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Presse - Page 2

  • « Les complices de l’islamisme »

    « Les complices de l’islamisme » :Marianne au zénith de la médiocrité journalistique

    par Julien Salinguele 26 mai 2015

    « Les complices de l’islamisme ». Tel est donc le titre de l’épais dossier (24 pages) de l’hebdomadaire Marianne du 22 mai 2015 (n°944) qui entend dénoncer, comme l’annonce la « une », les « alliés objectifs, compagnons de route [et] idiots utiles » de « l’islamisme ».


    Le dossier et son contenu ont rapidement fait le « buzz », notamment en raison d’un article, particulièrement remarqué, contre la station de radio Beur FM, et plus précisément contre l’émission quotidienne « Les Z’informés » [1]. 

    Voilà qui ne pouvait manquer d’attirer l’attention d’Acrimed.

    Nous avons donc lu attentivement le dossier et, le moins que l’on puisse dire est qu’en comparaison des ambitions affichées et desdéclarations tonitruantes du directeur de la rédaction de MarianneJoseph Macé-Scaron, nous sommes restés sur notre faim. En effet, une fois de plus [2], Marianne nous propose un dossier qui déborde de biais journalistiques divers, du plus insignifiant au plus grave : approximations, raccourcis, amalgames, absence de pluralisme, manœuvres voire manipulations, et sensationnalisme à peu de frais.

    Critiquer l’islam ? C’est évidemment le droit de tout un chacun, de même que chacun doit pouvoir librement dénoncer les dangers représentés par les intégrismes religieux, qu’ils soient juifs, chrétiens ou musulmans, et par leurs alliés. La critique des intégrismes religieux et des religions en général est même un exercice indispensable en démocratie, à la condition toutefois d’accepter certains principes : ne pas confondre une religion, des expressions radicalisées de cette religion, et les croyants ; tolérer la « critique de la critique » sans tomber dans le binarisme bushien (« Si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes avec les terroristes ») ; être construite de manière argumentée, rigoureuse et intègre.

    Or le moins que l’on puisse dire est que le dossier de Marianne est loin, très loin de répondre à ces critères.

    Pour ne pas accabler nos lecteurs et lectrices, et par souci de cohérence, nous avons concentré notre examen critique du dossier sur le long article de cadrage (huit pages, soit un tiers du total), rédigé par Éric Conan. Cet article condense en effet l’essentiel des thèses du dossier, les autres articles (que nous évoquerons brièvement en dernière partie) servant essentiellement à illustrer le propos d’Éric Conan, ainsi résumé dans le chapeau introductif :« Quatre mois après les attentats de janvier, certains arguments et certaines pratiques ont refleuri, qui, par lâcheté, idéologie, cynisme ou naïveté, balisent le chemin de l’islamisme. Enquête sur ces complicités, pas toujours conscientes mais toujours dangereuses ».

     

    I) Un voile sur la déontologie et la rigueur

    « L’enquête » d’Éric Conan s’appuie, comme toute enquête qui se respecte, sur un nombre important de témoignages, analyses et commentaires, venus d’intellectuels, de journalistes, d’universitaires, de responsables politiques et autres acteurs de la sphère publique. Si l’on s’en tient aux personnes (et groupes) explicitement cités (guillemets à l’appui), on dénombre pas moins de 43 noms, certains étant cités à plusieurs reprises.

    À première vue, le journaliste de Marianne a donc sérieusement enquêté et conduit un nombre important d’entretiens avec des acteurs divers, qui ne manquent pas de fournir matière et crédit à ce long article.

    Mais, à y regarder de plus près, les choses sont un peu différentes : la quasi-totalité des citations sont en effet extraites d’interviews ou de déclarations antérieures, pour la plupart déjà publiées dans d’autres médias. Sans qu’Éric Conan ne juge bon de le préciser, laissant penser qu’il est l’auteur de ces entretiens.

    Démonstration, chiffres à l’appui.

    Pour rendre justice à Marianne, nous avons retiré de notre comptabilité les déclarations publiques des responsables politiques français (tout en conservant les interviews « exclusives » accordées à certains médias), que l’hebdomadaire n’entend pas présenter comme des témoignages qu’il aurait lui-même recueillis [3], ainsi que celles du ministre des Affaires religieuses algérien Bouabdellah Ghlamallah. Nous avons également enlevé les citations lorsque la référence à l’original était explicite, ainsi qu’une déclaration de l’AFP, une déclaration d’enseignants de Seine-Saint-Denis et une déclaration du syndicat des chefs d’établissements. Nous avons enfin retiré, pour des raisons évidentes, une citation de Charb.

    Ce qui donne la répartition suivante : 
    Déclarations publiques de responsables politiques : 6 
    Citations sourcées : 4 
    Déclaration de l’AFP : 1 
    Déclaration d’enseignants du 93 : 1 
    Déclaration du syndicat des chefs d’établissements : 1 
    Citation de Charb : 1 
    Autres noms : 30 
    Total : 44 [4]

    Puis, nous nous sommes intéressés à ces « autres noms », et avons tenté d’établir combien d’entre eux avaient été réellement interrogés par Marianne, en examinant si les citations étaient des citations inédites ou si elles avaient été « empruntées » [5]. Le résultat est sans appel : 
    Citations inédites [6] : 2 
    Citations empruntées : 29 
    Total : 31 [7]

    Soit, plus précisément [8] :

    Au total, ce sont donc plus de 93% des témoignages, opinions ou analyses rapportées par le journaliste de Marianne qui sont issus d’articles de presse ou d’interviews antérieures et, au mieux, 7% d’entre eux qui sont des « nouveautés ». L’originalité de « l’enquête » en prend un coup : ces chiffres signifient en effet qu’Éric Conan s’est largement contenté de bricoler un article sur la base du travail préalable de ses confrères, reprenant les noms et les citations en les agrégeant pour produire un effet de légitimation dans son argumentation.

    C’est bien évidemment son droit le plus strict, mais la moindre des choses est, dans ce cas, de ne pas prétendre proposer une « enquête » et, surtout, de faire savoir que la quasi-totalité des citations sont « empruntées » à d’autres journalistes.

    On ne pourra en outre s’empêcher de relever que les citations (éventuellement) originales sont le fait de personnes tenant des propos qui vont à l’appui des thèses défendues par Marianne. En d’autres termes, et dans la mesure où il n’est précisé nulle part, dans l’article, que X ou Y aurait été sollicité mais aurait refusé de répondre aux questions d’Éric Conan [9], on en déduit que le journaliste n’a, au pire, pas contacté celles et ceux qui expriment un point de vue divergent, ou n’a, au mieux, pas jugé bon de publier leurs propos [10].

    Une démarche qui ne surprend guère quand on s’aperçoit que, parmi les « interlocuteurs » [11] cités, la proportion de personnes dont les déclarations vont à l’appui du propos général d’Éric Conan est de 24 sur 30, soit 80% des noms listés dans notre tableau.

    Ainsi :

    1) La rigueur et la déontologie d’un journaliste qui se contente, pour l’essentiel, de copier-coller des citations trouvées chez ses confrères, sans même prendre la peine de mentionner les sources originales, laissent à désirer.

    2) Le fait de n’avoir sollicité (ou fait parler) aucun opposant à ses thèses, de même que le fait d’avoir (très) largement privilégié les propos légitimant ses propres opinions, n’est pas le signe d’une enquête contradictoire, mais plutôt d’une instruction à charge. C’est ainsi par exemple que, lorsque le journaliste évoque « la scission d’une partie des Économistes atterrés dénonçant le suivisme d’Attac », une seule des deux parties a droit à la parole.

    3) Davantage que d’une enquête, il s’agit donc d’un article à charge construit autour de citations glanées ça et là et servant le propos général de l’auteur, sans que le parti-pris de ce dernier soit clairement assumé, et sans que les « emprunts » soient signalés. Des pratiques journalistiques condamnables, a fortiori lorsqueMarianne se permet d’infliger (nous y reviendrons), dans le même dossier, des leçons de journalisme à ses confrères de Beur FM. 

     

    II) Petites et grosses manipulations : l’intégrité sacrifiée

    Les biais que nous venons d’exposer ne sont, malheureusement pour Marianne, pas les seuls. Force est de constater qu’une fois de plus [12], les petites et grosses manipulations ne manquent pas, qu’il s’agisse des citations tronquées ou détournées de leur signification originale, des mensonges par approximation ou des amalgames douteux.

    1) Premier exemple de ces manipulations, avec un passage de l’article d’Éric Conan consacré à ce qui est selon lui l’un des multiples avatars des « complicités avec l’islamisme » : le « clientélisme diplomatique ». Extrait (p. 47) :

    Reprenons : si François Hollande, en privilégiant le nom « Daech », refuse d’associer à ce que Marianne nomme « l’État islamique », les termes de « monstre » ou une référence explicite (en français [13]) à l’islam, c’est pour plaire aux pétromonarchies du Golfe. Mais l’AFP a quant à elle « sèchement » refusé d’avoir recours à un tel « subterfuge ». On en déduit, et c’est ce que semble confirmer la citation attribuée à l’AFP, que cette dernière n’hésite pas, quant à elle, à utiliser le terme « État islamique ».

    Mais la vérité est très différente, et il suffit de se reporter au texte original de l’AFP [14], mais dans sa version non coupée parMarianne, pour s’en apercevoir :

    Comment appeler l’« État islamique » ?

    Nous avons décidé de ne plus employer telle quelle l’expression « État islamique ». Désormais, l’AFP utilisera l’expression « l’organisation État islamique » ou « le groupe État islamique ». Dans les titres des dépêches ou dans les « alertes », nous utiliserons si possible l’expression « djihadistes de l’EI ».

    [En d’autres termes, l’AFP rejette « sèchement » le nom adopté (entre autres) par… Marianne. Il valait donc mieux couper ce passage.]

    Une agence de presse internationale ne peut céder au « politiquement correct », ni aux pressions des uns et des autres pour que nous employions des termes tendancieux comme « terroristes » ou « égorgeurs ».

    [La manipulation d’Éric Conan est ici évidente : il a coupé la fin de la phrase (après « tendancieux ») pour laisser entendre que le terme considéré comme « tendancieux » par l’AFP était « Daech ». Il n’en est rien ! Ce sont les termes « terroristes » et « égorgeurs » qui sont visés ici par l’AFP. Et aussi, probablement, « monstres » ?]

    Bien sûr, nous ne pouvons pas changer le nom de cette organisation si elle a décidé de s’appeler comme ça, ni employer quelque chose comme « organisation qui se fait appeler État islamique ». De même, le mot « Daesh », l’acronyme de l’EI en arabe qui a été choisi notamment par le gouvernement français pour désigner l’organisation, est difficilement compréhensible pour le plus grand nombre.

    [Le refus d’utiliser le terme « Daech » n’a donc rien à voir avec les motifs « politiques » avancés par Éric Conan. Il s’agit d’un problème de « compréhension ».]

    Nous jugeons que l’expression « État islamique » est inappropriée pour deux raisons : un, il ne s’agit pas d’un véritable État, avec des frontières et une reconnaissance internationale. Et deux, pour de nombreux musulmans, les valeurs dont se réclame cette organisation ne sont en rien « islamiques ». Le nom « État islamique » est donc susceptible d’induire le public en erreur.

    [Soit l’argument exactement opposé à celui d’Abdennour Bidar et d’Éric Conan : l’AFP refuse d’assimiler « l’organisation État islamique » à l’islam en général et privilégie un nom qui permet d’opérer une distinction entre les deux entités, contrairement à Marianne qui, si l’on en croit l’AFP, utilise un nom « susceptible d’induire le public en erreur ».]

    Petit mensonge ou grosse manipulation ? À nos lecteurs et lectrices de juger.


    2) Autre exemple de ces manipulations, la référence (p. 49) au « rapport Obin », rédigé en 2004 :

    Donc, le « rapport de l’inspecteur Obin » aurait porté sur « les incidents islamistes et antisémites à l’école », et aurait de ce fait été « dissimulé ». C’est tout ? C’est tout.

    Mais, à la lecture des 37 pages dudit rapport Obin, il semble que les choses soient un peu plus complexes que ce que veut bien nous dire le journaliste de Marianne. Le titre du rapport tout d’abord, qui est sensiblement différent de la formulation d’Éric Conan : « Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires ». Nuance ?

    Le concept même d’« incident islamiste », ensuite : le terme « islamiste » ne figure à aucun moment dans le rapport Obin qui, s’il entend décrire, entre autres, un développement des expressions « islamiques » dans certains établissements scolaires, ne les confond jamais avec une pénétration « islamiste ». Un détail ? Pas vraiment. Nous y reviendrons.

    De même, et si le rapport Obin dénonce, entre autres, le développement d’un antisémitisme qui serait « généralement le fait de condisciples d’origine maghrébine » (p. 22), il n’est à aucun moment établi de corrélation directe entre l’islam et l’antisémitisme, contrairement à ce que la formule d’Éric Conan (« incidents islamistes et antisémites à l’école ») pourrait laisser entendre. Tout au plus peut-on lire ce qui suit (p. 15) :

    Ainsi, certaines « manifestations d’appartenance religieuse d’élèves » pourraient déboucher sur des incidents, et parfois sur certaines formes de racisme (et pas seulement l’antisémitisme). Mais une lecture attentive du rapport nous confirme que, parmi les religions étudiées, l’islam est loin d’être seul en cause, que l’antisémitisme n’est pas le seul des racismes constatés, en d’autres termes que la présentation un peu hâtive du rapport Obin comme étant un rapport « sur les incidents islamistes et antisémites à l’école » est largement erronée, pour ne pas dire malhonnête. Extrait (p. 15) :

    On constate donc, quand bien même l’honnêteté intellectuelle nous amène à dire que c’est surtout de l’islam (et non de l’islamisme, répétons-le) qu’il est question dans ce rapport, que les nuances sont un peu plus subtiles que ce qu’Éric Conan veut bien laisser entendre. Et, en l’espèce, l’argument de la nécessité d’être concis n’est pas recevable, a fortiori dans un article de huit pages : soit le rapport Obin est évoqué, et dans ce cas il convient de restituer sa complexité et ses nuances, soit il n’est pas évoqué. Le raccourci simplificateur du journaliste de Marianne, qui « résume » un rapport par une formule laconique destinée à servir son propre propos, n’est pas à son honneur, et nous lui conseillons en outre de (re- ?)lire attentivement le rapport auquel il se réfère qui, s’il peut venir à l’appui de certaines de ses thèses, comporte de nombreux passages tendant à les relativiser, voire même à les contredire [15]. On ne peut enfin que recommander à Éric Conan de tenir compte de l’avertissement figurant à la page 6 du rapport Obin : quand bien même les établissements scolaires étudiés constitueraient « sans doute un panel assez représentatif de cette marge particulièrement active du système éducatif »« cette étude ne peut donc prêter à généralisation et à dramatisation excessive : les phénomènes observés l’ont été dans un petit nombre d’établissements ».


    3) Islam ou islamisme ? Dernière manipulation (ici par approximation) que nous évoquerons : la confusion soigneusement entretenue par Marianne entre « islam » et « islamisme », voire même entre « intégristes », « musulmans » et « personnes d’origine étrangère ».

    Précisons tout d’abord que Marianne réussit l’exploit de consacrer un dossier de 24 pages aux « complices de l’islamisme » sans jamais donner de définition précise de ce que serait « l’islamisme » [16]. Voilà qui est pour le moins gênant, surtout lorsque l’on sait que ce terme est très loin de faire consensus : pour certains, le mot « islamisme » lui-même est ainsi sujet à caution, tandis que ceux qui l’emploient peinent à s’entendre, y compris et notamment dans le milieu de la recherche universitaire, sur l’étendue et la continuité du spectre qu’engloberait cette appellation. Cette absence de définition est non seulement une faiblesse majeure du dossier de Marianne, mais elle est en outre un terreau sur lequel peuvent s’épanouir confusions et amalgames.

    Nous venons ainsi d’évoquer la référence au « rapport Obin » comme un rapport portant sur « les incidents islamistes et antisémites à l’école », alors qu’il porte avant tout, comme son titre l’indique, sur « les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires » : un exemple de cet amalgame récurrent dans le champ politique et médiatique français, qui consiste à assimiler « naturellement » expression d’une identité musulmane [17] et « radicalisation islamique ».

    Un autre passage de l’article d’Éric Conan, où les positions supposées d’Edwy Plenel sont décriées, est emblématique de cette confusion (volontaire ?). Extrait (p. 46) :

    Nous doutons qu’Edwy Plenel ait jamais dit ou écrit que « l’islamisme » avait été « humilié par la colonisation », et nos lectures de ses livres et articles nous incitent plutôt à penser que selon lui ce sont les Musulmans, voire l’islam, qui ont été « humiliés ». Mais c’est à lui de répondre, s’il le souhaite. Ce qui est à noter ici, c’est que Marianne tire un trait d’égalité entre « islamisme », « catholicisme » et « judaïsme ». En d’autres termes, on assiste à une mise en équivalence entre deux religions (le catholicisme et le judaïsme) et l’expression particulière (et déformée) d’une troisième (« l’islamisme »). Si Marianne avait souhaité faire une distinction nette entre « islam » et « islamisme » (en général compris comme l’expression d’un islam radicalisé), il aurait alors fallu le mettre en parallèle avec, par exemple, « l’intégrisme catholique » et « l’intégrisme juif ». Ce qui n’a pas été fait, et ce qui entretient (volontairement) la confusion…

    Des confusions qui ne sont pas nouvelles, comme nous l’avions déjà relevé dans notre précédente étude d’un dossier de Marianne [18]. Tellement peu nouvelles que l’hebdomadaire recycle un exemple déjà utilisé (il y a quatre ans !) dans le dossier en question, exemple qui, s’il dégageait déjà une odeur peu agréable à l’époque, sent cette fois-ci très fortement le moisi (p. 51) :

    Puisque Marianne se répète, nous nous répéterons aussi :

    En quoi l’hostilité fondée sur une référence nationaliste à la Turquie est-elle musulmane ? (…) Bien malin serait le journaliste de Marianne qui pourrait nous expliquer ce qui, en islam, proscrit l’enseignement du génocide arménien.

    Ici, il ne s’agit plus seulement de mélanger « islam » et « islamisme », mais bel et bien d’amalgamer à l’intégrisme islamique des populations d’origine étrangère, ici les Turcs, sous prétexte que leurs parents ou leurs grands-parents auraient émigré d’un pays majoritairement musulman. Une forme d’essentialisation donc, qui consiste à lire les comportements des individus et des groupes musulmans (réels ou supposés) à travers le seul prisme d’une référence à l’islam.

    Puisqu’il affirme mener des « enquêtes », Éric Conan devrait savoir que la contestation du génocide arménien n’a rien à voir avec l’islam. Ce génocide a d’ailleurs été commis par un pouvoir, le régime des Jeunes-Turcs, qui brandissait fièrement le drapeau de la laïcité.

     

    ***


    Et le fond ? Telle est la question que certains nous poseront peut-être, avec des intentions plus ou moins louables, à la lecture de cet article. Le problème est qu’en l’espèce, il nous est impossible de séparer le fond de la forme. Nous le disions en introduction : Peut-on critiquer l’islam ? Oui ! L’intégrisme religieux ? Évidemment ! Celles et ceux qui, à visage couvert ou découvert, seraient les alliés d’un projet de société réactionnaire ? Bien sûr ! Et ce n’est certainement pas Acrimed qui affirmera le contraire.

    Tout le problème est que le dossier de Marianne est un dossier empli de parti-pris non assumé, de légèreté déontologique, d’approximations, de manipulations et d’amalgames [19]. Impossible dès lors de produire un jugement distancié sur le « fond » qu’il prétend apporter, a fortiori si l’on ajoute à notre étude de l’article principal un examen des autres articles du dossier : de l’attaque en règle contre une station de Radio, Beur FM, sur la base de deux phrases prononcées par des invités en avril dernier [20], à la critique virulente du Parti des Indigènes de la République sans qu’aucun des documents politiques de l’organisation ne soit cité, en passant par les six pages (un quart du dossier !) consacrés à un « imam radical » de Toulouse, à propos duquel l’hebdomadaire lui-même avoue ne pas savoir s’il est« obscurantiste ou illuminé », on reste dans le ton et la méthode de l’article d’Éric Conan.

    Si Marianne entendait démontrer autre chose que son manque de professionnalisme et d’honnêteté, c’est raté : la médiocrité du dossier et les méthodes contestables, voire déplorables, employées, ne convaincront personne sinon les lecteurs déjà convaincus par leurs propres préjugés. On serait même tenté de dire que l’ensemble de ces biais tendent à largement décrédibiliser par eux-mêmes la thèse de Marianne, à savoir l’existence d’un vaste réseau d’alliés et de complices de « l’islamisme » qui mettraient en péril le « ciment républicain ». Il serait temps que certains comprennent que les approximations, amalgames et manipulations, destinés à flatter les préjugés et à jeter l’opprobre ou la suspicion sur des individus ou des secteurs entiers de la société, n’ont rien à voir avec le journalisme.

    Julien Salingue

    P-S  : L’auteur de cet article, qui participe de façon régulière à l’émission « Les Z’informés », mise en cause par Marianne, a été présenté dans l’article consacré à Beur FM comme y intervenant en tant que « représentant d’Acrimed ». Ce qui n’est absolument pas le cas : il n’a jamais été, et ne s’est jamais, présenté comme tel. Encore une approximation de Marianne...

    Les membres de l’association Acrimed peuvent avoir des interventions (orales ou écrites) diverses, qui n’engagent personne d’autre qu’eux-mêmes, et en aucun cas l’association elle-même : la parole d’Acrimed s’exprime sur son site et dans son magazineMédiacritique(s), ainsi que dans ses propres initiatives publiques ou lorsque des membres de l’association prennent la parole publiquement au nom, et sur mandat, de l’association. (Acrimed)

  • Ce qu’il fallait gober cette semaine

     

     
         

     

    CQFG. Chaque semaine, ce peuple infantilisé qu’on appelle « les Français » doit avaler sa soupe, servie à la louche, dans l’écuelle du chien, au Kärcher, en pleine gueule et même en perfusion (certains ne s’en rendent même plus compte), par les médias complaisants qui relayent la parole dominante. Certains aiment ça, d’autres font semblant d’avaler, seule une minorité recrache.

     

    Festival de Cannes : Israël, twelve points

     

    Classe de pauvres du 93 invitée à Cannes. On attend toujours le lobby du cinéma dans un lycée du 93.

     

    Comme prévu, l’innommable a été nommé : Grand prix du jury pour Le Fils de Saul. Moins regardé que le concours Eurovision de la chanson, le concours cannois du sionéma rassemble la crème des films bien-pensants du monde. Le gratin du siobiz s’y retrouve dans une ambiance de fête et de commerce. Pas convié à la noce (à part cette classe coloured de 1ère du 9-3), le peuple regarde ailleurs, et les standing ovations grotesques que l’équipe violemment vulgaire du Grand Journal s’octroie, n’y changent rien. Les 20 millions d’euros de budget (CNC et Région) du raout et les six millions (simillon, simillon !) de Canal+ ont changé cet hymne au 7ème art en dégueulis bling-bling, qui pourrait un jour se transformer en blang-blang. La France produisant parallèlement des tonnes de frères Kouachi. Faudrait pas que ces deux mondes se rencontrent…

     

    Satellites déstabilisateurs

     

    Les pétards de l’oncle Kim

     

    L’Armée islamique est à l’Arabie saoudite ce que la Corée du Nord est à la Chine : le pendant militaire de la vitrine légale. En finançant de la main gauche un pitbull qui mord tout de qui bouge, et en jouant les juges de paix de la main droite, l’Arabie est entrée de force dans la cour des grands de la diplomatie mondiale. La Corée, comme chacun sait, vend de la technologie nucléaire aux pays non alignés sur l’axe américano-israélien. La Corée rouge, toute seule, n’est rien. C’est le petit teigneux avec le grand costaud derrière, qu’on a tous connus dans la cour de récré. Intouchable. Et aussi teigneux qu’il est intouchable. Corée du Nord et grande sœur Chine Populaire, il s’agit en réalité d’un même corps, en deux parties apparemment distinctes. Comme ce quarteron de conseillers de l’Assemblée de Corse qui jouent à la démocratie la journée, et aux pétards la nuit (bleue). La politique, comme les rapports humains, a besoin d’un vernis moral sur ses tuyauteries coupables.

     

    Question de géoterrorisme à 100 000 euros

     

    Paris Match remercie les frères Kouachi

     

    Comment les services israéliens (Mossad, Aman, Lakam), dont l’un des objectifs est de développer le sentiment antimusulman dans les pays occidentaux, arrivent-ils à provoquer de réels attentats antijuifs et/ou antichrétiens, qui partent effectivement d’une réelle mouvance islamiste ? Comment contrôler des microcellules constituées de désespérés plus ou moins suicidaires ? C’est justement la structure éclatée de la « mouvance » (comme le terme est bien choisi) qui facilite la création de cellules factices détournées de leurs objectifs « naturels » par le haut.

    Dans American Tabloïd, James Ellroy, qui a les moyens de se payer des enquêteurs dans le monde entier pour remonter de l’info non conforme (qu’il cimente par du roman), explique comment la CIA formait dans les années 60 des unités dormantes de tueurs anticommunistes… totalement inconscients de la programmation subie. Ils prenaient leur officier traitant pour un « ami », qui aiguisait leur haine anti-Rouges et leur fournissait peu à peu la logistique nécessaire, oubliant évidemment le plan de sortie. En général, le tueur était éliminé après usage, et son dossier, qui sortait opportunément dans un journal bien choisi, plaidait lourdement contre lui.

    Un drôle d’air de déjà-vu, n’est-ce pas ? Toute la difficulté consistait à « vendre » la légende du tueur isolé ou du terroriste à moitié fou à la presse, qui peut légitimement se demander : « Si on connaissait son pedigree, pourquoi l’avoir laissé libre d’agir ? » Plaider alors le manque de budget des services (d’une pierre deux coups, puisque une augmentation du budget Sécurité est en général votée dans la foulée), ou le trop rigoureux cloisonnement entre les différents services (qui se concurrencent parfois les uns les autres), pourtant obligatoire pour des raisons de… cloisonnement ! Une totale intoxication, mais bien construite.

    Il suffit donc, pour un service mal intentionné, de cibler un révolté (voir l’histoire de Coulibaly, qui assiste à la mort de son comparse après un braquage foireux, ou des frères Kouachi, à l’enfance massacrée, quand on ne les recrute pas directement en prison, pour infiltrer les filières antioccidentales), de le mettre en contact avec une fausse tête de réseau complice (le Mossad rémunère depuis toujours des insiders arabes dans toutes les organisations, sauf peut-être au Hezbollah, ce qui explique la longévité et le dynamisme de cette organisation antisioniste par rapport au Fatah ou à l’OLP), et de lui laisser commettre un véritable attentat.

    « Le voyage sans issue de deux paumés », titrait le 11 janvier 2015, quatre jours seulement après le massacre de Charlie Hebdo, l’hebdomadaire Paris Match. En sortant une enquête fouillée sur les frères Kouachi, qui avait démarré en… 2005. No comment.

     

    « Al-Qaïda annonce la mort de celui qui a revendiqué 
    l’attaque de Charlie Hebdo »

     

    « Nasser Ben Ali Al-Anassi » « serait » « mort »

     

    Le gros titre du Parisien, organe quasi-officiel et (donc) en déficit du ministère de l’Intérieur, se prolonge ainsi :

    « Nasser Al-Ansi a été tué par un drone américain au Yémen, a annoncé jeudi Al-Qaïda dans la péninsule arabique. L’homme avait revendiqué au nom du groupe extrémiste l’attaque contre Charlie Hebdo. »

    Ça, c’est le gros éclat d’os (on ne parle même pas de lard) qu’il faut avaler tout cru cette semaine, en plus du brouet habituel. Le commanditaire finit toujours par être éliminé juste avant que les journalistes ne s’intéressent vraiment à lui… pour ceux qui suivent les pistes officielles, semées de petits cailloux blancs gros comme des parpaings. Il est lourd, le scénario gouvernemental !

     

    Nous sommes tous des survivants de la shoah 

     

    Survivant des camps, Bernard-Henri récupère lentement

     

    Survivant de la shoah, avec sa rémunération croissante, est bien un métier d’avenir. Le seul problème, la nébulosité du périmètre de définition. Apparemment, quelques petits malins se glissent au milieu des vrais survivants, qui disparaissent chaque année comme les Poilus de 14. Question : les enfants et petits-enfants peuvent-ils bénéficier du statut de survivants ? Faire des procès à la SNCF ? Quelle que soit la réponse, faudra-t-il indemniser ad vitam aeternam ces descendants devenus par magie des « survivants » ? Hérite-t-on de la survie, et de tous ses avantages ? Et l’esclavage, les déportations brutales du commerce triangulaire, on tire un trait dessus ? Y a–t-il prescription ? Si oui, qui décide de cette prescription ? Finkielkraut a beau dire que la Traite et la Shoah ne sont pas comparables, on ne voit pas tellement de différence entre le travail forcé doublé de l’élimination des « inutiles » (faibles, malades, femmes enceintes par-dessus bord), pour les Africains aux Amériques, et le travail forcé doublé de l’élimination des inutiles pour les juifs à l’Est. Il n’y a pas de spécificité, il n’y a pas deux justices, ou la justice pour les uns, et rien pour les autres. Soutenir ça, c’est mal barrer la barque humaine.

     

    Pogba sur le marché aux esclaves

     

    Paul arrive en Espagne

     

    Paul Pogba, la dernière pépite française qui joue à la Juventus de Turin, met le feu au marché des transferts. Annoncé au PSG, puis à Manchester (United), Barcelone, et enfin Madrid (Real), les propositions oscillent entre 80 et 100 millions d’euros ! En plus, le jeune joueur de 22 ans réclame un salaire triplé par rapport à l’Italie, pour atteindre 15 millions d’euros par an. Se vendre au plus offrant, ça a un nom, dans la société civile. Pourquoi ne pas aller en Arabie saoudite ? Aujourd’hui, le foot est faussé parce que le facteur financier prime sur le facteur sportif. Il reste à boycotter les fausses équipes, pour ne regarder que les équipes à ossature régionale ou nationale. On pourrait d’ailleurs faire pareil pour nos animateurs médiatiques.

     

    Facteur financier secondaire

     

    Fallait pas l’inviter

     

    Patrick Cohen (après Jacques Attali) invité de Thomas Hugues dans Médias, le mag. Patrick, cet inconnu. Invité partout et tout le temps, pour en plus faire la gueule à ses intervieweurs. Pourquoi ne pas changer un peu, et inviter le générateur d’idées politiques Alain Soral ? L’émission du dimanche midi ferait un énorme score, bien au-delà des 600 000 téléspectateurs assoupis par le ronron idéologique (tout le monde est toujours d’accord avec tout le monde sur le plateau). Il y a donc un facteur supérieur au facteur financier, à la télé : le facteur politique. Cela explique la chute libre des audiences et des revenus globaux de cet ex-média de masse. Les petites chaînes crèvent les unes après les autres (la pub se déporte vers le Net), et les grandes chaînes se battent dans un marigot en peau de chagrin. À l’instar du Monde ou de Libé, le groupe France Télévisions ne pourrait pas vivre une seconde en milieu non subventionné. Quant au groupe TF1, il étrangle lentement ses budgets. Compressions de budget et de personnel, génération des 15-25 qui s’en détourne, la propagande a du souci à se faire.

     

    « Ils n’auront pas mon suicide »

     

    BHL raccompagne Christiane Taubira, qui a décidé de changer de sexe

     

    Après avoir scié la France en deux, Taubira se victimise. Déjà mal aimée, non parce qu’elle est noire, mais parce qu’elle est l’obligée de Pierre Bergé, la ministre qui veut démissionner tous les deux jours indispose réellement le pays. On lui doit le mariage gay, dont tout le monde se fout, même les gays, mais on lui doit surtout la GPA, bébé planqué dans le tiroir du mariage. Ce coup de vice, couvert par son aura de femme noire indépendantiste de gauche, est une véritable ignominie. Et ça se dit défenseuse des droits des plus faibles, en France et dans le monde ! Alors que sa loi pourrie va permettre d’externaliser les ventres des riches homosexuels occidentaux (qui se marieront pour la forme), sans compter les pédophiles, qui auront un boulevard pour leurs saloperies. Rendre ça légal, et donc possible, est tout simplement criminel. Ici, personne ne veut que Taubira se suicide, juste qu’elle ouvre les yeux sur l’ignominie. Mais elle préfère jouer les victimes, ce qui, de la part d’une femme aussi intelligente, est la preuve d’un double jeu amoral. Vous voyez, on peut s’opposer à la femme de Chambre de Bergé sans être raciste !

     

    Le monde a besoin de l’avis de Caroline Four

     

    Éloge du blasphème ? Caro soutient Dieudonné !

     

    Dans Le monde selon Caroline Fourest, diffusée sur France Culture le 11 mai 2015, Fourest défouraille sur les militaires français accusés de viols en Centrafrique :

    « On doit regarder bien en face le comportement de ceux qui ont sali leur uniforme et l’image d’une France enfin protectrice et non colonisatrice. »

    Comprendre par là que cette antiraciste de haut vol autorise les invasions armées en cas de motif humanitaire. C’est la doctrine Kouchner, qui sous couvert d’empathie humaniste légitime tout ce qui va dans le sens du néo-impérialisme américano-israélien. Caro ne déroge pas à la règle dominante et donne, bonne fille, un bon point à la force Sangaris. Doit-on s’attendre un jour à ce que Caroline accède au poste de ministre de la Défense ? Ou un trav au ministère de l’Économie ? Sincèrement, avec ces (faux) socialistes, tout est possible, tout.

     

    François, larbin des Saoud

     

    L’homme qui vend la France à l’étranger…

     

    Combien vaut la politique extérieure de la France ? Quelques dizaines de Rafale, qu’on se le dise. Ce n’est même pas par amour de la France que les Arabes draguent Hollande, uniquement pour contrarier les Américains, qui misent désormais sur la puissance iranienne au Moyen-Orient pour mettre un terme au bordel ambiant. Un Iran qui représente aussi un sacré pactole. Les quelques millions d’habitants des pays de la péninsule arabique ne pesant pas lourd face au grand marché iranien en plein essor : 78 millions d’habitants aujourd’hui, 105 en 2050.

    L’Iran, un pays qui cimente littéralement trois continents : les pieds dans le Golfe persique (face à l’Arabie saoudite), des frontières communes avec la poudrière de l’ex-URSS, à quelques encablures de la Géorgie et de la Russie méridionale, un frontal ombrageux avec un Pakistan instable, un Afghanistan volcanique, le Turkménistan et ses voisins musulmans qui inquiètent la Chine, une entrée sur la mer Caspienne, l’Azerbaïdjan, la Turquie presque européenne, l’Irak en feu, la Syrie en guerre… et depuis que l’Iran envoie ses troupes en Irak, la frontière israélienne, pardon, palestinienne, se rapproche. Question : les États-Unis vont-ils changer de gendarme dans le Golfe ?

  • Dieudonné et Liberté d'expression

    Art Spiegelman défend la liberté d’expression de Dieudonné

     
         

    Dans un entretien donné en janvier dernier à l’hebdomadaire allemand Die Zeit, le célèbre dessinateur Art Spiegelman a estimé que le deux poids, deux mesures entre Dieudonné et Charlie Hebdo était absurde et que l’humoriste devait pouvoir s’exprimer librement.

    « En France, il est parfaitement normal de se moquer de Mahomet, Jésus, le pape, les rabbins ou les prêtres […] Mais il y a des frontières en France – et, sans vous en apercevoir, vous vous retrouvez face à une contradiction hypocrite. Le blasphème est dans l’ordre des choses, mais dès que vous dites quelque chose d’antisémite… […]

    L’exemple frappant est le comédien Dieudonné, qui a été arrêté parce qu’il s’est moqué des victimes des attentats […] Si je devais censurer quelqu’un, ce serait lui. Mais la réaction rationnelle à cette situation devrait être différente, je ne vais pas aller manger au restaurant avec ce gars, je vais réfuter ses opinions à chaque occasion. Mais bien sûr, il a le droit de les exprimer. Mais il ne peut pas en France, car il y a des lois contre les discours de haine, comme en Allemagne.

    Dieudonné est dangereux, et des mesures doivent être prises contre lui. Mais ce qui se passe actuellement est absurde. Et surtout contre-productif. […] Même moi, en tant qu’enfant de survivants de l’Holocauste, je ne peux pas comprendre ce deux poids, deux mesures [1]. […] Ce que la France est en train de faire est très stupide. »

    Des déclarations qui pourraient donc laisser entendre que les lois mémorielles comme la loi Fabius-Gayssot devraient être abolies, pour laisser place à un débat qui permettrait de « réfuter » les thèses les plus fallacieuses. Cet entretien n’a pas choqué outre-Rhin, le quotidien Die Welt (24 février 2015) ayant même titré, sans ironie : « Bien sûr que nous pouvons nier l’Holocauste ! », dans un article relatant l’entretien donné par Spiegelman au Zeit.

    Au cours de cet entretien, Art Spiegelman a également estimé que « la France est en train de faire les mêmes erreurs que l’Amérique dans l’après-11 Septembre ».

    Âgé de 67 ans, Art Spiegelman est mondialement connue pour la bande dessinée Maus, réalisée dans les années 1970 et 80. Cette œuvre majeure du répertoire de la Shoah, où les Nazis sont représentés en chats et les juifs en souris, a notamment obtenu le prix Pulitzer en 1992. Le dessinateur new-yorkais s’est déjà manifesté par des œuvres non-conformistes, comme ce dessin paru dans The New Yorker le 15 mars 1999 :

     

    Notes

    [1] Phrase originale : « Selbst ich, als Kind von Holocaustüberlebenden, kann dieses Messen mit zweierlei Maß nicht richtig verstehen. »

  • Pierre Bergé regrette l’indépendance éditoriale du Monde

     

    par Martin Coutellier le 13 février 2015

    Réagissant à la publication des « Swissleaks » par le quotidien dont il est copropiétaire, Pierre Bergé livre une conception particulière de l’indépendance éditoriale, qu’il bafoue au passage.

    Parmi les nombreuses réactions à la publication des « Swissleaks » par le journal Le Monde, celles de Mathieu Pigasse et de Pierre Bergé ont évidemment un caractère particulier, puisqu’elles révèlent ce que pensent deux des détenteurs [1] du journal du travail des journalistes qu’ils emploient.

    Ainsi, la déclaration du banquier Mathieu Pigasse, signalant lors de la matinale de France Inter le risque de basculement de son journal dans « le maccarthysme fiscal », aurait pu ne pas passer inaperçue. Mais l’homme d’affaires Pierre Bergé, un peu plus tard sur RTL, a quelque peu éclipsé la remarque de Pigasse. Il explique d’abord son malaise vis-à-vis des révélations publiées dans Le Monde : « Est-ce que c’est le rôle d’un journal, et surtout d’un journal comme Le Monde, de jeter en pâture des noms, des gens ? Pourquoi Gad Elmaleh ? Qu’est-ce que ça veut dire ça ? ». Avant de préciser : « (…) ce n’est pas ça que devrait être un journal, en tout cas un journal comme Le Monde. Et ce n’est pas pour ça que je suis venu au secours du Monde et ce n’est pas pour ça que j’ai permis aux journalistes du Monde d’acquérir leur indépendance. Ce n’est pas pour ça. Ce sont des méthodes que je réprouve totalement et qui n’ont aucune justification ». Et l’on comprend par là ce que Pierre Bergé pense de l’indépendance des journalistes vis-à-vis du ou des propriétaire(s) de leur journal : quelque chose qu’il revient au(x) propriétaire(s) d’autoriser, ou non ; et qui permet aux journalistes de pratiquer les méthodes que le(s) propriétaire(s) approuve(nt).

    Ayant vraisemblablement une autre perception de l’indépendance éditoriale (peut-être parce qu’elle ressent les pressions qui menacent cette indépendance), la Société des rédacteurs du Monde a réagi dans un communiqué. On y trouve notamment cette affirmation, qui semble se vouloir auto-réalisatrice : « Cela n’a pas empêché et n’empêchera pas les journalistes de travailler sereinement en toute indépendance et responsabilité. » Malheureusement l’indépendance ne se décrète pas. Et les déclarations de bonnes intentions [2] ne suffisent pas à l’instaurer, surtout lorsqu’au travers d’autres déclarations, publiques et très médiatisées, le(s) propriétaire(s) se permettent de peser sur les futurs choix éditoriaux, quoi qu’en disent ceux qui les prennent.

    Dans quel metier imaginerait-on en effet que l’avis de personnes qui peuvent eventuellement décider de votre renvoi soit une donnée qu’on peut choisir de négliger ?

    Martin Coutellier

    PS : la rédaction du Monde a reçu le soutien de Laurent Joffrin, sous la forme d’un tweet flagorneur et… déconnecté :

    « Libre », en effet, de censurer à répétition un journaliste récalcitrant, de trapper des informations inopportunes, ou de saborder la rédaction au point que le pire sera pour ceux qui restent.

    Notes

    [1] Le troisième est le chef d’entreprise Xavier Niel.

    [2] En dehors du « pacte » signé en 2010 et mentionné dans le communiqué de la Société des rédacteurs du Monde, Pierre Bergé avait notamment déclaré sur France Culture le 11 janvier 2011 : « je n’ai pas ni les pouvoirs, ni l’envie, du tout, de peser sur la rédaction du Monde  »  ; l’extrait sonore est en ligne ici.

  • Philippe Val a déjoué un complot

    Philippe Val a déjoué un complot : Acrimed gangrène la formation des journalistes !

    par Martin Coutellier le 9 février 2015

    Ayatollah en charge de l’épuration du journalisme, des médias et de la critique des médias, Philippe Val, patron licencieur (de Siné, Porte et Guillon) et chasseur de têtes, n’est jamais en panne d’inspiration : la liste est longue de ses mensonges et calomnies d’une insondable bêtise. Et elle vient de s’allonger…

    Il y a peu, parmi les facteurs qui expliqueraient selon lui « la crise que traverse le journalisme », Philippe Val avait découvert celui-ci, sans doute le principal : « On peut relever l’intérêt des jeunes journalistes pour l’idéologie de Bourdieu selon laquelle les dominants ont toujours tort et les dominés toujours raison » [1]. Pierre Bourdieu, c’est connu, a soutenu une pareille imbécilité ! Mais c’est dans le Causeur du mois de février que nous découvrons une nouvelle façon originale de présenter, toujours en le dénigrant, le rôle qu’a pu jouer la critique radicale des médias, et en particulier Acrimed. Élisabeth Lévy déclare (p. 93), non sans déploration sous-entendue, « [que] la dénonciation de "l’islamophobie" bat son plein » : une occasion pour Philippe Val d’affirmer avec un sens subtil de l’à-propos :

    (cliquer pour agrandir)

    Si elle n’était produite par un psychiatre [2], cette prose inquiéterait véritablement pour les capacités intellectuelles de son auteur. Mais, en grand penseur qu’il est [3], peut-être Philippe Val a-t-il été trop vite pour nous.

    Reprenons le déroulement de la pensée Valienne. « L’information est de plus en plus idéologique en France ». Admettons que Philippe Val ait des éléments permettant de le soutenir, et qu’il préfère les garder pour lui. « Vers 1995, on a vu arriver des petites boutiques comme Acrimed, assez marginales mais virulentes, qui se sont lancées dans la critique des "médias dominants". Après tout, pourquoi pas, c’était marrant de dénoncer les collusions ». Que Philippe Val réduise la critique des médias dominants à la dénonciation de collusions révèle peut-être une vision complotiste de la situation des médias, mais nous n’osons le penser. Quoiqu’il en soit, pour Philippe Val : Acrimed, au début, c’était marrant. « L’ennui, c’est que c’est très vite devenu une fabrique de complotisme ». Acrimed, une « fabrique de complotisme » ? Sur quelle intervention publique d’Acrimed, écrite ou orale, peut reposer une telle déclaration ? Nous ne le saurons pas. Et quand on n’a aucun argument pour le démontrer, « complotisme » n’est rien d’autre qu’une insulte.

    La suite du propos de Philippe Val peut nécessiter la prise de paracétamol à doses croissantes : « les gens qui sont sortis de là sont devenus profs et formateurs de journalistes ». Est-ce grâce à sa virulence, et malgré sa marginalité, qu’Acrimed a produit tant de profs et formateurs de journalistes, sans même le savoir ? L’association est-elle devenue, sans qu’aucun de ses membres ne le réalise, un genre d’officine de formation, d’où l’on « sort » avant de se précipiter en hordes conspirationnistes, dans les écoles et les facs pour former les journalistes de demain ? Une enquête de terrain menée de toute urgence semble montrer que non : pas un seul des « gens qui sont sortis » d’Acrimed n’enseigne dans les écoles de journalistes. À court d’hypothèses, nous prendrons la seule restante : Philippe Val raconte n’importe quoi.

    Mais comme souvent, le meilleur est pour la fin : « on se retrouve avec une génération de journalistes massivement convaincue qu’il faut dire certaines choses et pas d’autres, qu’il y a une vision du "Bien" par rapport à laquelle on doit se situer ». Tentons de résumer : il existe une génération de journalistes à l’esprit déformé par la formation inculquée par Acrimed [4] ; or cette déformation a des conséquences que Philippe Val veut critiquer ; mais cette critique ressemble à une mauvaise caricature de celle développée par Acrimed. Il ne manquerait plus que Philippe Val forme des journalistes…

    Martin Coutellier (grâce à un signalement et une image diffusés sur Twitter par Sébastien Fontenelle)

     L’occasion de se plonger dans notre rubrique « Philippe Val, fabuliste et patron ».