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Conséquences du printemps arabe

Nos fiers soldats achetés par Abou Dhabi

 

L'armée colombienne s'inquiète de voir ses meilleurs soldats la quitter pour celle des Emirats arabes unis, qui propose des salaires très supérieurs. C'est la crainte d'un nouveau "printemps arabe" ou d'un conflit avec l'Iran qui incite les Emirats à renforcer leur armée.

 

  • Dessin de Kazanevsky, Ukraine.

Depuis 2011, des dizaines de soldats colombiens - les meilleurs - quittent les rangs de l'armée nationale. La plupart d'entre eux sont des militaires chevronnés qui ont combattu dans des unités d'élite comme les forces spéciales. La raison pour laquelle ils ont décidé de raccrocher leurs uniformes après dix ou quinze ans de service est à la fois exotique et polémique : ils ont renoncé à faire partie de l'armée de leur pays pour s'expatrier et s'enrôler dans les troupes des Emirats arabes unis (EAU).

Dans certains secteurs de l'armée, cette débandade suscite le malaise. "Ils ont recruté des soldats qui ont beaucoup d'expérience sur le front, des hommes courageux ayant de nombreuses années de service à leur actif. L'armée a beaucoup investi pour les entraîner. C'est une perte pour notre armée, cela ne fait aucun doute. Pourtant, on ne peut pas faire grand-chose, car il n'y a là rien d'illégal", explique un général. Les déclarations de ce haut responsable résument la position officielle des forces militaires, impuissantes face à cette hémorragie. "Le casse-tête, c'est que nous ne pouvons rien faire pour les retenir et les empêcher de démissionner, car c'est une question d'offre et de demande. Aux Emirats, ils peuvent toucher des salaires cinq à dix fois supérieurs à ceux que nous leur offrons ici", ajoute le général.

La dernière fois que des militaires colombiens ont obtenu des contrats à l'étranger, une série de scandales a éclaté. Et des plaintes ont été déposées contre l'entreprise ID System, qui recrutait d'anciens soldats colombiens pour les envoyer en Iraq comme mercenaires. "La situation actuelle est très différente. Nous ne sommes pas des mercenaires. Ceux qui veulent s'expatrier signent un contrat avec le gouvernement des EAU. Il y a un contrat de travail et tous les documents sont en règle", affirme un ancien officier de l'armée colombienne qui se prépare à postuler.

Depuis mai 2011, 842 anciens soldats colombiens sont partis aux Emirats, dont 152 entre janvier et juin 2012. Il est certain que les écarts de salaires sont suffisamment importants pour justifier ces départs. En Colombie, un soldat en activité touche en moyenne 950 000 pesos [430 euros] par mois. Quand il part à la retraite, il ne reçoit plus que 690 000 pesos [315 euros]. Dans l'armée des EAU, il gagne presque 5 millions de pesos [2 270 euros], et le salaire augmente selon le rang. Un sous-lieutenant touche 635 euros de plus que la solde de base – on comprend alors qu'il soit tenté de s'expatrier pour toucher un solde de 6,5 millions de pesos par mois [2 950 euros]. Quant à un coloneln qui gagne 5, 5 millions de pesos [2 495 euros] par mois en Colombie, il peut espérer percevoir aux Emirats jusqu'à 14 610 euros.

Le territoire des EAU fait 80 000 km2 et les forces armées sont composées d'environ 50 000 hommes. Les gisements de pétrole en font l'un des pays les plus riches au monde. On compte 900 000 Emiratis, mais la population totale du pays atteint 6 millions d'habitants, originaires de toutes les régions du monde. "Les Emiratis se sont aperçus qu'ils sont confrontés à plusieurs menaces sérieuses, voilà pourquoi ils renforcent leur armée en recrutant des soldats de toutes nationalités. Là-bas, notre mission va de la défense contre les attaques terroristes en ville à la maîtrise des insurrections populaires en passant par la préparation d'un éventuel conflit frontalier avec l'Iran", explique l'ancien officier.

Une raison en particulier a poussé le gouvernement des Emirats à accélérer le recrutement d'anciens militaires du monde entier : le "printemps arabe". Après les manifestations populaires de 2011, les gouvernements de plusieurs pays du Moyen-Orient ont en effet été renversés.

 

Les Colombiens dont la candidature est retenue doivent se rendre à Zayed Military City, une base émiratie située dans le désert, à 20 km de l'aéroport d'Abou Dhabi. Là, pendant un mois, ils passent toute une série d'épreuves sélectives. Ils doivent notamment sauter en parachute, pratiquer la reconnaissance de terrain, affronter des francs-tireurs et secourir des otages. S'ils réussissent, ils obtiennent un contrat. Sinon, ils rentrent en Colombie. "Après dix ans de service, j'ai quitté l'armée colombienne, où j'étais sergent, parce qu'un ami m'a parlé de cette opportunité, qui comporte toutefois son lot de sacrifices : il faut travailler sans relâche pendant dix mois avant d'avoir droit à un mois de repos. On nous donne alors un billet d'avion pour rentrer en Colombie et voir notre famille. Le logement et la nourriture sont excellents, tout comme les équipements et les armes. Même si c'est difficile d'être loin de chez soi, ça reste une très bonne expérience. En un an, j'ai économisé 53 millions de pesos [plus de 24 000 euros], ce qui m'a permis d'acheter une petite maison. Dans l'armée colombienne, il m'aurait fallu dix ans pour y arriver," raconte un sous-officier à la retraite.

En Colombie, certains militaires commence à se faire du souci : l'objectif des Emirats est de recruter 3 000 Colombiens, ce qui risque de créer un grand vide dans l'armée colombienne.

11.07.2012 | Semana 
 

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