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MÉDIAS • Les aventuriers du Web perdu

 

L’internet héberge d'énormes quantités d'information, mais il a très mauvaise mémoire. De nouvelles équipes d'"archéologues" du Web tentent de préserver son passé en voie d'effacement.
La première version connue du tout premier site web doit bien exister quelque part, enregistrée sur un disque dur hors d'âge. "Peut-être quelqu'un s'en sert-il comme d'un presse-papier", conjecture Dan Noyes, responsable du Web au Groupe de Communication du CERN [Organisation européenne pour la recherche nucléaire], en Suisse. "Nous savons effectivement qu'un disque dur de 1990 a été envoyé pour une conférence à Santa Clara et qu'il a disparu, commente-t-il. Idéalement, nous aimerions remettre la main dessus. Ce sont les versions les plus anciens qu'on puisse obtenir".

Noyes fait partie de l'équipe qui essaie de reconstituer le site (iti.ms/10ZgLiE ) avec lequel Tim Berners-Lee a lancé la révolution du web. Sa mise en ligne date de 1991. Le projet lancé cette semaine a pour but de commémorer le 20e anniversaire de la mise à disposition gratuite pour tous de cette technologie par le CERN. Faute de ce disque préhistorique si convoité, Noyes et ses collègues se sont servi de l'ordinateur que Bernes-Lee utilisait à l'époque pour reconstruire une version du site tel qu'il existait en 1992, dans la version la plus ancienne qu'ils aient pu trouver. "Le premier site concernait le projet web lui-même, il visait à encourager d'autres développeurs à créer eux-mêmes un site. Il était 'auto-référentiel'. Il a erré comme ça tout seul pendant un bon moment".

"Des vestiges de la culture Internet ancienne"

Reconstituer l'histoire du Web est plus difficile qu'on ne pourrait le croire. Le World Wide Web contient peut-être la plus grande quantité d'informations sur l’histoire, mais sa mémoire n'en est pas moins défaillante dès qu'il s'agit de sa propre évolution. Le web aime généralement s'exprimer au présent, habillé dans un design dernier cri et oublieux de ses versions précédentes. Il ne fait pas bon vieillir sur Internet. Les pages Web Geocities et les premiers fichiers image Gif n'ont pas autant de cachet que les édifices antiques et autres vieux livres à reliure en cuir — quand ils sont préservés.

Reste que le lointain passé numérique éveille un intérêt grandissant. Outre les projets en cours au CERN, il existe des sites un peu plus ludiques, comme internetarchaeology.org . On y trouve "des vestiges de la culture Internet ancienne", les pages Web joyeusement kitsch, les Gifs, les jingles Midi et les animations qui peuplaient les bureaux et les esprits des gens dans les années 90. Cette collection comprend des communautés de fans de science-fiction, des sites cinglés des invasions extra-terrestres et quelques pionniers du porno en ligne. Une chose est sûre, les éléments du Web qui ont survécu le doivent essentiellement au hasard.

"L'Internet est notre espace civique"


La fragilité des contenus en ligne amène certains philosophes du web à parler d'“âge des ténèbres numériques”. Les esprits les plus chagrins craignent des catastrophes qui pourraient détruire les connaissances numériques d'un seul coup, et même les plus optimistes reconnaissent que chaque fois qu'un site Web disparaît et à chaque nouvelle mise à jour tout un pan d'information numérique est englouti. Internet se recontextualise constamment. Des archives entières peuvent disparaître du jour au lendemain. Ainsi, peu après la fermeture du Sunday Tribune, un journal pour lequel j'ai travaillé autrefois, ses importantes archives d'articles sont parties en fumée.

Brewster Kahle, spécialiste des sciences informatiques et bibliothécaire numérique, a tenté de résoudre le problème de la mémoire d'Internet en créant l'Internet Archive (archive.org ). Cet organisme s'emploie, en collaboration avec la Bibliothèque du Congrès et la Smithsonian Institution, à numériser toute la culture [numérique], ainsi qu'à "empêcher Internet — un nouveau média d'une grande importance historique — et d'autres supports d'information nés avec le numérique de disparaître dans le passé". 

Un rejeton de ce site, la Wayback Machine , permet d'accéder à des sites Web archivés, dont beaucoup d'existent plus. "C'est un service proposant des pages Web épuisées, explique Kahle. Nous essayons de prendre un cliché de chaque page Web de chaque site tous les deux mois. L'ensemble de la collection représente désormais plus de 300 milliards de pages. Nous pensions que ce serait comme la collection d'une bibliothèque de recherche, mais c'est plus que cela… Environ 600 000 personnes utilisent ce service quotidiennement."

"Le meilleur du Web ne dure pas"

 

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