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  • La promesse des biens communs

    Pendant que les politiques restent immuables, engoncées qu’elles sont dans la défense des intérêts d’une classe de privilégiés, le monde change. Il change d’abord sous l’influence de la logique propre au capitalisme aujourd’hui mondialisé et conduit par des puissances financières qui ont porté l’exigence de rentabilité du capital jusqu’à un point inégalé. Restructuration permanente du capital financier et renforcement de l’exploitation de la force de travail sont alors les deux faces d’une même réalité : celle qui structure l’organisation du travail, le mode de production des richesses et leur répartition. Le monde change aussi parce que le foisonnement de nouvelles techniques laisse entrevoir la possibilité de manipulations biologiques et génétiques susceptibles de faire franchir une marche de plus à la fuite en avant productiviste et scientiste, malgré les dangers déjà avérés d’un mode de développement économique fondé sur l’utilisation massive de ressources rares, dont les limites apparaissent aujourd’hui. Peu à peu, se dévoile l’illusion que l’humanité aurait du temps pour s’adapter aux bouleversements provoqués par le réchauffement climatique : celui-ci risque de se produire beaucoup plus vite que prévu, dans un emballement de réactions en chaîne. Dans le même temps, des promesses fortes de l’idéologie capitaliste, comme l’épanouissement personnel et la démocratie, révèlent de manière de plus en plus patente leurs contradictions avec la logique généralisée du profit. Ainsi, le déploiement mondial du capital contribue à produire de plus en plus des subjectivités frustrées et blessées, tandis que les bien relatifs acquis démocratiques reculent là où des luttes sociales et politiques les avaient inscrits hier. Le monde se transforme enfin parce que les rapports de force géopolitiques se modifient rapidement, et cela d’autant plus que la crise du système exacerbe les tensions inhérentes à un marché livré au jeu de la concurrence prétendument non faussée.

    Cette crise, qui vient de bien plus loin que de l’entourloupe des subprime américains, est la marque d’un modèle qui arrive à la fin de son cycle et donc de sa capacité à « enchanter » le monde. Fin de cycle car le mythe de l’accumulation infinie est en train de s’évanouir en même temps que se raréfie ou se dégrade la base matérielle de la croissance économique. Fin de cycle aussi, car les programmes d’ajustement structurel au Sud et les politiques d’austérité au Nord, notamment en Europe, ne peuvent qu’intensifier les causes mêmes qui ont mené à la crise.

    La voie capitaliste à la crise capitaliste est une voie sans issue, qu’elle se nomme croissance verte qui ferait cohabiter une moitié d’activités destructrices et une autre moitié d’activités réparatrices, ou économie de la connaissance qui ferait de cette dernière un nouveau « capital », ou économie pseudo-dématérialisée qui cantonnerait la fabrication des marchandises dans le pôle le plus pauvre du monde, dont les classes dirigeantes sont peu regardantes sur les conditions de mise en œuvre.

    Il faut donc chercher ailleurs l’issue, si l’on entend poursuivre cahin-caha l’aventure humaine. Et si cette issue n’est encore qu’en filigrane, elle n’en est pas moins possible. Les résistances des peuples et des individus l’attestent, de mouvements sociaux en résistances subjectives moins visibles. Les expériences alternatives en dessinent la trame. Résistances à l’oppression des dictatures, résistances aux atteintes aux droits sociaux, résistances aux licenciements, résistances à l’accaparement des terres ou des ressources, résistances au pouvoir des banques, etc. Expériences de gestion directe d’entreprises ou de quartiers, expériences de pratiques agricoles biologiques et relocalisées, expériences monétaires locales, et même expériences de régulation monétaire étatique hors de portée de la finance mondiale. Et aussi combats pour l’égalité entre les femmes et les hommes, combats pour les mêmes droits indépendamment de la couleur de la peau, de la religion ou de l’orientation sexuelle.

    Comment penser la pratique du changement social ? La profondeur des bouleversements évoqués appelle à réexaminer la question de l’émancipation humaine. Celle-ci n’est pas le fruit d’un déterminisme quelconque, elle n’est pas non plus seulement le résultat de l’action de minorités agissantes, sans impliquer la grande majorité des opprimés. L’histoire du XXe siècle le démontre. Celle du XXIe est donc à inventer. Par la pratique et par la pensée de cette pratique. C’est la raison pour laquelle le Conseil scientifique d’Attac se lance dans une mini-aventure – mini au regard de celle des changements à opérer – en créant une revue théorique ouverte à toutes les personnes intéressées par cette démarche. L’objectif est de créer un espace de débat théorique et de confrontations de pratiques, capable d’imaginer des stratégies de transformation sociale et de contribuer ainsi à l’initiation d’une transition véritablement sociale et écologique, vers plus de justice, d’égalité et de démocratie.

    À l’heure des dérégulations collectives tous azimuts qui ont fait le lit de la crise, de l’échec patent de la construction européenne libérale qui vise à faire du continent le paradis du marché, du délaissement progressif des préoccupations sociales non compensé par la prise en compte nécessaire de questions dites sociétales, et de la difficulté des organisations issues de l’histoire du mouvement ouvrier ou appartenant à la constellation altermondialiste à construire un rapport de force plus favorable, il faut sans doute définir un nouveau cap. C’est d’autant plus impérieux que le travail coopératif de reformulation intellectuelle des repères de la critique sociale et de l’émancipation sur le moyen terme a souvent pâti de la nécessité d’apporter des réponses immédiates à des urgences concrètes. Il s’agit d’une reformulation intellectuelle articulant les effets de structures et les constructions personnelles, les solidarités et les individualités, aussi éloignée d’un quelconque déterminisme structurel que d’un regain d’individualisme méthodologique dans les sciences sociales.

    L’objectif est ambitieux et il ne pourra être atteint qu’au moyen de l’ouverture la plus large auprès des acteurs sociaux inscrits dans une double démarche d’engagement social et de réflexion : syndicalistes, associatifs, politiques, chercheurs, avant tout citoyens.

    Concrètement, nous créons une revue à support électronique, de grande diffusion et gratuite, dont la périodicité sera trimestrielle. Elle sera animée par un comité éditorial pluraliste, en charge de définir les projets de contenu, de solliciter les auteurs, d’organiser l’examen des propositions d’articles.

    Cette initiative aura besoin des concours provenant de nombreux horizons disciplinaires, car il n’est pas si simple de poursuivre la critique méthodologique et épistémologique de la vision qui présente le monde social comme mû par des lois universelles et intemporelles, auxquelles il serait vain de s’attaquer. Le monde social est toujours construit, son fondement est donc anthropologique et non pas naturel. Et, là se trouve notre fil d’Ariane qui n’est paradoxal qu’en apparence, le monde social est construit dans la biosphère terrestre, la dénommée nature. Contradiction capital/travail et contradiction capital/nature, mais aussi contradiction capital/démocratie et contradiction capital/individualité, participent au caractère systémique de la crise. Le dépassement des unes n’ira pas sans dépassement des autres. Les potentialités de transformation sociale sont inscrites dans ces zones de fragilité du capitalisme et dans leurs interactions avec les contradictions propres aux autres modes d’oppression (domination masculine, discriminations racistes, etc.). Notre revue cherchera à les mettre en lumière pour aider à créer des situations nouvelles, à faire que les potentialités deviennent réalité, comme une sorte de poïétique [1].

    On trouvera dans ce premier numéro la base de l’architecture de la revue, susceptible d’être améliorée au fil du temps :

    • Un dossier thématique consacré ici à la protection sociale. On trouvera onze articles, mêlant des analyses historiques sur la protection sociale, des examens critiques de politiques sociales mises en œuvre en France (RSA), en Europe ou définies dans le monde par les institutions internationales, des propositions de renouvellement de la nature de la protection sociale, et des mises en perspective théorique.
    • Une deuxième partie de débats, qui portent ici sur la publication de deux ouvrages, l’un plutôt historique et politique, l’autre plutôt théorique, concernant le capital et les concepts de richesse et de valeur. Cet espace de débats est appelé à s’étoffer et notamment à recevoir des articles poursuivant les discussions amorcées dans les dossiers précédents.
    • Une troisième partie proposant une revue des revues à vocation internationale, qui, dans ce numéro, est centrée sur des articles liés à la problématique de la protection sociale, sur quelques rapports des institutions internationales concernant le développement, les indicateurs de celui-ci, et la richesse accumulée dans le monde par une minorité, sur la lutte des femmes travailleuses chez LATelec en Tunisie, et enfin sur la crise en Syrie.

    On découvrira dans cette livraison, commençant par la protection sociale, qu’une même problématique traverse l’ensemble des pièces qui la composent : la sauvegarde et le développement des « communs sociaux », inséparables désormais pour l’humanité des « communs naturels ». Notre revue Les Possiblestravaillera à tenir la promesse des communs.

    Cela nous engage vers beaucoup de passerelles à construire, de passages à aménager, de gués à franchir, pour s’affranchir des multiples tutelles et dominations sociales, pour se défaire aussi de l’embrigadement intellectuel et culturel qui menace l’existence même de la démocratie.

    Jean-Marie Harribey

    15 octobre 2013

    N.B. Nous adressons tous nos remerciements à l’équipe technique qui a dû improviser avec brio pour concevoir la maquette électronique de ce premier numéro de la revue.

  • Aluminium: Attention

    Toujours plus d’aluminium dans l’environnement

    Toujours plus d’aluminium, quels effets sur la santé ?

    Toujours plus d’aluminium, quels effets sur la santé ?

     

    Dans un article publié dans Environmental Science : Processes and Impacts, Christopher Exley, professeur à l’université de Keele (Royaume-Uni), lance un signal d’alarme concernant notre exposition à l’aluminium. C’est un phénomène récent à l’échelle humaine : voilà moins de deux siècles que les Hommes savent exploiter l’aluminium de manière industrielle. Métal désormais le plus consommé après le fer, l’aluminium a vu sa demande multipliée par 30 depuis 1950. Elle pourrait encore doubler d’ici 2050. Or, la majeure partie de l’aluminium produit provient de nouvelles extractions et non du recyclage.

    Si la demande en aluminium explose, c’est parce que le métal a trouvé des 

    applications
     dans de nombreux domaines : bâtiment (huisseries), transports (avions), agroalimentaire (additifs), emballage (canettes), ustensiles de cuisine (casseroles), médecine (adjuvants de vaccins, alliages dentaires), cosmétique (déodorants, maquillage), traitement des eaux, etc. L’exposition alimentaire est une question récurrente ces dernières années.

     

    L’Efsa, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, a rendu un avis public en 2008 sur la question de l’aluminium alimentaire. S’il est présent naturellement dans les fruits et légumes, l’aluminium favorise aussi la conservation des aliments, et sert d’agent levant et de colorant. Selon l’agence européenne, les principales sources alimentaires d’aluminium seraient les céréales et leurs produits dérivés, les légumes, les boissons et… certaines préparations pour nourrissons ! De fortes concentrations ont été relevées dans des feuilles de thé, des herbes, du cacao et des épices.

    L’Efsa a fixé la dose maximale hebdomadaire à ne pas dépasser à 1 mg/kg, tout en affirmant que cette limite serait franchie par une part significative de la population : l’exposition des Européens se situerait entre 0,2 à 1,5 mg/kg/semaine. Le cas des enfants est inquiétant en raison de leur faible poids. Si l’eau ne représente qu’une partie mineure des apports, de nouvelles recommandations visant à prévenir le risque de maladie d’Alzheimer suggèrent d’éviter l’aluminium dans la cuisine. Pourquoi ces précautions ?

    Des effets nocifs ont été observés chez les professionnels travaillant au contact de l’aluminium, mais aussi chez des patients dialysés. Ces derniers peuvent être exposés à des doses élevées à cause des fluides utilisés par la dialyse : des dommages au cerveau et des pathologies proches d’Alzheimer ont pu être observés chez eux.

    Considérée comme toxique, l’exposition humaine à l’aluminium a été évoquée dans différentes pathologies : maladies des os, cancers (avec un débat autour du cancer du sein et des déodorants) et maladie d’Alzheimer. L’étude Paquid (Personnes âgées quid ?), menée en France, avait montré que le risque de maladie d’Alzheimer était associé à la concentration d’aluminium dans l’eau. L’aluminium pourrait favoriser l’agrégation des protéines amyloïdes dans le cerveau des malades. Mais la relation entre la maladie d’Alzheimer et l’aluminium reste controversée.

     

  • Santé: Monsanto en Argentine

    Novopress a traduit en français une enquête décapante de Micheal Warren et Natacha Pisarenko (Associated Press) datant du 20 octobre dernier et portant sur les effets secondaires dévastateurs des produits agro-chimiques de la firme Monsanto, multinationale spécialisée dans les pesticides et semences génétiquement modifiées. Source originale et nombreuses photos 

    L’ouvrier agricole Fabian Tomasi n’avait pas l’habitude d’utiliser des vêtements de protection lorsqu’il manipulait des pesticides sous forme pulvérulente. À 47 ans, il n’est plus aujourd’hui qu’un squelette vivant. L’institutrice Andrea Druetta vit dans une ville où il est illégal d’épandre des pesticides à moins de 500 mètres des habitations, et pourtant, il y a du soja planté jusqu’à 30 m de son domicile ; récemment, ses garçons furent arrosés de produits chimiques alors qu’ils se baignaient dans la piscine derrière la maison. Les recherches menées par Sofia Gatica pour comprendre la mort de son nouveau né suite à des troubles rénaux a conduit l’an dernier à la première enquête en Argentine sur les épandages illégaux. Mais 80% des enfants en observation dans son voisinage portent des traces de pesticides dans leur sang.

    Dans la province de Santa Fe, cœur de l’industrie du soja, le nombre moyen de cancers est deux fois supérieur à la moyenne nationale.

     

    La biotechnologie américaine a hissé l’Argentine au troisième rang des plus importants producteurs de soja, mais les produits chimiques à l’origine de ce boom ne sont pas circonscrits aux seuls champs de soja, de coton et de blé. L’Associated Press a relevé des dizaines de cas où ces poisons sont utilisés de manière contraire à toutes les règlementations existantes.
    Et les médecins avertissent maintenant que l’usage incontrôlé de pesticides pourrait être la cause de plus en plus de problèmes de santé parmi les 12 millions d’habitants de la plus vaste zone agricole du pays.
    Dans la province de Santa Fe, cœur de l’industrie du soja, le nombre moyen de cancers est deux fois supérieur à la moyenne nationale. Dans le Chaco, la province la plus pauvre du pays, les enfants ont quatre fois plus de risques de naître avec de graves troubles congénitaux depuis ces dix dernières années, marquées par l’expansion dramatique d’une industrie agricole liée aux biotechnologies.
    « Les changements dans la manière de cultiver ont clairement modifié les caractéristiques des maladies » affirme le Dr Medardo Avila Vasquez, pédiatre cofondateur de l’association « Doctors of fumigates towns » (médecins des villes sous fumigation). « Nous sommes passés d’une population en excellente santé à une autre avec un taux de cancers, de troubles en néonatalogie et de maladies, rarement observé antérieurement ».

    Connue autrefois pour sa viande de bœuf issue de ses vastes prairies, l’Argentine a subi une remarquable mutation de puis 1996, quand la compagnie Monsanto, domicilié à St Louis (USA), vendit la promesse de meilleurs rendements avec moins de pesticides grâce à ses semences et ses produits chimiques.
    Aujourd’hui, tout le soja argentin, mais aussi la plus grande partie de son blé et aussi de son coton, sont issus de semences génétiquement modifiées. La culture du soja a triplé pour atteindre 47 millions d’âcres (environ 19 millions d’hectares), et comme aux USA, le bétail est maintenant nourri de soja et de céréales dans des parcs d’engraissage.
    Mais lorsque les insectes et les mauvaises herbes devinrent à leur tour résistants, les agriculteurs multiplièrent par neuf la charge en produits chimiques, passant de 9 million de gallons (40 millions de litres) en 1990 à plus de 84 (378 millions de litres) aujourd’hui. Et surtout les agriculteurs argentins épandent aujourd’hui 4,3 livres de concentré de pesticides par âcre (soit environ 5 kg à l’hectare), deux fois plus que les agriculteurs américains, si l’on en croit une enquête d’Associated Press croisant les données gouvernementales et celles de l’industrie des pesticides.

    Les registres hospitaliers relèvent un quadruplement des affections congénitales dans le Chaco, passant de 19,1 / 10 000 à 85,3 / 10 000 dans les dix années suivant l’autorisation d’introduction des produits chimiques.

    En réponse à un nombre croissant de plaintes, la présidente Cristina Fernandez créa en 2000 une commission pour étudier l’impact des épandages de produits phytosanitaires sur la santé humaine. Son premier rapport demanda « un contrôle systématique des concentrations d’herbicides et de leurs composants… ainsi que des études approfondies tant en laboratoire que sur le terrain lors de l’usage de formules contenant des glyphosates (herbicide systémique connu sous le nom de Roundup), ainsi que de son interaction avec d’autre produits agro-chimiques utilisés actuellement dans notre pays ». Mais la commission n’a plus siégé depuis 2010 comme le découvrit récemment le vérificateur général. Dans une déclaration écrite, le porte-paroles de Monsanto, Thomas Helscher, assure toutefois que le compagnie « ne ferme pas les yeux sur les mauvais usages de pesticides, ou la violation des lois concernant leur usage ».

    Une étude épidémiologique portant sur 65 000 personnes à Santa Fe, conduite par le Dr Damian Vezenassi de l’Université Nationale de Rosario, a relevé un taux de cancers deux à quatre fois plus élevé que la moyenne nationale, ainsi que des problèmes thyroïdiens, respiratoires et autres affections rarement observées autrefois. « Il pourrait y avoir un lien avec les produits agro-chimiques » pense Verzenassi, « ils [Monsanto] font de nombreuses analyses de toxicité de leurs ingrédients de base, mais n’ont jamais étudié la toxicité due à l’interaction des différents produits chimiques qu’ils utilisent ».

    Les registres hospitaliers relèvent un quadruplement des affections congénitales dans le Chaco, passant de 19,1 / 10 000 à 85,3 / 10 000 dans les dix années suivant l’autorisation d’introduction des produits chimiques. Une équipe de médecins a alors suivi 2051 personnes dans six villes, et a découvert un nombre élevé de maladies quand ces personnes vivaient dans un environnement de agricole.

    Dans le village rural de Avia Terai, 31% des personnes interrogées ont déclaré avoir un membre de leur famille atteint d’un cancer ; un nombre à comparer aux 3% atteints de la même maladie dans le village de ranchs classique de Charadai. Ils ont également relevé des cas de malformation du squelette, d’atteintes à la moelle épinière, de surdité, de cécité, de dégâts neurologiques et des atteintes dermatologiques atypique. Peut-être est-il impossible de prouver qu’un produit chimique est à l’origine d’une maladie précise. Mais les médecins appellent de leurs vœux la multiplication des études, et des études plus larges, à plus long terme et surtout indépendantes, affirmant que c’est maintenant au gouvernement de prouver que le cumul des charges agricoles ne rend pas les gens malades.

  • CIA : des médecins accusés

    CIA : des médecins accusés de complicité de torture dans les prisons militaires

     
    © AFP

    Des médecins et des infirmiers se sont rendus responsables de mauvais traitements dans les prisons du Pentagone et de la CIA, selon un rapport indépendant. Cette étude montre que ces professionnels de santé ont été complices de torture.

     
    Par FRANCE 24 (texte)
     

    Après le 11-Septembre, la lutte contre le terrorisme a conduit des médecins, des infirmiers ou encore des psychologues travaillant pour l’armée américaine à trahir leur serment d’Hippocrate. Selon une étude rendue publique lundi 4 novembre par l’Institute on Medicine as a Profession de l’Université de Columbia de New York, des professionnels de la santé se sont en effet rendus complices d’abus dans différentes prisons militaires du Pentagone et de la CIA.

     

    LE RAPPORT INTITULÉ "L'ÉTHIQUE ABANDONNÉE, PROFESSIONNALISME MÉDICAL ET ABUS SUR LES DÉTENUS DANS LA GUERRE CONTRE LE TERRORISME"
     

     

    "Ces pratiques comprennent la conception, la participation et l’application de tortures et de traitements cruels, inhumains et dégradants", peut-on lire sur la page de présentation de cette étude. Celle-ci a été conduite pendant deux ans à partir de documents sur les conditions de détention de combattants ennemis àGuantanamo ou dans les prisons américaines en Irak et en Afghanistan.

    Ce rapport détaille notamment les actes qui ont été perpétrés par le corps médical au mépris de "leurs obligations éthiques". Ils ont ainsi été "consultés sur les conditions de détention pour augmenter l’anxiété et la désorientation des prisonniers". Ils ont aussi utilisé "des informations médicales dans le cadre d’interrogatoires" et participé à "l’alimentation de force de grévistes de la faim". Des professionnels de santé de la CIA étaient également présents lors d’interrogatoires particulièrement musclés ou de " waterboarding" (tortures par l’eau).

    Des médecins devenus agents militaires

    Pour le Dr Gerald Thomson, professeur de médecine à l’Université Columbia, qui a participé à cette étude, "il est clair qu’au nom de la sécurité nationale, des médecins ont été transformés en agents militaires et ont pratiqué des actes qui étaient contraire à leur éthique médicale. Nous avons la responsabilité de faire en sorte que cela ne se reproduise plus".

    Son collègue, Leonard Rubenstein, professeur de droit de la Santé publique à l’Université Johns-Hopkins, note par ailleurs que ces "abus sur les détenus et la participation des professionnels de santé ne sont pas derrière nous dans ce pays". Comme le souligne le rapport, le Pentagone continue de "maintenir ligotés des détenus pendant plus de deux heures et deux fois par jour" ou encore de "les nourrir de force". Ces accusations font référence à la grève de la faim lancée il y a huit mois à Guantanamo. Sur la centaine de prisonniers qui a participé à ce mouvement, une quinzaine ont été nourris par sondes naso-gastriques.

    En réponse à cette étude, les autorités américaines ont estimé qu’il s’agissait d’éléments inexacts et erronés. "Il est important de souligner que la CIA n’a plus de prisonnier en détention et que le président Obama a mis fin au programme de détention et d’interrogatoire par décret en 2009", s’est défendu Dean Boyd, le directeur de la communication de la CIA.

    De son côté, le Pentagone a soutenu ses médecins et assuré de leur grand "professionnalisme". Selon le porte-parole Todd Breasseale, interrogé par l’AFP, "ils travaillent dans des conditions de grand stress" et apportent "les meilleurs soins que les détenus aient jamais connus".

     
  • La Syrie a changé

    « SOUS NOS YEUX »

     

    La couverture médiatique de la guerre en Syrie ne porte que sur les actions militaires, humanitaires et diplomatiques. Elle laisse de côté la profonde transformation du pays. Pourtant, on ne survit pas à cet océan de violence sans changer profondément. De Damas, où il vit depuis deux ans, Thierry Meyssan décrit cette évolution.

     | DAMAS (SYRIE) | 4 NOVEMBRE 2013 
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    Damas, la plus vieille ville habitée du monde

    De passage à Damas, l’envoyé spécial des secrétaires généraux de la Ligue arabe et de l’Onu, Lakhdar Brahimi, a présenté « son » projet de conférence de paix, Genève 2. Une conférence dont l’objectif serait de mettre fin à la « guerre civile ». Cette terminologie reprend l’analyse d’un camp contre un autre, de ceux qui affirment que ce conflit est une suite logique du « printemps arabe », contre ceux qui soutiennent qu’il a été fabriqué, alimenté et manipulé de l’extérieur.

    La guerre selon l’opposition armée

    Pour les Occidentaux et la majorité de la Coalition nationale, la Syrie vit une révolution. Son peuple s’est soulevé contre une dictature et aspire à vivre dans une démocratie comme aux États-Unis. Cependant cette vision des choses est démentie par le Conseil de coopération du Golfe, le Conseil national syrien et l’Armée syrienne libre. Pour eux, le problème n’est pas celui de la liberté, mais de la personnalité de Bachar el-Assad. Ils se contenteraient de conserver les mêmes institutions si le président acceptait de laisser sa place à un de ses vice-présidents. Toutefois, cette version est à son tour démentie par les combattants sur le terrain, pour qui le problème n’est pas la personnalité du président, mais la tolérance qu’il incarne. Leur but est d’instaurer un régime de type wahhabite où les minorités religieuses seraient soit soumises, soit détruites, et où la Constitution serait remplacée par la Charia.

    La liberté d’expression

    Au début, lorsque des snipers tuaient des gens, on disait que c’était des tireurs du régime qui cherchaient à imposer la peur. Lorsque des voitures explosaient, on disait que c’était une attaque perpétrée par les services secrets sous faux drapeau. Lorsque un gigantesque attentat a tué les membres du Conseil de sécurité, on accusait Bachar el-Assad d’avoir éliminé ses rivaux. Aujourd’hui, plus personne n’a de doute : ces crimes étaient l’œuvre des jihadistes et ils ne cessent d’en commettre.

    Au début, il y avait la loi d’urgence. Depuis 1963, les manifestations étaient interdites. Les journalistes étrangers ne pouvaient entrer qu’au compte-goutte et leurs activités étaient étroitement surveillées. Aujourd’hui, la loi d’urgence a été levée. Il n’y a toujours que peu de manifestations parce qu’on craint des attentats terroristes. Les journalistes étrangers sont nombreux à Damas. Ils évoluent librement sans aucune surveillance. La plupart continuent pourtant à raconter que le pays est une horrible dictature. On les laisse faire en espérant qu’ils se lasseront de mentir lorsque leurs gouvernements cesseront de prêcher le « renversement du régime ».

    Au début, les Syriens ne regardaient pas les chaînes de télévision nationales. Ils les considéraient comme de la propagande et leur préféraient Al-Jazeera. Ils suivaient ainsi en direct les exploits des « révolutionnaires » et les crimes de la « dictature ». Mais avec le temps, ils se sont trouvés confrontés directement aux événements. Ils ont vu par eux-mêmes les atrocités des peudos-révolutionnaires et, souvent, ils n’ont dû leur salut qu’à l’armée nationale. Aujourd’hui, les gens regardent beaucoup plus les télévisions nationales, qui sont plus nombreuses, et surtout une chaîne libano-irakienne, Al-Mayadeen, qui a récupéré l’auditoire d’Al-Jazeera dans l’ensemble du monde arabe et qui développe un point de vue nationaliste ouvert.

    La liberté de conscience

    Au début, l’opposition armée se disait pluri-confessionnelle. Des personnes issues de minorités religieuses la soutenaient. Puis, il y eut les tribunaux islamiques qui condamnèrent à mort et égorgèrent les « mauvais » sunnites, « traîtres » à leur communauté ; les alaouites et les chiites, torturés en public ; et les chrétiens expulsés de leurs maisons. Aujourd’hui, chacun à compris que l’on est toujours hérétique lorsque l’on est jugé par des « purs », des takfiristes.

    Alors que des intellectuels affirment que la Syrie a été détruite et qu’il faut la redéfinir, les gens savent ce qu’elle est et sont souvent prêts à mourir pour elle. Il y a dix ans, chaque famille avait un adolescent qu’elle tentait de faire échapper au service militaire. Seuls les pauvres envisageaient de faire carrière sous les drapeaux. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes s’engagent dans l’armée et leurs aînés dans les milices populaires. Tous défendent la Syrie éternelle où se côtoient différentes communautés religieuses, ils vénèrent ensemble le même Dieu lorsqu’ils en ont un.

    Au cours du conflit, beaucoup de Syriens ont eux-mêmes évolué. Au début, ils observaient majoritairement les événements en se tenant à l’écart, la plupart affirmant ne se reconnaître dans aucun camp. Après deux ans et demi de terribles souffrances, chacun de ceux qui sont restés dans le pays a dû choisir pour survivre. La guerre n’est plus qu’une tentative des puissances coloniales de souffler sur les braises de l’obscurantisme pour brûler la civilisation.

    La liberté politique

    Pour moi, qui connait la Syrie depuis une dizaine d’années et vit à Damas depuis deux ans, je mesure à quel point le pays a changé. Il y a dix ans, chacun racontait à voix basse les problèmes qu’il avait rencontré avec les mukhabarats, qui se mêlaient de tout et de n’importe quoi. Dans ce pays, dont le Golan est occupé par Israël, les services secrets avaient en effet acquis un pouvoir extravagant. Pourtant, ils n’ont rien vu et rien su de la préparation de la guerre, des tunnels que l’on creusait et des armes que l’on importait. Aujourd’hui, un grand nombre d’officiers corrompus s’est enfui à l’étranger, les mukhabarats se sont recentrés sur leur mission de défense de la patrie et seuls les jihadistes ont à s’en plaindre.

    Il y a dix ans, le parti Baas était constitutionnellement le leader de la nation. Il était seul autorisé à présenter des candidats aux élections, mais il n’était déjà plus un parti de masse. Les institutions s’éloignaient progressivement des citoyens. Aujourd’hui, on a du mal à suivre la naissance des partis politiques tant ils sont nombreux. Chacun peut se présenter aux élections et les gagner. Seule l’opposition « démocratique » a, depuis Paris et Istanbul, décidé de les boycotter plutôt que de les perdre.

    Il y a dix ans, on ne parlait pas de politique dans les cafés, seulement à la maison avec les gens que l’on connaissait. Aujourd’hui, tout le monde parle politique, partout, dans les zones contrôlées par le gouvernement et jamais dans celles contrôlées par l’opposition armée.

    Où est la dictature ? Où est la démocratie ?

    Réactions de classe

    La guerre, c’est aussi un conflit de classe. Les riches, qui disposent d’avoirs à l’étranger, sont partis lorsque Damas a été attaqué. Ils aimaient leur pays, mais surtout protégeaient leurs vies et leurs biens. 
    Les bourgeois étaient terrorisés. Ils payaient l’impôt « révolutionnaire » lorsqu’on les insurgés l’exigeaient, et affirmaient soutenir l’État lorsque l’armée les questionnait. Inquiets, ils attendaient le départ du président El-Assad qu’Al-Jazeera annonçait comme imminent. Ils ne sont sortis de leur angoisse que lorsque les États-Unis ont renoncé à bombarder le pays. Aujourd’hui, ils ne songent qu’à se racheter en finançant les associations des familles de martyrs. 
    Le petit peuple savait lui, depuis le départ, ce qu’il en était. Il y avait ceux qui voyaient dans la guerre un moyen de se venger de leurs conditions économiques, et ceux qui voulaient défendre la liberté de conscience et la gratuité des services publics.

    Les États-Unis et Israël, la France et le Royaume-Uni, la Turquie, le Qatar et l’Arabie saoudite, qui ont livré cette guerre secrète et qui l’ont perdue, n’anticipaient pas ce résultat : pour survivre, la Syrie a libéré ses énergies et a retrouvé sa liberté.

    Si la conférence de Genève 2 se tient, les grandes puissances ne pourront rien y décider. Le prochain gouvernement ne sera pas le fruit d’un arrangement diplomatique. Le seul pouvoir de la conférence sera de proposer une solution qui ne pourra être appliquée qu’après avoir été ratifiée par un référendum populaire.

    Cette guerre a saigné la Syrie, dont la moitié des villes et des infrastructures ont été détruites pour satisfaire les appétits et les fantasmes des puissances occidentales et du Golfe. Si quelque chose de positif devait surgir de Genève 2, ce serait le financement de la reconstruction par ceux qui ont fait souffrir le pays.

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