Homo-consommatus
LE 05 DÉCEMBRE, 2012 DANS DÉMOCRATIE / PROPAGANDE PARKELLY SCHMALZ
Le projet est désormais accompli. Nous assistons à la naissance d’une espèce nouvelle, l’avènement de l’homme post-contemporain, j’ai nommé l’homo-consommatus.
Les transports en commun vous rappellent nécessairement la marche du monde et de ses effets sur vos pairs. Un voyage en train, dans le bus ou en RER nous ont rendu à peine supportable la présence de nos semblables, on piétine, d’autres râlent, on se bouscule, quand on ne regarde pas ses pompes…
C’est la société marchande qui conditionne tout d’abord cette animosité quotidienne, celle-là même qui définit nos existences d’esclave nouvelle génération. L’hégémonie dusalariat dans des mégalopoles et la division scientifique du travail dépouille l’individu de son temps et du fruit de son labeur, mais aussi tue dans l’œuf tout tissu social par le fatal maintien des hiérarchies de dominance. Ajoutons qu’il paie des titres de transport de plus en plus onéreux pour suivre cette délocalisation forcée.
Nous voilà faits comme de vulgaires rats de laboratoire.
Difficile désormais de s’unir contre la dictature des marchés. Les lapses de temps passés du bercail au bureau pourraient pourtant être l’occasion d’échanger sur la cause de nos grises mines et de nos visages fantomatiques.
Nous vivons à l’ère du totalitarisme marchand, celui qui sous couverture a colonisé chaque parcelle de nos existences pour nous transformer en entités contrôlables via la société de consommation.
Avec le fordisme les productions augmentèrent de façon exponentielle. Il fallu alors fabriquer la demande.
Ainsi le liberal-fascisme a investi chaque parcelle de nos existences prétextant le progrès. Tous les sens doivent être occupés, les yeux rivés sur son smartphone, un paquet de chips cancérigènes dans une main, les écouteurs vissés sur les oreilles. Isolé par l’illusion de l’abondance l’homo-consommatus en oublie bientôt qu’il est seul. Sa solitude est désormais masquée, saturée par les fuites en avant technologiques ; méthode de surcroît entretenue par l’illusion des réseaux sociaux. Science sans conscience n’est que ruine de l’âme disait l’autre…
L’homo-consommatus ne mange plus, il ingurgite. Sur le pouce, parce que le temps c’est de l’argent. Prêt en une minute chrono, avalée en autant de temps, la bouffe est aujourd’hui essentiellement faite de conglomérats en tout genre, chimiquement trafiqués pour nous donner l’illusion du vrai…
Le temps libre est désormais tout entier voué aux loisirs. La propagande publicitaire et la télévision en sont les vecteurs, les foules rêvent alors un moment leur vie sur papier glacé, ravalent leur amertume et travaillent de plus belle. En attendant, ils se tiennent tranquilles.
Il faut donc gagner de l’argent et se vendre, autrement dit perdre sa vie en la gagnant.
Bienvenue alors dans l’ère de la norme esclave, celle de l’uniformisation totale, du formatage des désirs, del’unisexe, de la transformation d’êtres conscientisés en êtres pulsionnels… Difficile d’échapper au siphon du Dieu contemporain, de l’objet roi, celui chatoyant qui nous crie « possède moi ! » et tu seras. La publicité et le marketing en sont les armes, savamment orchestrés par des experts qui sondent impunément l’inconscient collectif pour mieux vous réduire en automate, où tous vos faits et gestes auront été pensés, étudiés, quantifiés… pour toujours optimiser cettesacro-sainte consommation.