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Faut-il se méfier de Wikileaks ?


Andrew Gavin Marshall

9 mars 2011 

Faut-il se méfier de Wikileaks ? Comment les grands médias manipulent-ils les documents publiés ? Quelle attitude les médias alternatifs doivent-ils adopter face à ces documents ? A qui profitent-ils réellement ? Assistons-nous à une « prise de conscience politique globale » ? Autant de questions essentielles abordées dans ce (très) long article que nous vous invitons à lire.


Introduction

La publication récente des 250.000 documents de Wikileaks a soulevé un intérêt sans précédent, provoquant tout un éventail de réactions - des plus positives au plus négatives. Mais une chose et sûre : Wikileaks est en train de changer la donne.

 

Il y a ceux qui prennent les contenus des documents publiés par Wikileaks pour argent comptant, principalement à cause de leur présentation erronée donnée par les grands médias commerciaux.

 

Il y a ceux qui considèrent que ces documents sont authentiques et qu’il suffit de savoir les interpréter et de les analyser.

 

Puis il y a ceux, dont beaucoup font partie des médias alternatifs, qui émettent des doutes.

 

Il y a ceux qui considèrent ces fuites tout simplement comme une opération de manipulation qui vise certains pays précis, dans l’intérêt de la politique étrangère des Etats-Unis.

 

Et enfin, il y a ceux qui déplorent les fuites et les qualifient de « trahison » ou d’atteinte à la « sécurité ». De toutes ces opinions, c’est sans doute cette dernière qui est la plus ridicule.

 

Cet essai examinera la nature des publications Wikileaks et comment il faut les aborder et les comprendre. Si Wikileaks est en train de changer la donne, il faut espérer que les gens feront en sorte que le changement soit positif.

 

Propagande médiatique contre l’Iran : prendre les câbles pour argent comptant.

Ce point de vue est probablement le plus répandu puisqu’il est largement diffusé par les grands médias commerciaux qui présentent ces câbles diplomatiques comme une « confirmation » de la validité de leur traitement des enjeux internationaux, plus particulièrement en ce qui concerne le programme nucléaire iranien. Comme d’habitude, c’est le New York Times qui mène l’assaut contre la vérité et se livre sans relâche à une propagande au service de l’impérialisme US, avec des gros titres tels que « L’Iran préoccupe le monde entier » et qui explique qu’Israël et les dirigeants arabes sont d’accord sur la menace nucléaire que représente l’Iran. L’article est accompagné d’un commentaire qui dit « les câbles révèlent en filigrane l’opinion partagée par de nombreux dirigeants qu’à moins d’une chute du régime à Téhéran, l’Iran possédera tôt ou tard l’arme nucléaire. » (1) Fox News a diffusé un article affirmant que « Les documents montrent un consensus au Moyen-orient sur la menace iranienne », avec le commentaire « la fuite explosive de Wikileaks a montré un consensus profond au Moyen-orient que l’Iran est le principal fauteur de troubles dans la région. » (2)

 

Ceci, bien entendu, n’est que de la propagande. Il faut néanmoins analyser cette propagande pour pouvoir déterminer avec précision quelle est la part de propagande contenue dans ces articles. S’il faut garder un esprit critique envers les sources et les campagnes de désinformation (qui sont monnaie courante comme le savent tous ceux qui suivent les médias de près), il faut aussi prendre en compte le point de vue personnel de la source et réussir à distinguer la part de la vérité de l’opinion exprimée. Je crois vraiment que ces documents sont authentiques. Je ne souscris donc pas à l’idée qu’ils font partie d’une opération de guerre psychologique ou d’une campagne de propagande, du moins pour ce qui concerne leur publication proprement dite. Il ne faut pas perdre de vue que les sources de ces documents sont les circuits diplomatiques US et que les déclarations qu’ils contiennent sont donc le reflet des points de vue et des opinions exprimés par le corps diplomatique US. Les documents sont donc une représentation fidèle de leurs déclarations et opinions mais ne constituent pas pour autant une représentation fidèle de la réalité.

 

C’est là que les médias entrent en jeu pour organiser la propagande autour de ces fuites. Les deux exemples mentionnés ci-dessus affirment que les fuites montrent qu’il existe un « consensus » sur l’Iran et donc que les craintes exprimées par les Etats-Unis, et par d’Israël bien sûr, ces dernières années se trouvent ainsi « confirmées ». C’est ridicule. Les médias on pris pour argent comptant les dires des diplomates US et des dirigeants du Moyen-orient et que s’ils répètent tous que l’Iran représente une « menace » ou cherche à se doter de « l’arme nucléaire », c’est que ça doit être vrai. Rien n’est moins sûr. Si un général ordonne à des soldats de prendre d’assaut une maison qui est censée abriter un terroriste, cela ne signifie nullement que la maison abrite effectivement un terroriste. De même, ce n’est pas parce que les dirigeants du Moyen-orient présentent l’Iran comme une menace que l’Iran constitue effectivement une menace.

 

Encore une fois, examinons les sources. Pour quelle raison les dirigeants arabes seraient-ils une source d’information « fiable » ? Par exemple, une « révélation » qui a fait le tour du monde est l’insistance du Roi Abdullah d’Arabie Saoudite auprès des Etats-Unis pour que ces derniers « tranchent la tête du serpent » iranien, et son appel à l’Amérique pour lancer une frappe militaire contre l’Iran. (3) Les médias l’ont présenté comme une « preuve » du « consensus » sur la « menace » que représente l’Iran pour le Moyen-orient et le monde entier. C’est cette ligne de propagande qui a été servie par le New York Times, Fox News et le gouvernement israélien, parmi tant d’autres. Il faut pourtant remettre en contexte cette information, chose que le New York Times a l’habitude de ne pas faire (volontairement, pourrais-je ajouter). Je ne mets pas en doute l’authenticité de ces déclarations ni le fait que les dirigeants arabes affirment que l’Iran représente une « menace ». D’un autre côté, l’Iran a déclaré que ces fuites sont « malveillantes » et qu’elles servent les intérêts des Etats-Unis. L’Iran a aussi déclaré qu’il était « ami » avec ses voisins. (4) Ca aussi, c’est de la propagande. Encore une fois, il faut remette les choses dans leur contexte.

 

L’Iran est une nation chiite, alors que les pays arabes, l’Arabie Saoudite en tête, sont à majorité Sunnite. Ceci représente une division entre les pays de la région, du moins en surface. Mais la vérité est que l’Arabie Saoudite et l’Iran sont loin d’être des « amis », et qu’ils ne sont plus en bons termes depuis le renversement du Chah en 1979. L’Iran est le principal concurrent de l’Arabie Saoudite en termes de pouvoir et d’influence dans la région et représente donc une menace politique pour l’Arabie Saoudite. De plus, les états arabes, dont les déclarations sur l’Iran sont largement diffusées, comme celles de l’Arabie Saoudite, Bahreïn, Oman, les Émirats Arabes Unis et l’Égypte, doivent être interprétées dans le contexte des relations de ces pays avec les Etats-Unis. Les états arabes sont des marionnettes des Etats-Unis dans la région. Leurs armées sont subventionnées par le complexe militaro-industriel des Etats-Unis, leurs régimes (qui sont tous des dictatures ou des dynasties) sont soutenus et alimentés par les Etats-Unis. Il en est de même pour Israël, qui lui au moins affiche une façade démocratique, à la manière des Etats-Unis.

 

Les pays arabes et leurs dirigeants savent que l’unique raison pour laquelle ils gardent le pouvoir, c’est parce que les Etats-Unis le veulent bien et les soutiennent. Ils sont ainsi dépendants des Etats-Unis et de son soutien politique, financier et militaire. S’opposer aux ambitions des Etats-Unis dans la région est le chemin le plus court pour finir comme l’Irak et Saddam Hussein. L’histoire moderne du Moyen-orient est remplie d’exemples de dirigeants marionnettes et favoris de l’Empire qui ont été rapidement transformés en ennemis et « menaces pour la paix ». Dans ce cas, il s’ensuit un changement de régime provoqué par les Etats-Unis et une nouvelle marionnette prend la place de l’ancienne. Si les dirigeants arabes disaient que l’Iran n’était pas une menace pour la paix, ils se retrouveraient rapidement dans la ligne de mire de l’impérialisme occidental. De plus, de nombreux dirigeants, tels le Roi Abdullah, sont virulents et haïssent l’Iran tout simplement parce qu’ils sont concurrents dans la région. Une chose est sûre pour tous les états et leurs dirigeants, c’est qu’ils sont fondamentalement égoïstes et obsédés par leurs intérêts propres et le renforcement de leurs pouvoirs.

 

L’Arabie Saoudite, en particulier, mène activement une lutte d’influence contre l’Iran. Au Yémen, l’Arabie Saoudite est impliquée dans une autre guerre de conquête impériale des Etats-Unis, en participant à la répression des mouvements de libération scissionnistes au nord et au sud du Yémen.

 

Le Yémen, dirigé par Saleh, un dictateur soutenu par les Etats-Unis et au pouvoir depuis 1978, se livre à l’extermination de sa propre population pour se maintenir au pouvoir, avec l’aide des Etats-Unis. Le conflit est pourtant présenté en général dans sa version propagandiste comme un conflit d’influence régionale entre l’Arabie Saoudite et l’Iran. Alors qu’il ne fait aucun doute que l’Arabie Saoudite est impliquée dans le conflit, ceci de son propre aveu, il n’existe par contre aucune preuve d’une implication de l’Iran, qui est pourtant constamment accusé d’ingérence par l’Arabie Saoudite et le Yémen. Il s’agit peut-être d’une tentative d’entraîner l’Iran dans le conflit ou tout simplement d’une nouvelle diabolisation du pays. Au milieu de cette nouvelle guerre yéménite, les Etats-Unis ont signé une vente d’armes avec l’Arabie Saoudite qui a battu tous les records de ventes d’armes des Etats-Unis, d’un montant de 60 milliards de dollars. Le contrat, et ce n’est pas un secret, est destiné à renforcer les capacités militaires de l’Arabie Saoudite afin de pouvoir intervenir plus efficacement au Yémen mais surtout pour défier et contrer l’influence croissante de l’Iran dans la région. Bref, les Etats-Unis sont en train d’armer leurs régimes marionnettes en vue d’une guerre contre l’Iran.

 

[ pour des explications plus détaillées sur la guerre au Yémen, “Yemen : The Covert Apparatus of the American Empire.” http://www.globalresearch.ca/index.... ]

 

Israël n’a pas dénoncé cette vente d’armes tout simplement parce qu’à terme, cette vente servira ses intérêts dans la région où sa cible principale est l’Iran. De plus, Israël, un autre état marionnette, est soumis aux intérêts des Etats-Unis. Si une guerre régionale contre l’Iran est effectivement en cours de préparation, et il semblerait pour beaucoup que ce soit le cas, il est certainement dans l’intérêt d’Israël d’avoir des alliés contre l’Iran dans la région.

 

Wikileaks est-il une opération de propagande ?

Les dirigeants israéliens ont insisté lourdement pour dire que les documents de Wikileaks ne leur portaient aucun tort. Avant leur publication, le gouvernement US a informé les officiels israéliens sur le type de documents qui allaient être publiés concernant Israël. (5) Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré, « il n’y a aucune divergence entre nos positions publiques, entre nous et Washington, et notre perception de nos positions respectives » (6) Le ministre de la Défense Ehud Barak a affirmé que ces documents « offrent une vision plus précise de la réalité. » (7) Un haut officiel turc a déclaré que de voir quels pays étaient satisfaits de ces fuites en disait suffisamment long et il a suggéré qu’Israël « est à l’origine de ces fuites » pour tenter de faire prévaloir ses intérêts et « faire pression sur la Turquie. » (8)

 

De plus, des spéculations circulent sur Internet et dans différents médias au sujet de Wikileaks comme quoi ce dernier serait lui-même une organe de propagande, peut-être même une façade de la CIA et un moyen pour « contrôler l’opposition » (qui, nous le savons, n’est pas immune aux activités de la CIA). Une telle spéculation est fondée sur l’utilisation qui est fait de l’information livrée par les câbles et semble totalement ignorer leur contexte.

 

Quel est ce contexte ? Commençons par Israël. Il ne fait aucun doute qu’Israël est bien un état criminel (comme tous les états, au fond), mais sa criminalité dépasse celle de la plupart des autres états dans le monde, à l’exception peut-être des Etats-Unis. Le nettoyage ethnique des Palestiniens est un des crimes les plus terribles et un des crimes contre l’humanité les plus persistants de ces 50 dernières années, et l’histoire jugera Israël comme l’état pervers, guerrier, inhumain et détestable qu’il est. Cela étant dit, Israël est tout sauf subtil. Lorsque le Premier Ministre israélien déclare que les documents de Wikileaks n’embarrassent pas son pays, il a très certainement raison. Et ce n’est pas parce qu’Israël n’a rien à cacher (rappelez-vous que les documents de Wikileaks ne sont pas des documents « top-secret », juste des câbles diplomatiques), mais tout simplement parce que les échanges diplomatiques d’Israël sont largement le reflet de ses déclarations publiques. Israël et ses dirigeants ont l’habitude de faire des déclarations absurdes, de menacer sans cesse l’Iran et ses voisins d’une guerre, ou de semer sa propagande selon laquelle l’Iran fabrique des armes nucléaires (chose qui reste à prouver). C’est pour cela que les fuites ne « touchent » pas Israël, parce que l’image d’Israël est déjà exécrable et parce que les diplomates et politiciens israéliens sont généralement aussi francs dans leurs déclarations publiques qu’ils le sont en privé. L’image d’Israël n’est donc pas modifiée par ces câbles. Bien sûr, les dirigeants israéliens – politiques et militaires – profitent de ces fuites pour déclarer qu’elles « confirment » leur opinions sur l’Iran, ce qui à l’évidence n’est qu’une opération de propagande, avec exactement la même technique que celle employée par les grands médias et qui consiste à prendre les câbles pour argent comptant.

 

L’Iran a affirmé que les fuites de Wikileaks n’étaient qu’une opération de propagande occidentale qui visait l’Iran. Cette déclaration elle-même doit être considérée comme de la propagande. Après tout, l’Iran a déclaré aussi qu’il était « ami » avec tous ses voisins, ce qui est faux et a toujours été faux. L’Iran, comme tous les états, a recours à la propagande pour servir ses propres intérêts. L’Iran n’est en aucun cas un pays merveilleux. Mais comparé aux pays chéris par les Etats-Unis dans la région (l’Arabie Saoudite par exemple), l’Iran constitue un bastion de liberté et de démocratie. Ceux qui tentent de contrer la désinformation et la propagande doivent demeurer vigilants devant les campagnes de désinformation menées contre l’Iran, et elles sont nombreuses. On sait que l’Iran fait partie des cibles des ambitions impérialistes des Etats-Unis. Mais il n’y a rien dans les documents de Wikileaks qui paraît faux en ce qui concerne l’Iran, particulièrement ceux rédigés par les diplomates occidentaux et les dirigeants arabes. Ces documents expriment effectivement leurs opinions et leurs opinions reflètent tout simplement les priorités politiques des Etats-Unis et de l’Occident et non l’expression d’une vérité. Il faut donc faire la distinction entre l’authenticité des documents et la véracité de leur contenu.

 

Lorsque l’Iran déclare que les documents de Wikileaks ne sont que propagande, c’est faux. Il faut non seulement analyser l’authenticité des documents (et leurs sources) mais aussi, et c’est peut-être le plus important, analyser l’interprétation qui est faite de ces documents. Ce n’est donc pas l’authenticité de ces documents qui ne font qu’exprimer l’opinion de l’Occident et du Moyen-orient sur l’Iran (car ces opinions coïncident avec les réalités géopolitiques de la région) que je mets en doute, mais l’interprétation qui est faite de ces documents. C’est leur interprétation qui constitue à mes yeux la véritable opération de propagande de la part des gouvernements occidentaux et des médias. Cette propagande consiste à décrire ces documents comme des « analyses objectives » d’une réalité concrète, ce qui n’est pas le cas. Les documents sont « objectifs » dans la mesure où ils reproduisent des points de vues exprimés par leurs auteurs, ce qui ne signifie nullement qu’ils sont le reflet de la réalité. Il y a là une différence qu’il faut absolument comprendre, à la fois pour pouvoir dénoncer la propagande et discerner la part de vérité.

 

La vérité sur la diplomatie

Craig Murray est un de ceux qu’il faut écouter sur ce sujet. Craig Muray est un ancien ambassadeur britannique en Ouzbékistan qui s’est fait connaître en révélant que les renseignements de l’Ouzbékistan relatifs à Al-Qaeda n’étaient absolument pas fiables, à cause des méthodes d’interrogation employés (comme faire bouillir les détenus vivants). Ces renseignements étaient ensuite transmises à la CIA et au MI6 et étaient, selon Murray, « tout à fait fausses ». Lorsque Murray en a fait part à ses supérieurs au sein des services britanniques, il a été réprimandé pour avoir parlé de « droits de l’homme ». (9) Le Bureau des Affaires Etrangères Britannique et du Commonwealth (FCO) a dit à Murray qu’il avait une semaine pour démissionner, et l’a menacé de procès et même de prison pour avoir révélé des « secrets d’état ». (10) Il fut ensuite démis de ses fonctions et il est devenu depuis un militant politique. En un mot comme en cent, Murray est exactement le type de diplomate qu’il nous faut : honnête. Mais il est en même temps exactement le type de diplomate que les puissances occidentales ne veulent pas voir : honnête.

 

Au cours des dernières publications de Wikileaks, Craig Murray a été sollicité par the Guardian pour écrire un article sur le sujet. Comme Murray l’a remarqué plus tard, l’article, qui avait subi de larges coupures, fut placé au milieu d’un long article qui récapitulait différents commentaires sur Wikileaks. Murray a publié ensuite son article en intégralité sur son site. Dans cet article, Murray commence par analyser les déclarations officielles à travers le monde, et particulièrement aux Etats-Unis, selon lesquelles Wikileaks fait courir un « risque » aux Etats-Unis, qu’il met des vies en danger, que la notion de « secret gouvernemental est indispensable pour notre sécurité ». Murray explique qu’il a été diplomate pendant 20 ans et qu’il connaît bien de genre d’arguments qui dit que les diplomates, à cause de Wikileaks, ne pourraient plus exprimer une opinion franche, « si cette opinion risquait de tomber dans le domaine public. » Murray explique :

 

« En d’autres termes, le meilleur conseil (qu’un diplomate) peut donner n’est pas celui qu’il serait prêt à défendre en public. Vraiment ? Pourquoi ? Dans un monde globalisé, l’Ambassade n’est pas l’unique source d’expertise. Les organisations d’expatriés, universitaires et commerciales sont souvent bien mieux informées. Le meilleur conseil politique n’est pas celui que l’on cache à ses pairs.

Ce que l’élite veut dire évidemment c’est que les Ambassadeurs devraient pouvoir conseiller des choses que l’opinion publique réprouverait, sans courir le risque d’être découvert. Mais dans une démocratie, devraient-ils vraiment être autorisés à le faire ? » (11)

 

Murray demande pourquoi un comportement généralement considéré comme répréhensible, comme mentir, « devrait être considéré comme acceptable, ou même louable, en diplomatie. » Murray explique que chez les diplomates britanniques, « cette croyance, que leur profession les dispense des limites habituellement admises par la décence, constitue un culte au machiavélisme, un orgueil envers leur propre immoralité. » Il explique que les diplomates sont issus des couches sociales supérieures et « se considèrent comme des supermen Nietzschéens ultra-intelligents, au-dessus des normes morales habituelles » qui sont connectés à l’élite politique. En réponse aux nombreuses critiques selon lesquelles les fuites mettraient des vies en danger, Murray fait remarquer qu’une telle affirmation devrait être mise en parallèle avec « les risques encourus par les centaines de milliers qui sont déjà morts à cause de la politique étrangère des Etats-Unis et leurs complices ces dix dernières années. » De plus, à ceux qui pensent que Wikileaks est une opération de manipulation ou de propagande ou une façade de la CIA, Murray répond ceci :

 

« Bien sûr, les documents reflètent l’opinion des Etats-Unis – ce sont des communications officielles du gouvernement. Ils montrent ce que j’ai personnellement constaté, à savoir que les diplomates dans leur ensemble racontent très rarement des vérités désagréables à entendre, mais relaient ou confirment plutôt ce que leurs maîtres veulent entendre, dans l’espoir d’être bien vus.

Il y a donc une énorme quantité d’exagérations sur l’arsenal nucléaire supposé de l’Iran. Mais rien sur l’arsenal nucléaire israélien. Ce n’est pas parce que Wikileaks a censuré toute critique à l’égard d’Israël mais parce que tout diplomate US qui ferait un bilan honnête et complet sur les crimes israéliens se retrouverait rapidement sans emploi. (12) »

 

Murray conclut son article avec cette déclaration que nous devrions tous garder à l’esprit : « la vérité protège le peuple des élites voraces – partout. » (13)

 

Ordre mondial et prise de conscience globale.

Pour tenter de comprendre Wikileaks et ses effets potentiels (dans le cas où les médias alternatifs et les militants se décideraient à saisir cette opportunité), il nous faut placer Wikileaks dans un contexte géopolitique plus large. Notre monde est fait d’un réseau complexe d’interactions sociales. Aussi puissantes et dominatrices que sont, et ont toujours été, les élites, elles ne sont pas omnipotentes ; elles sont humaines et ne sont pas infaillibles, tout comme leurs méthodes et leurs idées. Il y a d’autres forces en action dans le monde et ce sont toutes ces interactions qui créent et changent le monde et déterminent son avenir. Rien n’est prédéterminé, rien n’est inéluctable. Des plans sont tracés par les élites, bien sûr, pour modeler et contrôler la société. Mais la société – dans un monde globalisé, la « société globalisée » - réagit et interagit avec les élites et ses idées. Tout comme les gens doivent s’adapter et subir les effets des changements imposés par les élites, les élites à leur tour aussi doivent s’adapter et subir les changements. Aujourd’hui nous pouvons conceptualiser cette dichotomie - devenue une réalité géopolitique du monde – comme « la prise de conscience politique globale et le nouvel ordre mondial ».

 

Nous assistons à un nouveau développement dans l’histoire de l’humanité, d’une ampleur sans précédent. Ce développement représente aussi la plus grande menace pour les structures de pouvoir global : le prise de conscience politique globale. Ce terme fut énoncé par Zbigniew Brzezinski. Voici sa définition :

 

« Pour la première fois dans l’histoire, pratiquement toute l’humanité est politiquement active, politiquement consciente et politiquement en interaction. Le militantisme global fait émerger l’exigence d’un respect culturel et de justice économique dans un monde marqué par la mémoire de dominations coloniales ou impériales. »

 

C’est cette « prise de conscience politique » massive qui constitue le défi le plus dangereux et le plus important pour les pouvoirs organisés de la globalisation et de l’économie politique globale : les états nations, les sociétés multinationales et les banques, les médias et les institutions universitaires. La Classe Capitaliste Transnationale (CCT), ou « Superclasse » selon David Rothkopf, s’est globalisée comme jamais auparavant. Pour la première fois dans l’histoire, nous avons affaire à une élite réellement et profondément globalisée et intégrée. Alors que les élites ont globalisé leur pouvoir, pour construire leur « nouvel ordre mondiale » d’une gouvernance globale pour aboutir à un gouvernement global (d’ici quelques dizaines d’années), elles ont par la même occasion globalisé les populations.

 

La « révolution technologique » implique deux développements géopolitiques majeurs. Le premier est qu’au fur et à mesure des avancées technologiques, les systèmes de communications de masse connaissent une accélération rapide, et les populations ont la possibilité d’entrer instantanément en contact les unes avec les autres et accéder à l’information partout dans le monde. Ici réside le potentiel – et en dernier recours la principale source – d’une prise de conscience politique globale. Dans le même temps, la Révolution Technologique a permis aux élites d’orienter et de contrôler les sociétés d’une manière qu’on n’aurait pas pu imaginer il y a encore peu, avec le risque d’aboutir à une dictature scientifique globale au sujet de laquelle beaucoup ont tiré la sonnette d’alarme au début du 20eme siècle. Les possibilités et conditions pour contrôler les masses n’ont jamais été aussi favorables, tandis que la science libère toute la puissance de la génétique, de la biométrie, de la surveillance et de nouvelles formes d’eugénisme, toutes mises en œuvre par une élite dotée de systèmes de contrôle.

 

Brzezinski a beaucoup écrit sur « La prise de conscience politique globale » et a donné des conférences à différents groupes de réflexion à travers le monde pour « informer » les élites du changement en cours. Brzezinski est un des principaux représentants de l’élite globale et un des intellectuels de l’élite les plus influents au monde. Son analyse de la « prise de conscience politique globale » est utile parce qu’il la présente comme la principale menace globale pour intérêts de l’élite. Il faut donc considérer que le concept de « prise de conscience politique globale » est un des plus grands espoirs pour l’humanité et devrait être encouragé et cultivé par opposition à Brzezinski qui voudrait le contrôler et le restreindre. Mais laissons la parole à Brzezinski qui explique en quoi il représente une menace pour les élites :

 

« Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, pratiquement toute l’humanité est politiquement active, politiquement consciente et politiquement interactive. Il ne reste que quelques poches dans les coins les plus reculés qui ne sont pas politiquement éveillés et connectés aux troubles politiques qui sont si répandus dans le monde. Le militantisme global fait émerger l’exigence d’un respect culturel et de justice économique dans un monde marqué par le souvenir de dominations coloniales ou impériales... L’aspiration globale à la dignité humaine constitue le défi principal inhérent au phénomène de prise de conscience politique globale.

L’Amérique doit affronter une nouvelle réalité globale : la population mondiale connaît une prise de conscience politique sans précédent de par son ampleur et son intensité. Il en résulte que les politiques populistes sont en train de transformer les politiques de pouvoir. La nécessité de répondre à ce phénomène massif pose un dilemme historique à l’Amérique : quel devrait être la définition du rôle global de l’Amérique ? Le défi principal de notre époque n’est pas le terrorisme global mais plutôt les troubles croissants provoqués par le phénomène de prise de conscience politique globale. Cette prise de conscience est massive en termes sociaux et radicale en termes politiques.

… Il n’est pas exagéré de dire que maintenant au 21eme siècle la population d’une bonne partie des pays en voie de développement est politiquement agitée et dans de nombreux cas en ébullition. C’est une population dotée d’une conscience aiguë des injustices sociales, sans précédent, et souvent irritée contre ce qu’elle perçoit comme un manque de dignité politique. L’accès quasi généralisé à la radio, à la télévision et de plus en plus à l’Internet est en train de créer une communauté qui partage les mêmes analyses et ressentiments qui pourraient être galvanisés et canalisés par des passions politiques ou religieuses démagogiques. Ces énergies transcendent les frontières et représentent un défi à la fois pour les états existants et la hiérarchie globale existante, au sommet de laquelle se trouve encore l’Amérique.

La jeunesse du Tiers Monde est particulièrement agitée et irritée. De plus, la révolution démographique est une bombe politique à retardement. A l’exception de l’Europe, du Japon et de l’Amérique, le groupe démographique des tranches d’age autour de 25 ans est en rapide expansion et est en train de créer une masse énorme de jeunes impatients. Leurs esprits ont été agités par les sons et les images lointains qui amplifient leur désaffection pour tout ce qui les entoure. L’avant-garde d’une révolution potentielle émergera probablement de ces millions d’étudiants concentrés dans les « troisièmes niveaux » intellectuellement douteuses des systèmes éducatifs des pays en voie de développement. Selon la définition des troisièmes niveaux, il y a actuellement entre 80 et 130 millions d’étudiants « d’université ». Typiquement, ils sont originaires des classes moyennes inférieures et sont enflammés par un sentiment de révolte social et ces millions d’étudiants sont des révolutionnaires en puissance, déjà à moitié mobilisés au sein de larges congrégations, connectés par Internet et prépositionnés pour rejouer à une plus grande échelle les événements qui ont eu lieu il y a quelques années à Mexico City ou sur la place Tienanmen. Leur énergie physique et leurs frustrations émotionnelles n’attentent que l’étincelle d’une cause, d’une croyance ou d’une haine pour exploser. »

 

Brzezinski affirme donc que pour affronter ce nouveau défi « global » aux pouvoirs en place, particulièrement les états-nations qui sont incapables de gérer les populations de plus en plus agitées et les exigences populistes, il faut « un renforcement de la coopération supranationale, activement promue par les Etats-Unis. » En d’autres termes, Brzezinski préconise un renforcement et une extension de l’internationalisation, ce qui n’est pas une surprise puisqu’il est l’auteur intellectuel de la Commission Trilatérale. Il explique que « la démocratie en tant que telle n’est pas une solution viable, » et pourrait être renversée par « un populisme radical frustré ». Une réalité globale vraiment nouvelle :

 

« Une humanité politiquement éveillée aspire à une dignité politique, que la démocratie peut apporter, mais la dignité politique requiert aussi l’autodétermination ethnique, nationale ou religieuse, et les droits humains et sociaux, le tout dans un monde désormais conscient des inégalités économiques, raciales et ethniques. La recherche de dignité, particulièrement par le biais de l’autodétermination nationale ou la transformation sociale, fait partie de la tentation d’affirmation des déshérités de la planète. »

 

Ainsi, écrit Brzezinski, « une réponse efficace ne peut venir que d’une Amérique confiante en elle et réellement engagée dans une solidarité globale. » L’idée est que pour répondre aux revendications provoquées par la globalisation et les structures globales de pouvoir, le monde et les Etats-Unis doivent étendre et institutionnaliser le processus de globalisation, non seulement dans le domaine économique mais aussi dans le domaine social et politique. Le raisonnement est pour le moins tordu, puisqu’il s’agirait, pour réparer les problèmes systémiques, de renforcer les défauts systémiques qui les ont crées. On n’éteint pas un incendie en versant du combustible.

 

Brzezinski a même écrit que, « disons dés à présent que la supranationalité ne doit pas être confondue avec le gouvernement mondial. Même si l’idée est bonne, l’humanité n’est pas du tout prête pour un gouvernement mondial, et le peuple Américain sans aucun doute l’est encore moins. » L’Amérique doit plutôt jouer un rôle clé dans la construction d’un système de gouvernance globale, dit Brzezinski, « dans le modelage d’un monde qui est défini moins par la fiction de la souveraineté des nations et plus par la réalité d’une interdépendance en expansion et politiquement régulée. » En d’autres termes, pas de « gouvernement global » mais une « gouvernance globale », qui n’est qu’une astuce rhétorique puisque « gouvernance globale » - et quelque soit la forme sous laquelle elle se présente – n’est en réalité qu’une étape indispensable et une transition nécessaire pour aboutir à un gouvernement global.

 

[See : Andrew Gavin Marshall, The Global Political Awakening and the New World Order, Global Research, 24 June 2010]

 

Conceptualiser Wikileaks

Je crois que Wikileaks doit être conceptualisé dans cette réalité géopolitique telle que nous la comprenons aujourd’hui. S’il faut rester prudent devant de tels événements, il faut aussi se rappeler que la vie réserve des surprises – pour tous – et que l’avenir est tout sauf décidé d’avance. Tout peut arriver. Il y a bien sûr une certaine logique derrière les doutes et scepticisme exprimés par les médias alternatifs au sujet de Wikileaks. Mais ils risquent aussi de perdre l’incroyable opportunité que représente Wikileaks, non seulement pour toucher un public plus large avec une information importante, mais de faire mieux que simplement d’informer.

 

A ceux qui considèrent Wikileaks comme une conspiration ou un complot, une opération psychologique ou je ne sais quoi, ce qui est déjà arrivé dans le passé, je ferais remarquer qu’il n’y a aucune preuve dans ce sens. Tous ces avis ne sont que le fruit de spéculations. De nombreux pays à travers le monde, particulièrement au Moyen orient et en Asie du Sud, montrent du doigt les pays occidentaux en les accusant de se livrer à une campagne de propagande pour semer la discorde entre états et alliés. L’Iran, la Turquie, le Pakistan et l’Afghanistan l’ont affirmé. Il n’est pas étonnant que la plupart de ces états, surtout l’Iran, fassent partie des cibles de l’impérialisme US. Mais si ces documents parlent abondamment et négativement de l’Iran, du Pakistan, de l’Afghanistan, de la Russie, de la Chine, du Venezuela, etc, il ne faut pas oublier que ce sont des câbles « diplomatiques », et ne représentent que les « opinions et avis » des milieux diplomatiques, un groupe social qui a toujours été étroitement lié et soumis aux élites. En bref, il s’agit de communications rédigées par les envoyés spéciaux de l’Empire et qui en tant que tels sont les représentants impérialistes d’intérêts impérialistes.

 

Comme toujours, les objectifs impérialistes sont cachés derrière une rhétorique politique. Puisque ces états sont visés par l’élite impériale des Etats-Unis, ses représentants diplomatiques se concentreront sur ces états et adopteront ses idées et opinions. Combien de gens ont été promus pour avoir exprimé des doutes à l’égard de leurs supérieurs ? De même, les diplomates chercheront des informations qui iront dans le sens des objectifs impériaux des Etats-Unis. Si toute leur information n’est constituée que de rumeurs, de conjectures et de radotages, c’est ce que l’on retrouvera dans les câbles diplomatiques. Et c’est bien ce qui se passe. Ces câbles sont remplis de rumeurs et d’affirmations sans fondements. Naturellement, ce sont ces nations là qui seront ciblées – celles considérées comme significatives pour les intérêts impérialistes – et non Israël ou d’autres nations. C’est pour cela que ces câbles me paraissent authentiques. Elles paraissent bien refléter la réalité du « groupe social diplomatique », et représentent ainsi une source d’étude de l’impérialisme. Wikileaks nous a donné l’occasion de lire les « communications » de la diplomatie impériale. Et c’est cela qui représente une opportunité extraordinaire.

De plus, en ce qui concerne les nations du Moyen Orient ou d’Asie qui accusent Wikileaks d’être un « complot occidental », nous devons être lucides quant à la réalité géopolitique de cette « prise de conscience globale ». Tous les états sont égoïstes. Partout les élites sont conscientes de sa réalité et de son potentiel et essaient de la freiner ou de la contrôler. Des états souvent présentés comme des cibles de l’impérialisme occidental, tels que l’Iran, peuvent être tentés d’utiliser ce potentiel en leur faveur. Ils peuvent essayer d’influencer la « prise de conscience globale » et les « médias alternatifs » en leur faveur. Mais les médias alternatifs n’ont pas à « choisir leur camp » entre différents élites et pouvoirs globaux.

(...)

Wikileaks et les Medias

Au lieu de dédaigner Wikileaks qui « ne nous apprend rien de nouveau », les médias alternatifs devraient en profiter pour extraire des documents tout ce qui peut renforcer leur argumentaire. (…) Les documents de Wikileaks ne sont une « révélation » que pour ceux qui croyaient aux « illusions » de ce monde : que nous vivons dans des « démocraties » qui promeuvent la « liberté » à travers le monde, etc. Les « révélations » remettent en cause non seulement la vision des Américains sur l’Amérique, mais aussi celle de toutes les populations sur tous les pays. Le fait que les gens se mettent à lire et à découvrir des choses est un changement radical. C’est probablement pour cela que les grands médias en parlent autant (fait qui constitue en lui-même un motif de suspicion de la part des médias alternatifs) : pour contrôler l’interprétation du message. C’est le travail des médias alternatifs et des intellectuels et autres penseurs de remettre en cause ces interprétations par des analyses plus objectives. En réalité, les documents de Wikileaks rendent un plus grand service aux médias alternatifs qu’aux grands médias commerciaux.

 

Pourquoi les documents de Wikileaks sont-ils une « révélation » pour certains ? Tout simplement parce que les grands médias ont une solide emprise sur la diffusion et l’interprétation de l’information. Ce sont des « révélations » parce que les gens sont endoctrinés par des mythes. Ce ne sont pas des « révélations » pour les médias alternatifs parce que ça fait des années qu’ils en parlent. Et si ce ne sont pas à proprement parler des « révélations », ce sont par contre des « confirmations » qui offrent la possibilité de faire d’autres analyses. Puisque ces documents confirment nos dires et nous informent mieux, nous pouvons nous appuyer sur eux. (...)

 

Nous assistons en ce moment à une offensive majeure de propagande de la part des grands médias qui déforment et manipulent ces fuites pour servir leurs propres intérêts. Les médias alternatifs doivent utiliser Wikileaks à leur propre avantage. Ignorer ces documents ne fera que porter tort à notre cause. Les grands médias l’ont compris, alors nous devons le comprendre aussi. Wikileaks nous offre encore une occasion de dénoncer les grands médias comme une forme de propagande organisée. En « surprenant » autant de gens par des « révélations », les grands médias ont en réalité démontré leurs propres incompétences passées. Pour le moment, les grands médias en profitent. Mais nous sommes toujours dans la « révolution technologique » et il existe encore (pour le moment) une liberté sur Internet. A nous de jouer.

 

Comme dit la phrase, « le riche vous vendra la corde pour le pendre s’il pense pouvoir en tirer un profit ». Peut-être que les grands médias ont fait pareil. Aucune autre organisation n’aurait été capable de diffuser autant de matériel aussi rapidement et aussi massivement que les grands médias commerciaux. Si les fuites n’avaient été fournies qu’aux médias alternatifs, l’information n’aurait touché que ceux qui étaient déjà au courant. Et il n’y aurait pas eu de « révélations » et l’effet en aurait été amoindri. Grâce à une diffusion par les grands médias (peu importe leurs désinformations et leur propagande) la dynamique et la signification de l’information a changé. (…)

 

Wikileaks est un événement de transformation global. Non seulement en termes de « prise de conscience » pour une « nouvelle » information, mais aussi en termes d’effets sur les structures de pouvoir. Des ambassadeurs démissionnent, des diplomates se révèlent être des menteurs, des clivages apparaissent entre alliés impérialistes occidentaux et de nombreuses carrières et réputations chez l’élite sont en péril. Wikileaks crée le potentiel d’une énorme baisse de l’efficacité de l’impérialisme. Ce qui constitue en soi un objectif louable et admirable. Que ce potentiel existe montre déjà à quel point Wikileaks est utile et combien il pourrait l’être encore. Partout dans le monde, les gens commencent à voir leur dirigeants sans le filtre des « relations publiques ». Dans les grands médias, cette vision est filtrée par leur propagande. C’est pour cela qu’il est important que les médias alternatifs replacent ces documents dans un contexte plus large.

 

Par la réaction de plusieurs états et organisations qui ont émis des mandats d’arrêt contre Julian Assange, ou appelé à son assassinat (comme un conseiller du Premier ministre canadien l’a suggéré à la télévision), ces derniers ont montré leur haine de la démocratie, de la transparence et de la liberté d’informer. Leurs réactions sont autant d’arguments pour leur ôter toute légitimité à « gouverner ». Si les politiciens sont censés « protéger et servir », pourquoi cherchent-ils à « punir et éliminer » ceux qui exposent la vérité ? Encore une fois, ceci ne surprendra pas ceux qui connaissent la véritable nature de l’état et le phénomène moderne de militarisation des sociétés et le démantèlement des droits et libertés à travers le monde. Mais cette fois, ça se déroule là sous nos yeux et les gens sont attentifs. Ceci est nouveau.

 

(…)

Un autre point à examiner est le rôle des universités, qui n’est pas « l’éducation » mais « l’endoctrinement » et la production de serviteurs du pouvoir. Par exemple, Columbia University est un des établissements les plus « respectés » et « vénérés » dans le monde, et a produit d’importants membres de l’élite politique (y compris des diplomates). En réaction aux fuites de Wikileaks, l’Université a averti les étudiants qu’ils « mettaient leur carrière en péril s’ils téléchargeaient ces documents », après que le gouvernement ait « interdit aux employés, estimés à plus de 2,5 millions, qui utilisent des ordinateurs au travail, de consulter les documents diffusés par Wikileaks. » L’Université « a envoyé un courrier électronique aux étudiants du département des affaires internationales, un terrain de recrutement pour le ministère des affaires étrangères. » (14) (...) Cette réaction montre le rôle des universités dans notre société, et particulièrement le rôle des universités chargés de former les « managers » du futur.

 

Wikileans est une opportunité

Si Wikileaks est une opération psychologique, alors c’est soit l’opération la plus stupide ou la plus intelligente jamais lancée. Mais une chose est certaine : les systèmes et structures de pouvoir sont en train d’être exposés à un public plus large que jamais. La question pour les médias alternatifs est de savoir qu’en faire.

 

Julian Assange a été récemment interviewé par Time Magazine. Il a expliqué au journaliste mal informé de Time Magazine que toutes les organisations qui opèrent dans le secret doivent être dénoncées.

« Si leur comportement est révélé au public, ils n’ont que deux options : soit se réformer de telle sorte à pouvoir être fiers de leurs actes, et fiers de les montrer au public. Soit resserrer les boulons en interne, en quelque sorte se ’balkaniser’, ce qui aurait pour effet, bien sûr, de les rendre moins efficaces. A mes yeux, c’est une excellente conclusion, parce que les organisations peuvent être soit efficaces, ouvertes et honnêtes, soit elles peuvent être fermées, conspirationnistes et inefficaces. » (15)

 

Assange a ensuite expliqué son point de vue sur l’influence et les réactions de Wikileaks, en déclarant que les Chinois :

« semblent être terrifiés par la liberté d’expression, et si certains pensent que c’est le signe qu’il se passe des choses terribles dans ce pays, moi je pense qu’il y a là un signe d’optimisme, parce que ça signifie que la parole peut encore provoquer des réformes et que la structure du pouvoir chinois est encore par essence politique, par opposition à un pouvoir juridique. Ainsi, le journalisme et l’écrit peuvent encore changer les choses, et c’est pour cela que les autorités chinoises en ont peur. D’un autre côté, aux Etats-Unis, et dans d’autres pays occidentaux aussi, les éléments fondamentaux de la société ont été si fermement encadrés par le biais d’obligations contractuelles que tout changement politique ne semble pas produire de changement économique. En d’autres termes, cela signifie que tout changement politique ne produit aucun changement du tout. (16)

 

Dans cette interview, Assange a abordé la question de l’Internet et des médias communautaires :

« En ce qui concerne la montée des médias communautaires, c’est intéressant. Lorsque nous avons commencé (en 2006), nous pensions que le travail d’analyse serait accompli par les blogueurs et ceux qui écrivaient les articles pour Wikipédia, etc. Et nous pensions que ce serait normal, puisque nous avions beaucoup de contenu, de qualité... Mais le gros du travail – un gros travail d’analyse – c’est nous qui le faisons, avec des journalistes professionnels et des militants des droits de l’homme collaborent avec nous. Le travail n’est pas effectué par la communauté. Mais une fois le gros du travail accompli, une fois qu’une document sort et devient une information, alors nous assistons à une implication de la part de la communauté qui creuse les données et offre d’autres points de vue. Les réseaux sociaux ont donc tendance à jouer un rôle d’amplificateur de notre travail. Et ils nous offrent aussi des sources. (17)

(…)

Nous sommes à la veille d’une transformation sociale globale. La question est : qu’allons nous faire ? Allons-nous tenter d’informer et de participer à cette transformation ou allons-nous l’observer, passifs, se faire manipuler et la critiquer tout en assistant à sa chute ? Comme l’a fait remarquer Martin Luther King dans son discours de 1967, Beyond Vietnam (au-delà du Vietnam), il semblerait que l’Amérique se trouve « du mauvais côté d’une révolution mondiale ». Nous avons désormais la possibilité de remédier à cette triste réalité et pas simplement à l’échelle nationale, mais globale.

 

Malgré tous les moyens et méthodes déployés par les pouvoirs de ce monde, pour chaque action il y a une réaction. Tandis que les choses empirent peu à peu, comme tout observateur indépendant l’a remarqué, la vie trouve comment créer des moyens et des méthodes pour contrer ces agressions. La globalisation a facilité l’émergence d’une élite globale et de plusieurs institutions et idéologies de pouvoir global mais elle a aussi facilité la globalisation de l’opposition. Tandis que les élites oeuvrent globalement et activement à l’intégration et à l’expansion des structures de pouvoir, elles ont aussi par inadvertance intégré et renforcé l’opposition globale à ces mêmes structures de pouvoir. C’est un grand paradoxe de notre temps, un paradoxe qu’il faut avoir compris parce qu’il ne s’agit pas simplement de l’observer mais d’en tirer une source d’espoir.

 

Il ne faut pas sous-estimer l’importance de l’espoir. Il est difficile de trouver de « l’espoir » devant tant d’horreurs dans le monde et devant le constat de notre sentiment d’impuissance. Mais le militantisme et le changement ont besoin d’espoir. De ce point de vue, la campagne électorale d’Obama a été très claire et marquée par les mots « espoir » et « changement », choses que tout le monde voulait et avait besoin. Cela dit, l’ « espoir »et le « changement » d’Obama n’étaient que des opérations de com’ et au final un magnifique exercice de propagande et un terrible coup porté contre le véritable « espoir » et le véritable « changement ». Ce n’est pas pour rien que la campagne d’Obama a remporté les premiers prix attribués par l’industrie de la communication. (18)

 

L’espoir est une nécessité mais ne doit pas devenir un faux espoir, comme avec Obama ; un espoir enraciné non dans une « foi aveugle » mais dans une « analyse objective ». Tandis que les choses s’empiraient sur la plupart des fronts de la planète, les médias alternatifs se sont focalisés presque exclusivement sur ces sujets et ils ont ignoré les développements géopolitiques positifs de par le monde, notamment la « prise de conscience politique globale » et le rôle de l’Internet dans le remodelage de la société globale. Si les enjeux sont connus, ils ne sont pas forcément bien compris ou expliqués dans leur contexte plus général ; qu’il s’agit d’un développement positif, qu’il y a de l’espoir. Wikileaks peut renforcer cette idée si nous savons en profiter. Une critique qui n’offre pas d’espoir tombe à plat. Personne ne veut entendre que c’est « sans espoir ». S’il est nécessaire d’examiner tout ce qui ne va pas dans le monde, il est indispensable d’examiner aussi tout ce qui peut donner de l’espoir. C’est comme ça que l’on peut diffuser un message et gagner des partisans. L’Internet est le médium par lequel le message peut être diffusé. Après tout, comme l’a dit un des plus grand théoriciens des médias, Marshall McLuhan, « le médium est le message ».

 

Andrew Gavin Marshall est chercher au Centre for Research on Globalization (CRG).

Source originale : http://www.globalresearch.ca/index....

Source : LGS

Traduction « ouf !, j’en peux plus » par VD pour le Grand Soir avec très probablement les fautes et coquilles habituelles

 

ANNEXE : Sur les révélations et les confirmations : un appel à l’action aux médias alternatifs

Quelles sont les « révélations » qui pourraient servir pour « conforter » les médias alternatifs ? Par exemple, le rôle de la monarchie en tant qu’acteur économique et politique puissant dans les affaires du monde. Je ne fais pas allusion uniquement aux monarchies qui gouvernent officiellement, comme en Arabie Saoudite, mais plus précisément aux monarchies occidentales et plus précisément encore à la monarchie britannique. Pour ceux qui ont étudié les institutions telles le Groupe de Bildeberg et la Commission Trilatérale, le rôle de la monarchie européenne n’est pas une surprise. Pour la majorité des gens, qui n’ont jamais entendu parler du Groupe de Bilderberg ou de la Commission Trilatérale, ces monarchies sont largement perçues comme des personnages symboliques par opposition aux politiciens. Cette perception est bien sûr naïve, puisque tous les monarques ont toujours joué un rôle politique. (…) Il fut un temps où toute tentative de discussion sur le rôle des monarques dans le monde moderne n’attirait que scepticisme : « mais la Reine n’a pas de pouvoir réel, elle n’est qu’un symbole, » etc. Wikileaks a révélé que c’est faux, et c’est un sujet sur lequel nous devrions nous étendre.

Par exemple, dans les câbles de Wikileaks, le Prince Andrew, deuxième fils de la Reine Elizabeth, a fait l’objet de nombreuses « révélations ». L’ambassadeur US au Kirghizistan a rédigé un câble sur une réunion à laquelle elle a participé en compagnie de plusieurs hommes d’affaires britanniques et canadiens et le prince Andrew, qui est le représentant spécial aux commerce britannique en Asie centrale et au Moyen-orient. Lors de la réunion, le Prince Andrew s’est lancé dans une tirade contre « ces journalistes... qui mettent leur nez partout, » et s’en est pris « aux enquêteurs anti-corruption britanniques qui ont eu la « stupidité » de pratiquement faire capoter l’accord entre al-Yamama et l’Arabie Saoudite, » particulièrement « en faisant référence à une enquête, qui a été close, sur des présumés retro-commissions perçues par un membre de la famille royale en échange d’un contrat lucratif sur plusieurs années signé avec BAE Systems pour fournir du matériel aux forces de sécurité saoudiennes. » Lorsqu’il s’en est pris aux médias – plus précisément le journal The Guardian – pour avoir gêné la conclusion d’affaires à l’étranger, l’Ambassadeur a noté que les hommes d’affaires présents « ont bruyamment manifesté leur approbation » et « ont pratiquement applaudi. » (19). Encore une fois, voilà une démonstration du mépris des élites pour la véritable démocratie et la liberté.

Au cours de la même réunion, le Prince Andrew a fait une autre déclaration surprenante et qui, à ce jour, n’a pas été diffusée dans les grands médias. Il a déclaré à l’Ambassadeur des Etats-Unis que « Le Royaume Uni, l’Europe Occidentale (et par extension, vous les Américains aussi) étaient de retour dans le Grand Jeu, » et que « cette fois-ci, nous allons gagner ! ». Plus loin, le Prince Andrew – « Duc de York » - « a ensuite déclaré qu’il était très préoccupé par le retour de la Russie dans la région, » et a fait référence à l’expansion politique et économique des Chinois dans la région comme « probablement inévitable et une menace. » A la sortie de la réunion, un homme d’affaires britannique a dit à l’Ambassadeur US, « Quel merveilleux représentant pour le peuple britannique ! Nous ne pourrions pas être plus fiers de notre famille royale ! » (20) Voilà donc le topo : un riche prince se ballade un peu partout avec de riches hommes d’affaires pour promouvoir leurs intérêts économiques à l’étranger et qui en parle en faisant référence à l’ancienne concurrence pour le contrôle de l’Asie Centrale entre la Grande Bretagne et la Russie appelée « le Grand Jeu ». Et nous osons appeler nos pays des « démocraties » et des exportateurs de « liberté » ?

En fait, il s’agit d’un comportement typique de la part de la famille royale, comme l’explique l’ancien député Sud-africain qui mène campagne contre la corruption, Andrew Feinstien : « la famille royale a activement soutenu les ventes d’armes de la Grande Bretagne, même lorsqu’il y a eu actes de corruption et des délits, » et « la famille royale a tenté de convaincre l’Afrique du Sud à acheter des avions de combat Hawk à la BAE, malgré le fait que l’armée de l’air ne voulaient pas de ces avions qui coûtaient deux fois et demi le prix de leur avion préféré. En tant que député du parti ANC à l’époque, on m’a dit que 116 millions de dollars de pots de vins avaient été versés à des décideurs et à l’ANC. L’attitude de la famille royale fait partie des raisons pour lesquelles la BAE ne sera jamais traînée en justice en Grande Bretagne pour ses pratiques de corruption. » (21)

La famille royale britannique est aussi très proche de la monarchie Saoudienne, ce qui est logique, puisque c’est l’Empire britannique (et sa « Couronne ») qui a crée les monarchies arabes et qui leur a donné le pouvoir. Le prince Andrew participait à des parties de chasse avec le Roi de Jordanie et le chef d’Etat Major des Forces Armées des Emirats Arabes Unis. (22) De plus, les câbles révèlent que le Prince Charles est considéré comme une figure diplomatique stratégique en ce qui concerne l’Arabie Saoudite. Les médias britanniques ont titré que la « révélation » était que le prince Charles était moins respecté que la reine Elizabeth, mais la véritable révélation était que le Prince Charles et sa femme « ont aidé à surmonter les « tensions extrêmes » à la suite de l’emprisonnent et la torture par l’Arabie Saoudite de cinq britanniques entre décembre 2001 et août 2003 et les enquêtes officielles pour fraude à l’encontre de British Aerospace en Arabie Saoudite en 2004 ». Comme l’a expliqué un câble diplomatique US, les royaux britanniques « ont aidé à renouer les contacts entre la Grande Bretagne et l’Arabie Saoudite » puisque « la Maison des Saoudes et la Maison de Windsor s’entendent sur la base de leur royauté commune. » En d’autres termes, toutes les deux représentent des pouvoirs dynastiques, non élus, qui n’ont pas de comptes à rendre, et qui doivent donc naturellement coopérer dans « leurs » propres intérêts. Très « démocratique » de leur part. Plus tard, la famille royale saoudienne a organisé une somptueuse fête pour le Prince Charles en Arabie Saoudite avec l’aide d’un homme d’affaires britannique qui n’a pas été nommé. (23)

Il semblerait que la famille royale britannique devra manœuvrer à nouveau pour « détendre » les relations avec l’Arabie Saoudite depuis que les « révélations » sur ce pays et son monarque dressent le portrait d’un allié de l’occident peu coopératif. En bref, l’Arabie Saoudite et son monarque viennent de subir une des plus grandes catastrophes en termes de relations publiques de l’histoire moderne. Mais le monarque britannique pourrait bien être trop occupé à balayer devant sa propre porte, ou à attendre que les choses se calment, avant de pouvoir réparer les dégâts. De quels dégâts parlons-nous ? Très simple : il s’avère que la famille royale saoudienne, grande amie de la monarchie britannique, est par la même occasion le principal financier des terroristes Sunnites (y compris ce qu’on appelle communément Al Qaeda) à travers le monde.

Ceci n’est pas une surprise pour ceux qui ont déjà étudié Al Qaeda et la « guerre contre le terrorisme », mais c’est une « révélation » pour la majorité des gens. Alors que les gouvernements occidentaux et les machines de propagande médiatiques ont depuis des années montré du doigt les états « cibles » tels l’Afghanistan, l’Irak, l’Iran et plus récemment le Pakistan et le Yémen, les câbles de Wikileaks « confirment » cette réalité - passée et présente - que ce sont en fait les alliés occidentaux de la région, notamment l’Arabie Saoudite, mais aussi les autres états arabes du golfe (et leurs monarchies) qui sont les principaux financiers et soutiens du terrorisme, et plus particulièrement Al Qaeda. Une note signée par Hillary Clinton a confirmé que l’Arabie Saoudite était perçue comme « la principale source de financement des groupes islamistes tels que les Talibans et Lashkar-e-Taiba,” ainsi qu’Al Qaeda. De plus, trois autres états arabes, le Qatar, le Koweït et les Émirats Arabes Unis figurent parmi les principaux financiers du terrorisme. Selon les termes du Guardian, « les câbles mettent en lumière un aspect souvent ignoré dans les conflits pakistanais et afghans : que la violence est en partie financée par des donateurs riches et conservateurs situés autour de la mer d’Oman. » Alors que le Pakistan est généralement accusé d’aider les Talibans en Afghanistan, c’est en réalité l’Arabie Saoudite et les entreprises basées aux Émirats Arabes Unis qui sont les principaux financiers. Le Koweït, un autre allié des Etats-Unis, est « une source de financement et un point clé de passage » pour Al Qaeda. (24)

Tandis que le New York Times était tout occupé à déclarer que Wikileaks avait démontré un « consensus » sur l’Iran, avec le Roi Saoudien qui encourageait l’Amérique à attaquer pour « couper la tête du serpent », le journal n’a fait que mentionner au passage comment « les donateurs saoudiens demeurent les principaux financiers de groupes militants sunnites tels Al Qaeda » (25) Pour beaucoup, ce sont là effectivement des « révélations », mais il nous faut remettre ces éléments dans leur contexte. Il ne s’agit pas de dire simplement que l’Arabie Saoudite et les états arabes sont seuls responsables du soutien au terrorisme car ils ne font que jouer le rôle qu’ils ont toujours joué - et les diplomates sont tenus à l’écart de ce sujet comme ils l’ont toujours été.

Ces faits doivent être replacés dans un contexte historique. En ce qui concerne Al-Qaeda, qui est né lors de la guerre soviétique en Afghanistan avec le soutien des Etats-Unis et d’autres alliés occidentaux, le centre de cette opération se situait dans le « Club Safari », constitué d’un réseau secret de services de renseignement occidentaux (comme la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis) et de services régionaux (comme l’Arabie Saoudite et le Pakistan) pour financer, entraîner et armer les Moudjahidin et ensuite les Talibans et Al-Qaeda. Le « Club Safari » fut crée en 1976 (avec l’aide du directeur de la CIA à l’époque, George H.W. Bush, un autre ami proche de la famille royale saoudienne) et son objectif était d’échapper au contrôle politique croissant exercé sur les opérations de renseignement aux Etats-Unis par le Congrès US (résultat des enquêtes de la Commission Church sur les opérations de la CIA). Le Club Safari fut donc crée pour permettre des opérations clandestines sans contrôle de la part des politiques. Les diplomates étaient tenus dans l’ignorance de ces opérations et même de l’existence même du réseau. Ce réseau, sous une forme ou une autre, existe encore aujourd’hui, comme je l’ai récemment écrit dans une série d’articles.

(voir : The Imperial Anatomy of Al-Qaeda. The CIA’s Drug-Running Terrorists and the “Arc of Crisis” ; Empire, Energy and Al-Qaeda : The Anglo-American Terror Network ; 9/11 and America’s Secret Terror Campaign)

Il y a donc une raison pour laquelle les diplomates se plaignent en privé du financement et du soutien saoudien et arabe à Al Qaeda et que rien ne change : c’est parce que par d’autres voies, le pouvoir impérial US soutient et favorise ce état de fait. La diplomatie est plus ouverte lorsqu’il s’agit d’aborder les ambitions impériales. C’est pour cela que les câbles montrent une attention particulière portée à l’Iran et au Pakistan. Mais les opérations de renseignement sont des moyens plus discrets pour créer et maintenir certains types de relations. Encore une fois, cette information ne doit pas être prise « pour argent comptant », mais placée plutôt dans un contexte géopolitique plus large. Ainsi, cette information n’est pas une « désinformation » ni une « propagande » mais plutôt une « confirmation » et une information supplémentaire.

Alors que les gouvernements occidentaux et les médias accusent publiquement l’Iran d’ingérence dans les affaires irakiennes, et de soutenir le terrorisme et de déstabiliser le pays, la réalité est que si l’Iran exerce probablement une ingérence en Irak (après tout, ils sont voisins), c’est l’Arabie Saoudite qui est la plus grande source de déstabilisation, ceci de la bouche même des dirigeants irakiens. Selon the Guardian, les officiels du gouvernement irakien « considèrent l’Arabie Saoudite, et non l’Iran, comme la plus grande menace à l’intégrité et à la cohésion de leur état démocratique naissant. » Dans un câble rédigé par l’ambassadeur US en Irak, il est expliqué que « l’Irak considère que les relations avec l’Arabie Saoudite sont les plus problématiques eu égard à l’argent de Riyad et son attitude profondément anti-chiite et ses soupçons qu’un Irak dirigé par des Chiites renforcerait inévitablement l’influence régionale de l’Iran. » Plus loin, « les contacts Irakiens affirment que les objectifs de l’Arabie Saoudite (ainsi que ceux de la plupart des autres états arabes sunnites, à différents degrés) est de renforcer l’influence sunnite, affaiblir la domination chiite et promouvoir la formation d’un gouvernement irakien affaibli et divisé. » En bref, cela signifie que l’Arabie Saoudite est en train de faire en Irak ce dont l’Iran est accusé par l’Occident. Alors que l’Iran est intéressé par un gouvernement chiite stable en Irak, l’Arabie Saoudite est plus intéressée par un gouvernement affaibli et divisé, et alimente ainsi le conflit sectaire. Un fait intéressant à noter et qui a été révélé par d’autres câbles est l’éveil d’une conscience dans la jeunesse irakienne qui rejette toute forme d’ingérence étrangère. Les câbles diplomatiques parlent d’une « ’révolution mentale’ en cours dans la jeunesse irakienne contre tout projet politique étranger visant à déstabiliser le pays. » (26)

Il n’est donc pas surprenant qu’un haut membre de la famille royale saoudienne (en fait l’ancien chef des services de renseignement saoudiens et donc la personne en charge des relations de l’Arabie Saoudite avec les terroristes), le Prince Turki al-Faisal, ait déclaré que la source des fuites diplomatiques devrait être « vigoureusement punie ». Turki, qui a aussi été ambassadeur de l’Arabie Saoudite en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, a dit « la tourmente Wikileaks a souligné que la cyber-sécurité devenait de plus en plus une préoccupation internationale. » (27)

Dans quels autres domaines peut-on utiliser Wikileaks pour mieux informer et « confirmer » les critiques émises par les médias alternatifs ? Je propose le voisin de l’Arabie Saoudite au sud, le Yémen. Combien d’Américains, ou même de non-américains, savent que les Etats-Unis mènent une guerre au Yémen, juste en face d’un autre pays où les Etats-Unis mènent encore une autre guerre, la Somalie (depuis 2006/2007) ? (…) L’Arabie Saoudite est entrée dans le conflit en août 2009 en bombardant des sites rebelles dans le nord le long de la frontière saoudienne parce que les élites saoudiennes craignent un débordement des révoltes.

Les Etats-Unis sont entrés dans le conflit en augmentant le financement et l’aide militaire au Yémen (en réalité, en subventionnant son armée, comme ils le font pour l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Jordanie, Israël et tous les états arabes, ainsi que pour des dizaines d’états à travers le monde), et fournissent aussi une formation et assistance aux forces spéciales, sans parler des frappes par missiles sur le Yémen contre les « camps d’entraînement d’Al Qaeda » où les services de renseignement US prétendent avoir tué 60 « militants ». En réalité, 52 innocents ont été tués, dont plus de la moitié étaient des femmes et des enfants. A l’époque, le Yémen et les Etats-Unis ont tous deux affirmé qu’il s’agissait d’un camp d’entraînement d’Al-Qaeda et que les missiles de croisière avaient été tirés par le gouvernement yéménite, bien qu’une telle arme ne fasse pas partie de son arsenal (contrairement aux navires de la marine US qui patrouillent au large). La frappe fut exécutée par les Etats-Unis « sous les ordres directs du président ».

Plusieurs jours plus tard, il y a eu une étrange « tentative d’attentat terroriste » par un jeune Nigérian qui fut arrêté alors qu’il tentait de faire exploser une bombe cachée dans ses sous-vêtements (et qui avait été aidé à monter dans l’avion par un mystérieux indien en costume qui a prétendu être un diplomate, selon les témoins). Le jeune homme a été aussitôt associé à « Al-Qaeda de la Péninsule Arabique » (une organisation qui avait vu le jour peu avant après qu’un ancien détenu de Guantanamo ait été envoyé en Arabie Saoudite d’où il s’est « évadé » vers le Yémen pour créer cette nouvelle branche d’Al-Qaeda). Les Etats-Unis tenaient leur justification pour renforcer brutalement leur aide militaire au Yémen, aide qui a doublé en passant de 67 millions de dollars à 150 millions, accompagnée d’une augmentation des formations aux forces spéciales et des activités de la CIA ainsi que des discussions pour lancer des drones et des missiles pour tuer des innocents.

Au mois de septembre dernier, le gouvernement du Yémen a lancé un « siège » contre une ville du sud alors que le haut officiel de l’antiterrorisme de l’administration Obama, John Brennan, se trouvait au Yémen pour des « entretiens » avec le Président Saleh. La ville fut déclarée « sanctuaire d’Al-Qaeda » mais elle occupe aussi une position stratégique – juste au sud d’un nouveau gazoduc. La ville se trouve être aussi le foyer de nombreux dirigeants du mouvement sécessionniste. Le gouvernement du Yémen a « interdit l’accès » au siège, qui a duré plusieurs jours, à tout journaliste ou observateur indépendant. Cependant, selon les témoins qui ont réussi s’échapper de la ville et du « siège », les militants islamistes de la ville collaboraient avec le gouvernement contre le mouvement rebelle. Selon un journaliste de NPR, « cette affaire n’a pas grand chose à voir avec Al-Qaeda mais plutôt avec le mouvement sécessionniste. » [voir : Andrew Gavin Marshall, “Yemen : The Covert Apparatus of the American Empire,” Global Research, 5 October 2010]

Les « révélations » de Wikileaks nous informent un peu plus et confirment l’essentiel de cette analyse. En ce qui concerne la frappe par missile, qui a tué des femmes et des enfants innocents, et qui fut exécutée sous les ordres directs d’Obama, les câbles révèlent que le Président yéménite Saleh avait « secrètement offert aux forces US un accès illimité à son territoire pour mener des frappes unilatérales contre des cibles terroristes d’Al-Qaeda. » Comme Saleh l’a dit à John Brennan au mois de Septembre de 2009, « je vous ai donné carte blanche en matière de terrorisme. Alors je ne suis pas responsable. » En ce qui concerne la frappe du 21 décembre qui a tué des civils innocents, un câble explique « le Yémen a insisté qu’il fallait maintenir le statu de la version officielle qui nie toute implication des Etats-Unis. Saleh voulait que les opérations se poursuivent « non-stop jusqu’à l’éradication de la maladie » » et quelques jours plus tard, lors d’une réunion avec le chef Commandement Central US, le général David Patraeus, « Saleh a avoué avoir menti à sa population sur les frappes. » Il a dit au général, « Nous continuerons d’affirmer que les bombes étaient les nôtres, pas les vôtres. » (28)

En ce qui concerne le Pakistan, il faut rester très prudent devant les « opinions » exprimées par les câbles, puisque ce pays est désormais la cible d’une escalade en vertu de la « guerre contre le terrorisme ». Voici quelques éléments qu’il faut garder à l’esprit : historiquement, les services secrets pakistanais, l’ISI, ont financé, armé et entraîné les Talibans, mais toujours avec l’aide et le soutien des Etats-Unis. Il faut donc examiner la situation présente dans son contexte historique. Wikileaks a révélé (comme mentionné précédemment) que les états arabes du golfe finançaient les Talibans. Donc, dire que les Talibans sont financés uniquement par le Pakistan est faux. Est-il possible que le Pakistan collabore encore avec les Taliban ? Bien sûr que oui. Le Pakistan l’a fait à travers ses services secrets et toujours avec le soutien des Etats-Unis (principalement à travers la CIA). L’ISI reçoit encore la majorité de son financement externe de la CIA (29). Le financement de l’ISI par la CIA, qui date de la fin des années 70, a été nettement augmenté après les attentats du 11/9, attentats que l’ISI a financé. (30) Ainsi, la CIA a récompensé les financiers des attentats du 11/9 par une augmentation de leur financement.

Rejeter des informations qui ne cadrent pas avec vos idées préconçues vous empêche d’évoluer et d’affiner votre analyse. Ceci ne devrait jamais être le cas, quel que soit le sujet abordé. C’est pourtant une réaction courante, aussi bien chez les officiels que chez les critiques. Dans le cas du Pakistan, il faut comprendre que ce pays a toujours été un allié fidèle des Etats-Unis dans la région, en soutenant tous les gouvernements mis en place, tous les coups d’état. Mais les ambitions géopolitiques des Etats-Unis ont changé depuis. Le Pakistan se rapproche de la Chine qui a construit un grand port maritime au Pakistan offrant ainsi un accès de la Chine à l’Océan Indien. Ceci est perçu comme une menace par l’Inde et plus généralement par les Etats-Unis qui cherchent à limiter l’influence croissante de la Chine (tout en déployant des efforts pour tenter d’intégrer la Chine, notamment sur le plan économique). L’Inde et le Pakistan sont des ennemis héréditaires et se sont livrés plusieurs guerres. L’Inde et les Etats-Unis sont liés par une alliance stratégique, et les Etats-Unis ont aidé l’Inde pour son programme nucléaire, au grand dam du Pakistan, qui s’est rapproché de la Chine. Le Pakistan occupe une position hautement stratégique, avec des frontières avec l’Afghanistan, la Chine, l’Inde et l’Iran.

La politique US a changé vis-à-vis du Pakistan et elle vise désormais à y maintenir un gouvernement civil faible et soumis aux intérêts des Etats-Unis tout en étendant ses guerres à l’intérieur du pays. La situation créée est une véritable poudrière avec un risque de déstabilisation et de fragmentation qui pourrait dégénérer en guerre civile. Les Etats-Unis semblent entreprendre au Pakistan une politique similaire à celle employée contre la Yougoslavie dans les années 90. Avec toutefois une différence majeure : le Pakistan a une population de 170 millions d’habitants et possède l’arme nucléaire. En déstabilisant le Pakistan, les Etats-Unis augmentent le risque d’un conflit nucléaire entre le Pakistan et l’Inde et une déstabilisation des pays voisins. La mise à l’écart de l’armée Pakistanaise du pouvoir officiel (pour pouvoir dire qu’il ne s’agit pas d’une dictature militaire) a été voulue et concoctée par les Etats-Unis pour obtenir un gouvernement civil totalement dépendant et pour isoler une armée pakistanaise de plus en irritée et contrariée.

Comme l’ont révélé les câbles de Wikileaks, le Général Kayani, chef de l’armée pakistanaise, a menacé de renverser le gouvernement pakistanais par un coup d’état en mars 2009, et il en a discuté avec l’ambassadeur des Etats-Unis au Pakistan, Anne Patterson. Les câbles révèlent que le chef de l’armée pakistanaise n’appréciait guère le gouvernement civil mais appréciait encore moins l’opposition qui organisait des manifestations de rue. (13) Ceci révèle la nature profonde des relations entre les Etats-Unis et l’armée pakistanaise. Les Etats-Unis n’ont pas donné le feu vert parce qu’ils préfèrent un gouvernement civil faible et qu’une dictature militaire n’est pas dans leurs intérêts, ni dans ceux de l’Inde. Il n’y a donc pas eu de coup d’état. Wikileaks peut donc servir à mieux analyser la situation au Pakistan. Depuis de nombreuses années, à travers le monde, beaucoup de gens parlent d’une volonté de déstabiliser le Pakistan, mais les documents de Wikileaks permettent une autre analyse de la situation. (…)

Les exemples fournis par les câbles de Wikileaks sont innombrables et ils nous apportent de nouvelles informations que les médias alternatifs peuvent diffuser et analyser. Je n’ai fait qu’en aborder quelques uns. Ne vous y trompez pas, Wikileaks représente une occasion pour faire avancer la vérité, et non une diversion. Traitez le donc en conséquence.

Notes

[1] David E. Sanger, James Glanz and Jo Becker, Around the World, Distress Over Iran, The New York Times, 28 November 2010 : http://www.nytimes.com/2010/11/29/w...

[2] Fox, Leaked Documents Show Middle East Consensus on Threat Posed by Iran, Fox News, 29 November 2010 : http://www.foxnews.com/politics/201...

[3] Ross Colvin, "Cut off head of snake" Saudis told U.S. on Iran, Reuters, 29 November 2010 :http://www.reuters.com/article/idUS...

[4] FT reporters, Iran accuses US over WikiLeaks, The Financial Times, 29 November 2010 :http://www.ft.com/cms/s/0/940105fc-...

[5] Barak Ravid, Netanyahu : Israel will not stand at center of new WikiLeaks report, Ha’aretz, 28 November 2010 : http://www.haaretz.com/news/diploma...

[6] Jerrold Kessel and Pierre Klochendler, Unexpectedly, Israel Welcomes WikiLeaks Revelations, IPS News, 1 December 2010 : http://ipsnews.net/news.asp?idnews=53731

[7] JPOST.COM STAFF, Barak : ’Wikileaks incident has not damaged Israel’, Jerusalem Post, 30 November 2010 : http://www.jpost.com/DiplomacyAndPo...

[8] Haaretz Service, Senior Turkey official says Israel behind WikiLeaks release, Ha’aretz, 2 December 2010 : http://www.haaretz.com/news/diploma...

[9] Craig Murray, Extraordinary Rendition, CraigMurray.org, 11 July 2005 :http://www.craigmurray.org.uk/archi...

[10] Nick Paton Walsh, The envoy who said too much, The Guardian, 15 July 2004 :http://www.guardian.co.uk/politics/...

[11] Craig Murray, Raise A Glass to Wikileaks, CraigMurray.org, 29 November 2010 :http://www.craigmurray.org.uk/archi...

[12] Ibid.

[13] Ibid.

[14] Ewen MacAskill, Columbia students told job prospects harmed if they access WikiLeaks cables, The Guardian, 5 December 2010 : http://www.guardian.co.uk/media/201...

[15] RICHARD STENGEL, Transcript : TIME Interview with WikiLeaks’ Julian Assange, Time Magazine, 30 November 2010 : http://news.yahoo.com/s/time/201012...

[16] Ibid.

[17] Ibid.

[18] Matthew Creamer, Obama Wins ! ... Ad Age’s Marketer of the Year, AdAge, 17 October 2008 : http://adage.com/moy2008/article?ar... ; Mark Sweney, Barack Obama campaign claims two top prizes at Cannes Lion ad awards, The Guardian, 29 June 2009 :http://www.guardian.co.uk/media/200...

[19] David Leigh, Heather Brooke and Rob Evans, WikiLeaks cables : ’Rude’ Prince Andrew shocks US ambassador, The Guardian, 29 November 2010 : http://www.guardian.co.uk/uk/2010/n...

[20] US embassy cables : Prince Andrew rails against France, the SFO and the Guardian, The Guardian, 29 November 2010 : http://www.guardian.co.uk/world/us-...

[21] Rob Evans and David Leigh, WikiLeaks cables : Prince Andrew demanded special BAE briefing, The Guardian, 30 November 2010 : http://www.guardian.co.uk/uk/2010/n...

[22] US embassy cables : Prince Andrew hunts with Arab leaders, The Guardian, 29 November 2010 : http://www.guardian.co.uk/world/us-...

[23] Robert Booth, Wikileaks cable : Prince Charles ’not respected like Queen’, The Guardian, 29 November 2010 : http://www.guardian.co.uk/uk/2010/n...

[24] Declan Walsh, WikiLeaks cables portray Saudi Arabia as a cash machine for terrorists, The Guardian, 5 December 2010 : http://www.guardian.co.uk/world/201...

[25] SCOTT SHANE and ANDREW W. LEHREN, Leaked Cables Offer Raw Look at U.S. Diplomacy, The New York Times, 28 November 2010 : http://www.nytimes.com/2010/11/29/w...

[26] Simon Tisdall, WikiLeaks cables : Saudi Arabia rated a bigger threat to Iraqi stability than Iran, The Guardian, 5 December 2010 : http://www.guardian.co.uk/world/201...

[27] William Maclean, Saudi royal : Punish WikiLeaks source "vigorously", Reuters, 5 December 2010 : http://www.reuters.com/article/idUS...

[28] Robert Booth and Ian Black, WikiLeaks cables : Yemen offered US ’open door’ to attack al-Qaida on its soil, The Guardian, 3 December 2010 : http://www.guardian.co.uk/world/201...

[29] Greg Miller, CIA pays for support in Pakistan, Los Angeles Times, 15 November 2009 :http://articles.latimes.com/2009/no...

[30] Andrew Gavin Marshall, 9/11 and America’s Secret Terror Campaign, Global Research, 10 September 2010 : http://www.globalresearch.ca/index....

[31] David Batty and Declan Walsh, Pakistan army reacts to WikiLeaks cables with democracy pledge, The Guardian, 4 December 2010 : http://www.guardian.co.uk/world/201...

 

 

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