ÉTATS-UNIS • Le fusil d'assaut
ÉTATS-UNIS • Le fusil d'assaut, ça vous vide la tête
- The New York Times |
- Trip Gabriel |
- 2 janvier 2013
"C'est un très bon antistress, explique Chad Knox, auxiliaire médical installé à Marietta, dans l'Ohio, qui pratique le tir et chasse les animaux nuisibles de son terrain de 16 hectares à l'aide d'un fusil semi-automatique. Certains font du crochet, d'autres du shopping, et d'autres encore font du tir".
Chad Knox possède un fusil de type AR-15, une arme inspirée d'un modèle militaire que les auteurs de plusieurs massacres récents – dont celui de Newtown – ont rendu célèbre.
Une arme très populaire
Interdits pendant une dizaine d'années par le gouvernement fédéral, certains modèles d'AR-15 pourraient redevenir illégaux si le président Obama parvient à convaincre le Congrès de rétablir l'interdiction fédérale (levée en 2004) sur les fusils d'assaut, ainsi qu'il s'est engagé à le faire.
Pour de nombreux possesseurs de fusils semi-automatiques, le modèle AR-15 et ses semblables n'évoquent toutefois aucunement les terrifiantes images de tuerie. Ces gens utilisent leurs armes pour des exercices de tir et pour chasser de petits animaux comme les lapins, les écureuils ou les coyotes.
Inspiré des modèles militaires M-16 et M-4, ce fusil est interdit dans les lieux publics et peut s'avérer moins précis qu'un fusil de chasse s'il faut se protéger chez soi.
Chad Knox, 28 ans, apprécie la légèreté de cette arme et la relative faiblesse de son recul. "Si je pars chasser ou si j'essaie d'intéresser un jeune à la chasse, l'AR-15 est l'arme qu'il faut, explique-t-il. Il est très simple d'utilisation."
La plupart des détenteurs de ce type d'armes de longue portée semi-automatiques (qui font feu à chaque pression sur la détente) semblent surtout s'en servir pour s'exercer au tir sur cible. Les chargeurs amovibles de grande capacité sont également très populaires. Pour les partisans du contrôle des armes, ces chargeurs font partie des accessoires qui devraient être interdits.
"Comme le bowling"
Propriétaire d'un atelier de carrosserie à Crown Point, dans l'Indiana, Arnie Andrews utilise son fusil Olympic Arms AR-15 plusieurs fois durant l'été pour tirer sur des cibles. Il possède un chargeur de vingt munitions, l'ancienne norme de l'armée (aujourd'hui relevée à trente munitions). "C'est un défi, on essaie de voir à quel niveau on se situe, explique cet homme âgé de 58 ans à propos du tir sur cible. C'est comme le bowling ou n'importe quel autre sport. Vous voulez voir si vous ferez mieux la prochaine fois."
Si les armuriers affirment que l'AR-15 est le fusil le plus populaire aux Etats-Unis, certains connaisseurs n'aiment pas ce modèle. Kent Carper, ancien chef de la police et élu local de Kanawha, en Virginie-Occidentale, possède de nombreuses armes chez lui, mais il n'a jamais voulu de fusil d'assaut. "Je n'ai jamais acheté de ces extensions de chargeur auxquelles je ne comprends rien, déclare-t-il. On a vu trop de tragédies avec des fusils d'assaut et des extensions de chargeur".
"L'argument consiste à dire que le droit de posséder et de porter des armes est garanti par la Constitution, donc vous avez le droit absolu d'avoir autant de munitions que vous voulez, poursuit Carper. Si vous poussez cette logique au bout, vous pouvez très bien avoir des missiles comme munitions."
"Je veux voir ma pastèque exploser"
Certains détenteurs d'armes parlent du tir comme d'un sport extrême. Tous les deux mois, quand il a mis assez d'argent de côté pour acheter 500 munitions, Patrick Mason part dans le désert autour de Las Vegas avec un ou deux amis pour faire un barbecue et tirer sur des cibles en fruits. "Je ne veux pas faire des trous dans des cibles en papier, je veux voir ma pastèque exploser", explique ce jeune assistant manager de 23 ans, employé dans un studio de yoga à Las Vegas.
"C'est drôle et on s'amuse bien, mais c'est aussi une technique, un véritable art, ajoute-t-il. La comparaison peut paraître étrange, mais c'est un peu comme tenir un animal vivant dans ses bras. Quand vous tirez, il y a le recul et puis l'odeur." Mason ne chasse pas et ne considère pas ce qu'il fait comme un sport. Cela lui procure une décharge électrique, un frisson d'excitation. "Après avoir tiré vingt balles sur une cible, j'ai envie de me faire un burger !"
Si certains possesseurs d'AR-15 utilisent leur arme pour chasser, d'autres estiment que l'utilisation d'une arme semi-automatique est contraire à l'esprit de la chasse. "Quand on chasse, on tire une fois, on n'arrose pas partout à la ronde", souligne Bill Den Hoed, propriétaire avec l'un de ses frères de Den Hoed Wine Estates, à Prosser, dans l'Etat de Washington.
Cet homme de 54 ans possède un fusil Colt AR-15 depuis près de vingt-cinq ans et l'utilise uniquement pour tirer sur des cibles dans les vignes familiales, près de la rivière Columbia. Il reconnaît toutefois qu'un semi-automatique peut être utile pour chasser des animaux nuisibles comme les coyotes qu'on trouve dans la région. Sa fréquence de tir permet en effet de réduire le nombre de ces prédateurs, explique-t-il.
Les interdire ne changerait rien
Pour les possesseurs d'AR-15, l'interdiction de ce type d'arme n'empêcherait pas les massacres. Ils restent toutefois assez discrets, en partie parce qu'ils partagent la souffrance des familles des vingt enfants disparus dans la tuerie de l'Etat du Connecticut, en partie parce qu'ils estiment que cette nouvelle tentative de réduction de la violence par la limitation des armes ne servirait à rien.
Ils ne croient pas que l'interdiction des fusils d'assaut et des chargeurs de grande capacité puisse empêcher des tueurs comme Adam Lanza de passer à l'action. D'après les autorités, Lanza a utilisé un Bushmaster de type AR-15 dans le Connecticut. "Si je pensais que l'interdiction était la solution, j'y serais probablement favorable, explique Everett Wilkinson, ancien marine installé dans le comté de Palm Beach, en Floride. Le problème, ce ne sont pas les armes, ce sont les fous."
Un avis que partagent d'autres détenteurs d'armes. "Les tueurs utiliseront d'autres armes, une bombe ou dieu sait quoi, prédit Andrews, qui possède un permis de port d'arme dissimulée et a suivi une formation pour savoir comment réagir face à un tireur. "En toute honnêteté, si vous étiez dans une mauvaise passe, vous seriez content que je sois là."