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  • Atelier sextoys

    Atelier sextoys : Clément a choisi boule de geisha vibrante à distance 

    Un atelier pour faire des sextoys soi-même ? Par l’odeur du latex, alléchée, j’y suis allée. C’était au Fablab de Gennevilliers , vendredi 22 mars dernier, de 13h30 à 18h.

    Finalement, il n y a pas eu tellement de latex, mais plutôt du bois, des tournevis, de la fraiseuse et de la découpeuse.

    13 heures. En charge de l’atelier, peu avant les réjouissance, Clément rappelle l’essentiel. C’est quoi un Fablab ?

    « C’est un atelier participatif où l’on met à disposition du public des outils à commande numérique, des machines, une découpeuse laser ou des fraiseuses numérique.

    On forme les gens à s’en servir. Après, ils montent eux-même leur projet. On n’est pas là pour le faire pour eux. On est juste là pour leur donner des pistes ou pour apprendre à le faire. »

    Clément, au Faclab de Gennevilliers, en mars 2013 (Renée Greusard/Rue89)

    Une armada de machines 

    Au Faclab de Gennevilliers (il s’appelle comme ça parce qu’il est hébergé par l’université de Cergy), on trouve donc une armada de machines avec lesquelles on peut gratuitement jouer. Il y a :

    • une découpe-laser ;
    • deux imprimantes 3D ;
    • une découpe Vinyle ;
    • une fraiseuse numérique ;
    • une machine à coudre ;
    • une scie à chantourner.

    Mais sur le site internet, la couleur est annoncée : un Fablab ce n’est pas juste un endroit pour s’amuser avec de gros jouets. C’est un projet politique. Les fondateurs sont par exemple persuadés que :

    « la réappropriation des techniques est une nécessité et que l’innovation ainsi que la créativité passent par le libre échange des idées. »

    Les mots-clés du projets sont donc nombreux. Gratuité. Echange. Education. Curiosité. Créativité.

    Transformer des jeux d’enfants en sextoys 

    Voilà pour la théorie. Concrètement, pour cet atelier, les visiteurs étaient censés ramener leurs sextoys, dit Clément :

    « Ils peuvent aussi amener des objets qui n’ont rien à voir pour les transformer en sextoys, et du coup je leur donnerai les pistes. Ou alors, on peut démonter un sextoy et expliquer comment ça marche, comment c’est fait dedans, par où arrive l’électricité, à quoi sert ce petit composant là, etc. »

    L’esprit bidouille et bricolage.

    14h30. Finalement, presque pas de visiteurs, mais que des journalistes. Qu’à cela ne tienne, ce n’est pas parce qu’on est journaliste qu’on n’a pas, comme tout le monde, des envies de jouer. Et ce jour-là, des confrères suédois avaient ramené des objets à détourner. Des jeux en bois, des quilles et de grosses boules destinés aux enfants.

    Les jeux emmenés par le journaliste suédois (Renée Greusard/Rue89)

    Clément a regardé longuement tous ces objets. Le journaliste suédois lui a lancé un challenge. Qu’est-ce qu’il pouvait faire avec ça ? Le hacker a réfléchi. Puis il a lancé tout un tas d’idées.

    Le jeu qui ressemblait à une double maraca pourrait continuer de faire du bruit dans l’une de ses deux boules, mais dans l’autre un petit vibreur pourrait être caché.

    La grosse boule en bois verni pourrait devenir une grosse boule de geisha, sur laquelle des hommes pourraient s’assoir pendant leurs heures de travail. On pourrait ajouter une fonction « SMS » ou une fonction vibrante liée à un compte Twitter, qui vibrerait à chaque tweet ou message. La boule pourrait aussi fonctionner avec une télécommande.

    La magie de la bidouille 

    Après réflexion, Clément a choisi l’option boule de geisha vibrante à distance. Il entreprend d’abord de démonter un premier sextoy déjà tout fait et qui fonctionne sur télécommande. Juste pour en extraire son vibreur. Concentré, tournevis en main, il galère pas mal.

    « Putain mais c’est indémontable, cette merde ! »

    Finalement, il réussit.

    Le vibreur du sextoy démonté (Renée Greusard/Rue89)

    Puis il faut ouvrir cette fameuse boule et la creuser, car elle est pleine.

    Le jouet pour enfant creusé (Renée Greusard/Rue89)

    16h30. Enfin, avec de la colle, Clément insère la partie vibrante au creux de la boule.

    Le vibreur collé dans la boule (Renée Greusard/Rue89)

    La suite, on ne la verra pas. Il manquait quelques bidules-trucs à Clément, et puis du temps aussi. Mais a priori, par la magie de la bidouille, il obtiendra comme souhaitée une boule de geisha vibrante sur commande, et sur laquelle on peut s’assoir pendant ses heures de travail.

    « Le but, c’est la preuve du concept  

    Sera-t-elle vraiment opérationnelle ? Rien n’est moins sûr. Clément a tout de suite vu les écueils d’un tel bricolage : le vernis qui pourrait être toxique, pas tellement adapté à des muqueuses vaginales ou anales.

    Et puis une fois reformée, cette boule ne promet en rien d’être hermétique. Qui a envie de se retrouver avec un petit truc électronique perdu dans un orifice ?Personne.

    Mais, explique Clément, le but de ce type de « hacking », ce n’est pas forcément de s’empresser de se donner du plaisir avec l’objet obtenu.

    « Le but, c’est la preuve du concept. »

    Ce qui est important, c’est de laisser libre cours à sa créativité, ses fantasmes, d’imaginer.

    « Si on est vraiment créatifs et qu’on observe vraiment les objets du quotidien, on peut trouver toutes sortes d’applications différentes pour des objets qui à la base ne sont pas conçus pour ça. »

    Un prétexte ludique pour échanger sur le sexe 

    En d’autres occasions, Clément a réalisé des jouets utilisables. Il est arrivé aux Sextoys DIY (do it yourself, « fais le toi-même » en français) par Vanessa, « une nana d’un autre hacker space », L’usinette .

    Vanessa venait des Beaux-arts et travaillait beaucoup sur les questions de genre et le post porn , un mouvement d’art contemporain pornographique. Un mouvement d’émancipation sexuelle visant à montrer la sexualité autrement, à casser aussi les stéréotypes genrés du porn. Au téléphone, elle dit :

    « Pour, moi, c’est évident que la démarche des ateliers sextoys s’inscrit dans le post porn et les questions de genre. [...] C’est un prétexte ludique, une occasion pour échanger sur le sexe. »

    Elle dit que la pudeur et l’intimité ne sont pas les ennemies de l’information sur le sexe, qu’on peut le libérer. Elle parle de gynécologie alternative, aimerait qu’on puisse vraiment apprendre à connaître nos corps.

    « Le périnée par exemple, on ne vous en parle que quand vous avez une grossesse. Il y a pleins de nanas qui découvrent qu’elles peuvent prendre du plaisir en le stimulant, seulement quand elle vont se faire rééduquer après un accouchement. »

    Sextoy à plusieurs 

    Aujourd’hui, Vanessa a quitté L’usinette pour fonder un nouveau collectif, Pointpointpoint.org (leur site n’est pas encore très prêt, mais bientôt, il y en aura un tout propre). Avec deux ans passés sur ces réflexions, elle a déjà accompli pas mal de choses.

    Avec ses acolytes et Emmanuel Gilloz, qu’elle décrit comme un ingénieur « bidouilleur impénitent et cofondateur du makerspace de Nancy » , ils ont « modélisé et imprimé » le sextoy ci-dessous.

    Le sextoy orange réalisé avec Emmanuel Gilloz (Emmanuel Gilloz/Vanessa)

    Pour une autonomie encore plus totale, Vanessa et son collectif de hackers refusent d’utiliser des machines achetées toutes faites. C’est donc grâce à « l’expeditive Foldarap », une imprimante 3D portative et open source entièrement conçue par Emmanuel Gilloz, qu’ils ont pu réaliser ce sextoy.

    Autre création, imaginée cette fois-ci avec un hacker activiste espagnol, Jonathan García Lana : un ampli, sextoy pour plusieurs, doté d’un haut-parleur intégré qui « génère des vibrations ».

    Les partenaires, chacun raccordés à l’ampli, doivent pour activer ces vibrations se toucher entre eux. On vous laisse imaginer la suite.

    Vanessa et un garçon essayent le sextoy qu’ils ont crée (Vanessa/DR)

    Pas de format pour la sexualit é

    Ce ne sont pas les idées qui manquent. Avec Pointpointpoint.org, Vanessa imagine déjà des « battles de périnées en réseaux », un jeu vidéo en réseau où les manettes ne seraient plus dans les mains, mais dans le pantalon ou sous la robe.

    Elle parle d’une prise de pouvoir, de sortir des normes étriquées, de s’offrir de l’imaginaire pour se réinventer une sexualité. Parce que :

    « La sexualité, c’est de toute façon DIY. Il ne devrait pas y avoir de format, c’est une rencontre avec l’autre. »

    Clément, l’a tout de suite compris. Membre de l’association des paralysés de France et en fauteuil roulant, il a vu dans cette autonomie offerte la possibilité d’offrir une sexualité aux personnes handicapées qui n’en avaient pas.

    Ces temps-ci, il est par exemple en train de fabriquer un sextoy pour une femme handicapée, dont les jambes sont paralysées. Elle pourra l’actionner avec le joystick de son fauteuil. Et puis, sa peau est peu sensible, alors elle voulait un vibreur costaud. Clément va l’inventer avec elle.

     
  • Chez la fille de Pierre Rabhi

    Chez la fille de Pierre Rabhi, une école où l’adulte s’adapte à l’enfant 

    Au cœur d’un écovillage auto-construit, une école et un collège proposent un projet éducatif original inspiré de Montessori et d’autres méthodes alternatives.

    L’histoire de l’établissement sonne comme un conte pour petits et grands. Le projet de Sophie Rabhi, fille du spécialiste mondial d’agronomie biologique et pionnier de l’écologie humaniste Pierre Rabhi , prend forme en 1999.

    La maternité et ses convictions écologiques l’amènent à créer la Ferme des enfants , une école maternelle et primaire, d’abord à Montchamp (Ardèche) chez ses parents. En 2008, elle est transférée au Hameau des buis, un écovillage pédagogique et intergénérationnel, fondé dès 2002 avec son compagnon Laurent Bouquet et construit de toutes pièces par ses habitants et des bénévoles sur un plateau de l’Ardèche méridionale.

    En contrebas, la rivière Chassezac, ses gorges et ses campings, où les touristes s’ébrouent l’été. En haut, et en pleine nature, l’école, entourée d’une cour de récréation, de balançoires, d’un jardin et d’une ferme pédagogique. Aujourd’hui, les deux classes de maternelle et de primaire accueillent cinquante élèves, tandis que le collège – ouvert en 2011 – reçoit 16 adolescents.

    L’influence de Montessori, Freinet, Steiner, Krishnamurti, Alice Miller et Dolto 

    L’originalité du projet éducatif de la Ferme des enfants tient en une idée : changer le comportement des adultes face aux enfants. Pour y parvenir, l’équipe d’enseignants (10 personnes) est influencée par la pédagogie Montessori, mais aussi par Freinet, Steiner, Krishnamurti, Alice Miller ou encore par l’école de Neuville (Dolto). Sophie Rabhi explique :

    « On ne respecte pas vraiment l’enfant car on ne respecte pas ses besoins. En y arrivant, on favorise l’émergence d’un être humain accompli. Montessori a trouvé un certain nombre d’activités qui sont en résonance avec l’enfant, période après période, pour répondre à ses besoins naturels. On n’agit pas sur lui, on agit sur son environnement. D’où l’idée de le mettre dans la ferme et la nature. »

    Le système classique de notes et de compétitivité sur l’apprentissage est abandonné. Le petit nombre d’élèves permet un suivi personnalisé. Les activités manuelles (ferme aux animaux, jardinage…) sont aussi importantes que les apprentissages « intellectuels ». Le rôle des adultes est bien défini. Sophie Rabhi raconte :

    « Le plus important, c’est l’attitude des adultes : comment est-ce qu’on règle les problèmes ? Comment éviter les situations de domination ? Comment abandonner les situations de récompense, de punition ? La bienveillance est centrale, c’est elle qui apporte la liberté et la fluidité. »

    Lutter contre le « formatage émotionnel  

    L’adulte qui s’adapte à l’enfant. Stéphane Villoud, ex-chef d’entreprise, et sa femme ont quitté la ville (Grenoble) pour changer de vie et d’offrir une éducation à leurs enfants plus conforme à leurs souhaits. Stéphane pointe :

    « L’école publique inflige des douces violences à nos enfants. Il y a un formatage émotionnel réel, une pression des adultes et des valeurs de performance qui ne nous conviennent pas. Notre démarche est de critiquer notre éducation en gardant le positif. On ne veut pas de rupture. On apprend tous les jours, mais on se questionne aussi beaucoup ».

    Le choix concerté de l’école et de changement de mode vie avec ses enfants est assumé par toute la famille, mais n’est pas sans créer des ajustements :

    « C’est un lieu où les enfants expérimentent l’indépendance. La difficulté pour nous, parents, réside dans le décalage avec nos règles familiales. »

    Les programmes de l’Education nationale pas toujours suivis 

    Las, cette école n’est pas accessible à toutes les bourses. Les frais scolaires s’élèvent à 2 600 euros par an et par élève. L’inspection académique a donné le feu vert à la rentrée 2011 pour que l’école primaire de La Ferme des enfants passe sous contrat.

    L’école et le collège sont soumis à l’obligation scolaire du socle de compétence , mais les programmes de l’Education nationale ne sont pas forcément suivis. L’objectif est d’offrir un enseignement au plus près des envies de l’enfant. Rodolphe Herino, coresponsable du collège, explique :

    « On a rencontré les parents et les ados pour connaître leurs projets à la rentrée. Pour ceux qui veulent passer le brevet, on va coller au programme de l’Education nationale. Pour ceux qui veulent une insertion professionnelle rapide, on va cibler le socle commun et les apports de base, etc. »

    Que deviennent les enfants qui retournent dans le public ? Rodolphe Herino et sa femme Claire, qui dirigent le collège depuis son ouverture, admettent qu’ « on manque de recul », mais ont une certitude :

    « On fait le pari qu’un ado ayant les connaissances de base, qui est bien dans ses baskets, qui sait s’exprimer et dire ses émotions, aura les ressources pour se préparer et faire face à ces situations. »