La Turquie ne doit pas laisser Israël
10 septembre 2011
La Turquie ne doit pas laisser Israël s’en tirer une fois de plus (Information Clearing House)
Linda S. HEARD
Une puissance nucléaire est constamment considérée comme la victime pendant que le peuple qu’elle occupe est qualifié de terroriste
Il faut féliciter Ankara de tenir tête à son ancien allié Israël qui refuse de s’excuser pour le meurtre de 9 militants turcs embarqués sur un bateau d’aide humanitaire turc qui essayait de briser le blocus israélien de Gaza. Ce qui a mis du sel sur la plaie, ce sont les fuites d’un rapport de la commission Palmer missionné par l’ONU qui est clairement orienté en faveur d’Israël au point de légaliser son siège de Gaza et de confirmer le droit d’Israël d’arraisonner des navires dans les eaux internationales pour empêcher le contrebande d’armes.
La réaction de la Turquie à ce rapport -qui contredit un rapport précédent du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU qui stipulait que le blocus était illégal- a été rapide. Ankara a réduit ses relations diplomatiques avec tel Aviv, gelé ses liens militaires, envisage de rompre ses liens commerciaux et a annoncé que l’affaire serait portée devant la Cour Criminelle Internationale de la Hayes pour qu’elle statue sur la légalité ou l’illégalité du siège de la bande de Gaza. Etant donné que la punition collective d’une population civile est une violation de la Quatrième Convention de Genève, je ne vois pas comment des juges crédibles pourraient faire autrement que de la déclarer illégale.
Le secrétaire général de l’Organisation de Coopération Islamique (OCI) et le secrétaire général de la Ligue Arabe ont exprimé leur soutien à l’initiative de la Turquie et ont condamné le rapport de la Commission Palmer comme étant une oeuvre de blanchissement qui légitime l’attaque d’Israël sur la flottille humanitaire et son blocus illégal de Gaza.
Amr Moussa, l’ancien président de la Ligue Arabe qui est aussi un des plus importants candidats à la présidence de l’Egypte, a dit que le Caire devrait prendre exemple sur Ankara et rappeler son ambassadeur de Tel Aviv à cause de la récente incursion d’Israël sur son territoire qui a causé la mort de membres du personnel de la sécurité égyptienne.
Selon un quotidien égyptien, le premier ministre turc, Recep Tayyep Erdogan doit se rendre au Caire la semaine prochaine pour rencontrer son homologue égyptien et les leaders du Conseil Suprême des Forces Armées pour discuter d’une nouvelle alliance stratégique avec le plus grand pays du monde arabe. Les Israéliens craignent que la Turquie ne soit en train de s’extirper du camp israélo-étasunien dans le but de changer de camp.
J’espère que la Turquie inspirera aux états arabes l’idée de se joindre à elle pour donner à Tel Aviv une leçon qu’il aurait recevoir depuis longtemps, une leçon que l’occident n’a jamais osé lui donner. Les crimes d’Israël envers le peuple palestinien depuis la création de l’état en 1948 quand des villages entiers ont été rasés et leurs habitants désarmés assassinés ou chassés par les impitoyables Irgun, Stern Gang et Haganah, sont trop nombreux pour qu’on puisse en faire la liste. Israël est un état qui est né grâce au terrorisme et qui depuis lors vit par les armes. Les politiciens israéliens adorent parler du "terrorisme arabe" tout en feignant l’amnésie quand il s’agit de leurs propres actes de terrorisme.
Ils oublient que leurs "pionniers" ont fait sauter l’hôtel du roi David et l’hôtel Semiramis à Jérusalem, ils oublient les massacres de Palestiniens de Deir Yassin, Dawayma et Kibya, leur attaque du navire étasunien Liberty pour laquelle le Caire a failli être bombardé par les USA en représailles.
Ils n’ont pas eu à répondre de leur implication dans le massacre des réfugiés des camps de Sabra et Shatila en 1982, ni du meurtre de 1200 civils libanais en 2006, ni de "l’opération Cast Lead" qui a fait 1400 morts à Gaza en 2008. Et à ce jour ils ont réussi à maintenir 1,5 millions de Gazaouis dans une prison virtuelle pendant des années sans que la communauté internationale n’y trouve à redire.
C’est tout à fait honteux qu’on ait laissé Israël tuer les Palestiniens et les empêcher de gagner leur vie, brûler leurs vergers et leurs oliviers, enfermer leurs enfants pour avoir lancé des pierres et humilier un peuple fier, les vrais filles et fils de cette terre, pendant plus de 60 ans sous les applaudissements de l’Occident.
L’Angleterre est coupable du grave méfait d’avoir initié le processus avec la Déclaration Balfour. Ni cette puissance impérialiste sur le déclin, ni la Ligue des Nations n’avaient aucun droit moral de donner la Palestine à des émigrants européens qui étaient autorisés à s’armer et à s’entraîner militairement pendant que les Palestiniens étaient condamnés à la prison à vie quand on trouvait un couteau sur eux et à la peine mort s’ils avaient une arme à feu.
Rien n’a changé depuis. Quand Israël utilise des hélicoptères de combat et des missiles Apache pour attaquer Gaza ou quand il envoie ses commandos arraisonner des navires transportant de l’aide humanitaire dans les eaux internationales, les leaders occidentaux disent toujours que Israël a droit à la sécurité. Quand les combattants pour la liberté palestiniens - car c’est ce qu’ils sont- envoient des roquettes artisanales vers Israël qui pour la plupart tombent dans le désert, on les qualifie de "terroristes". Réfléchissez bien ! C’est incroyable qu’une puissance occupante qui possède l’armée la plus puissante de la région soit constamment décrite comme la victime pendant que la population occupée est considérée comme l’agresseur.
Depuis que l’oncle Sam a pris la torche sioniste à la Grande Bretagne qui n’est plus grande, les Israéliens pensent à juste titre qu’ils peuvent commettre les pires crimes contre les Palestiniens et d’autres peuples en toute impunité. Washington, dont les législateurs sont ensorcelés par le lobby pro-israélien, non seulement laisse Israël faire les pires choses mais il a l’intention d’empêcher les Palestiniens d’utiliser des canaux légaux reconnus en utilisant son droit de veto au conseil de sécurité de l’ONU.
Le président Obama sait très bien que le premier ministre israélien Binyamin Netanyahu n’a aucune intention de rendre les territoires palestiniens occupés en échange de la paix ; mais il a annoncé qu’il mettrait son veto à toute déclaration palestinienne unilatérale d’un état palestinien à la fin du mois. Et en même temps, le Congrès vote une loi pour supprimer l’aide étasunienne à l’Autorité Palestinienne si elle s’entête à porter l’affaire sur la scène internationale.
Alors que 140 états membres soutiennent la demande palestinienne, les USA tentent de rouler les leaders Palestiniens en leur faisant miroiter de fausses négociations de paix pour sauver la face. En même temps, le secrétaire général de l’ONU, Ban-Ki moon, fait pression sur la Turquie pour qu’elle accepte de se réconcilier avec Israël pour sauver un processus de paix qui s’est totalement évaporé depuis que Bill Clinton a quitté ses fonctions.
Le premier ministre Erdogan et le président Mahmoud Abbas doivent maintenir leur résolution de corriger Israël à n’importe quel prix et si la Ligue Arabe et l’OCI sont vraiment prêts à se jeter à l’eau ensemble, les Israéliens comprendront peut-être qu’ils se trouvent dans une région de plus en plus hostile et que l’autobus marqué "Paix" est celui qu’il faut prendre.
Linda S. Heard
Linda S. Heard est un écrivain anglais spécialiste du Moyen Orient. la joindre à heardonthegrapevines@yahoo.co.uk.
Pour consulter l’original : http://www.informationclearinghouse.info/article29069.htm
Traduction : Dominique Muselet