ITALIE : Le retour des vols à la petite semaine
ITALIE : Le retour des vols à la petite semaine
Quand on a faim et que l'argent manque, tout est bon à prendre : grilles d'égoût, décorations dans les églises, pastèques, fromages, poules, haricots... Un journaliste italien a répertorié les rapines qui ont fait les choux gras de la presse locale au mois d'août.
30.08.2012 | Massimo Calandri | Corriere della Sera
Les auteurs de l’audacieux coup au centre social Rivana Garden [les centres sociaux désignent des sortes d’espaces culturels autogérés et essentiellement fréquentés par les jeunes] ont laissé peu d’indices, indiquent les carabiniers de Ferrara dans leur procès-verbal, mais des indices significatifs. Emballages de glaces industrielles, sachet de chips vide, trois tasses à cappuccino sales, miettes de sandwiches. Ils cherchaient le coffre-fort, ils ont saccagé le garde-manger.
Certains dénoncent les sans-papiers qui occupent un immeuble non loin. Lamentations de quartier. La seule certitude, dans cette histoire, est que les voleurs étaient trois désespérés, trois morts de faim. Et qui sait, peut-être que l’un d’eux portait une culotte de golf, comme Capanelle, qu’un autre avait les fines moustaches noires de Ferribotte et que le dernier – Peppe la Panthère ? – avait quelques problèmes d’élocution, comme les trois compères du film Le Pigeon, de Mario Monicelli [comédie culte de la fin des années 1950 qui met en scène trois amis sans le sou]. Histoire typique d’un cambriolage qui tourne à la débandade, dans la chaleur italienne d’un mois d’août pauvre et moite.
Les récits de ce type ont noirci les pages des journaux cet été, alors que les rédactions ne savaient plus quoi écrire et s’accrochaient aux notes matinales de la préfecture de police et aux rapports des petits commissariats. De petits crimes qui reflètent l’état précaire d’un pays où, d’après les dernières données du ministère de l’Intérieur, les infractions ont augmenté de 5,4 % cette année pour atteindre 2,7 millions de délits, plus de 200 000 vols en appartement et une augmentation vertigineuse de 21 % (presque 60 % à Forli) des cambriolages de magasins.
Des grilles d'égoût pour 1000 euros
Tout est bon à prendre, sans attendre : les grilles d’égout, une chaudière, les aumônes, les décorations des tombes dans les cimetières, les poules, les pastèques, du fromage, des fruits ou des légumes. C’est la faim qui pousse au larcin. Et quand il n’y a pas d’espèces sonnantes et trébuchantes dans la caisse, comme le raconte le journal local La Nuova Ferrara dans son édition du 5 août, on remplit une poubelle de saucisson, de dizaines de paquets de chips, de quelques canettes de bière, de deux machines à café, d’un vieux téléviseur et d’une trancheuse électrique. "Vol de grilles d’égout pour 1000 euros", titrait La Sentinella del Canavese le 13 août. L’histoire se passe à Candia, dans la province de Turin. Deux jours plus tôt, quelqu’un avait vandalisé les bouches d’égout de tout le village, "y compris celle de Via Ivrea, en plein centre, où se trouvent les écoles”. Le méfait a été découvert au petit matin par l’employé de la voirie. "Il faut désormais les remplacer en puisant dans les fonds publics. Mais cette fois, nous allons souder les grilles, on ne pourra plus les voler", prévenait le maire Albertino Salzone.
"Le Topo Gigio des voleurs derrière les barreaux", Gazzetta di Reggio, 2 août [Topo Gigio est une marionnette animée connue de tous les enfants italiens : une souris, mangeuse de fromages…]. Nous sommes à San Polo, en Émilie-Romagne. Dans un supermarché, les carabiniers ont coffré un citoyen ukrainien de 28 ans, Sergy Burnashov, habitant à Reggio. Son sac à dos contenait une dizaine de morceaux de fromage. Il avait fait du vol de parmesan sa spécialité. Il volait et revendait ses fromages aux restaurateurs de la région, à des familles parfois. Son surnom était inévitable, lui qui flairait son butin : Topo Gigio. Le lendemain, il a été condamné à quatre mois de réclusion et deux cents euros d’amende avec sursis.
"La Vierge t’observe : message à l’intention des pilleurs d’église", titrait le 6 août, La Provincia Pavese. À Sannazzaro, dans la petite église de Notre Dame de Lorette, on constate depuis quelque temps la disparition des sous de la quête et des bougies votives. Ainsi, écrit le quotidien local, "une bénévole zélée a accroché dans l’église une pancarte pour mettre en garde quiconque oserait commettre à nouveau de tels actes. Le texte est dissuasif : 'La Vierge t’observe'".
"L'or rouge"
Le vol de cuivre mérite un chapitre à part. "L’or rouge" est l’objet de toutes les convoitises sur le marché noir. Signalons par exemple les dizaines de vols dans des cimetières de toute l’Italie, et notamment d’Émilie.
Il Mattino di Padova du 6 août fait état du saccage d’une ferme à San Giorgio in Bosco. Butin : vingt pastèques et trente poules. La victime s’appelle Rino Bordignon, agriculteur : "Je me suis dirigé vers le potager, où les pastèques étaient mûres depuis quelques semaines. Certaines pesaient jusqu’à quinze kilos. Ils en ont emporté une vingtaine. Plusieurs ont explosé en route. À côté, dans le poulailler, il y avait des plumes partout". Gênes, Il Secolo XIX, 15 août : trois quarantenaires de Brescia, deux hommes et une femme, ont profité de la vitrine cassée d’une épicerie pour dérober deux sandwiches, un sachet de pâtes, une bouteille de vin et deux kilos de haricots secs. Pris la main dans le sac, ils ont été relâchés le lendemain. "Les auteurs du coup audacieux s’expliquent : 'On avait faim'".