus sanctionné au monde – ce qui, du reste, met en question l’efficacité de cette politique de sanctions. En revanche, ce qui est nouveau est la décision très rapide, dès le lendemain, de Washington et de Séoul de s’engager dans une escalade militaire, faisant ainsi peser de graves risques d’affrontements dans la péninsule coréenne.

     

    A été annoncé le déploiement en Corée de bombardiers américains B52, qui ont largué de nombreuses bombes au napalm pendant la guerre du Vietnam.

     

    Pour justifier la poursuite de son programme nucléaire avec l’essai réalisé le 6 janvier 2016, les autorités nord-coréennes avaient dénoncé la politique hostile des États-Unis et de leurs alliés. Elles invoquent aussi fréquemment le précédent des guerres d’Irak en 2003 et de Libye en 2011, qui les ont convaincues que seule une force de dissuasion crédible les protègera d’une attaque américaine. La réaction de Washington valide manifestement l’absence de volonté américaine de s’engager sur la voie de la paix, du dialogue et du désarmement : sans même attendre l’adoption de sanctions nouvelles par le Conseil de sécurité, les États-Unis ont annoncé unilatéralement le renforcement de leur dispositif militaire dans la péninsule coréenne, en laissant le soin de cette annonce à l’armée sud-coréenne, subordonnée au commandement militaire américain en cas de conflit.

    Selon la Défense sud-coréenne, les moyens supplémentaires déployés par Washington consisteraient en un sous-marin nucléaire, un chasseur F22 et un bombardier B52 - alors que se poursuit par ailleurs la construction de la base navale dans l’île de Jeju, qui pourra accueillir un porte-avions que ne possède pas la Corée du Sud - contrairement à la flotte américaine.

    Enfin, le gouvernement sud-coréen a annoncé qu’il reprendrait ses émissions de propagande par les hauts-parleurs disposés le long du trente-huitième parallèle qui sépare les deux parties divisées de la péninsule. En août 2015, la propagande sud-coréenne par haut-parleur avait entraîné une flamblée de tensions, heureusement conclue par un accord Nord-Sud : Séoul saisit ainsi l’opportunité de l’essai nucléaire nord-coréen pour remettre en cause cet accord, et relancer sa propagande.

    Après avoir condamné une nouvelle fois le programme nucléaire nord-coréen, la Chine a encore appelé l’ensemble des parties à la retenue – tout en sachant pertinemment que la base militaire de Jeju et le renforcement du dispositif américain en Corée la visent directement, au-delà de l’argument du programme nucléaire et balistique nord-coréen. Elle a ainsi réitéré son souhait d’une reprise du dialogue à six (les deux Corée, les États-Unis, le Russie, le Japon et elle-même) sur le dossier nucléaire en Corée, interrompu depuis 2009 – mais comment pourrait-elle être entendue alors que l’armée américaine annonce qu’elle-même déploiera de nouveaux vecteurs nucléaires au large de la Corée ?

    Un des meilleurs connaisseurs américains de la Corée du Nord, l’ancien gouverneur du Nouveau-Mexique Bill Richardson a observé, au lendemain de l’essai nucléaire du 6 janvier 2016, que la RPD de Corée voulait probablement un accord de sécurité avec les États-Unis couvrant les armes nucléaires, comme récemment l’Iran – sa démarche s’inscrivant dans une volonté d’être en position de force à la table des négociations. Une telle prise de position est rationnelle : face à l’échec des politiques de sanctions pour atteindre l’objectif d’une dénucléarisation de la Corée du Nord, il serait temps de prendre sérieusement en considération la voie alternative du dialogue, en tenant compte des attentes de Pyongyang dont les exigences de sécurité sont rationnelles. À l’opposé de la voie de l’escalade où a choisi de s’engager Washington, les négociations apparaissent bien comme la seule option viable pour tous ceux qui souhaitent sincèrement la paix et le désarmement, dans une Asie du Nord-Est qui serait enfin libérée des armes nucléaires.

  • De peuple élu à...

    De peuple élu à race supérieure, il n’y a qu’un pas

     

     

    Des Israéliens font expulser deux Arabes d’un avion grec sur simple critère ethnique

    Le ministère grec de la Justice a condamné jeudi « tout traitement discriminatoire », après l’affaire des deux passagers d’un vol d’Aegean Airlines, un Arabe israélien et un Palestinien, qui ont dû quitter un avion dimanche soir après avoir suscité par leur présence l’anxiété d’autres passagers israéliens.

    « À l’occasion de l’incident survenu le 3 janvier sur le vol (Athènes-Tel Aviv, ndlr) de la compagnie grecque Aegean, le ministère rappelle qu’il faut respecter rigoureusement le principe de l’égalité du traitement dans la prestation des services et des produits » entre les personnes, a-t-il indiqué dans un communiqué. Le ministère ajoute qu’il « condamne tout traitement discriminatoire pour des raisons d’origine raciale ou ethnique, de convictions religieuses ou autres ».

     

    Rappel des faits

    Dimanche, ces deux passagers ont dû descendre de l’avion d’Aegean Airlines avant le départ, quand des passagers israéliens se sont alarmés de leur présence dans le même appareil. La protestation, d’abord limitée à quelques personnes, s’est étendue à 60 ou 70 passagers, selon la compagnie.

     

    Résistance du pilote

    Malgré la résistance du pilote, qui a invité, selon la compagnie, ceux qui ne se sentaient pas à l’aise à débarquer à leurs frais, les deux passagers visés ont fini par demander eux-mêmes à descendre de l’avion, selon Aegean. La compagnie a précisé leur avoir offert une nuit d’hôtel et le transport jusqu’à l’aéroport et a tenu à « les remercier pour leur compréhension et collaboration ».

     

    L’OLP indignée

    Mercredi, l’Organisation de libération de la Palestine s’est indignée de l’incident et a pressé Athènes de sévir contre ces agissements « racistes ». « Nous sommes scandalisés devant les préjugés et la discrimination dont deux Palestiniens ont fait l’objet de la part du personnel de cabine de (la compagnie) Aegean » qui a « cédé aux pressions des passagers israéliens », a affirmé Saëb Erakat, secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine.

     

    Regrets

    À la suite de cette protestation, la compagnie aérienne Aegean a exprimé « son grand regret » pour cet incident dans une lettre adressée à M. Erekat. Elle a souligné que l’équipage de l’avion « devait gérer une situation très difficile » et qu’elle « rejetait naturellement toute possibilité de discrimination qui est complètement contre nos principes ».