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Charb n’est pas une notice Ikea

Le « testament » de Charb n’est pas une notice Ikea 

L’Obs publie les bonnes feuilles du « testament » de Charb. Bien joué, le coup du « testament ». Ce texte n’est évidemment pas un « testament ». Charb ne savait pas qu’il allait mourir si vite. Le texte est donc destiné à être publié de son vivant, en pleine bagarre. Mais dans « testament », il y a un côté solennel, irréfutable, dernières volontés sacrées. D’outre-tombe, écoutez la sagesse qui vous parle, de sa voix caverneuse.

Soit. Ecoutons donc. Que dit Charb ? Quelques fulgurances, assez jubilatoires, comme celle-ci :

« Le problème, ce n’est ni le Coran, ni la Bible, romans soporifiques incohérents et mal écrits, mais le fidèle qui lit le Coran ou la Bible comme la notice de montage d’une étagère Ikea. Il faut bien tout faire comme c’est marqué sur le papier sinon l’univers se pète la gueule. Il faut bien égorger l’infidèle selon les pointillés, sinon Dieu va me priver de Club Med après ma mort. »

On aurait aimé le dire.

« Hystérie médiatique et islamique »

Dans son « testament », Charb revient aussi, évidemment, sur l’épisode de la publication des caricatures danoises. Avec un étrange « c’est la faute aux médias ». « Ce n’est qu’après la dénonciation et l’instrumentalisation des caricatures danoises par un groupe d’extrémistes musulmans », dit Charb, « que caricaturer le prophète est devenu un sujet capable de déclencher des crises d’hystérie médiatiques et islamiques. D’abord médiatiques, et ensuite islamiques ».

La théorie est séduisante. Elle est tout à fait plausible. Cela s’est vu à de multiples occasions, que tel ou tel message, telle ou telle publication, passés inaperçus dans un contexte particulier, deviennent dans un autre contexte un objet de scandale incandescent.

Malheureusement, c’est faux. Aussi loin que permette de remonter un excellent aide-mémoire, récemment republié, « Les 1 000 unes de Charlie Hebdo », qui couvre toute la période Val (1992-2011), pas de Mahomet en couverture avant la couverture fatidique de Cabu « C’est dur d’être aimé par des cons ». Des filles voilées, des Ben Laden, des imams, oui, en veux-tu en voilà, mais pas de Mahomet en couverture. Aucune autocensure là-dedans, sans doute. Le plus vraisemblable est qu’ils n’y avaient pas pensé. Le personnage ne faisait pas encore recette.

Avec des pincettes

Ils sont malins, à L’Obs. Ils publient le texte avec des pincettes. Dans sa présentation, Aude Lancelin nous invite à « ne pas transformer cet ultime texte en tables de la loi intouchables, impossibles à discuter. » Ils ont raison.

D’autant que la théorie de Charb (tout ce raffut, on n’y était pour rien, c’est la faute aux médias) passe aussi sous silence le tam-tam alors orchestré par l’équipe du magazine elle-même, autour de cette publication, certes courageuse, comme on s’en aperçoit aujourd’hui. Les équipes de télé qui se bousculaient autour du bouclage du numéro Mahomet n’étaient pas là par hasard. Elles avaient été invitées.

Ce qui, évidemment, ne justifie en rien les assassinats (toujours le préciser) mais autant raconter l’histoire complètement. Après tout, le « testament » de Charb n’est pas non plus une notice Ikea.

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