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  • La vie des Nord-Africains à Paris en 1955

    PORTFOLIO | 15 PHOTOS

     

    Des cours de français pour Algériens, des jeux d'enfant dans la boue des bidonvilles, la pause au café... C'est ce que racontent les photos prises par Pierre Boulat en 1955. Un témoignage unique qui montre, bien avant les années noires de la guerre d'Algérie, la ségrégation imposée par l'Etat français à ces "Français musulmans d'Algérie", selon les termes administratifs de l'époque. Né en 1924 et mort en 1998, Pierre Boulat a consacré sa vie à la photo, devenant après-guerre un des plus grands photoreporters publié par Life, Paris-Match, le TimeNational Geographic...Certaines de ces photos sont exposées jusqu'au 19 mai à la Cité de l'immigration, dans le cadre deVies d'Exil, 1954-1962, des Algériens en France pendant la guerre d'AlgérieA voir aussi, sur Mediapart, l'entretien vidéo avec Monique Hervo: la guerre d'Algérie vue d'un bidonville de Nanterre.

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    En 1955, ce que l'on appelle communément la guerre d'Algérie (1954-1962) venait de commencer. Dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris, la police fait face à des Nord-Africains à l’angle des rues de Chartres et de la Charbonnière.

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    Dans un bidonville de Nanterre. La commune comptait dix-sept bidonvilles où étaient regroupées quelque 
    10 000 personnes. © Pierre Boulat / Cosmos

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    Dans le bidonville de Nanterre. D'abord ce furent les hommes qui arrivèrent dans une France qui manquait alors de main d'œuvre. Puis, ils firent venir leur famille pour les protéger de la guerre. © Pierre Boulat / Cosmos

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    Une partie de dominos dans le café Maure de la rue Maitre Albert. © Pierre Boulat / Cosmos

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    Avant l'embauche, vérification des papiers.

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    Des immigrés prennent des cours de français.

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    Le marché au troc à la Porte de Saint-Ouen, au nord de Paris, où s'étalle aujourd'hui le marché aux Puces. 
    © Pierre Boulat / Cosmos

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    A Courbevoie devant des ouvriers métallurgistes, une danseuse du ventre récolte quelques billets dans le soutien-gorge. Elle fait tous les soirs la tournée des cafés. © Pierre Boulat / Cosmos

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    Fouille au corps dans le bidonville de Nanterre. Gendarmes et policiers contrôlaient à la première occasion ceux qu’ils appelaient les « bicots ». Il n’y avait pas de tension, les Arabes étaient calmes, éberlués, un peu peinés. Mais l’escalade commençait.

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    A Billancourt, une paillasse pour trois et l’on se relaie. © Pierre Boulat / Cosmos

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    Coupe de cheveux dans un café. © Pierre Boulat / Cosmos

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    Mr Abdel Krim Bouzekkar, gardien d’usine, a « réussi ». Il a fait venir sa famille et grâce au prêt de l’Association d’aide aux familles nord-africaines il a pu acheter cet appartement qu’il paiera en vingt ans.

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    Foyer pour les travailleurs algériens après le nettoyage du bidonville de Gennevelliers.

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    Repas dans un foyer. © Pierre Boulat / Cosmos

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    Vendeur des quatre saisons dans une rue.

    TOUS LES COMMENTAIRES

    Vivre au paradis...

    Remarquable, Giulietta. Ça me rappelle le foyer Sonacotra où les immigrés étaient entassés quand je les rencontrais en 1975 à Epinal. Entassés, exploités, mais tellement accueillants et chaleureux. 

    A Chevalier

    Je ne suis pas de cette génération qui a connu cette période, mais ma grand-mère m'a raconté, cette condition de vie,  même si elle vivait dans une autre région et à une autre période.

    Le film vivre au paradis m'a marqué.

    https://www.youtube.com/watch?v=NLyvOuXQRCA

     

    il y a aussi le superbe doc de yasmina ben guigui "mémoires d'immigrés"

     

    A Massasté

    Son démenti ne change rien à mon opinion sur elle.

    Je mets au même niveau d'opportunisme Yamina Benguigui, Rachida Dati, Fadela Amara...

    Quel rapport avec le documentaire "Mémoires d'Immigrés"..??

    J'ai aimé "Z..." et ne me suis jamais préoccupée de la vie privée de Costa-Gavras..

    J'ai aimé "La Belle et la Bête" sans "juger" (!!) Jean Cocteau...

    Et vous avez beaucoup de mérite d'avoir su remettre en question cette peur de l'autre !

    Koikidi

    Ceci explique, pourquoi des enfants pouvaient dire à d'autres enfants, dans la cour de récré :   "on ne joue pas avec les arabes"..

    Les arabes n'allaient pas à l'école avec nous. si je me souviens bien il n'y avait pas d'enfants.

    Koikidi

    Je ne parle pas spécialement de cette période.

    Début des années soixante, nous habitions une HLM près des terrains vagues entre la Porte de la Chapelle et la Porte d'Aubervilliers à Paris.Le périf n'était pas tout à fait terminé.

    J'ai connu aussi ce genre de propos, que ma mère me tenait... 

    Depuis, j'ai appris aussi.

    en 1955 les conditions d'existence des petits Français n'étaient pas trés différente des immigrés. voir ces photos avec l'évolution de 2012 est une vision fausse

     

    Ce que je vois aussi, sur ces photos, c'est qu'on sourit.  C'est un point de vue un peu réducteur évidemment, mais il est une certaine pauvreté moins sinistre qu'une certaine aisance où l'avenir se voile. Ce qui compte souvent c'est de savoir si on descend, si on monte ou si l'on est sur un plateau; la vue n'est pas la même. 

    Les français musulmans... en Algérie "française" c'était les "indigènes" et ils n'avaient pas les mêmes droits que les coloniaux.

    Les français n'ont pas fini de se pardonner le mal qu'ils ont fait aux algériens...

    Au CE2 en 1951 dans une classe d'une école des Frères du nord de la France on se disputait la première place mon copain Hamza et moi avec qui je rentrais de l'école pendant que son père été pompiste à l'aéroport d'Alger.

     Mais j'aimerais qu'un économiste sérieux m' explique sans tabou si ce ne fut pas une erreur de plus de nos irresponsables politique que d'avoir fait venir, pas aux dépens de leur train de vie à eux,  trop de Maghrébins, et encore plus après les accords d'Evian de 1962, ce qui permettait de sous-payer les ouvriers d'ascendance « européenne » qui auraient accepté certains boulots pénibles plus justement payés.

     Oui ou non, en 2012 la France est-elle surpeuplée et physiquement surpolluée avec trop de chômeurs, dont pas mal de descendants des immigrés maghrébins des années 1945-1965 qui sont nos concitoyens à part entière avec théoriquement les même droits que les autres, y compris les mêmes avantages sociaux que leurs parents et grands parents ce qui est normal ? Mais des avantages qui ne correspondent pas à autant de cotisations salariales, donc payés avec de l'argent qui n'est pas disponible pour réduire la misère de trop nombreux Français de souche qui vivent difficilement.   

     

    EVOLSPIR demande : Oui ou non, en 2012 la France est-elle surpeuplée et physiquement surpolluée avec trop de chômeurs, dont pas mal de descendants des immigrés maghrébins des années 1945-1965 [...] ? 

    Physiquement polluée par les chômeurs, on croit rêver !

    Le véritable polluant, celui qui détruit le lien social, c'est celui pour qui Égalité et Fraternité seraient des mots qu'il faudrait oublier afin, sans doute de  réduire la misère de trop nombreux Français de souche

    Les ouvriers d'ascendance  "européenne"  auraient-ils un droit de préséance sur les autres ?

    Serait-ce là l'enseignement des écoles des Frères du nord de la France ?

    Enfin, ça fait drôle de trouver sur Médiapart, ce discours au relents"bleu Marine" que la banalisation ne rend pas moins nauséabonds. 

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    Qu'est-ce que c'est que cette histoire d'autant de cotisations salariales??? Moi, française de souche, j'ai bossé à l'étranger, et pour des étrangers sans convention avec notre douce France, moyennant quoi ces annes ne comptent pas dans ma retraite. S'il y a moins de cotis', il y a moins de retraite. Quant aux sous dépensés pour un étranger, il convient de rappeler à toute fins utiles qu'un étranger est un type qui ne coûte pas un traitre sou de formation. Un enfant ça coûte des sous à la nation. Or, ils arrivent tous chauds tous rôtis, adultes et sans enfance coûteuse.

    Le capitalisme actuel vit d'un taux de chômage structurel hallucinant. Mais étrangers et nationaux sont logés à la même enseigne, et les travaux faits par le personnel semi esclave des illégaux continue d'exister même en période de chômage et de sous-emploi.

    J'en déduis que Verslui se trompe d'ennemi, se trompe de misère, se trompe de beaucoup de choses en pensant que trop d'étrangers sont là. Les économistes du système savent très bien que le taux d'étrangers actuellement est plus bas qu'il n'a été, que les français ont fait peu d'enfants pendant une époque et que la population avait donc besoin du sang neuf injecté par les étrangers, et que le système actuel n'a nullement l'intention d'en finir avec le travail illégal et le trafic d'hommes, même s'il montre les dents occasionnellement.

    Algériens, Roms, Juifs...même combat pour la liberté et l'acceptation de leurs identités...et cela bien avant 1945 tout comme aprés...Hélas.

    Savoir qu'aujourd'hui, il existent encore des êtres dit " bien pensants " qui sont antisémites et osent l'écrire...dans quel démocratie sommes nous depuis tant de temps ?

    André

     

    Pendant ce temps, , une autre partie de la Méditerranée faisait la moue à la moitié de la Méditerranée , sans douter que entre le Nord et le Sud , il n'y a aucune barrière de mort ou de vie mais seulement un gommage de magnitude entre zéro et mille degrés de chaleur humaine .

     
  • L’UE est-elle pacificatrice dans le sens de Nobel ?

     

     
     | BERLIN (ALLEMAGNE) | 3 NOVEMBRE 2012 
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    Lorsqu’en 2009 le lauréat du prix Nobel de la paix s’appela Barak Obama, ce fut une surprise pour beaucoup du fait qu’il n’avait pas apporté grand-chose dans ce domaine mis à part ses slogans « Change » et « Yes, we can ». Trois ans plus tard, ses performances en matière de paix ne dépassent pas celles d’un Bush Sr., Clinton, Bush Jr. Aucune des guerres déclenchées par George W. Bush n’a pris fin, bien au contraire, il y a eu la brutale intervention de l’OTAN en Libye, sans parler du camp de prisonniers de Guantanamo à Cuba, qui n’est toujours pas disloqué, de l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak.

    Alors que cette année le Prix Nobel de la Paix est attribué à une institution supranationale telle que l’UE, on doit commencer à s’interroger sérieusement sur la valeur des critères appliqués pour la nomination et l’attribution de ce prix.

    Il a été accordé à l’Union européenne du fait qu’elle aurait contribué depuis 60 ans à maintenir la paix en Europe. Cette nouvelle causa, lors de sa diffusion, bien des regards sceptiques, voire des mouvements d’humeur.

    Il est indéniable que les deux guerres en Europe, subies par les populations au cours de la première moitié du XXème siècle, ont laissé des traces dans les esprits. Il est vrai aussi que, depuis, l’Europe n’a plus connu de conflits de cette ampleur et qu’il s’est installé une sorte de réconciliation entre les États. Toutefois, il n’a pas pu échapper au comité Nobel que la paix en Europe repose sur du sable, il suffit de penser à l’effondrement du bloc de l’Est, source de nouvelles guerres en Europe.

    Les activités guerrières dans les Balkans

    On sait maintenant avec certitude que certains pays européens ont contribué, au cours des années 1990, à la destruction de la République yougoslave. Deux auteurs, Mira Beham et Jِorg Becker, ont analysé, dans leur livre de recherche Opération Balkan, l’influence de l’Occident lors de la destruction de la Yougoslavie, ainsi que la manipulation des médias menée de l’extérieur. Il apparaît avec certitude que l’Occident a contribué avec conséquence à la sécession de ces différentes républiques. On a su utiliser les difficultés économiques des diverses régions, en retirant les crédits et en augmentant les taux d’intérêts, afin d’exciter les gens les uns contre les autres. On en connaît les résultats.

    La guerre d’agression contre le reste de la Yougoslavie sous la direction des États-Unis et la participation active d’États européens dont l’Allemagne, qui allait à l’encontre du droit international et était de ce fait illégale, fut une démonstration de ce dont l’UE et ses États membres sont de nouveau capables malgré la promesse de ne plus jamais déclencher de guerre.

    L’affaire autrichienne – le déni de la volonté démocratique

    En 2000, l’UE a dévoilé son vrai visage. Comme il y avait eu en Autriche, à la suite d’élections menées démocratiquement, une coalition entre le parti bourgeois ÖVP et le parti FPÖ de Jِorg Haider pour former le gouvernement, des sanctions furent imposées au pays, piétinant les droits démocratiques de la population. Le prétendu « modèle de paix de l’UE » ne supporte pas un gouvernement critique à l’égard de l’UE, dans un État membre de cette UE. Un « Conseil des sages » dut décider si les sanctions devaient être maintenues ou abolies. Elles ne furent abolies qu’après la démission forcée de Jِorg Haider. On avait ainsi brisé froidement le droit démocratique. Mais ce n’est pas tout.

    Des guerres d’agression violant le droit international 
    Serait-ce une spécialité de l’UE ?

    Presque tous les pays de l’UE participent à la guerre en Afghanistan, qui dure depuis 11 ans. Ils ont donc une vive expérience de ce qu’est une guerre, particulièrement brutale et qui viole le droit international. Après une occupation de 11 ans de la part des États-uniens et des Européens, les populations vivent un cauchemar. Ce qui a commencé par le viol du droit international sous prétexte de chasser les Talibans, s’est transformé en guerre contre la population, et on n’en voit pas la fin.

    L’agression commise en 2003 sous un prétexte inventé de toutes pièces et cousu de fil blanc contre l’Irak, en violation du droit international, avec la participation de pays de l’Union européenne dans la « coalition des volontaires », notamment l’Angleterre, la Pologne, l’Italie, l’Espagne, etc., n’est toujours pas terminée et cause des milliers de victimes innocentes. Entre temps, les Britanniques et les Américains ont mis la main sur les réserves de pétrole.

    En 2011, la guerre contre la Libye, menée sous prétexte de secourir la population, ne fut rien d’autre que la volonté de faire changer le régime du pays, afin de se débarrasser d’un dirigeant honni et de s’approprier les richesses naturelles. En tête de cette agression se trouvaient, aux côtés des États-Unis, des pays de l’Union européenne, soit la France, l’Angleterre, l’Italie. La moitié des États européens de l’OTAN, membres de l’Union européenne, ont participé à cette agression déguisée.

    Que se passe-t-il en Syrie ? S’il n’y avait eu que la volonté de l’UE – la Chine et la Russie s’y sont opposées – il y aurait eu, là-bas aussi, une guerre d’agression, avec la participation de l’UE. L’Allemagne y a joué un rôle peu glorieux aux côtés de la France et de l’Angleterre.

    Où est donc, dans ces circonstances, l’engagement de l’UE en faveur de la paix qui aurait justifié un prix Nobel pour la paix ? Est-ce que le comité du Prix Nobel de la Paix se plie, lui aussi, aux raisons de politique de pouvoir ? Les populations de tous les pays de l’UE étaient opposées aux engagements militaires de ces pays. Les sondages révélaient entre 80% et 90% d’opposition. Donc, si l’on veut renforcer les forces de paix, ce sont les peuples qui ont une importance déterminante.

    L’Allemagne dans un rôle dirigeant 
    Mais, pour aller où ?

    Dans la publication Foreign Affairs, l’organe du laboratoire d’idées Council on Foreign Relations, fort prisé aux États-Unis, on estime qu’une germanisation de l’Europe permettrait de se sortir de la crise. L’Allemagne aurait ainsi un rôle dirigeant dans l’UE qui épouserait les ambitions d’Angela Merkel, cette femme avide de pouvoir. L’Allemagne, qui s’octroie le rôle de dirigeant au sein de l’UE, mène le projet d’une Fédération européenne et d’un renforcement du centralisme.

    La citation suivante est révélatrice : « Si nous, Européens continentaux, voulons obtenir l’unité et agir conjointement, ce dont dépend tout notre avenir, alors nous devons répondre à deux nécessités : renoncer à toute volonté de domination de la part d’un peuple sur les autres, ainsi que renoncer à toute volonté d’indépendance absolue en dehors de l’ordre européen. Être le porte-drapeau sans vouloir être le maître de l’Europe doit être la volonté de l’Allemagne, mais le porte-drapeau d’une nouvelle Europe qui doit prendre sa place parmi les nouvelles puissances mondiales et garder son rang qui lui est dû du fait de son développement historique et de ses forces culturelles et économiques. » Cette citation nous vient de Richard Riedl, président du conseil d’administration de l’entreprise Donau Chemie AG, faisant partie du groupe IG Farben, elle date de 1944.

    Il apparaît de plus en plus clairement que l’Allemagne prend une place dominante dans l’Union européenne. Si l’Allemagne devait devenir réellement le porte-drapeau de l’UE, ce serait de mauvaise augure pour la Suisse, vu les déclarations bellicistes destinées à intimider ce petit pays performant.

    La Suisse, un garant de la paix

    Si l’on prévoit d’accorder le Prix Nobel de la Paix à un État, il faudrait l’attribuer à la Suisse. Quel pays peut prétendre ne plus avoir été mêlé à des guerres depuis plus de 150 ans, et d’avoir contribué autant en faveur de la paix et de l’aide humanitaire pour panser les plaies des populations d’autres pays, que la Suisse au travers de ses organisations telle que la Croix-Rouge ? Toutefois, en consultant la liste des lauréats de ce prix, on peut s’estimer heureux de ne pas y figurer. Le choix de cette année le confirme.

    Source 
    Horizons et débats (Suisse)

  • Alerte ! Arour le boucher est en Syrie




    D'abord les médias ont fait mine d'ignorer son existence. C'est qu'il faisait un peu tache d'huile sur leur joli tableau printanier. Une fois que sa barbichette teinte au henné a inondé les écrans télé des pays du Golfe et les rues syriennes acquises à la rébellion, ces mêmes médias ont eu le culot de traiter ses détracteurs de propagandistes du régime de Damas. Le quidam dont on parle ? Adnane Arour, la Bête de l'apocalypse syrienne.

     

    Manifestation de l’opposition syrienne organisée à Tripoli dans le Nord du Liban au printemps dernier. On y voit les portraits d’Arour et de Ben Laden, deux figures emblématiques du takfirisme. Sous leur portrait est indiqué : « Nous sommes tous le cheikh Adnane Arour », « Nous sommes tous le cheikh Ben Laden »
     
    Originaire de Hama, Adnane Arour est un ancien soldat de l’armée syrienne. Il a été limogé, dit-on, pour une sombre histoire de viol. 

    Il s’engage ensuite dans l’insurrection anti-baathiste. Mais la répression le contraint à fuir le pays.

    Durant son exil saoudien, il se recycle dans le takfirisme, un courant sunnite radical qui prône l'Inquisition contre tous les courants religieux non sunnites à commencer par les chiites et les alaouites considérés comme « pires que les Juifs ».

    A partir de 2006, il anime une émission sur Wissal TV où il exhorte les jeunes sunnites à aller égorger les hérétiques chiites et alaouites et à « s'occuper de leurs filles entre 14 et 16 ans ».

    C'est à croire que sa pieuse retraite en « terre sainte » n'a eu aucun effet sur ses pulsions perverses.

    En Occident, certains s'étonnent aujourd'hui que la rébellion syrienne puisse faire preuve de tant de cruauté à l'encontre des forces loyalistes ou de simples citoyens qui ont le malheur d'appartenir à la mauvaise confession.

    Depuis son célèbre appel à « hacher les alaouites » et à « donner leur chair aux chiens » en cas d’insoumission au califat qu’il prône, son nom décore les poubelles de nombreuses villes.

    Mais sur les pentes du Djebel Zawiya, le « Peshawar » syrien, une zone montagneuse de la province d'Idlib réputée puritaine et réfractaire aux idées progressistes du panarabisme laïc, Arour fait des émules.

    Officiellement, les commandants de l'ASL ne voulaient pas de cet énergumène.

    Mais il y a quelques jours, Arour a été accueilli en véritable Pierre L'Ermite de cette armée prétendument libératrice.
     
    Arour avec les commandants de l’insurrection à Idlib, octobre 2012


    Arour prononça même le discours inaugural du « Commandement central des conseils révolutionnaires syriens » fraîchement créé dans le Nord de la Syrie en présence de son fils Mohammed Arour lui aussi combattant de la rébellion unifiée.
     
    Avec la verve qu’on lui connaît, Arour s'attaque aux opposants prêts à un cessez-le-feu avec l'armée syrienne, reprochant à ces mêmes militants d’être « plus dangereux que le régime ».

    A la veille de l’Aïd El Adha, il paraît donc difficile d'envisager le moindre apaisement avec un tel provocateur dans les rangs de la rébellion.
     
    Etaient présents à cette grand-messe démocratique copieusement arrosée d’« Allah ou Akbar » le major de l'ALS Maher Al-Naimi et le lieutenant-colonel Amar Abdullah Al Wawi du Mouvement des officiers libres. Récemment blessé dans une attaque de la base aérienne d'Abou Al Duhur et soigné à Antakya, certaines sources avaient donné Al Wawi pour mort.
     
    A noter aussi que dans son discours, Adnane Arour n'a pas manqué de remercier les Etats turc et jordanien avec une mention spéciale pour la dictature saoudienne : « Moi je sais tous les sacrifices consentis par l'Arabie saoudite » a-t-il confié.
     
    Et de conclure par un vibrant remerciement adressé aux « hommes d'honneur du Qatar et du Liban ».
     
    En janvier de cette année, Arour s'était rendu en Libye. En direct de Tripoli, il avait félicité l’aviation de l’OTAN pour son travail de précision dans ses bombardements contre les villes et les quartiers fidèles à Mouammar Kadhafi.
     
    Arour demande la même chose pour son pays. Message très vite reçu par le safari club de BHL qui rempile sur le front syrien aux côtés de ses frères d’armes Kouchner, Glucksmann, Bérès et Bettati (cf. Le Monde, Assez de dérobades, il faut intervenir en Syrie, 22 octobre 2012)
     
    Le Grand Soir tant espéré par les démocrates syriens sincères mais naïfs aura été de courte durée.
     
    Avec le retour d’Arour en Syrie, bonjour l’Apocalypse.
     
    Bahar Kimyongur est auteur de Syriana, la conquête continue, Ed. Couleur Livres & Investig’action, 2011 et porte-parole du Comité contre l’ingérence en Syrie (CIS)
  • Le film : deux siècles d'histoire de l'immigration en France

    Riche de 350 photographies et documents d’archive, ponctué d’extraits sonores, ce film retrace en quarante minutes deux siècles d'histoire de l’immigration en France.

    Un document pédagogique incontournable pour les grands et les petits...

    http://www.histoire-immigration.fr/histoire-de-l-immigration/le-film

  • La police et les Algériens

    La police et les Algériens : continuités coloniales et poids de la guerre d’indépendance

    par Françoise de Barrosle 17/10/2012
     
    Comment expliquer le traitement des Algériens par la police parisienne au milieu du XXe siècle ? Au terme d’une enquête fouillée, le livre d’Emmanuel Blanchard décrit le rôle des transferts en métropole de structures, de carrières et de pratiques coloniales, et souligne le poids du contexte de la guerre d’indépendance dans la genèse de la violence policière.
    Recensé : Emmanuel Blanchard. 2011. La police parisienne et les Algériens (1944-1962), Paris : Éditions du Nouveau Monde.

    Dossier : L’empreinte de la guerre d’Algérie sur les villes françaises


    Pour Emmanuel Blanchard, le 17 octobre 1961 est « une date à part dans l’histoire du maintien de l’ordre à Paris au XXe siècle » (p. 378), ne serait-ce qu’en raison de la violence physique extrême utilisée par l’ensemble des forces de police (CRS, gardes mobiles, gardiens de la paix, compagnies de districts notamment) dont atteste son bilan : au minimum, plusieurs dizaines d’Algériens tués et près d’un millier de blessés graves, non seulement par balle, mais aussi par noyade, matraquage et étouffement. Bien que traité dans le dernier chapitre de son livre, ce déchaînement de violence est l’un des points de départ de l’enquête menée par l’auteur sur les pratiques de la préfecture de police de Paris à l’égard des Algériens entre 1944 et 1962. Cette monographie peut dès lors se lire dans deux perspectives. La première est une sociologie de la police à la croisée de la sociologie des professions, du travail, de l’administration et des usages légitimes de la violence physique. Elle est d’autant plus intéressante qu’elle embrasse autant les pratiques des « agents de terrain » que celles des préfets de police et, autant que les sources le permettent, celles des Algériens eux-mêmes. C’est toutefois à une autre perspective que l’on s’attachera ici : les circulations impériales à l’intérieur d’un espace incluant territoire métropolitain et espaces colonisés. Pour rendre justice à l’apport de ce travail à cette seconde perspective, il convient de distinguer trois niveaux : les structures, les carrières et les pratiques. La qualité d’analyse d’Emmanuel Blanchard permet, à chacun de ces niveaux, de qualifier les processus de continuité à l’œuvre, avec leurs limites et des nuances, et de mettre en évidence, in fine, le rôle joué par les situations guerrières.

    Des structures d’encadrement pour Algériens : continuités historiques et transferts géographiques

    Depuis l’entre-deux-guerres jusqu’à la fin de la guerre d’indépendance au moins, la préfecture de police de Paris (PPP) dédie des structures aux Algériens de façon permanente, à l’exclusion des années 1945-1953. Cette continuité apparemment simple pose toutefois déjà la question de son critère : celui du territoire ou celui du temps.

    En effet, la création en 1925 d’une Brigade nord-africaine (BNA) et d’un « service d’assistance aux indigènes nord-africains » (SAINA) à la préfecture de la Seine correspond à une extension en métropole du statut de colonisé des Algériens. Cette brigade est supprimée en 1945 lorsque le statut organique de l’Algérie adopté alors accorde aux Algériens résidant en métropole une complète égalité juridique avec les autres Français. La création en 1953 d’une « Brigade des agressions et violences » (BAV) au sein de la police judiciaire est la solution que trouve le préfet de police pour contrôler puis réprimer spécifiquement les Algériens, en dépit de cette égalité juridique. Elle revient, donc, à une continuité dans le temps de discriminations coloniales juridiquement caduques.

    Le début de la guerre d’indépendance lève définitivement l’équivoque sur le statut colonisé des Algériens, même en métropole, et, dès lors, les structures que la PPP multiplie à leur endroit à partir de 1957 relèvent à nouveau d’une continuité en métropole de structures créées en Algérie pour la guerre de décolonisation. Ainsi sont créés en 1958 le « service de coordination des affaires algériennes » (SCAA), transposition du centre de renseignement et d’action de la préfecture de Constantine, qui servait à faire travailler ensemble policiers et militaires ; des « sections d’aide technique aux français musulmans d’Algérie » (SAT-FMA), sur le modèle des sections administratives spécialisées (SAS) d’Algérie, pour assurer un contrôle social, policier et politique des Algériens sur une circonscription donnée ; et une « Force de police auxiliaire » (FPA), pendant des harkas chargées en Algérie de protéger les personnels des SAS. Ils sont complétés en 1959 par le Centre d’identification de Vincennes (CIV), l’un des lieux parisiens les mieux identifiés du véritable « archipel carcéral » constitué en métropole par des Centres d’assignation à résidence surveillée (CARS) à destination des seuls Algériens, à l’instar des centres de détention mis en place en Algérie par les militaires chargés, à partir de 1955, de pouvoirs de police.

    Des carrières administratives impériales : parcours géographiques, compétences spécifiques et expériences répressives

    En l’absence de structures ad hoc entre 1945 et 1953, l’encadrement propre aux Algériens de l’entre-deux-guerres se maintient a minima grâce à une minorité des personnels de la BNA et du SAINA qui continuent de travailler à leur contact pour le compte de la PPP ou de la préfecture de la Seine. Lorsque, dès 1950, de nouveaux postes de spécialistes de la population algérienne, les « conseillers sociaux », sont créés, ils sont recrutés en fonction de compétences linguistiques en arabe ou en berbère, d’attaches personnelles avec l’administration et/ou la société coloniale algérienne, voire d’une appartenance aux corps de sous-officiers des troupes coloniales et de solides recommandations de personnalités en lien avec l’appareil colonial en Algérie. Les recrutements pour les structures mises en place à partir de 1958 établissent des liens encore plus étroits avec l’appareil colonial : les SAT-FMA et les services d’identification du CIV sont composés exclusivement d’officiers des Affaires algériennes, les FPA essentiellement d’Algériens. Mais avant la guerre d’indépendance, le recrutement « colonial » n’est pas systématique dans les nouvelles structures. En particulier, il est très minoritaire à la BAV en raison de son recrutement local, alors que la police nationale recrute sur l’ensemble des départements métropolitains et algériens. Les effectifs de la BAV étant nettement supérieurs à ceux des « conseillers sociaux » qui opèrent à la même époque, on peut même conclure à une minorité numérique des personnels policiers issus des sociétés coloniales, ou les connaissant personnellement, parmi l’ensemble de ceux qui sont affectés à la police des Algériens à Paris.

    En revanche, si l’on considère les niveaux hiérarchiques supérieurs, depuis les ministres de l’Intérieur jusqu’aux préfets de police, les dimensions coloniales sont continues, mais de significations très variées. Elles vont, pour les ministres, de la simple « prise en compte des intérêts des colons », fondée sur des liens effectifs ou une proximité idéologique, jusqu’à de véritables spécialisations administratives pour les préfets. Ces derniers, en tant que spécialistes du maintien de l’ordre, ont ainsi systématiquement occupé les fonctions de gouverneur général de l’Algérie, dès le XIXe siècle. Toutefois, cette permanence du lien avec l’Algérie ne dit rien de sa nature, et donc de l’interprétation que l’on peut faire des « carrières coloniales » quant aux pratiques qu’elles induisent. Ainsi, le métropolitain d’origine Maurice Papon est converti à la « guerre psychologique contre-révolutionnaire » en Algérie et à la répression coloniale violente au Maroc, tandis que son contemporain André Dubois, « algérien sur trois générations », refuse un poste de préfet d’Alger qui aurait pu l’obliger à assumer une politique insuffisamment libérale. Emmanuel Blanchard invite ainsi à ne pas homogénéiser artificiellement des affectations en Algérie, ou dans tout autre espace colonisé, et à analyser l’administration en colonie comme un espace social et professionnel à part entière, qui, s’il peut être « connecté » à l’espace métropolitain, n’en est pas moins diversifié, voire relativement complexe, surtout lorsqu’on examine les pratiques elles-mêmes.

    Pratiques discriminatoires, pratiques répressives : quelles continuités ?

    Continuités de structures, de personnels et de carrières sont indissociables des continuités de pratiques, car des continuités de pratiques coloniales sont souvent déduites de continuités de structures et/ou de carrières. Or, le constant souci de l’auteur de chercher à saisir les pratiques à l’égard des Algériens montre que les liens entre structures, personnels et pratiques sont à géométrie variable.

    Les pratiques discriminatoires de la BNA, puis celles des « conseillers sociaux » de la préfecture de la Seine, consistaient à utiliser l’aide sociale et sanitaire pour surveiller et réprimer les Algériens. On pourrait dès lors les considérer comme une duplication en métropole du contrôle des populations indigènes assuré en Algérie au moyen des communes mixtes dans lesquelles ces tâches aussi étaient mêlées – d’autant que les Algériens font également l’objet de descriptions qui recyclent en partie des « savoirs » acquis auprès d’« experts coloniaux » extérieurs à la PPP. Mais l’auteur souligne que cette association fait partie de longue date des méthodes policières à l’égard d’autres populations stigmatisées, comme les prostituées ou les « vagabonds ». D’autres traitements stigmatisants, comme le misérabilisme ou la criminalisation de leurs activités politiques dans les discours et statistiques censés les décrire, voire la mise en carte, le fichage et la racialisation, ne sont pas non plus réservés aux Algériens : prostituées, « nomades », ou « juifs » les ont également subis.

    Emmanuel Blanchard contextualise de la même façon l’usage de certaines violences physiques (coups, privation de nourriture ou de sommeil, bris de biens personnels à l’occasion d’interrogatoires) qui relèvent aujourd’hui de la torture définie juridiquement. Il rappelle, en effet, que les normes policières professionnelles métropolitaines de l’après-1945, y compris dans la police judiciaire, prônaient très officiellement un tel niveau de violence aujourd’hui proscrit. Enfin, la banalisation des armes à feu et de leur usage au cours de la Seconde Guerre mondiale avait répandu les exécutions sommaires à l’encontre des « gangsters » à la fin des années 1940. L’usage des armes à feu en dehors du cadre légal de la légitime défense ne commencera à se réduire qu’à la fin des années 1950, au moment où il se développe à l’encontre des Algériens. Discrimination et une certaine violence physique parfois extrême ne sont donc pas réservées aux seuls Algériens par les policiers parisiens du milieu du XXe siècle. Elles ont cependant pour effet global de constituer un discours public solidement négatif à leur égard, largement diffusé dans l’opinion par la presse, alors qu’il ne pénètre pas les pratiques professionnelles de la police judiciaire ou des renseignements généraux.

    En revanche, à partir de 1958, les pratiques répressives dont les Algériens sont l’objet à Paris sont aussi spécifiques que celles qu’ils subissent en Algérie depuis 1955 : non seulement des exécutions sommaires et des tortures « à l’algérienne », c’est-à-dire avec des « instruments », mais avant tout la détention administrative, c’est-à-dire arbitraire, sans limite réelle de durée, et dans des conditions matérielles plus qu’éprouvantes. Les proportions et leur degré de systématisation sont certes moindres qu’en Algérie, mais leurs caractéristiques les distinguent des pratiques policières métropolitaines modales par leur distance aux libertés publiques, garanties en métropole par la soumission du travail policier à celui de la justice et donc à des règles juridiques protectrices des individus. Les exécutions sommaires et les cas de torture ne peuvent être quantifiés, faute d’archives, même si un faisceau d’éléments permet d’établir qu’ils étaient courants. En revanche, les archives permettent de constater que l’internement « illégal » a concerné une grande partie des Algériens de la région parisienne : 67 000 pour la seule année 1960 et uniquement dans le CIV ! Le caractère massif de cet internement abusif est rendu possible par la pratique de rafles tout aussi massives des Algériens.

    Au-delà de l’identification et de l’analyse de ces pratiques contraires aux règles du travail policier qui s’imposent à la même époque en métropole pour les « Européens », Emmanuel Blanchard montre qu’elles ne sont pas l’apanage des personnels directement issus de l’appareil répressif algérien que Maurice Papon recrute à la PPP. Ou plutôt, les effets de leurs pratiques, à commencer par celles du préfet de police, modifient sensiblement le cadre des pratiques de l’ensemble des personnels de la PPP au contact des Algériens. Les méthodes illégales d’arrestation et d’interrogatoires avec torture de la FPA diffusent l’idée que « tout est permis » et alimentent, de fait, les enquêtes des personnels sans « spécificité algérienne » et censés continuer à respecter les règles de procédure. Surtout, Maurice Papon réclame et obtient en 1958 une modification décisive du cadre juridique qui encadre jusqu’alors le travail policier pour imposer un couvre-feu aux Algériens, permettre leur internement administratif sur simple arrêté préfectoral et pour autoriser, en pratique, de leur tirer dessus à vue. Si, avant même l’arrivée de Maurice Papon, la hiérarchie de la PPP ne contrôle plus depuis plusieurs années l’usage que les policiers font de leurs armes, Papon légalise cette violence mortelle à l’encontre des seuls Algériens.

    La répression du 17 octobre s’inscrit dans cette modification progressive des règles de l’utilisation de la violence physique par les forces de police, avec un degré supplémentaire dans le dispositif lui-même et l’encadrement des agents. En effet, ces derniers n’étaient faits en rien pour disperser un rassemblement public interdit (la méthode « normale » de maintien de l’ordre en métropole au XXe siècle), mais plutôt pour rafler et tuer un maximum de personnes. De ce fait, la gestion par la police – tous corps et niveaux hiérarchiques confondus – de la contestation par les Algériens de l’interdiction qui leur était faite de pénétrer dans les espaces publics s’assimile à la répression exercée contre des initiatives similaires « d’indigènes » à Alger en 1960 ou au Maroc au début des années 1950.

    L’analyse minutieuse proposée par Emmanuel Blanchard ne conduit donc pas à s’enfermer dans une logique « internaliste » des pratiques : elle montre, au contraire, tout ce que ces pratiques doivent aux contextes historiques et sociaux précis dans lesquels elles s’inscrivent, puisqu’elles ne se déduisent pas des seules trajectoires ou origines de leurs auteurs.

    Un contexte guerrier déterminant

    Le contexte guerrier de la période étudiée est déterminant dans l’évolution des pratiques policières à l’égard des Algériens. En premier lieu, les structures, les pratiques ainsi qu’une bonne partie des personnels que Maurice Papon met en place à partir de 1958 à la PPP sont autant coloniaux que militaires et, qui plus est, d’une forme militaire inventée pendant la guerre d’Indochine pour lutter contre les guérillas : elle associe personnels policiers et militaires pour mener un travail de renseignement et de répression qui déroge aux règles professionnelles à la fois de la police métropolitaine et de l’armée. Le préfet Papon ne fait aucun secret de sa volonté de transformer la police parisienne en armée « contre-révolutionnaire » dirigée contre les Algériens.

    Mais la guerre d’indépendance a des effets plus généraux sur la PPP. Tout d’abord, à la fin des années cinquante, se combinent les retours en métropole des premiers appelés avec les difficultés de recrutement à la préfecture de police qui poussent cette dernière à favoriser considérablement le recrutement de ces anciens appelés, dans un moment de fort renouvellement de ses personnels – si bien que, à cette époque, une part importante des nouveaux gardiens de la paix parisiens, eux-mêmes en nette augmentation, sont susceptibles d’avoir une expérience non pas tant de l’Algérie que de la guerre d’indépendance et donc de ses violences extrêmes. Pour les générations antérieures de policiers, c’est la Seconde Guerre mondiale qui assure une forme de socialisation guerrière : usage des armes à feu bien au-delà de la légitime défense, norme d’arrestation remplacée par celle de l’exécution, conservation de nombreuses munitions. Ces socialisations guerrières sont renforcées par le fait que, à partir de janvier 1958, les indépendantistes prennent pour cible les policiers parisiens, entraînant une forte insécurisation de ces derniers. La radicalisation généralisée des violences policières à l’encontre des Algériens voulue par la politique de Maurice Papon à partir de mars 1958 s’alimente ainsi également à des circulations guerrières parmi les policiers et les indépendantistes.

    Enfin, et peut-être surtout, le contexte guerrier domine au niveau politique. À partir de 1957, le pouvoir politique est menacé par l’armée et dépend donc plus étroitement de la police pour ne pas être renversé par la force. Puis il dépend de la police pour faire en sorte que le FLN soit en position de faiblesse dans les négociations. Ces impératifs politiques définis par la guerre conditionnent la nomination de Maurice Papon à la tête de la préfecture de police en tant que « théoricien et praticien de la “guerre contre-révolutionnaire” » (p. 316) et l’approbation de sa politique par le président du Conseil et le président de la République. Avant cette période de mise en cause du régime politique lui-même, c’est le début de la guerre d’indépendance qui permet à la PPP d’obtenir les moyens juridiques nécessaires au développement de la mise en carte des Algériens commencée en 1950, par la création en 1955 d’une carte nationale d’identité rendue obligatoire en 1956 pour toutes les demandes d’autorisation de voyage. Ce n’est pas le moindre des mérites de la démonstration d’Emmanuel Blanchard de montrer que l’administration n’est pas toujours déconnectée de l’espace politique.

    Si les plus hautes institutions politiques ont rendu possible l’évolution des pratiques de la police parisienne vers celles de la « guerre contre-révolutionnaire », l’opinion publique métropolitaine, au travers de journaux et de certains groupes plus ou moins organisés (commerçants, mouvements sportifs), a, en revanche, pu contribuer à empêcher Maurice Papon de mettre en œuvre plus largement encore à Paris les méthodes qu’il avait expérimentées à Constantine.

    Le colonial en question

    À tous points de vue, le livre d’Emmanuel Blanchard est un précieux outil pour ceux qui travaillent sur les problématiques impériales. Sur le plan formel, tout d’abord, grâce à la qualité de l’appareil critique : dense, précis et actualisé. Surtout, dans le domaine du maintien de l’ordre, il permet de cerner précisément les contours et les contenus des circulations impériales.

    Ainsi, il identifie certaines continuités dans le temps entre des structures spécifiquement dédiées à l’encadrement et au contrôle des Algériens à Paris avant-guerre et les pratiques de certains agents préfectoraux des années cinquante. Mais cette forme d’encadrement, ainsi que d’autres pratiques discriminatoires, n’est pas propre aux Algériens, sauf en ce qu’elle se fait au travers de personnels censés les « connaître » du fait de leurs expériences en Algérie. En revanche, les particularités réelles du contrôle policier des Algériens après-guerre (qui ne sont pas utilisées à l’égard d’autres « clientèles » policières) sont toutes liées au contexte de guerre anti-guérilla qui se déploie à Paris à partir de 1958. Ces pratiques extrêmement violentes sont certes promues et initiées par certains transferts de personnels depuis l’Algérie, des militaires et Maurice Papon principalement. Mais seules les conséquences plus larges de la guerre d’indépendance ont rendu possible et surtout efficiente leur action. La guerre a à la fois élevé le niveau de violence physique parmi l’ensemble des policiers parisiens, dans leurs conditions de travail et dans leur expérience personnelle avant d’intégrer la PPP, et rendu indispensable aux pouvoirs politiques l’usage hors limite de cette violence.

    Il est ainsi tentant de conclure, pour cette période qui commence en 1957, que les circulations d’hommes et de pratiques entre l’Algérie et la métropole sont du registre guerrier autant que colonial, tout comme le cadre politique d’ensemble. In fine, il faut souligner que cette élévation extraordinaire du niveau de la violence physique en métropole a été légalisée et encouragée à l’encontre des seuls Algériens par des autorités politiques métropolitaines. Le caractère sélectif du public soumis à cette extraordinaire violence physique et légale semble montrer que l’on n’échappe pas, pour caractériser les pratiques coloniales, à leur organisation raciale, quel que soit le caractère « colonial » de leurs auteurs.