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Home, de Toni Morrison

Home, de Toni Morrison

LE 16 SEPTEMBRE 2012 9H00 | PAR 
LES-8-PLUMES



Home, de Toni Morrison (traduit par Christine Laferrière Christian Bourgois, 2012)

 

Home est le 2ème livre le plus vendu de la semaine dernière après « Les lisières » et ce positionnement me gêne un peu par rapport à mon esprit peu moutonnier.

Mais je suis Toni Morrison depuis la parution de « Beloved » en 1989 et suis toujours bouleversée par ses romans.

Home ne déroge pas.

Après un court texte (cité en bas de chronique, selon la méthode Pennac, histoire de donner envie de poursuivre la lecture), le roman s’ouvre sur une scène d’une très grande beauté.

Deux enfants cachés dans les hautes herbes viennent admirer la magnificence de chevaux sauvages et assistent par hasard à un acte odieux, insoutenable.

Alterneront des épisodes factuels et des monologues intérieurs courts, dressant les existences du frère et de la sœur dans leur jeune âge adulte. L’accumulation de déveines, de coups durs rend leur vie dramatique. Cee, la sœur, a fait un mariage malheureux, se fait employer par un médecin apprenti sorcier. Franck est un survivant de la guerre de Corée, boucherie dont les soldats noirs ont fourni la chair sacrificielle, avec pour seul trophée sa pauvre médaille d’ancien combattant.

Pourtant le ton n’est pas tragique. C’est par de petites touches que Toni Morrison dresse un tableau sociétal et deux portraits. Elle est drôle aussi, parfois, comme dans cette scène où la jeune fille a un entretien d’embauche décalé au cours duquel son incompréhension des questions révèle une naïveté et une ignorance incroyables.

Road-movie d’un frère et d’une sœur, dit-on. Oui, mais un road-movie condensé, intense, où tout est dit des humiliations et de l’insécurité des Noirs aux Etats-Unis dans les années cinquante. Tout est dit, mais en touches fulgurantes, avec un art de l’ellipse poussé à la perfection. On est loin du démonstratif outré d’un Olivier Adam, par exemple. Ainsi, je crois qu’il n’y a dans le récit qu’un seul détail qui précise la couleur noire : celle du pied noir, avec sa plante rose crème stiée de boue, que des coups de pelle poussent dans une fosse.

Grandis dans le comté de Bandera, Texas, chassés, Franck et Cee reviennent à leur point de départ, at « home », Lotus  en Géorgie, où, après une enfance d’humiliation, ils sont prêts à affronter leur vérité malgré les outrages subis chez son médecin employeur pour Cee,  cette guerre atroce pour Franck qui  gagne au fil de son périple le courage d’affronter la réalité d’un épisode refoulé en face. Lotus, comme un refuge, l’endroit auquel ils appartiennent à la manière de ces enfants battus qui se raccrochent au passé, ultime recours. Et le frère à l’existence ballottée, que personne ne respecte, à l’équilibre précaire, est fort du sentiment d’avoir su protégé sa petite sœur. A son tour, Cee a grandi, se tient droite.

Ce livre atteint la quintessence de l’œuvre de Toni Morrison. On s’éloigne de la description minutieuse de la misère, de l’esclavage. D’une écriture limpide, le texte percute, frappe, comme un blues qui gronde et revient entêtant nous hanter.

Véronique Poirson

Extrait :

      A qui est cette maison ?

A qui est la nuit qui écarte la lumière

          A l’intérieur ?

Dites, qui possède cette maison ?

      Elle n’est pas à moi.

J’en ai rêvé une autre, plus douce, plus lumineuse,

  Qui donnait sur des lacs traversés de bateaux peints,

    Sur des champs vastes comme des bras ouverts

                                pour m’accueillir.

                 Cette maison est étrange.

                       Ses ombres mentent.

      Dites, expliquez-moi, pourquoi sa serrure

             correspond-elle à ma clef ?

 

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