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[lu] l'enculé, roman de marc-edouard nabe

 

antiédité par l'auteur, octobre 2011, 250 pages, 24 euros

Dessin de Laurent Lolmère (c)  - Non content d'avoir déjà mis un gros doigt dans le cul du milieu littéraire en général et celui de l'édition en particulier (c'est lui qui a inventé le concept révolutionnaire et d'avenir "d'ANTI-EDITION"), le voilà qui revient avec un nouveau roman, inspiré par "l'affaire D.S.K." et sobrement intitulé: "L'ENCULÉ".- On saura jamais ce qui s'est passé derrière cette porte...

Cette phrase, on l'a entendue (on l'entend encore) partout : chez ceux qui voulaient savoir, comme chez ceux qui ne voulaient pas. Là-dessus tout le monde paraissait d'accord. Normal que Marc-Édouard Nabe, en anar individualiste, ne l'ait pas été et veuille nous le faire savoir, à sa manière.

Nabe est entré dans la chambre 2806 avec l'Enculé, le héros de son roman. Rien ne lui a échappé de la fameuse scène de ménage, ce mémorable 14 mai 2011. Il avait pris la meilleure place pour le spectacle : embedded (embarqué) dans la tête et les jambes (poilues) du (alors) Président du FMI et dans tout le reste, surtout.

Près d'un an plus tard, Dominique Strauss-Kahn nous raconte ça, et tout ce qui a suivi. Nabe tient la plume. C'est irrésistible, drôle, féroce, satirique, irritant, intelligent, fin, grossier, vivant, farce, cinématographique, méchant.

 

[ce billet est illustré par le talentueux Laurent Lolmède, avec sa sympathique autorisation]

Après celle de la chambre du Sofitel, aucune porte ne résiste à Nabe. Pas plus celle de la cellule de Rikers Island que celle de la maison de TriBeCa. On a tous subi à la télé cet été le spectacle édifiant et récurrent des visites que recevait un couple d'otages à Manhattan. On a vu le livreur de pizzas se frayer un passage entre badauds, micros et cameras ; sonner, entrer, ressortir. Nabe, lui, était de l'autre côté de la porte, dans le salon, alors il connait le montant du pourboire qu'Anne Sinclair a filé au garçon : 15 dollars ! Que je vous rassure (ou vous inquiète, c'est selon) il y a des choses beaucoup plus bêtes et méchantes sur la femme de l'Enculé, mais c'est toujours DSK qui raconte, hein...

Évidemment Nabe s'appuie sur des faits d'actualité largement (trop) médiatisés vécus par des personnages bien connus. On rit de les retrouver minutieusement restitués par sa plume déformante avec ce qu'il faut de décalages subtils pour que les décollages de l'inspiration de l'écrivain vers le fantasme et la fantaisie débridée nous emballent. Les Strauss-Kahn spectateurs  d'un rodéo avec Elkabbach en Stetson parce que " ça change vachement les idées ", normal ! Jean-François Derec canotant à Central Park, normal ! L'enlèvement de Martine Aubry par un biker, normal !

" J'aurais bien aimé perdre pour voir ce que ça fait. "

Au bout de quelques pages, il se passe un phénomène curieux : on découvre un DSK tel qu'on ne l'imaginait pas du tout (moi en tout cas). L'Enculé est un drôle de type qui se laisse mener par le bout... du nez par les femmes, surtout la sienne. Fier de ses conneries, pas malin-malin, presque naïf, un peu jaloux, un pauvre con. Jouisseur évidemment, et fier de l'être au point de vouloir être le seul, l'unique, le plus grand. Pour un peu on le plaindrait d'être si... animal. Presque humain. Plausible. Scène touchante dans la cellule de Rikers quand DSK lie amitié avec une gentille araignée souriante qui ressemble à celle d'Odilon Redon et qu'il baptise Internette, rapport à sa toile. Saviez-vous que DSK était fan de singes, très calé, particulièrement intéressé par le nasique, celui dont on croirait qu'il porte son pénis au milieu de la figure ! A la fouille, le maton a sorti du baise-en-ville du prisonnier, une photo de Cheeta, et des pilules de bromure ! Bon, le vrai DSK peut-être pas, mais l'Enculé, si ! 

Et puis, ça c'est mon interprétation personnelle, il y a du Nabe dans cet Enculé (comme la couverture du livre le suggère). J'ai relevé par exemple leurs goûts communs pour : les chapeaux, Picasso, les putes, la virilité, la neige glacée, la préférence pour la clarinette jazz putôt que klezmer, Billie Holiday, et fixer les femmes dans les yeux.

In fine, une question demeure : la société est-elle coupable de ne pas être capable de condamner L'Enculé (le personnage, pas le livre) ?

 

d'autres critiques, chroniques, notes de lecture, avis...

...ceux qui aiment :

  • Marc-Edouard Nabe - L'Enculé, par Tomblands, - "Tout roman qu'est L'Enculé, on ne peut pas ne pas se demander si Nabe risque un procès pour injure ou diffamation. On sait les gens tellement procéduriers. Au détour de la page 74, Nabe y fait allusion, avec amusement. Anne Sinclair dit à son mari : "Rachel aussi l'aime bien, ce Nabe... Je ne sais pas ce qu'elle lui trouve. En tout cas, qu'il ne s'avise pas d'écrire sur ton affaire. Sinon je lui fous un procès un cul !" Alors, procès ? Comme a conclu DSK son entretien TV avec Claire Chazal : "on verra... !"
  • L'Enculé de Marc-Edouard Nabe, par Leo Scheer - "Le résultat est, de mon point de vue, particulièrement réussi. Il y a dans la lecture de ce texte un éclat de rire et une jubilation de l'écriture qui ne faiblissent pas durant 250 pages. On ressent à chaque paragraphe comme une claque, le souffle de la liberté, la vraie et on se dit : Houah! comment c'est possible?"
  • Ainsi parlait DSK - Avec L’Enculé, Nabe sonde la banalité du mâle, par Daoud Boughezala rédacteur en chef adjoint de Causeur- “ A en juger par sa relation détaillée des dernières tribulations télévisées du « queutard » du Sofitel, le vingt-neuvième roman d’Alain Zannini a d’ailleurs été écrit sur le vif, sans doute moins de trois semaines avant son anti-édition. ”
  • Nabe, cet enculé, sur le site CulturalGangBang - “ Nabe écrit en musicien. Il transpose l'atroce un ton au dessus. Au sens propre, il exagère ”
  • L'Enculé de Mard-Edouard Nabe par Frédéric Aranzueque-Arrieta - " L'auteur ne craint pas de tomber dans le registre du grotesque, au contraire il y fonce ; on oscille également entre ironie et sarcasme, car malgré tout cette affaire nous laisse un goût amer"
  • J'ai dévoré L'Enculé par Michel Z -  "Sachant que l'affaire a éclaté le 14 mai, que le roman tient compte des faits historiques jusqu'à l'interview donnée à Claire Chazal, à la mi-septembre, c'est un fameux exploit d'avoir fait paraître ce livre le 7 octobre. L'action se déroule jusqu'aux élections présidentielles de 2012 et elle est donc forcément imaginaire - et d'ailleurs volontairement délirante."

...celui qui aime pas :

  • Nabe L'Enculé. Oui, l'enculé. par Emery Doligé. "Enfin, s'il faut lire les livres des gens qu'on n'aime pas, faut-il les acheter ?...Non. Il ne faut pas. Alors L'Enculé de Nabe faites-le vous prêter si vous n'avez plus rien à lire, mais ne l'achetez pas... histoire de ne pas financer ce que vous ne pourriez pas assumer."

dans la presse :

  • La fortune de Nabe, par Patrick Besson pour Le Point : "L'Enculé est à ce jour la synthèse la plus pertinente et la plus joviale de tout ce qu'on a pu lire, voir et entendre sur l'affaire DSK au cours de l'été dernier. A cette occasion, les médias mondiaux, et notamment anglo-saxons, se sont affichés, avec une autosatisfaction abjecte, comme des monstres de bêtise et de vulgarité dont Nafissatou Diallo et Dominique Strauss-Kahn ont été, tour à tour, les victimes sacrificielles. Cette bêtise et cette vulgarité, Nabe, dans son titre et dans son texte, les reprend à son compte. Pour les retourner. C'est un grand retourneur."

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