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Conso - Page 2

  • Monsanto :Ravages dans son sillage

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    Monsanto a réussi à prendre le contrôle de la production du coton en Inde avec l’appui de gouvernements soumis, néo-libéraux et aujourd’hui 90% de la production dépend des semences et des poisons. Ce qui a entraîné une destruction du mode paysan de production du coton et l’endettement généralisé des producteurs. La conjonction de l’usage de produits toxiques qui ont mené à la dépression et à la honte de la dette, ont poussé depuis 1995 284.000 paysans indiens au suicide. Un véritable génocide occulté par les grands médias du monde entier et dont le coupable principal est l’entreprise privée Monsanto.

     

    C’est pour près de 3000 personnes que la célèbre scientifique indienne Vandana Shiva a réalisé un exposé d’une heure et a répondu aux questions, ouvrant la IIIème journée internationale d’agro-écologie à Botucatu, Brésil, l’après-midi du 31 juillet 2013.

    Vandana Shiva a commencé par raconter sa vie d’étudiante en biologie et en physique quantique à l’université, aliénée par rapport aux réalités du monde, jusqu’au choc que signifia pour elle le tragique accident survenu dans l’usine états-unienne de pesticides Union Carbide, installée à Bhopal qui causa la mort de 35 mille indiens, il y a trente ans. A partir de là, elle s’est convertie à la cause du peuple et n’a cessé d’enquêter sur les activités des entreprises transnationales dans l’agriculture. 

    Elle est aujourd’hui considérée comme une des principales scientifiques et chercheuses en matière des atteintes à la santé et de la destruction de la biodiversité que les OGM et les produits agro-toxiques des entreprises transnationales causent dans le monde entier.

    Elle est repartie des conséquences de la “révolution verte” des années 60, que le gouvernement des États-Unis imposa à son aire d’influence comme moyen de vendre plus de produits agro-chimiques et plus de marchandises agricoles, subjuguant la paysannerie de tous ces pays. Résultat : 65% de toute la biodiversité et des ressources en eau douce mondiale ont été polluées par les agro-toxiques. Des études montrent que 40% de l’effet de serre qui affecte le climat planétaire est causé par l’usage excessif et non nécessaire de fertilisants agricoles chimiques. Dans de nombreuses régions d’Europe, à la suite de la mortalité et de la disparition des abeilles, la productivité agricole a déjà chuté de 30%. Vandana Shiva a rappelé que si nous nous calculions les préjudices et les coûts nécessaires pour rétablir la biodiversité, rééquilibrer l’environnement et remédier aux dégâts climatiques, le montant en dollars dépasserait le chiffre d’affaires de la vente de biens par les entreprises.

    En ce qui concerne l’action des entreprises transnationales qui opèrent dans l’agriculture – Monsanto, Bungue, Syngenta, Cargill – Vandana explique qu’elles contrôlent la production et le commerce mondial de la soja, du maïs, du colza et du blé, martelant via la publicité que l’humanité dépend des aliments produits par l’agro-business. En réalité l’humanité se nourrit de centaines d’autres végétaux et sources de protéines qu’elles écartent et n’ont pas encore pu contrôler. 

    Pour la chercheuse “ces entreprises qui promeuvent les OGM n’ont rien inventé et n’ont rien développé. La seule chose qu’elles ont faite fut d’opérer des mutations génétiques qui existent dans la nature pour rentabiliser la vente de leurs produits agro-toxiques.

    Elle a expliqué que Monsanto a réussi à prendre le contrôle de la production du coton en Inde avec l’appui de gouvernements soumis, néo-libéraux et qu’aujourd’hui 90% de la production dépend des semences et des poisons. Ce qui a entraîné une destruction du mode paysan de production du coton et l’endettement généralisé des producteurs. La conjonction de l’usage de produits toxiques qui ont mené à la dépression et à la honte de la dette, ont poussé depuis 1995 284.000 paysans indiens au suicide. Un véritable génocide occulté par les grands médias du monde entier et dont le coupable principal est l’entreprise privée Monsanto.

    Malgré tout ce sacrifice en vies humaines, Monsanto reçoit dans son pays 200 millions de dollars annuels, perçoit des royalties pour l’usage de semences génétiquement modifiées de coton.

    La critique du modèle de l’agro-business en général

    Le modèle de l’agro-business n’est qu’une forme de s’approprier les bénéfices des biens agricoles mais il ne résout pas les problèmes du peuple. La preuve : en augmentant beaucoup la production, nous pourrions alimenter 12 milliards de personnes alors qu’aujourd’hui nous avons un milliard de personnes qui souffrent de la faim quotidiennement, 500 millions d’entre elles étant des paysans qui ont vu leur système de production d’aliments détruit par l’agro-business. 

    Les produits agricoles sont de simples marchandises, plus des aliments. 70 % des aliments dans le monde restent produits par les paysans. Nous devons comprendre que les aliments sont la synthèse de l’énergie nécessaire aux êtres humains pour survivre à partir du milieu où ils vivent, recueillant cette énergie de la fertilité et de l’environnement. Plus grande la biodiversité naturelle, plus grand le nombre de sources nutritives et plus saine pour les humains l’alimentation produite dans cette région. L’agro-business a détruit la biodiversité et les sources d’énergie véritables.

    Les entreprises utilisent le fétiche de la publicité des techniques modernes de la bio-technologie utilisées pour augmenter la productivité des plantes. Mais ce n’est qu’un hameçon : quand on fait des recherches sur ces bio-technologies on se heurte au secret. Dans le fond elles ne sont que des mécanismes pour augmenter la rentabilité des grandes plantations ; l’agriculture industrielle est la standardisation de la connaissance, la négation de la connaissance de l’art de cultiver la terre. La vraie connaissance est développée par les agriculteurs eux-mêmes et par les chercheurs dans chaque région, dans chaque biome, pour chaque plante.

    Le modèle de l’agro-business veut transformer les personnes en « consommateurs » de leurs produits. Nous devons combattre l’usage et le réductionnisme du terme “consommateurs”, pour utiliser l’expression "êtres humains" ou personnes qui ont besoin de vie saine. Le consommateur est une réduction subalterne de l’être humain.

    Les entreprises de l’agro-business disent qu’elles incarnent ledéveloppement et le progrès, qu’elles contrôlent 58% de toute la production agricole mondiale, mais en fait elles ne donnent du travail qu’à 3% des personnes vivant dans le monde rural. C’est donc un système anti-social.

    La scientifique indienne a révélé qu’elle fait partie d’um groupe de 300 autres chercheurs internationaux qui se sont consacrés à étudier l’agriculture pendant trois années intensives et ont démontré que ni la révolution verte des États-Unis ni l’usage intensif des semences transgéniques et des produits agro-chimiques ne peuvent résoudre les problèmes de l’agriculture et de l’alimentation mondiales. Seule peut le faire la récupération des pratiques agro-écologiques em harmonie avec la biodiversité, partout sur la planète.

    Elle a conclu sa critique du modèle de l’agro-business en montrant comment son projet génère la destruction, la peur, parce qu’ il est basé sur la concentration et l’exclusion. C’est pour cela que les entreprises procèdent à l’intimidation ou à la cooptation des scientifiques qui s’opposent à elles.

    La solution : l’agro-écologie.

    Le modèle agro-écologique est le seul qui permette de développer des techniques accroissant la productivité et la production sans destruction de la biodiversité. L’agro-écologie est la seule forme de créer de l’emploi et des formes de vie saines pour que la population puisse vivre en milieu rural sans être contrainte de se marginaliser dans les villes.

    Surtout, les méthodes agro-écologiques sont les seules qui permettent la production d’aliments sains, sans poisons.

    6 recommandations aux jeunes étudiants en agro-écologie et aux producteurs agricoles.

     

    1. La base de l’agro-écologie est la préservation et la mise en valeur des sources nutritives existantes dans le sol – en cela elle s’est référée à une autre scientique présente à cette rencontre et qu’elle a écoutée attentivement – la professeure Ana Maria Primavesi. Nous devons appliquer des techniques qui garantissent la santé du sol et de cette santé recueillir les fruits en termes d’énergie saine.

     

    2. Stimuler et promouvoir le contrôle des semences par les agriculteurs. Les semences sont la garantie de la vie. Nous ne pouvons permettre que des entreprises privées, transnationales, les transforment en marchandises. Les semences sont un patrimoine de l’humanité.

     

    3. Nous devons lier l’agro-écologie à la production d’aliments sains qui garantissent la santé et peuvent ainsi conquérir les cœurs et les esprits des habitants des villes comme des zones rurales, de plus en plus empoisonnés par les marchandises traitées par les agro-toxiques (multiplication de cancers depuis quarante ans). Si nous lions les aliments à la santé des personnes, nous gagnerons des millions des habitants des villes à notre cause.

     

    4. Nous devons transformer les territoires sous contrôle des paysans en véritables sanctuaires de semences, d’arbres sains, de cultures de la biodiversité, d’élevage d’abeilles, de diversité agricole.

     

    5. Nous devons défendre l’idée, qui fait partie de la démocratie, de la liberté des personnes de choisir les aliments. Les produits de référence ne peuvent pas se réduire à ceux que les entreprises décident de mettre dans les rayons.

     

    6. Nous devons lutter pour que les gouvernements cessent d’utiliser des fonds publics qui appartiennent à l’ensemble des citoyens, pour les transférer en subventions aux grands propriétaires et entrepreneurs de l’agro-industrie. C’est ce qui se passe dans le monde entier et aussi en Inde. Le modèle de l’agro-business ne survivrait pas sans ces subventions et sans les avantages fiscaux offerts par les gouvernements qui les garantissent.

     

     

     

    En Inde, rappelle Vandana Shiva, on a vécu des problèmes majeurs à l’époque du colonialisme anglais. Gandhi a enseigné que la force est de toujours “lutter pour la vérité”. Le capital trompe, ment, pour pouvoir accumuler des richesses. Et la vérité est avec la nature, avec les personnes. S’il existe une volonté politique de réaliser des changements, s’il y a une volonté de produire des aliments sains, il deviendra possible de les cultive.

     

    Source : mouvementsansterre.wordpress.com

     

     

     

     

     

     
  • Réflexions sur les théories du complot


    TRIBUNE
    04/08/2013 à 12h23

    11 Septembre, OGM, ondes... : la science citoyenne, cette fumisterie

    Jérôme Quirant | Enseignant-chercheur

    TRIBUNE

    Lorsqu’en 2008 je me suis penché sur les théories du complot autour des attentats du 11 septembre 2001, je n’imaginais pas que cela m’amènerait à m’intéresser à des domaines aussi divers que les OGMles ondes électromagnétiques ou le nucléaire.

    Confronté à l’époque à des théories conspirationnistes plus insolites les unes que les autres sur les effondrements des tours du World Trade Center, j’avais certes trouvé une source inépuisable de sujets d’examen, ludiques, pour mes étudiants, mais je ne pouvais non plus me résoudre à laisser circuler de telles inepties.

    Cela m’a conduit à créer un site Internet, puis à coordonner un numéro spécial de la revue Science et pseudosciences qui donnait la parole aux – vrais – spécialistes du domaine, pour expliquer quelle est la connaissance scientifique sur un sujet précis.

    C’est à la suite de ce numéro que j’ai été invité, en 2011, à entrer dans le comité de rédaction de cette revue, éditée par l’Association française pour l’information scientifique.


     

    Depuis, j’ai été sidéré par les similitudes entre le mouvement conspirationniste autour du 11 septembre et ceux agissant dans bien d’autres domaines (OGM, nucléaire, etc.) :

    • des associations se revendiquant « citoyennes »,
    • des pétitions,
    • des actions médiatiques,
    • la dénonciation d’un complot dont ils seraient les uniques pourfendeurs,
    • le souhait d’organiser des débats publics,
    • le vide en matière d’argumentation scientifique.

    Pas besoin d’associations citoyennes
    pour démontrer le théorème de Pythagore

    Pourtant, nul besoin d’associations « citoyennes » pour démontrer le théorème de Pythagore. Il n’existe pas plus de science citoyenne que prolétarienne ou bourgeoise, mais une démarche scientifique qui permet d’expliquer notre monde et de proposer des solutions techniques pour améliorer notre quotidien.

    Et toute allégation, quelle qu’elle soit, doit être vérifiable et vérifiée par n’importe quel scientifique respectant les fondements de la démarche scientifique. Ainsi progresse la science.

    Or, si sur le 11 septembre ces gesticulations n’ont eu aucune influence sur la production scientifique – elle en est restée à un enchaînement « crash d’avion – incendie – affaiblissement de la structure – effondrement » pour les tours du WTC –, il en va autrement pour d’autres secteurs d’activité. Souvent, les mouvements « anti » ont instillé la frilosité, voire sapé toute recherche ou développement industriel :

    • Alors que dans les années 90, la France était leader sur les OGM, il est devenu impossible de faire la moindre recherche de manière sereine sur ce sujet.
    • Dans les années 70 et 80, des projets industriels majeurs ont vu le jour en France (TGV, Airbus, Ariane, nucléaire civil…). Aujourd’hui, quels sont les grands desseins capables de doper une industrie moribonde et créer les emplois qui iraient avec ?

    Des collectifs « indépendants »... de toute démarche scientifique sérieuse

    Ces associations citoyennes se revendiquent aussi et surtout « indépendantes ». Reopen911, qui a donné du crédit en France aux théories complotistes sur le 11 septembre, demande une enquête « indépendante » pour expliquer comment se sont effondrées les tours du World Trade Center, alors que cette question est réglée depuis longtemps dans la communauté scientifique.

    L’association Robin des toits, « indépendante du lobby de la téléphonie », lutte pour la baisse d’intensité des champs électromagnétiques (supposés nocifs) induits pas les antennes de téléphonie mobile et s’esbaudit devant n’importe quelle expérience allant dans ce sens, même totalement inepte.

    La dernière en date était celle de lycéennes danoises, qui ont magistralement démontré que l’exposition de semences à des conditions de température et d’hygrométrie différentes (les graines étaient placées derrières les ventilateurs d’ordinateurs !) joue sur leur croissance

    Le Criigen, farouchement opposé au développement des OGM, a été capable de recueillir 2 millions d’euros pour financer une étude « indépendante », mais qui ne vaut rien sur le plan scientifique…

    Le Criirad, censé révéler la vérité vraie sur le nucléaire, a redécouvert la radioactivité naturelle grâce à ses compteurs Geiger. L’association, « indépendante du lobby nucléaire », a même dû mettre à jour ses connaissances sur la mesure de la radioactivité suite à la catastrophe de Fukushima.

    On le voit, ces associations sont surtout « indépendantes » de toute démarche scientifique, une notion qui leur est même totalement étrangère. Cela n’empêche pas les médias de leur fournir régulièrement des tribunes, leur octroyant une légitimité qu’elles n’ont jamais acquise sur le plan scientifique.

    Car si on peut être « anti » pour diverses raisons, justifiées et tout à fait honorables (qu’elles soient économiques, sociétales, environnementales, etc.), il n’est pas acceptable que les données scientifiques soient travesties de manière fallacieuse à des fins idéologiques.

    La science ne sort pas forcément victorieuse des « débats publics » sur les sujets sensibles

    L’autre dada des associations citoyennes est l’organisation de débats publics qu’elles réclament à cors et à cris. Pourquoi ? Platon l’a très bien expliqué dans son « Gorgias », trois siècles avant J.-C., en écrivant un dialogue entre Gorgias, maître rhéteur, et Socrate : 

    « Suppose qu’un orateur et qu’un médecin se rendent dans la cité que tu voudras, et qu’il faille organiser, à l’assemblée […], une confrontation entre le médecin et l’orateur pour savoir lequel des deux on doit choisir comme médecin.

    Eh bien j’affirme que le médecin aurait l’air de n’être rien du tout, et que l’homme qui sait parler serait choisi s’il le voulait. […] Car il n’y a rien dont l’orateur ne puisse parler, en public, avec une plus grande force de persuasion que celle de n’importe quel spécialiste.

    Ah, si grande est la puissance de cet art rhétorique ! [...]

    – La rhétorique n’a aucun besoin de savoir ce que sont les choses dont elle parle ; simplement, elle a découvert un procédé qui sert à convaincre, et le résultat est que, devant un public d’ignorants, elle a l’air d’en savoir plus que n’en savent les connaisseurs ».

    Non seulement la vérité scientifique est loin d’être assurée de sortir victorieuse de tels débats, mais comme l’a souligné le physicien Serge Galam dans une tribune parue dans Le Monde en avril, le débat est une machine à produire de l’extrémisme :

    « Le débat public […] cache une machine infernale de production d’extrémisme au service des a priori, des menteurs, des préjugés ». A supposer même que ces débats puissent se tenir. »

    Quoiqu’il en soit, s’il est concevable que des débats publics soient organisés sur des choix sociétaux ou autres, il faut aussi rappeler que jamais dans l’histoire aucun « débat public » n’a fait avancer la connaissance scientifique d’un pouce. Jamais. Ce n’est tout simplement pas là que la science se développe.

    Le savoir académique est devenu inaudible

    Hélas, de nos jours, lorsqu’un scientifique donne des explications sur un sujet sensible, il est systématiquement accusé d’être en « conflit d’intérêt », vendu aux « lobbies » et au « grand capital ».

    Le savoir académique est devenu inaudible : on se retrouve à devoir choisir, par exemple, entre l’avis d’un scientifique compétent sur le nucléaire, mais par la force des choses en relation avec l’industrie ou la recherche dans le domaine, et celui d’un « citoyen » incompétent qui se promène avec son compteur Geiger (remplacer « nucléaire » par « cancer » ou « OGM », et « compteur Geiger » par « poudre de perlimpinpin » ou « tomate bio » pour le même effet).

    Pourtant, une simple étude bibliographique de la littérature scientifique à disposition suffit à tordre le cou à pas mal de contre-vérités. Malheureusement, les médias sont plus enclins à donner du crédit aux associations citoyennes véhiculant un message simple (voire simpliste) plutôt que de se plonger dans un article scientifique à la compréhension ardue.

    Pire, ils les mettent sur un même plan, comme si la connaissance scientifique avait la même valeur que le premier propos impromptu de comptoir.

    C’est ce qui m’a amené à proposer plusieurs articles sur Rue89, mais en me bornant bien sûr à des études bibliographiques d’articles parus dans des revues scientifiques. N’étant pas spécialiste des domaines traités il n’était pas question de me substituer aux personnes faisant référence dans leur secteur.

    Les revues à comité de lecture ne sont certes pas la panacée (elles sont devenues, elles aussi, une véritable industrie), mais le processus de « peer-review » reste un premier filtre efficace pour éliminer la majeure partie du grand n’importe quoi qui est proposé sur le Net ou dans les médias avides de sensationnel, mais peu de démonstrations scientifiques.

    La situation économique de la France, avec une industrie atone et un commerce extérieur catastrophique, est grave. Les Chinois exportent leur propre TGVou leurs centrales nucléaires… Nos récoltes ne se vendent plus à l’étranger, car non OGM ( !)... et demain, nous en serons réduits à acheter les semences issues de laboratoires indiens.

    Sous prétexte de principe de précaution, nous en sommes arrivés à ne plus rien faire du tout, et même à régresser. De façon paradoxale, alors que la gauche a été porteuse des progrès considérables que nous avons connus au XXe siècle, elle est aujourd’hui en prise avec les pires obscurantismes contemporains.

    Il serait temps d’en prendre conscience avant de percuter le mur vers lequel nous avançons à vive allure. Et surtout de relancer la recherche en France, seule façon pour les « citoyens » français de subsister encore au XXIe siècle.

    Dans les années 70, on disait qu’en France on n’avait pas de pétrole, mais des idées. Aujourd’hui, le paradigme s’inverse : il semblerait qu’on ait du gaz de schistes (à vérifier) mais qu’on soit en panne d’idées…

     
  • Las Vegas, stade suprême des Etats-Unis


    Urbanisme de la solitude

     

    Jugeant qu’une victoire dans le Nevada sera décisive lors de l’élection présidentielle américaine du 6 novembre prochain, les deux principaux candidats y ont engagé des sommes dépassant l’entendement. A Las Vegas, métropole de cet Etat et capitale du jeu, tout est démesuré. A commencer par l’urbanisme, qui isole les individus et corrode les rapports sociaux.

    par Allan Popelard et Paul Vannier, août 2012

    Sur le Strip. Du nord au sud, l’avenue, longue de sept kilomètres, concentre la majeure partie des casinos, hôtels et salles de spectacle de Las Vegas. L’arpenter, c’est faire l’expérience d’un tour du monde en quatre-vingts minutes. Face à la pyramide de l’hôtel Luxor se dresse l’Excalibur, immense château fort. Non loin, Les Quatre Saisons de Vivaldi passent en boucle sur le parvis du Venetian. Dans une piscine, entre les reproductions du palais des Doges et du Campanile, officient quelques gondoliers. Les amoureux s’embrassent et se prennent en photo, tandis que, sur le pont du Rialto, quelques passants s’attardent en rêvant.

    A quelques pas de là, entre une simili-tour Eiffel et un Arc de triomphe en modèle réduit, l’hôtel Paris - Las Vegas s’ouvre sur la Seine. Soudain, les eaux dormantes du fleuve se mettent en branle : vaguelettes et jets d’eau somptuaires. Ailleurs, le cratère d’un volcan éructe : colonnes de feu, averses de lave. Le vacarme se gonfle du grondement des voix, des frissons et des vivats de la foule.

    Pareil aux allées centrales des expositions coloniales le long desquelles, jadis, les métropoles édifiaient des pavillons de style indigène, le Strip permet la célébration spatiale d’une « république impériale ». Bondé de jour comme de nuit, encombré de touristes et de voitures, il s’organise en un long corridor où passerelles et galeries canalisent le parcours. Des salles de jeu aux attractions, le flâneur s’engouffre dans un circuit saturé de néons et d’enseignes clignotantes, à travers d’infinis tunnels marchands. Des diffuseurs vaporisent des parfums de synthèse. Encastrées dans les murs, camouflées dans les troncs, de petites enceintes débitent inlassablement babils débiles et cantiques patriotiques — God Bless the USA. N’espérez pas vous arrêter dans un bar pour souffler : le comptoir y sera serti de machines à sous. Aucun temps, aucun lieu n’est laissé à la divagation secrète de l’esprit. Ce spectacle total distrait, capte et désoriente les sens. L’agencement urbain emprisonne et ordonne le mouvement des corps, noie les individus dans une cohue anonyme.

    Les attractions ne réduisent pas l’impression de solitude. Le casino est le lieu des séparations et des retranchements. A leurs tables, les joueurs de poker s’isolent sous leur capuche, derrière leurs lunettes de soleil, dans le silence bourdonnant de leur baladeur. A quelques pas, c’est le règne du simulacre high-tech : des regards hébétés s’enfoncent dans le décolleté d’un hologramme féminin distribuant des cartes virtuelles. Roulette, roue de la fortune, jeux « de société », le casino apparaît comme l’allégorie d’un monde où toute communauté et toute solidarité ont sombré, ne laissant que des solitudes antagonistes ; où chaque joueur, captif de son désir confus, n’a ni partenaire ni adversaire, sinon le hasard et la probabilité.

    Ce ne sont pas les joueurs qui se suicident,
    mais les habitants

    « Dans l’Etat du Nevada, le taux de prévalence des addictions au jeu est de 6 %. C’est le triple de la moyenne nationale », affirme Mme Carol O’Hare, directrice du Conseil du Nevada pour les problèmes de jeu, un organisme privé affilié à l’Etat. Au seuil silencieux de la nuit, à l’écart de la foule, une vingtaine de joueurs, hommes et femmes de tous âges, se sont donné rendez-vous devant la porte d’un petit local où trônent des tables disposées en U et un réfrigérateur. Ici comme dans les quinze réunions qui se tiennent au même moment dans la ville, le rituel est toujours le même. D’abord, la lecture scrupuleuse du livret dans lequel sont consignés les commandements de l’association. Ensuite, le rappel des règles : la parole doit être répartie également entre les participants. Vient enfin le temps des confidences. Récits de ruine et de malentendus familiaux, de disputes et de séparations, de vies déchirées, désertées, désolées. Et puis le réconfort qu’il y a à se trouver parmi cette assemblée compréhensive. La réunion achevée, les membres des Joueurs anonymes se retrouvent dehors et s’adossent à la rambarde. Ils semblent reformer ici un semblant de société. Derrière eux, on distingue la clarté électrique du Strip. Une dernière cigarette, puis on se sépare jusqu’au lendemain.

    La prévalence de l’addiction au jeu n’est pas la seule anomalie statistique. Coïncidence ou pas, Las Vegas présente une autre caractéristique : un taux de suicides parmi les plus élevés des Etats-Unis. Ces deux indicateurs contrastent avec l’image festive de la ville ; ils semblent révéler une déréliction. Et, loin d’en être le simple support, l’organisation spatiale pourrait bien en être le facteur déterminant.

    Les désargentés affluent ici dans la luxuriance des savanes plastiques et le raffinement de plâtres palatins. Décors mis à part, il ne subsiste rien de l’opulence et du faste des images cinématographiées. Ni les coquets déshabillés, ni les smokings soignés ; ni Steven Soderbergh et ses héros à la dégaine extravagante (Ocean’s Eleven), ni Martin Scorsese et ses personnages à la chevelure gominée (Casino). Mais des casquettes de base-ball, des tee-shirts flottants aux couleurs de la bannière étoilée, des shorts mi-longs laissant les chevilles dénudées. Et l’odeur du tabac froid.

    Par bien des traits, l’endroit rappelle l’usine. L’enfilade des machines, l’espace rationalisé de la chaîne. Les guirlandes sonores et les tintements bariolés évoquent le fracas martelé de la ferraille et l’éclat étincelant des fers à souder. Les joueurs sont à leur poste. Chacun s’acharne à gagner son salaire de fortune. Mines machinales, gestes mécaniques, réflexes réglés. Les bras sont branchés aux claviers ; les yeux, fixés aux compteurs. Les corps ne font qu’un avec l’appareil. Le contremaître, travesti en agent de sécurité, assure l’ordre dans l’espace productif. Sous le regard de centaines de caméras de vidéosurveillance, il veille au maintien de la cadence, au bon fonctionnement des automates, à la circulation des flux.

    Certes, les causes des suicides sont multiples. Mme Linda Flatt, animatrice de l’Office de prévention du suicide du Nevada, cite « l’accès difficile aux soins, notamment pour les malades psychiatriques, aggravé dans un contexte de coupes budgétaires, et l’accès facile aux armes » caractéristiques de la société américaine. Et de décrire une géographie du suicide, celle des Etats présentant des taux supérieurs à la moyenne nationale, dessinant de l’Alaska au Nouveau-Mexique un arc à travers les montagnes Rocheuses. Mais, dans cette « ceinture du suicide », Las Vegas occupe une place à part. « Nous sommes depuis plusieurs années dans le top 5 des villes où l’on se tue le plus aux Etats-Unis », souligne M. Michael Murphy, médecin légiste du comté de Clark, dont fait partie l’agglomération de Las Vegas, qui nous reçoit dans son bureau. Dans un décor de série télévisée — diplôme du Federal Bureau of Investigation (FBI) accroché au mur et photographies des enfants sur l’écran de l’ordinateur —, M. Murphy, la cinquantaine, drôle et enjoué, tient son rôle à merveille. Sous son scalpel défile le cortège funèbre des morts violentes du comté : « Les gens pensent que ce sont d’abord les touristes et les joueurs qui se suicident. Or ce sont très majoritairement les habitants. »

    Les représentations associées à Las Vegas ne laissent rien paraître de cette réalité morbide. Le halo d’images qui auréole la ville attire chaque année une masse de nouveaux résidents. Depuis vingt ans, le solde migratoire du Nevada est le plus fort des Etats-Unis, et Las Vegas en est la principale bénéficiaire. Entre 2001 et 2010, sa population est passée d’un million et demi à deux millions d’habitants (1). La structure du marché du travail encourage la croissance démographique, avec une surreprésentation d’emplois faiblement qualifiés dans les secteurs dynamiques du bâtiment et de l’hôtellerie qui contribue à faire de la cité du jeu un eldorado pour les chômeurs.

    Une fiscalité trop faible
    pour financer des équipements collectifs

    « Quand les gens déménagent ici, ils s’installent, plus qu’ailleurs, pour prendre un nouveau départ, analyse M. Murphy. Mais ils ne mettent pas longtemps à se rendre compte que leur situation est aussi dure à vivre qu’auparavant. » En outre, nombreux sont ceux dont les rêves ont été fracassés par la ruine immobilière qui a sapé les fondations de l’économie urbaine. Stephen Brown, professeur d’économie à l’université de Las Vegas, rappelle qu’« avec un taux de chômage de 13,5 %, Vegas détient un record pour une ville de cette dimension aux Etats-Unis ». Le cercle de réflexion de la Brookings Institution note que, parmi les cent plus grandes aires métropolitaines du pays, c’est ici que la hausse du taux de chômage a été la plus forte ces trois dernières années (2). Une détérioration que le médecin légiste mesure… à sa façon. « Depuis deux ans, nous assistons à un pic des suicides-homicides [lorsqu’une personne tue son conjoint avant de se donner la mort]. On trouve deux cas de figure, précise-t-il. Il y a ceux qui ont tout perdu et qui ne savent plus où aller. Généralement, ils ont plus de 50 ans. Et ceux qui, épuisés, ne se sentent plus capables d’assumer la charge d’un conjoint, notamment si ce dernier est gravement malade. Je ne peux rien prouver, mais ma profonde conviction est que, dans la grande majorité des cas, ces suicides sont liés à la crise économique. »

    Depuis la fin de 2006, les prix de l’immobilier ont chuté de 60,5 % (3). Des franges urbaines fantomatiques, hantées par le souvenir des classes moyennes auxquelles leurs promoteurs les destinaient, aux ghettos péricentraux de Las Vegas, partout, la crise grave dans la pierre ses motifs sériels. Mêmes planches obstruant l’entrée des maisons saisies, mêmes panneaux « A vendre » fleurissant dans les jardins. Mme Desi Coleman, 55ans, habite l’un de ces îlots misérables des quartiers nord où la ville semble en voie de « cabanisation ». Autour d’une antenne de l’Armée du salut, entre l’autoroute et le cimetière Woodlawn, une centaine de sans-domicile-fixe, survivant dans un paysage de friches, ont installé leurs tentes en surplomb de Vegas Drive. Non loin de là, des habitants abattent à la hache les arbres de leur jardin pour en faire des bûchettes, tandis que, sur le pas d’une porte, la brocante des pauvres s’organise : bric-à-brac d’objets soldés, canapé exposé sur le trottoir. « Ici comme dans d’autres quartiers, il y a beaucoup de gens qui ont perdu leur maison, raconte Mme Coleman. L’un de mes cousins, dans une rue à côté, par exemple... Et tout le monde a été touché. Sauf les riches ! »

    Avec la multiplication des saisies immobilières (4), le voisinage s’est étiolé. Le départ forcé d’une partie des habitants n’a fait que renforcer l’anomie sociale qui résultait déjà de la forte rotation résidentielle (5). A Las Vegas, 91 % des habitants sont en effet originaires d’un autre Etat, tandis que 45 % affichent leur intention de déménager (6). A l’est de la ville, les quartiers de caravanes témoignent de l’hypermobilité d’une partie de la société américaine. M. Robert Schoffield, gérant du Royal Mobile Home Park, estime à trente-cinq mille le nombre de ces habitations dans la ville. Parmi les deux cent trente-sept résidents de son parc, on trouve essentiellement « des retraités et des actifs aux revenus inférieurs à la moyenne ». Si nombre de retraités ont choisi de vivre ainsi, les travailleurs, eux, sont souvent contraints, de crise en crise, à une vie itinérante. En somme, « personne n’est d’ici », résume M. Murphy, avant d’ajouter : « Le taux de suicides tient sans doute aussi à cela, à l’isolement des individus, à l’absence de soutien de proches en cas de coup dur, à la faiblesse des relations de voisinage. Une très grande majorité des habitants n’ont personne sur qui compter en cas de difficulté. »

    L’aménagement du territoire ne permet guère de déjouer la solitude urbaine. Au contraire, il en aggrave les effets. Selon Matt Wray, professeur de sociologie à l’université Temple de Philadelphie et auteur de plusieurs études sur le suicide à Las Vegas, « la forte croissance démographique ne s’est pas accompagnée de la création d’institutions locales, comme des centres communautaires ou des écoles, par exemple. Or ces lieux auraient permis de tisser du lien social, de favoriser la convivialité. Leur manque est destructeur pour la société urbaine. » La raison de cette lacune « Le très faible taux d’imposition de la ville, qui ne permet pas à la municipalité de financer de tels équipements. » L’Etat du Nevada et la ville de Las Vegas ont en effet l’une des fiscalités les plus basses des Etats-Unis : ni impôt sur le revenu, ni impôt sur les successions, ni impôt sur les sociétés. Si l’on ajoute à cela la permissivité des mœurs — jeu, prostitution, alcool, mariage-divorce —, Las Vegas apparaît comme le laboratoire de la ville libertarienne.

    Dislocation de l’espace, dislocation du temps

    Mise sous surveillance par les agences de notation (7), la municipalité a parié sur la « stratégie du choc » pour accélérer la libéralisation de son économie (8). Depuis 2008, tous les budgets publics ont été sabrés : — 43,6 % pour l’administration, —27,2 % pour la justice, — 23,6 % pour la culture, — 9,8 % pour la sécurité. Des écoles ainsi que des centres culturels et sportifs ont fermé. Quant au financement des travaux publics, il a été raboté de moitié. Les autorités urbaines préfèrent dorénavant s’en remettre aux partenariats public-privé, comme dans le cadre de l’opération de réaménagement du centre-ville, dont l’objectif est de créer ex nihilo une centralité qui n’existe pas encore. Pour l’heure, le Strip est l’espace où convergent les touristes du monde entier, mais il n’est pas un lieu de rencontre pour les habitants. Ces derniers n’en ont pas, ni dans la ville, ni dans les banlieues.

    La traversée de ces dernières s’apparente à une expérience rythmique, celle de l’infinie répétition des formes. Lignes et colonnes pavillonnaires, parallèles et perpendiculaires du réseau viaire composent un territoire qui administre la solitude des habitants en organisant l’évitement des flux et le cloisonnement des espaces. De part et d’autre des rues principales, les barrières ferment l’accès des lotissements, obligent au contournement. La butte, la tour, le rempart. La herse, même. L’Amérique réactive les formes et les fonctions de l’architecture médiévale. Les fortifications des communautés fermées, hérissées de tourelles, quadrillent l’espace urbain. Il n’est pas possible d’entrer dans ces quartiers résidentiels sans une invitation, sans que le gardien ait vérifié la plaque d’immatriculation et obtenu du propriétaire une confirmation téléphonique. La ségrégation est séparation des différences autant qu’agrégation des ressemblances. Chaque îlot, chaque alvéole fait sécession. Ici, les retraités ; là, de jeunes actifs. Et, désormais, la classe moyenne déclassée, à l’adresse de laquelle on peut lire sur les murs de la ville : « Votre maison a été saisie ? Vous avez le blues ? Venez visiter notre résidence. »

    Dans la clarté blafarde d’un supermarché Walmart s’affairent des employés, rôdent une poignée de clients. Il est 4 heures du matin. Les casinos ouverts jour et nuit imposent leur cadence à toutes les activités de la ville. Les horaires des magasins se sont calés sur l’emploi du temps des croupiers et des femmes de chambre. Dans les cuisines des restaurants, le coup de feu a fait long feu. Ici règne une atmosphère de fermeture permanente. De rares clients se relaient sans cesse, finissant seuls de souper à leur table. « Las Vegas, c’est la ville vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! J’adore ça !, s’exclame M. Butch, 61 ans, natif de la ville. J’ai envie d’acheter quelque chose à 2 heures du matin ? J’y vais ! Je veux aller au restaurant à 3 heures du matin ? J’y vais ! Ici, tu peux aller où tu veux, quand tu veux. » L’urbanité hagarde de Las Vegas est celle de l’exploitation continue du temps. Et, dans cette ville qui a érigé les 3 x 8 en style de vie, ne restent aux citadins expropriés ni les lieux ni les moments qu’ils partageaient.

    Comme l’ont relevé les architectes Robert Venturi et Denise Scott Brown, sur le Strip, « tout n’est pratiquement qu’enseigne. (…) La grande enseigne surgit pour relier le conducteur au magasin et, plus loin, en d’immenses panneaux infléchis vers l’autoroute, les farines à gâteau et les détergents sont vantés par leurs fabricants nationaux. Le signe graphique dans l’espace est devenu l’architecture de ce paysage (9) ». L’aménagement de Las Vegas met en scène le triomphe du consommateur, reléguant le travailleur, celui de Walmart ou des casinos, dans l’escalier de service de l’économie urbaine.

    La nouvelle économie tertiaire, qui représente actuellement l’écrasante majorité des emplois aux Etats-Unis, a promu le consommateur au rang de nouvel acteur de la transformation sociale. Ancien centre de production mondial, les Etats-Unis deviennent peu à peu un simple espace de consommation. Dans cette société où le consensus consumériste semble avoir remplacé les antagonismes de classe, les travailleurs n’ont pourtant pas disparu. Depuis les années 1990, le développement de l’industrie du jeu a conduit à la construction de nouveaux casinos plus gigantesques les uns que les autres. Plusieurs centaines ou milliers d’employés y sont réunis sur le même lieu de travail. Tandis que les dynamiques de peuplement tendent à disperser les habitants dans la ville, la nouvelle géographie du salariat fait émerger, le long du Strip, des concentrations propices à des formes inédites d’organisation syndicale.

    Entre 1950 et 1980, « Las Vegas était l’une de ces villes où l’on se faisait des syndicats une image caricaturale, corrompue et “mafieuse” », que le patronat n’hésitait pas à invoquer pour combattre leur développement, observent les sociologues Rick Fantasia et Kim Voss (10). Durant cette période, les employés pâtirent du fonctionnement des syndicats américains, qui fait dépendre les statuts et les salaires d’accords décentralisés passés sur le lieu de travail entre employeur et employés. La corruption syndicale et la répression patronale mirent à mal les solidarités locales.

    Dans les casinos,
    des formes inédites d’action syndicale

    Il fallut un certain temps pour construire et organiser, dans les espaces de la Sunbelt, un « mouvement employé » doté d’une force comparable à celle du mouvement ouvrier des villes du Midwest. Un mouvement capable de s’opposer à la régression salariale qui vit le crédit se substituer au salaire et la « liberté » du consommateur prévaloir sur la condition des travailleurs. Dans les bureaux de la section 226 des culinary workers (travailleurs de la restauration), la présidente du syndicat, Mme Geoconda Argüello-Kline, se souvient : « Au début des années 1980, nous étions mal en point, et les travailleurs des casinos avaient des problèmes avec leurs directions. Ils ont alors ressenti la nécessité de s’organiser et de se battre. »

    Le renouveau s’amorce au milieu des années 1980. « En 1984, on a fait une grève très dure qui a réuni dix-huit mille travailleurs. Dans les années qui ont suivi, nous nous sommes efforcés de créer des comités dans chaque casino. Puis, en 1991, est survenue la grève au Frontier. Elle a duré six ans, quatre mois et dix jours. » Déclenchée lors de la négociation de la convention collective des employés de l’hôtel, cette grève fut la plus longue et l’une des plus importantes que les Etats-Unis aient connues depuis 1945 : vingt mille grévistes défilent sur le Strip ; une marche de cinq cents kilomètres à travers le désert du Mojave permet de médiatiser leur cause (11). Et, pour finir, la victoire, en 1998. Un combat qui « a montré aux entreprises que les travailleurs étaient capables de s’organiser, qu’ils savaient pourquoi ils se battaient et qu’ils étaient unis dans la lutte, pour leurs familles, pour des conditions de vie dignes ».

    A Las Vegas, le syndicalisme représente le seul espoir de mettre un frein à la logique de l’exploitation. « Prenez le cas du Station, poursuit Mme Argüello-Kline. Dans ce casino, les travailleurs ont décidé de s’organiser, car là-bas vous pouvez travailler trente ans et ne pas avoir de retraite. Vous n’avez pas la sécurité de l’emploi, vous devez payer 100 dollars par mois votre assurance-santé. Vous pouvez mesurer la différence entre le statut de ces travailleurs et celui de nos syndiqués. Elle est très grande. » Aujourd’hui, 90 % des salariés des casinos sont syndiqués. Les culinary workers comptent ainsi cinquante-cinq mille membres, soit cinq mille de moins qu’en 2008. « C’est vrai que la crise économique a affecté l’économie du Nevada, conclut Mme Argüello-Kline, mais nos adhérents restent protégés. Ils continuent de bénéficier de leur retraite et d’une assurance-maladie gratuite pour eux et leur famille. Tout ça n’a pas changé avec la récession. Les salariés conservent la sécurité de l’emploi. Le syndicat forme autour d’eux comme une bulle protectrice. »

    Comme Detroit à l’époque de la grande industrie, Las Vegas, à l’ère de l’économie des services, apparaît comme une ville combative et fortement syndiquée. Par-delà la scénographie privatisée de son territoire, par-delà le toc et le kitsch des consensus factices, elle dévoile peut-être la modernité de la société américaine : celle d’un esprit de résistance et d’un sens de l’action collective ayant survécu à toutes les tentatives de réduire à néant les solidarités salariales, à toutes les velléités d’ériger l’atomisation de la société en principe d’organisation socio-spatial. Installés au milieu du désert, au creux des croupes rouges et des monts mauves, ses travailleurs seraient-ils, face au vide et au vent de l’histoire, des pionniers d’un genre nouveau ?

    Allan Popelard et Paul Vannier

    Géographes.

    (1) «  2011 Las Vegas perspective  », Metropolitan Research and Association, Las Vegas.

    (2) Global Metro Monitor, «  The path to economic recovery  », Brookings Institution, Washington, 2010.

    (3) Entre le 4e trimestre 2006 et le 1er trimestre 2011, la moyenne nationale pour les cent plus grandes métropoles n’était que de 26,5 %, ce qui place la ville au 98e rang.

    (4) Leur nombre est passé de 1 493 en 2006, avant le début de la crise, à 4 173 en 2007, 7 941 en 2008, 6 784 en 2009 et 7 675 en 2010. Source : «  2011 Las Vegas perspective  », op. cit.

    (5) Le taux de mobilité résidentielle, qui mesure le taux moyen de rotation dans les logements, est particulièrement élevé aux Etats-Unis : environ 15 %, contre 8 % en France.

    (6) Robert Futrell (sous la dir. de), «  Las Vegas metropolitan area social survey, 2010 highlights  », département de sociologie de l’université du Nevada, Las Vegas, mars 2010.

    (7Las Vegas Sun, 26 janvier 2011.

    (8) Naomi Klein, La Stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre, Actes Sud, Arles, 2008.

    (9) Robert Venturi, Stephen Izenour et Denise Scott Brown, L’Enseignement de Las Vegas, Mardaga, Wavre, 2008 (1re éd. : 1972).

    (10) Rick Fantasia et Kim Voss, Des syndicats domestiqués. Répression patronale et résistance syndicale aux Etats-Unis, Raisons d’agir, Paris, 2003.

    (11Ibid.

     
  • Buvez du coca !

    NUTRITION

     

    SNI_coca

    Lundi 18 février 2013

    Ce qui arrive dans votre corps 30 mn après avoir bu un Coca

     

    Soleil, chaleur, gorge sèche. Votre main se referme sur la canette en fer-blanc, glacée, et constellée de petites gouttes d’eau.

    Vous faites pivoter l’anneau du couvercle…« Pshhht ! », c’est le soulagement.

    Le liquide pétillant s’écoule à flots dans votre gorge. Le gaz carbonique vous monte au nez,vous fait pleurer, mais c’est si bon ! Et pourtant…

    Une dizaine de minutes plus tard

    La canette vide, vous avez avalé l’équivalent de 7 morceaux de sucre ! [1] En principe, vous devriez vomir d’écœurement [2] Mais l‘acide phosphorique contenu dans la boisson gazeuse masque le sucre par un goût acidulé, donnant ainsi l’illusion de désaltérer. [3]

    Après une vingtaine de minutes

    Votre taux de sucre sanguin augmente brutalement, mettant une première fois votre organisme à l’épreuve.Votre pancréas s’emballe, sécrète de l’insuline en masse. Celle-ci est malgré tout vitale, elle seule peut permettre de transformer l’énorme surplus de sucre que vous avez dans le sang en graisse, ce que votre corps est mieux capable de supporter. En effet, il peut stocker la graisse, certes, sous forme de bourrelets disgracieux, mais provisoirement inoffensifs, tandis que le glucose est pour lui un poison mortel lorsqu’il est en haute dose dans le sang. Seul le foie est capable de stocker le glucose mais sa capacité est très limitée.

    Après une quarantaine de minutes

    La grande quantité de caféine présente dans le Coca est entièrement absorbée par votre corps. Elle dilate vos pupilles et fait monter votre pression sanguine.

    Au même moment, les stocks de sucre dans votre foie saturent, ce qui provoque le rejet du sucre dans votre sang.

    Après ¾ d’heure

    Votre corps se met à produire plus de dopamine. Il s’agit d’une hormone qui stimule le « centre du plaisir » dans le cerveau. Notez que la même réaction se produirait si vous preniez de l’héroïne.

    Et ce n’est pas le seul point commun entre le sucre et les drogues. Le sucre peut également provoquer une dépendance. A tel point qu’une étude a démontré que le sucre était plus addictif que la cocaïne. [4] Ce n’est donc pas un hasard si « l’accro » qui s’apprête à boire son Coca est aussi fébrile qu’un narcomane en manque.

    Après 1 heure

    Vous entrez en chute de sucre (hypoglycémie), et votre niveau d’énergie, aussi bien physique que mental, s’effondre.

    Pour éviter cette cascade de catastrophes, la seule véritable solution est de boire de l’eau.

    « Je ne suis pas une plante verte ! »

    Il est difficile de se remettre à boire de l’eau quand on s’est habitué pendant des années à des boissons sucrées ou du moins composées (café, thé, vin, bière…).

    On croit ne plus pouvoir se contenter du goût fade de l’eau. « Je ne suis pas une plante verte ! » ; « L’eau, c’est pour les bains de pied ! » s’amuse-t-on à dire à table en empoignant la bouteille de vin rouge.

    En réalité, le mal est souvent plus profond qu’une affaire de goût. Les personnes qui rechignent à boire de l’eau sont souvent des personnes qui n’ont pas vraiment soif. Et si elles n’ont pas soif, c’est parce que, généralement, elles manquent d’exercice physique.

    Lorsque vous avez bien transpiré, au travail ou au sport, boire plusieurs verres d’eau n’est pas seulement une nécessité – c’est un suprême plaisir.

    Ma prévenante maman m’avait inscrit avec mon grand frère dans un club de judo. Nous étions quarante garnements dans une salle municipale de 30 mètres carrés éclairée au néon et garnie de tatamis, qui n’était aérée que par un étroit vasistas. Après un intense échauffement où nous devions sauter, courir, puis faire des séries de pompes et d’abdominaux, le professeur nous faisait enchaîner les prises, combats debout et au sol, avant de terminer (c’était le meilleur moment !) par une grande bataille de « petits chevaux » où, monté sur le dos d’un camarade, il fallait précipiter les autres par-terre.

    A la fin du cours, rouges, soufflants, suants, nous nous élancions vers les vestiaires où se trouvaient, au dessus de grandes vasques attenantes aux urinoirs, des robinets-poussoirs d’où sortait de l’eau chaude mais, en ces moments, si savoureuse ! L’affreuse odeur des latrines n’empêchait aucun d’entre nous de s’en remplir l’estomac avec délice. Les plus pressés appliquaient directement leur bouche sur le robinet, tandis que les autres, plus civilisés, formaient une cuvette avec leurs mains et lapaient sans reprendre haleine le précieux liquide. Je n’ose penser à la quantité de mucus et de microbes qui s’échangeaient à cette occasion.

    Toujours est-il que je ne me souviens pas avoir jamais bu meilleure boisson que l’eau des cabinets de notre club de judo.

    Pourquoi arrêter le Coca

    Réfléchissez-y. Après l’effort, vous pouvez aussi avoir envie de boire un Coca-Cola ou une bière bien fraîche, mais vous vous rendrez compte que cela ne vous procure pas un plaisir aussi intense que l’eau. L’eau est le plaisir suprême quand on a vraiment soif, de même que, lorsqu’on a faim, lors d’une grande promenade en montagne par exemple, il n’y a rien de tel qu’un saucisson, qu’on ne touchera plus une fois rentré à la maison et repris le rythme habituel.

    Mais il n’y a pas que le plaisir. Boire de l’eau réduira votre consommation de toutes les substances néfastes qu’on trouve dans les sodas, à commencer par :

    • l’acide phosphorique, qui interfère avec le métabolisme du calcium, et cause de l’ostéoporose ainsi qu’un ramollissement des dents et des os ;
    • le sucre, facteur de diabète, maladies cardiovasculaires, inflammation chronique, arthrose, cancer ;
    • l’aspartame : il y a plus de 92 effets secondaires liés à la consommation d’aspartame, dont les tumeurs cérébrales, l’épilepsie, la fragilité émotionnelle, le diabète ;
    • la caféine, qui provoque tremblement, insomnie, maux de crâne, hypertension, déminéralisation et perte de vitamines.

    Sans compter que l’acidité du Coca-Cola est désastreuse pour les dents. Avez-vous déjà remarqué comme vos dents sont râpeuses après avoir bu du Coca-Cola ? Plus acide que le jus de citron, il peut-être utilisé pour décaper les pièces en métal (faites l’expérience de laisser une pièce sale de 50 centimes pendant une demi-heure dans un verre de Coca). L’émail de vos dents devient poreux, jaunâtre, grisâtre lorsque vous buvez souvent du Coca-Cola et c’en est la conséquence.

    Inutile enfin, de parler des effets sur l’obésité : surtout chez les enfants, la consommation de sodas augmente le risque de 60 %. Il n’y a aucune bonne raison de faire boire des sodas à vos enfants, sauf si vous voulez

    • augmenter leur risque de diabète ;
    • augmenter leur risque de cancer ;
    • leur créer une dépendance au sucre.

    Alors voilà une bonne source d’économies en ces temps difficiles : ne plus laisser aucune boisson sucrée franchir le seuil de votre maison. Et réapprendre à boire de l’eau : commencez votre journée par boire un grand verre d’eau, avant même le petit-déjeuner. Vous ferez un merveilleux cadeau à vos reins, eux qui travaillent si dur à nettoyer votre sang toute la journée. Ils seront plus sains, plus propres, et vous vous sentirez en meilleure forme.

    A votre santé !

    Jean-Marc Dupuis

     

    Sources :

    [1] Sugar Stacks beverages,
    http://www.sugarstacks.com/beverages.htm

    [2] What Happens to Your Body Within an Hour of Drinking a Coke,
    http://articles.mercola.com/sites/articles/archive/2008/01/19/what-happens-to-your-body-within-an-hour-of-drinking-a-coke.aspx

    [3] Coca-Cola une boisson dangereuse et cancérigène,
    http://www.dangersalimentaires.com/2011/04/coca-cola-une-boisson-dangereuse-et-cancerigene/

    [4] Intense Sweetness Surpasses Cocaine Reward,
    http://www.plosone.org/article/fetchArticle.action?articleURI=info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0000698



    Pour en savoir plus, cliquez ici : http://www.santenatureinnovation.com/quelles-solutions/nutrition/ce-qui-arrive-dans-votre-corps-30-mn-apres-avoir-bu-un-coca/#ixzz2aJF8rnYl

  • Commissions d’intervention

    Commissions d’intervention plafonnées : banquière, j’applaudis

    berengere1981 | Riveraine


    Une machine à sous (Adriagarcia/Flickr/CC)

    Le plafonnement des commissions d’intervention annoncé par le ministre de l’Economie Pierre Moscovici est une bonne nouvelle et un pas efficace vers une réglementation des frais bancaires. Après la loi Lagarde qui n’avait été qu’un immense cadeau aux banques, enfin une mesure juste.

    MAKING OF

    Les commissions d’intervention – ces frais facturés par les banques par exemple quand un client dépasse son découvert autorisé – ne pourront bientôt plus dépasser 8 euros par intervention et 80 euros par mois. Le plafonnement de ces commissions est prévu dans la loi bancaire votée ce jeudi. Le plafond a été annoncé vendredi par Pierre Moscovici.

    Chargée d’affaires dans une grande banque régionale, notre riveraine Bérengère applaudit. Mathieu Deslandes

    Pour tous ceux qui ne dépassent jamais leur découvert autorisé et se demandent ce qu’est une commission d’intervention, il s’agit d’une pénalité prélevée par la banque dès lors que vous dépassez votre découvert autorisé.

    Les clients ont tendance à les confondre avec les agios là où en réalité les agios ne coûtent pas grand-chose et sont légitimes puisqu’il s’agit du taux d’intérêt auquel la banque prête l’argent (puisqu’un découvert est par définition un crédit).

    Concrètement, comment se passe la gestion d’un compte débiteur ?

    Les comptes débiteurs, un jackpot

    Tous les matins, votre conseiller bancaire, quand il arrive au bureau, consulte la liste des comptes débiteurs qui a été générée par informatique. Il a donc accès à tous les comptes en dépassement et aux opérations en suspens : chèques et prélèvements principalement. A partir de là, il doit agir pour gérer le compte :

    • envoyer un courrier au client l’informant du débit (environ 15 à 20 euros) ;
    • envoyer un courrier l’informant du rejet prochain d’un chèque (également 15 à 20 euros) ;
    • rejeter des prélèvements (environ 20 euros) ;
    • bloquer la Carte Bleue (une quinzaine d’euros).

    S’il décide de laisser passer des opérations afin de ne pas pénaliser le client (rejeter l’école ou EDF n’est pas forcément une bonne idée), il se verra alors facturer les fameuses commissions d’intervention d’un montant d’environ 8 euros par opération.

    Ce qui devient drôle, c’est qu’ensuite, le conseiller peut mixer le tout :

    • le lundi, un prélèvement de 30 euros passe sur le compte, il facture donc une commission d’intervention (8 euros) ;
    • le mardi, il écrit au client pour lui demander de couvrir (20 euros) ;
    • le jeudi, comme il n’a pas couvert, le prélèvement est rejeté (20 euros).

    Soit potentiellement 48 euros de frais pour une opération de 30 euros !

    Le vrai scandale des banques ne réside pas tant dans les frais – tous ont une justification –, mais dans le manque de respect du client et la pression de certains directeurs qui ont compris le jackpot que représentent les comptes débiteurs.

    On ne gère pas ces cas comme une machine

    Il est bien plus compliqué de faire du résultat en étant compétent et en développant son portefeuille qu’en restant assis sur son bureau et en appuyant sur le petit bouton « rejet » de son ordinateur. Un prêt immobilier : 300 euros de frais de dossier pour des semaines de travail. Un chèque rejeté : 50 euros pour appuyer sur un bouton.

    Bien sûr que je rejette des prélèvements, des chèques et bloque des Cartes Bleues. Il s’agit de mon métier. En revanche, je n’ai jamais fait aucune opération sans appeler mon client avant (0 euro) afin de faire un point sur sa situation et n’ai jamais rejeté un prélèvement dont la somme des frais n’aurait pas fait baisser le débit de manière significative.

    On ne peut pas gérer ses débiteurs comme une machine. Chaque cas doit être étudié et réfléchi. On doit peser le ratio risque/intérêt client.

    Bloque-t-on vraiment la CB de la mère de famille qu’on n’arrive pas à prévenir et qui peut se retrouver en panne d’essence ou coincée à la caisse du supermarché ? Est-il cohérent de rejeter une facture de 20 euros qui coûtera la même somme en frais de rejet ? Rejette-t-on le prélèvement de Canal+ considéré comme un luxe par beaucoup de mes collègues mais qui est souvent la seule activité pour des clients totalement isolés socialement ? Comment donner des leçons à des gens à qui il reste 150 euros pour faire les courses une fois payés leur loyer et leurs assurances ?

    Nous avons le devoir moral de rester justes

    Ces questions, très peu de conseillers se les posent aujourd’hui et beaucoup ne se sentent aucune responsabilité vis-à-vis de leurs clients. Il est plus facile de matraquer un client à distance que de lui expliquer cela de vive voix.

    Ces commissions d’intervention ont un sens : faire des paiements sans provision oblige la banque à payer pour vous et elle prend le risque de ne pas avoir de couverture. Les agios également. Lorsque vous êtes à découvert, vous vivez à crédit et il est normal que ce crédit ait un taux débiteur.

    Je considère que la banque n’a aucune obligation de payer pour son client. Nous ne sommes pas un service public. En revanche, nous avons le devoir moral de rester justes dans nos décisions et nos pratiques.

    Voilà pourquoi cette réforme est une excellente nouvelle pour tous les clients en difficulté que leurs conseillers enfoncent par paresse ou incompétence, même si elle est moins bonne pour notre participation et notre intéressement.

    Quoique je ne m’inquiète pas : un de nos dirigeants arrivera sûrement à remplacer ces bonnes vieilles commissions par de nouveaux frais plus novateurs.