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Extrèmisme - Page 3

  • La CIA et ses expériences sur les "souris/humains"

    La CIA n’a pas seulement torturé, elle a procédé à des expériences sur des êtres humains

     

    guantanamo-2-300Par Lisa Hajjar, le 16 décembre 2014

    Qualifier les techniques d’interrogatoire de la CIA comme étant en violation de l’éthique médicale et scientifique est peut-être le meilleur moyen d’obtenir que les coupables aient à répondre de leurs actes.

    L’expérimentation humaine était un aspect central du programme de torture de la CIA. La nature expérimentale des techniques d’interrogatoire et de détention est clairement évidente dans le résumé de synthèse du rapport d’enquête du Comité du Sénat [US] sur le Renseignement, malgré des omissions (sur lesquelles la CIA a insisté) destinées à opacifier les lieux où se trouvent ces laboratoires de science de la cruauté, ainsi que les identités des auteurs.

    Il y avait deux psychologues recrutés par la CIA à la barre de ce projet d’expérimentation humaine, James Mitchell etBruce Jessen. Ils ont conçu des protocoles d’interrogatoire et de détention qu’ils ont, parmi d’autres, appliqué à des personnes emprisonnées dans les « black sites » (sites noirs’, ndlr), des endroits secrets gérés par l’agence.

    Dans sa réponse au rapport du Sénat, la CIA justifia sa décision de recruter le binôme : « Nous croyons que leur expertise était tellement unique que nous eussions été négligents de ne pas les avoir sollicités, lorsqu’il est devenu clair que la CIA allait s’engager sur le terrain inconnu du programme ». Les qualifications de Mitchell et de Jessen n’étaient pas centrées sur de l’expérience dans la conduite d’interrogatoires, des connaissances spécialisées sur al-Qa’ida ou un savoir culturel ou linguistique approprié. Ce qu’ils avaient, c’est de l’expérience dans l’US Air Force dans l’étude des effets de la torture sur des prisonniers de guerre états-uniens, ainsi que la curiosité de découvrir si les théories de « désespoir acquis » dérivées d’expériences sur les chiens pouvaient fonctionner avec des êtres humains.

    Afin d’appliquer ces théories, Mitchell et Jessen ont supervisé ou se sont personnellement livrés à des techniques dont l’intention est de produire « l’extrême faiblesse, la désorientation et l’effroi » (debility, disorientation and dread, ndlr). Leur « théorie » comportait une relation particulière entre le moyen et la fin qui n’est pas très bien comprise, comme Mitchell l’expliqua crânement lors d’une interview sur Vice News : « La raison d’être du flic méchant est de faire en sorte que le type parle au flic gentil ». En d’autres termes, les « techniques poussées d’interrogatoire » (EIT, Enhanced Interrogation Techniques, ndlr) (l’euphémisme de l’administration Bush pour la torture) ne produisent pas des informations utiles par elles-mêmes ; plutôt, elles produisent les conditions de soumission totale qui faciliteront l’extraction de renseignements utilisables.

    Mitchell, comme l’ancien Directeur de la CIA Michael Hayden et d’autres qui ont défendu le programme de torture, plaide qu’une erreur fondamentale du rapport du Sénat est le heurt induit entre les moyens (supplice de la baignoire, « ré-hydration rectale », des semaines ou des mois de nudité dans l’obscurité totale et l’isolement, et d’autres techniques conçues pour briser les prisonniers) et les fins – la collaboration fabriquée qui, affirment ces défenseurs [du programme de torture], a permis le recueil de renseignements abondants qui ont garanti la sécurité des citoyens des USA (cette affirmation est amplement et résolument contredite dans le rapport).

    Comme Les États-Uniens depuis le Beltway (coulisses du pouvoir à Washington, ndlr) jusqu’aux États-Unis profonds débattent – encore – de la légitimité et de l’efficacité des « interrogatoires poussés », il nous est remis en évidence que la « torture » a perdu sa marque d’infamie moralement répréhensible et de comportement criminel. Ceci était clair au cours des primaires présidentielles du Parti Républicain en 2012, où plus de la moitié des candidats ont juré de réintroduire le supplice de la baignoire, et aujourd’hui c’est en plein étalage. À Meet the Press (une émission TV US, ndlr) par exemple, l’ancien Vice-Président Dick Cheney, qui, fonctionnellement parlant, était tout en haut de la hiérarchie de prise de décision sur le sujet de la sécurité nationale durant les années Bush, a annoncé qu’il « le ferait encore dans la minute ».

    Personne n’a du rendre de comptes pour des actes de torture, au-delà d’une poignée de poursuites engagées contre des troupes de grade inférieur et des sous-traitants. Effectivement, l’impunité a virtuellement été garantie par le truchement de divers arrangements faustiens, parmi lesquels des mémos juridiques de « bouclier doré » écrits par des avocats du gouvernement pour la CIA ; l’immunité à postériori pour les crimes de guerre insérée par le Congrès dans la Loi de Provisions Militaires de 2006 ; la confidentialité et le secret qui entourent toujours le programme de torture, tel qu’il transpire des omissions du rapport du Sénat ; et l’attitude incitant à « regarder de l’avant, pas en arrière » qu’a conservé le Président Obama à travers chaque vague de révélations publiques depuis 2009. Une majorité aux USA, semble-t-il, en est venue à accepter l’héritage de la torture.

    La « guerre contre la terreur » n’est pas la première excursion de la CIA dans le domaine de l’expérimentation humaine. À l’aube de la Guerre Froide, des scientifiques et des médecins allemands ayant des parcours nazis d’expérimentations sur les êtres humains ont reçu de nouvelles identités et ont été amenés aux États-Unis au cours de l’Opération Paperclip. Pendant la Guerre de Corée, alarmés par la rapidité choquante avec laquelle les prisonniers de guerre US s’effondraient et se laissaient endoctriner par leurs geôliers communistes, la CIA commença à investir dans des recherches sur le contrôle mental. En 1953, la CIA a mis en place le programme MK-ULTRA, dont la phase la plus précoce comprenait de l’hypnose, des électrochocs et des drogues hallucinogènes. Le programme évolua vers des expériences de torture psychologique qui adaptaient des éléments des modèles soviétiques et chinois, dont la station debout prolongée, l’isolement prolongé, la privation de sommeil et l’humiliation. Ces leçons devinrent bientôt une « science » appliquée, au long de la Guerre Froide.

    Pendant la Guerre du Vietnam, la CIA développa le programme Phoenix, qui combinait la torture psychologique avec les interrogatoires brutaux, l’expérimentation humaine et les exécutions extrajudiciaires. En 1963, la CIA produisit un manuel intitulé « Interrogatoire de Contre-Espionnage Kubark » (« Kubark Counterintelligence Manual », ndlr) pour guider les agents dans l’art d’extraire des renseignements de sources « résilientes », par la combinaison de techniques visant à produire « l’extrême faiblesse, la désorientation et l’effroi ». Comme les communistes, la CIA évita les tactiques qui ciblent violemment le corps en faveur de celles qui ciblent l’esprit, en attaquant systématiquement tous les sens humains afin de produire l’état désiré de collaboration. Le programme Phoenix fut incorporé dans le cursus de l’École des Amériques, et une version du guide Kubark remise à jour, produite en 1983 et intitulée « Manuel d’Exploitation de Ressources Humaines » (« Human Resources Exploitation Manual », ndlr), fut diffusée vers les services de renseignement des régimes de droite en Amérique Latine et en Asie du Sud-Est, au cours de la « guerre globale contre le communisme ».

    Au milieu des années ’80, les pratiques de la CIA devinrent l’objet d’enquêtes parlementaires au sujet d’atrocités soutenues par les USA en Amérique Centrale. Les deux manuels tombèrent dans le domaine public en 1997 à la suite d’une procédure en FOIA (Freedom of Information Act, loi sur la liberté de l’information aux USA, ndlr) de la part duBaltimore Sun. Cela aura semblé être une instance unique.

    Mais nous y revoici. Ceci nous ramène à Mitchell et Jessen. Du fait de leur expérience en tant qu’instructeurs dans le programme militaire SERE (Survival, Evasion, Resistance, Escape – survie, évitement, résistance, évasion, ndlr), après le 11 septembre 2001 ils furent contactés par des hauts fonctionnaires du Pentagone, et par la suite par des avocats qui voulaient savoir si ces techniques SERE pouvaient être appliquées par ingénierie inversée sur des suspects de terrorisme afin de les forcer à parler.

    Le chemin depuis les hypothèses abstraites (SERE peut-il être appliqué par ingénierie inversée ?) jusqu’à l’usage autorisé du supplice de la baignoire et des boîtes de confinement traverse en plein milieu du domaine de l’expérimentation humaine. Le 15 avril 2002, Mitchell et Jessen arrivèrent à un black site en Thaïlande pour y superviser l’interrogatoire d’Abou Zubaydah, le premier « détenu de haute valeur » que la CIA avait capturé [dans le cadre de la « guerre contre la terreur » du Président Bush]. En juillet, Mitchell proposa davantage de techniques coercitives au QG de la CIA, et beaucoup d’entre elles furent approuvées dès la fin juillet. Dès lors jusqu’à la mise au rencart du programme en 2008, au moins trente-huit personnes furent soumises à des tourments psychologiques et physiques, et les résultats furent méthodiquement documentés et analysés. Il s’agit là de la définition textuelle de l’expérimentation humaine.

    Mon propos n’est pas de minimiser l’illégalité de la torture ou des impératifs légaux pour que les criminels répondent de leurs actes. Plutôt, parce que le concept de torture a tellement été disputé et rebattu, je suggère que les aveux des responsables seront davantage publiquement acceptables si nous recadrons le programme de la CIA dans le domaine de l’expérimentation humaine. Si nous le faisons, il deviendra plus difficile de trouver des excuses pour, ou de prendre la défense des coupables en tant que « patriotes » qui ont « agi de bonne foi ». Malgré le fait que la torture soit devenue comme un test de Rohrschach au sein de l’élite politique qui joue avec l’opinion publique pendant les talk-shows du dimanche matin, l’expérimentation humaine ne dispose pas d’une telle communauté d’avocats et de défenseurs.

    Lisa Hajjar

    Traduction : Will Sumer

     

    Sou

  • Parti néonazi grec

    L’Aube dorée: au coeur du parti néonazi grec

    27/05/2012 | 15h50
    Yannis Behrakis / Reuters

    Reportage à Athènes dans le fief du parti néonazi l’Aube dorée.

    [Article publié le 27 mai 2012]

    Cest une douce soirée de printemps dans le quartier Agios Panteleimonas d’Athènes. Un vendredi soir calme et sans histoires. Sur la petite place d’Attiki, un gamin tape des balles avec son père, des papys causent affalés sur un banc, deux femmes grignotent. Trois garçons, 16 ans maximum, cheveux très courts et T-shirts noirs, font les beaux pour impressionner les filles. “M’approche pas ou je te casse les côtes comme à l’autre”, frime l’un deux. “C’est une croix celtique à ta ceinture ?”, demande un autre à une fille avant de s’interrompre brusquement. Ils dressent le nez. A cinq mètres, deux silhouettes immaculées déchirent la nuit. Deux hommes, en djellaba et bonnet de prière, reviennent de la mosquée improvisée deux rues plus haut. Les trois ados se précipitent, l’un deux lance un violent coup de pied mais les rate. Les fantômes en blanc ont déjà détalé. Les petits caïds retournent draguer.

    Sur la place, à peine a-t-on levé un cil. Le ballon roule, les sandwichs s’engloutissent, les vieux finissent de tuer le temps, les étrangers sont agressés : la routine. On est sur le territoire de l’Aube dorée, parti d’extrême droite à tendance néonazie qui vient d’obtenir 21 sièges aux élections législatives du 6 mai dernier, soit 7 % des voix. Dans le quartier d’Agios Panteleimonas, aux municipales de 2010, l’Aube dorée a attiré 20 % des suffrages. Des drapeaux grecs peints sur le sol balisent les entrées de la place Attiki. Des croix gammées raturées recouvrent les marbres de la fontaine.

    Les murs portent des affiches “Je vote Aube dorée pour que la région ne se salisse pas”.

    De jeunes hommes aux bras musclés et au crâne rasé font la loi avec l’assentiment d’une partie de la population. Dans ce quartier en déclin, l’Aube dorée applique déjà son programme : une Grèce nettoyée de ses immigrés où règne la préférence nationale. Par tous les moyens.

    Ali ne l’oubliera pas. Ça a failli lui coûter la vie. Ce professeur d’anglais de 34 ans, au regard doux et intelligent, a croisé la mort le soir du 11 septembre 2010 dans le pays qu’il avait pourtant choisi pour sauver sa vie. Soit neuf ans jour pour jour après la chute des Twin Towers qui déclencha la guerre qui l’a poussé à l’exil. Vers 21 h 30, Ali rentre chez lui dans le quartier d’Agios Panteleimonas quand cinq jeunes le passent à tabac. Une heure plus tard, il se réveille en sang dans le commissariat du quartier. “J’ai demandé à téléphoner à un ami, ils ont refusé. Au bout d’un moment, ils ont appelé une ambulance mais je n’ai revu la police que des mois plus tard.”

    Celle-ci est régulièrement accusée de fermer les yeux sur les violences envers les immigrés et l’extrême gauche, voire d’y participer. “25 % des policiers et 15 % des personnels de l’armée ont voté pour l’Aube dorée”,précise le politologue Christophoros Vernardakis. Près de 56 000 immigrants arrivent chaque année en Grèce, principale porte d’entrée terrestre des clandestins en Europe. On compte 1 million d’immigrés sur 11 millions d’habitants. Selon l’ONU, neuf migrants illégaux sur dix pénètrent dans l’Union européenne en traversant la frontière gréco-turque. La solution de l’Aube dorée ? Installer des mines antipersonnel.

    Avec ses discours violemment anti-immigrés et anti-islam, l’Aube dorée (Chryssi Avyi en grec) a créé la surprise. Le Laos, parti d’extrême droite traditionnelle, a été poussé hors du parlement. Les Grecs ont sanctionné sa participation à la coalition gouvernementale de novembre 2011. Les deux principaux partis de gouvernement, le Pasok (gauche) et la Nouvelle Démocratie (droite), se sont effondrés. Les Grecs n’en peuvent plus des multiples mesures d’austérité imposées par l’Europe et le FMI pour régler la crise de la dette. Le chômage atteint 24 %, les suicides ont augmenté de 40 % en deux ans et 45 % de la population vit au niveau du seuil pauvreté. Seuls les nouveaux partis, comme la gauche radicale antiaustérité Syriza (16 %) ou l’Aube dorée, en sont sortis gagnants.

    Pour autant, aucun parti n’a réussi à former une coalition. De nouvelles élections se tiendront le 17 juin.

    “Ce n’est pas seulement un vote protestataire : 40 % de ceux qui ont voté pour l’Aube dorée ont exprimé leur adhésion aux idées du parti”, précise le spécialiste de l’extrême droite Vassiliki Georgiadou.

    Pour le politologue Andreas Pantazopoulos, pas de doute, “l’Aube dorée est une organisation pronazi, profondément islamophobe et antisémite, qui exalte la violence politique. Ce parti est régi par une idéologie irrédentiste (nationaliste – ndlr) et païenne, il ne mise pas sur la religion orthodoxe contrairement au Laos, il utilise des images celtiques. Sa condamnation du multiculturalisme se fait sur un registre racial et ethnique.” Nikólaos Michaloliákos, son chef, élu en novembre 2010 au conseil municipal d’Athènes, y a été filmé en train de faire le salut nazi. Le drapeau de l’Aube dorée ressemble au svastika, symbole du parti national-socialiste. “Hitler jouait sur cette ambiguïté. Il disait aux Grecs qu’ils étaient aryens car ils utilisaient un symbole proche du sien”, précise l’historienne Joëlle Dalègre.

    Mais Nikólaos Michaloliákos n’en démord pas : il n’est pas nazi mais“nationaliste” et “patriotique”. “Les nazis étaient allemands et les fascistes italiens”, répète-t-il. Son organisation, fondée en 1980, s’inspire selon lui de l’esprit de Sparte, symbole de l’ordre et de la vertu militaire face à la démocratie athénienne. Mais le 13 mai dernier, Michaloliákos nous a fait une “jeanmarie” lors d’une interview sur la chaîne de télévision privée Mega.

    “Il n’y avait pas de fours, c’est un mensonge. (…) Il n’y avait pas de chambres à gaz non plus”, a-t-il déclaré. Puis il a qualifié d’” exagération”la mort de six millions de Juifs, arguant que “beaucoup de gens de pays différents” avaient succombé dans les camps de concentration allemands comme de nombreux Japonais dans les camps américains. Un faux pas avant les élections du 17 juin ?

    La veille à 18 h 30, c’était jour d’adhésion et il y avait foule devant le siège avenue Delyanni. A l’entrée, un gros bras à gonflette et T-shirt Lonsdale fait le videur. On a le droit de monter, on a rendez-vous avec Theodoros Koudounas, monsieur “com’ journalistes étrangers”, grand brun au regard dur dont le T-shirt moule les biscoteaux.

    “On rejette le plan de sauvetage, on veut effacer la dette et renvoyer les étrangers. Ils attaquent les Grecs, volent, maltraitent et parfois violent les femmes donc on répond, c’est action-réaction, c’est la loi de la nature. Après, on n’est pas contre faire venir un géologue norvégien mais on n’a pas ce genre.”

    Musclor reprend : “Le système capitaliste et les impérialistes paient les gangs anarchistes qui détruisent Athènes. Dans quelques années, il y aura une guerre civile. L’invasion et la colonisation sont la faute de l’Europe, il faudrait commencer les exécutions à Bruxelles.” OK.

    Au deuxième étage, des jeunes au crâne rasé recueillent les inscriptions des nouveaux adhérents, beaucoup de jeunes. 13,6 % des 25-34 ans ont voté pour l’Aube dorée le 6 mai. Jusqu’à maintenant, le parti comptait environ 5 000 membres. Les petits nouveaux pourront acheter des objets souvenirs à l’image du parti : des T-shirts Hate Rock Café ou à l’effigie du général Grivas – collabo et milicien – avec une kalachnikov au dos, des livres sur l’histoire de la musique white trash et l’idéologie nationale-socialiste ainsi que des CD de metal. Dans la pièce se tient justement Georges Germinis, grand gars au visage rond peu aimable. C’est le numéro trois du parti. Ce boulanger de 34 ans joue dans Naer Mataron, un groupe de black metal sataniste gréco-norvégien, sous le pseudo de Kaiadas – selon la légende, le gouffre où les Spartiates jetaient les enfants handicapés. Dans un coin, des sacs de vêtements prêts à être distribués aux familles grecques démunies.

    Au troisième, c’est la cafète. Une série de photos rappelle les moments importants de l’Aube dorée : une cérémonie à Thessalonique en l’honneur d’Alexandre le Grand et celle du 30 août autour de la statue de Léonidas, roi de Sparte célèbre pour son opposition aux envahisseurs de l’Est, les Perses. Sur une autre, trois cents hommes font le salut nazi dans une arène. Devant la porte close du bureau du chef, des gros bras à casquette rouge et tatouages montent la garde. Un homme d’une cinquantaine d’années s’avance vers eux et lâche un salut nazi. Nikólaos Michaloliákos est attendu pour faire un discours.

    La salle est pleine à craquer d’hommes et de femmes de tout âge. Le chef “charismatique” s’installe derrière le pupitre, sa garde prétorienne à ses côtés. C’est un petit gros à lunettes et cheveux gris. Les musclés hurlent :“Levez-vous !” Le public obtempère martialement et reprend en choeur le slogan du parti, “Sang, honneur, Aube dorée”. Un militant filme avec son portable. Un garde le somme d’arrêter. Un homme refait un salut, puis un deuxième. On lui demande plus de discrétion.

    Le leader “charismatique” commence par citer le dictateur Metaxas puis fustige “la fameuse génération de l’école polytechnique, cette génération de marxistes qui se prétendaient résistants avec leurs pantalons déchirés et leur barbichette puis ont commencé à porter des costumes Armani, à jouer en Bourse, à aller à Mykonos, à boire leur café à Kolonaki (les Champs-Elysées grecs – ndlr)”. Applaudissements nourris. Il reprend : “Le pouvoir de l’Aube dorée sommeille au coeur du peuple. La réalité de la Grèce est une jungle. C’est la faute aux nazis peut-être ? En 1945, les vainqueurs étaient l’URSS et les Etats-Unis. Ces sales journalistes ne montrent que ce qu’ils veulent car ce sont des bolcheviks sans regret.”Vient le moment des questions. Un gros Grec d’une cinquantaine d’années au visage de bouledogue veut savoir “si les coupables de notre crise iront en prison ou seront exécutés”. Oui, ils seront punis, répond le chef.

    Après le discours, deux hommes discutent devant l’entrée.

    “Il y a des signes franc-maçons et sionistes partout ! Regarde quand tu retournes une bouteille d’Heineken : les trois ‘e’ font 666.”

    L’autre acquiesce. Pendant ce temps, les journalistes font la queue dans le hall dans l’espoir d’interviewer Michaloliákos. Un bodybuildé particulièrement agressif avec l’inscription Pit Bull Germany sur son T-shirt hurle : “On n’est pas des animaux, dégagez !” Le jeune Ilias Kasidiaris, un des membres les plus violents de la garde rapprochée de Michaloliákos, a été élu député. Son procès pour le lynchage d’un professeur d’Université devait se tenir le 23 mai.