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MAROC • Pourquoi le "péril noir" de Maroc Hebdo provoque l'indignation

Le magazine Maroc Hebdo, qui titre "Le péril noir" en une de son dernier numéro, soulève l'indignation et la colère de nombreux Marocains. Mais cette polémique ouvre aussi un débat salutaire sur le racisme ordinaire, estime l'éditorialiste de l'hebdomadaire TelQuel.

 


"Le Maroc est un arbre dont les racines sont ancrées en Afrique mais dont les branches s'étendent en Europe." Vous avez deviné, cette phrase, qui ressemble à un slogan ronflant de l'office du tourisme, est du roi Hassan II [décédé en juillet 1999]. Elle n'est pas anodine. Le monarque l'avait improvisée au moment où il tentait, il y a trois décennies, d'intégrer le royaume dans la défunte Communauté économique européenne (CEE), devenue l'Union européenne (UE). Sans succès. L'Europe a dit non et le Maroc s'est retrouvé sans branches... et sans racines, puisque dans le même temps il avait claqué la porte de l'Organisation de l'Union africaine (OUA), devenue l'Union africaine (UA). Pas d'Europe et pas d'Afrique. Coupé de ses branches et de ses racines. Ni européen, ni africain.

Le Point et Maroc Hebdo : même combat !

Je me suis rappelé de la formule du roi Hassan II au moment où j'ai découvert, surpris, comme la plupart d'entre vous, la couverture deMaroc Hebdo : "Le péril noir". Notre confrère, qui voulait pointer la situation difficile des migrants africains, a déclenché bien involontairement un buzz énorme et, à vrai dire, malheureux. Nous avons vu fleurir partout des "périls", aussi stupides les uns que les autres : arabe, maghrébin, musulman, etc. Mais à quelque chose malheur est bon et la une de Maroc Hebdo renvoie, à sa manière, à celle du dernier numéro du magazine français Le Point : "Cet islam sans gêne". Vous êtes choqués ? Atterrés ? Dégoûtés ? Révoltés ? Indignés ? N'accablez pas trop nos confrères pour autant, ce n'est pas en effaçant leurs titres que l'on effacera le mal. Parce que, derrière le choc, se cache, bien tapi au fond de nos sociétés, le monstre : racisme, xénophobie, intolérance. Comment l'ignorer ?

Il y a quelques semaines, TelQuel a publié le cri d'alarme de Boubacar Seck, un architecte d'origine sénégalaise qui a fait ses études dans "le plus beau pays du monde" [la France]. Notre frère africain nous rappelait notamment ceci : "Paradoxe, c'est au moment où un parti islamo-conservateur [Parti de la justice et du développement (PJD), vainqueur des législatives du 25 novembre 2011] arrive au pouvoir que les valeurs de tolérance, d'ouverture et d'hospitalité prônées par l'islam s'affaiblissent. C'est au moment où le pays questionne ses principes de liberté, de démocratie et de sécularisation que le repli s'organise."

De terre de transit, le Maroc est devenu par la force des choses terre d'exil. Sans y être le moins du monde préparé. L'étranger, l'autre, n'était plus seulement européen, donc "supérieur", ou arabe, donc "frère", mais aussi et de plus en plus africain, donc noir, donc "inférieur". Noir et africain, cela fait double peine. L'imaginaire collectif méprise le Noir parce que "descendant d'esclaves", il méprise aussi l'Africain parce que "pauvre (et noir). C'est ainsi que le quotidien, notre quotidien, est devenu un théâtre permanent de haine "anti-Noirs". C'est de l'ordre du racisme ordinaire, que l'on condamne en silence, parce que l'"on comprend" : on sait d'où ça vient et à quoi ça tient.

Je vais vous citer quelques échanges comme vous avez pu en entendre par dizaines : "Il est beau, riche, grand ? – Il est noir !" "Où va ce pays, il y a trop de Noirs !" "Mais que viennent faire tous ces Noirs, ils ne voient donc pas que l'on a suffisamment de problèmes entre nous ?"

Puisse cette une de Maroc Hebdo (qui s'apprête, au moment où ces lignes sont écrites, à présenter des excuses, ce qui est tout à son honneur) nous faire comprendre qu'il est temps de rétablir l'africanité de ce pays. Parce que, contrairement à ce que pouvait laisser croire la fameuse phrase du roi Hassan II, tous les Marocains ne sont pas conscients de leurs "racines africaines".

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