Langue de pute et bon client... Marc-Édouard Nabe
Des éjaculations littéraires qui mettent le PAF mal à l'aise !
Seuls Jean-Pierre Elkabach sur Europe 1 et Éric Naulleau sur Paris Premièreont accepté de recevoir Nabe pour son dernier roman.
Du coeur à l'outrage
Auteur de L'Enculé, roman hilarant et poisseux sur l'affaire DSK-Diallo, Marc-Édouard Nabe jette un regard perçant sur cette histoire très (mal) médiatisée, qui n'avait pas encore été interprétée de manière si...profonde ! Langue de pute, mais pas de bois, l'écrivain nous a reçus chez lui pour dégueuler son mauvais goût irrésistible sur la politique, le sexe, les femmes... Attention, ça tache !
Auto-édité par Nabe, son dernier roman s'est déjà vendu à plus de 2500 exemplaires.
HOT VIDÉO : Vous étiez enthousiaste à l'idée de faire une interview pourHot Vidéo plutôt que pour Le Magazine Littéraire (je vous cite) lorsque nous vous avons contacté. Pour quelle raison ?
MARC-ÉDOUARD NABE : Oh la la ! Bien sûr ! Pour moi, c'est une consécration ! Je suis enchanté, ravi et vraiment très fier d'être dans Hot Vidéo pour L'Enculé.
Pourquoi un titre aussi insultant ?
C'est insultant, mais c'est aussi poétique. C'est l'un des plus beaux mots de la langue française, je l'ai toujours adoré. Personne ne l'avait jamais utilisé comme titre, aucun éditeur ne l'aurait accepté. Et ça va parfaitement au personnage dont il est question. C'est un sacré enculé dans le sens où il s'en est sorti !
On sent une jubilation dans votre narration de l'affaire, celle de voir le masque d'un puissant tomber et de le révéler dans sa condition animale, « simiesque » comme vous dites...
Je me réjouis toujours quand les masques tombent. Je déteste les masques surtout les masques sociaux. Le social me dégoûte profondément. Dans le cas de DSK, le masque est tombé, mais il l'a vite ramassé et se l'est remis sur le visage avec l'aide de son entourage. On le lui a verrouillé comme le masque de fer : c'est le masque du « nieur ». C'est ça sa tragédie : il nie l'évidence. S'il avait simplement dit à la télé : « Oui tout à coup j'ai eu envie de baiser et il n'y a que ça qui m'intéresse, je me fous de la politique, j'aime la France, mais là c'est plus fort que tout, j'ai 62 ans, il me reste encore quelques années pour triquer, j'ai vraiment besoin de ça, d'ailleurs tous les hommes me comprendront », il aurait eu tout le monde avec lui. Et « pardon Nafissatou, c'est vrai, je l'ai un peu brutalisée, mais j'avais tellement envie d'elle ! », aucun homme ni aucune femme n'aurait pu, en l'entendant, résister à un pareil aveu de vérité.
Pourquoi racontez-vous cette histoire à la première personne, dans la peau de DSK ?
Donner mon avis sur DSK aurait été trop prévisible, j'ai des choses à dire sur cette affaire, mais en tant que romancier c'est beaucoup plus intéressant de se mettre dans la peau de DSK, d'expliquer à la première personne la pulsion masculine. Plus que la charge politique, c'est l'aspect sexuel de L'Enculé qui l'empêche d'être présent dans les médias, il est boycotté à cause de la bourgeoisie et de la bienséance, ça ne se fait pas de parler d'un livre aussi sexué.
Vous écrivez : « foutre tout en l'air pour foutre un peu ». Au-delà du cas DSK, tous les hommes sont ils réductibles à leur désir sexuel ?
Complètement. S'ils ne le sont pas, c'est qu'ils se refoulent, se briment. Un seul métier est compatible avec une sexualité débridée chez un homme : celui d'artiste. En tant qu'artiste, on peut ne rien s'empêcher sexuellement, cette liberté profite toujours à l'Art. Mon personnage a essayé d'appliquer ça dans le monde de l'économie et de la politique et s'est cassé la gueule. Les hommes politiques sont des queutards, mais ils ne le vivent pas bien, la preuve... Au moindre dérapage, ils se font gauler. Pour un artiste, ce n'est pas grave de se faire gauler. En tournant dans Paris pour trouver une pute, il m'est arrivé de tomber sur un lecteur qui m'a reconnu et m'a désigné du doigt en me disant « ah je t'ai vu ! Tu vas aux putes ! », comme s'il était de la police et comme si je me cachais... Je lui ai répondu « oui, et je m'en vante, Monsieur ! » puis il est parti.
L'Enculé décrit le sexe de manière crue, obscène et pas forcément sensuelle. Vous êtes-vous inspiré de l'imagerie porno pour décrire le sexe?
Non, je n'ai pas besoin de regarder des films pour me rappeler comment se passe le sexe. Mais considérer mon livre comme pornographique est un grand compliment littéraire. Vous savez, si c'est bandant, c'est gagné. J'ai trois objectifs quand j'écris, et ça devrait être les fondations de toute écriture : faire rire, faire pleurer et faire bander (ou mouiller).
Êtes-vous consommateur de porno ?
Oui, mais je ne suis pas un addict. J'ai davantage une addiction à la prostitution qu'aux films pornos, mais j'ai des flashes, des images que j'ai vues et qui me suivent, car j'ai une mémoire visuelle et sexuelle très forte, je peux me souvenir de tout ce qui s'est passé à chaque fois que j'ai rencontré une femme depuis que je suis adolescent. Il m'est arrivé de me branler en voyant des images pornos sans pour autant être en manque par rapport à une autre activité sexuelle, conjugale ou prostitutionnelle. J'ai toujours tout mélangé, on peut faire l'amour à sa femme, et pendant qu'elle va faire les courses se branler avec du porno, puis le soir aller avec une pute. Pourquoi s'interdire ? C'est la grande hypocrisie de la société, on croit toujours qu'il y a une maladie ou un manque, mais ce n'est pas parce qu'un type manque de femmes qu'il va voir une pute, ni parce qu'il est tout seul ou célibataire qu'il se branle devant des films pornos. Ce sont des étapes différentes de la journée sexuelle d'un homme.
Quel genre de porno regardez-vous ?
Je préfère les films amateurs ou semi amateurs, je n'aime pas les films trop esthétisants avec de la musique. Dès qu'il y a un préservatif, c'est horrible ! Je me souviens d'un film où on voit une Roumaine sucer une cinquantaine de types les uns après les autres et elle les fait jouir sur elle. Le plan était toujours le même, les mecs rentraient et sortaient du champ sans qu'on ait vu leur tête (mais elle les regardait dans les yeux en les aspirant), et à la fin elle était recouverte de sperme, complètement inondée... L'affaire de « Dodo la Saumure », qui a eu lieu à L'Aventure, un bar dans lequel je passe souvent la nuit, m'a rappelé un film porno allemand, où l'on voit un mec sodomiser une vieille maquerelle dans les toilettes. C'est excitant parce qu'elle se laisse faire tout en n'étant pas trop d'accord. C'est exactement ce qui s'est passé à L'Aventure, DSK serait descendu aux toilettes et aurait sodomisé « Madame la Saumure ».
Il y a forcément une part de vous-même dans ce personnage, mais laquelle?
L'instantanéité. Je me retrouve dans le fait de rencontrer une femme et de pouvoir faire l'amour avec elle tout de suite, le jour même, dans une liberté totale. Ça m'est arrive assez souvent et à DSK aussi j'imagine. C'est ce que tous les hommes rêvent de vivre, la plupart ne le font pas parce qu'ils n'ont pas l'occasion, la force, ou le courage et ne savent pas prendre le présent à bras-le-corps. Moi je n'ai rien à voir avec ce mec et sa brutalité me répugne, je suis beaucoup plus tendre comme amoureux du sexe, mais l'impulsion originelle, fondamentale, primordiale, est là chez moi aussi, évidemment.
Vous êtes plus féroce avec l'entourage de DSK, Anne Sinclair notamment (« Édith Piaf sous Cortisone »), qu'avec DSK lui-même...
Bien sûr. Je suis contre l'épouse, la conjugale, l'autorité que la femme représente à l'intérieur d'un couple, parce que c'est un abus de pouvoir, surtout dans son cas puisqu'elle est millionaire, elle le domine completement sur le plan social...Je règle aussi à travers elle des conflits avec la gauche, cette gauche qui pue, qui est ignoble. Je déteste la droite, tous mes ennemis sont à droite, vous ne verrez jamais un article sur moi dans Le Figaro Mag, Paris-Match, ils me détestent.Mais alors, cette gauche sartrienne, dont toutes les idées se sont écroulées depuis la Libération, est encore pire. Comment un type comme DSK peut-il encore se prétendre de gauche ? Mitterrand le premier a sacralisé cette figure de l'hypocrite suprême, le franchouillard de droite qui se déguise en gauchiste humanitaire pour avoir des électeurs et pour devenir président de la République.Mitterrand n'a jamais rien eu de gauche à part sa femme qui vient de mourir.C'était elle, la seule gauchiste du couple, elle l'était authentiquement, ce n'est pas du tout le cas d'Anne Sinclair et de Strauss-Kahn, les deux sont des hyperbourgeois de droite qui se déguisent en gens de gauche pour accroître leur pouvoir.
Vous tournez en dérision les sujets les plus sensibles, le racisme, la misogynie, le viol, la religion, la pédophilie, les Juifs... Pourquoi choisissez-vous toujours les thèmes les plus périlleux comme supports humoristiques?
Ce n'est pas moi qui invente notre époque, harcelée et hantée par ces sujets-là.C'est comme dans la musique, souvent les mêmes thèmes reviennent. Écoutez Beethoven qui, petite parenthèse, était complètement frustré sexuellement. S'il avait pu, il aurait sauté sur n'importe quelle femme de ménage, c'était une brute de douleur, de sexe, il s'est toujours amouraché de connasses bourgeoises de Vienne qui n'en avaient rien à foutre de sa gueule et toute sa musique n'est que l'expression de sa frustration, ses symphonies ne sont que des frustrations de sexe non accompli. Il n'a rien à voir avec Mozart, qui est un flamboyant sexuel, libertin, je ne sais pas s'il avait le temps de baiser tout ce qu'il pouvait, mais en tout cas il était très léger sur ça, tandis que Beethoven, sa musique n'exprime que le manque de baiser, « je souffre de ne pas baiser », c'est ce que dit la Neuvième Symphonie, L'Hymne à la joie est en fait un hymne à la jouissance qui ne peut pas s'accomplir pour le pauvre Beethoven. Ce n'est pas impossible qu'il soit devenu sourd à force de se branler et il était rejeté par toutes les femmes parce qu'il avait un coeur d'artichaut en plus, cet abruti.
Je reviens à votre livre. L'Enculé suinte la haine, envers de nombreux personnages publics, juifs surtout...
(Il coupe) Ce n'est pas le livre qui suinte la haine, c'est le personnage qui ne peut plus supporter les gens de se communauté. J'ai déjà écrit ça dans bien des livres sur ces gens-là : Badinter, Elie Wiesel, Anne Sinclair... Dans mon Journal intime, il y a des portraits monstrueux d'un tas de personnalités, pas seulement juives, où je parle en mon nom propre. Dans L'Enculé, c'est différent : je joue avec les clichés du racisme, sans me positionner en tant que raciste, mais en faisant de DSK et de son entourage des racistes, ce qui casse les clichés justement. Par exemple, on dit que les noirs sont comme des singes et que les juifs aiment l'argent. Dans le livre, c'est le contraire : les Noirs aiment l'argent et les Juifs se comportent comme des singes. Anne Sinclair est très raciste envers les Noirs et DSK envers les Juifs, alors que lui-même fait partie de la communauté juive. On est dans ce mauvais goût.
L'humour est-il possible sans mauvais goût, selon vous ?
Oui, mais moi, ça me fait moins rire. L'Enculé est vraiment un livre d'humour très noir. C'est de l'humour noir juif ! Par exemple, le torchage avec La Nuitd'Elie Wiesel, ce n'est pas par hasard, je n'ai pas pris n'importe quel livre de déporté, je n'aurais jamais fait ça avec Si c'est un homme, de Primo Lévi, qui est un livre authentique, irréprochable, tandis que celui d'Elie Wiesel est beaucoup plus contestable, selon moi...
L'outrage est-il le moteur de votre travail ?
Oui, c'est vrai, c'est l'un des moteurs, surtout dans ce livre-là : c'est l'outrage aux bonnes moeurs. L'outrage que le personnage a fait subir à Nafissatou Diallo, je le lui fais subir à lui par les mots. Il ne faut pas oublier que c'est un livre « hyper-Nafissatoussien », c'est la première fois qu'on prend sa thèse pour argent comptant. La scène du viol que j'ai décrite est une reconstitution littéraire de ce qu'elle a dit à la police et aux médias.
« Nafissatoussien », peut-être, mais pas féministe : vous pestez contre la « sensiblerie lacrymale » des femmes, vous traitez les féministes de « connasses »... Que vous ont-elles fait ?
Rien, justement ! (rires) Tout dépend ce que l'on entend par féministe, je peux me considérer comme féministe dans ce livre, puisque je dénonce l'outrage infligé aux femmes par DSK, mais c'est vrai que le côté « ni pute ni soumise » est tellement révélateur de la méconnaissance volontaire de la femme... Les femmes qui se connaissent elles-mêmes savent qu'elles sont fondamentalement « et putes et soumises » et que toute leur vie est un combat contre cette putasserie et cette soumission. Alors tant mieux si ça les a fait évoluer sur le plan social, mais fondamentalement, quand une femme est excitée dans votre lit, elle est et pute et soumise, et ça la fait jouir, je ne parle pas de l'homme qui jouira de ça, c'est elle qui jouira d'être pute et soumise. C'est la nature féminine qui est comme ça, et tant mieux, c'est ça qui est magnifique, splendide.
Ne craignez-vous pas d'être pris pour un odieux macho en disant cela ?
Je m'en fous, il n'y a rien de macho là-dedans, et si on le croit, tant pis. Les vraies femmes et toutes mes amies putes savent bien que j'ai raison, je ne serais pas si ami et si tendrement attaché aux prostituées si elles me considéraient comme un macho. Elles savent bien que je suis le contraire d'un macho. Et pourtant, s'il y a bien des femmes qui revendiquent leur côté pute et soumise, ce sont bien les prostituées, tout en étant bien souvent les plus libres, les plus rebelles et les plus intelligentes.
Propos recueillis par François Brummell
Légendes et extraits :
Les murs de l'appartement parisien de Nabe sont colorés de ses propres tableaux. Une série de nus commencée il y a plus de 10 ans.
« J'ai juste secoué une boniche pour qu'elle me fasse une pipe vite fait. » Extrait de L'Enculé
« Tous les hommes sont capables de remuer des mondes, de renverser des univers ou de bouleverser des galaxies juste à cause de cette bite et de ces deux couilles. » Extrait de L'Enculé