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  • La politique dans « C dans l’air », c’est le vide

     

    par Joachim Léle 3 septembre 2014

    L’émission « C’dans l’air » du lundi 25 août était logiquement consacrée à la démission du gouvernement, intervenue le matin même. Le titre, « Et maintenant : la crise politique », et la liste des invités (le directeur adjoint de la rédaction du Figaro Yves Thréard, le directeur de la rédaction de L’Express Christophe Barbier, la journaliste du Monde Raphaëlle Bacqué et le directeur général délégué de l’institut Ipsos Brice Teinturier) ne laissaient guère de suspense quant à la teneur des discussions : il s’agirait avant tout de décortiquer les rapports de force au sein de la majorité, et surtout de disséquer les tactiques et les ambitions personnelles des ministres et des « ministrables »… Des enjeux cruciaux, de politique économique notamment, qui sous tendaient les désaccords de fond qui existaient au sein du gouvernement et qui aboutirent à cette démission/limogeage de trois ministres importants, il ne fut finalement pas question. L’on a beau être habitué à cette personnalisation et cette théâtralisation de la vie politique, surtout de la part de « C dans l’air », elle demeure inacceptable…

    Évidemment, cette émission n’a pas été la seule à offrir cette triste image de l’information politique, comme nous le rappellerons à la fin, mais elle en a été un bel exemple. Toute la première partie de l’émission fut accaparée par le « cas » Arnaud Montebourg, présentédans le résumé de l’émission et au cours du débat comme un« trublion ». À plusieurs reprises au cours de l’émission, Yves Calvi a « réorienté » la discussion sur l’ex ministre de l’économie, questionnant ses invités sur la « manière dont il annonce les choses », sur sa façon d’incarner un « ministère de la parole », sur son « mépris du président », ou, pour élever encore le débat sans doute, sur son surnom de « fou du troisième ».

    Cette volonté manifeste de réduire cette crise gouvernementale à la seule personne d’Arnaud Montebourg, et à son comportement, interroge. Car même si cet aspect des choses n’est probablement pas absent dans les critiques d’Arnaud Montebourg à l’égard de la politique économique droitière et inefficace du gouvernement, il n’est pas tout à fait le seul à tenir ce discours… Pourtant il ne fut jamais question au cours de l’émission d’Aurélie Filippetti et Benoît Hamon, respectivement débarqués des ministères de la Culture et de l’Éducation pour les mêmes raisons. Pas plus qu’il ne fut question des critiques convergentes émises par quelques dizaines de députés socialistes « frondeurs », par certains dirigeants d’Europe Écologie, par le Front de gauche, etc. Sans même parler des économistes éminents (comme le prix Nobel Paul Krugman), ou des institutions aussi peu gauchisantes que le FMI, qui tiennent peu ou prou le même discours !

    Mais ce sont les deux reportages proposés en cours d’émission qui atteignent le comble de la personnalisation et de la théâtralisation. Le premier, dramatisé à l’envi, avec commentaire et musique à l’appui, revient sur les dernières 24 heures… d’Arnaud Montebourg ! Quant au portrait dressé du dirigeant socialiste dans le second sujet, il ne dit évidemment pas un mot de la ligne politique qu’il défend et s’en tient à revenir encore et encore sur son comportement et sur son style, ainsi que sur ses multiples déclarations ayant été source de polémiques. Mais si l’on ne sait rien des propositions de Montebourg à l’issue de ce reportage, l’on a en revanche appris qu’il serait « un agent provocateur du PS »« un fauve de la politique » qui« aiguise ses ambitions », et qu’il est considéré comme « dangereux à l’intérieur et incontrôlable à l’extérieur ». Rien que ça.

    Un portrait à charge que corroborent les invités en plateau, unanimes : selon Yves Thréard Montebourg est, crime suprême,« contre la mondialisation », il « crache sur les patrons à longueur de journée », il a un « un discours éculé sur le plan économique » et en définitive il était « déraisonnable » et « irresponsable » de le nommer à ce poste. Une opinion un rien tranchée, qu’aucun invité sur le plateau ne conteste. SI Raphaëlle Bacqué qui trouve Montebourg « un peu ridicule », et Brice Teinturier, qui voit en lui un « homme de transgression » (on a les transgressions que l’on peut…), sont moins véhéments, on s’étonnera cependant de voir cette émission de service public se muer en tribunal aux mains de la pensée dominante au lieu d’être un lieu d’expression d’opinions diverses…

    Il serait malhonnête de dire que l’émission n’a porté que sur le comportement de Montebourg. Celle-ci a aussi permis aux invités de proposer de fines analyses des stratégies politiciennes des uns et des autres. Montebourg est alors présenté comme un jeune politicien ambitieux et cette crise comme la conséquence d’une manœuvre politicienne. Et cette agitation politique, réelle friandise médiatique, donne alors lieu à toutes les hypothèses sur les manières pour les uns et les autres de se sauver « politiquement ». Il est alors question d’alliances, de recherche de majorité, d’électorat et de popularité. Mais en définitive, elles ne nous permettent pas plus de« comprendre et d’appréhender » cette question « dans sa globalité », pour reprendre les mots de la présentation de l’émission sur son site.

    Bien que particulièrement révélatrice d’une manière de traiter l’information, cette émission n’en a pas eu l’exclusivité. Sans surprise, la palme de la superficialité va au « Grand Journal » du 25 août, avec notamment la chronique de Karim Assouli qui s’ouvre sur« les coulisses du clash » entre Montebourg et Valls, ou qui s’amuse à montrer des images d’un Montebourg tenant des propos« provocants » devant des militants du PS.

    Plus classique, dans le JT de France 2, Nathalie Saint-Cricq dresse dans sa chronique, là encore, un portrait peu élogieux de Montebourg, nous faisant comprendre qu’il n’a finalement que ce qu’il mérite, en concluant presque par un « Merci Monsieur Valls ». C’est finalement François Lenglet, arrivant bien après les commentaires de « politique politicienne », qui aborda la seule question « d’intérêt général » de toute cette affaire : la politique économique décidée par François Hollande et menée par le gouvernement. Et on pourra même lui reconnaître une certaine audace pour avoir rappelé que le constat que fait Montebourg sur la situation économique est « difficilement contestable », qu’il est notamment partagé par des « économistes éminents » et que les questions qu’il pose sont « légitimes ». Finalement, malgré tout ce qu’on a pu nous dire, il ne serait donc pas si fou que ça ?

     

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    Dans ce traitement médiatique qui pour l’essentiel a privilégié la forme sur le fond, les hommes et femmes politiques ont sûrement leur part de responsabilité. Publicitaires de leur propre personne, ils sont souvent les premiers à jouer de leur image à travers les médias. Il n’en demeure pas moins qu’en passant sous silence, avec un zèle toujours renouvelé, tout débat de fond qui va au-delà des évidences partagées par une poignée d’éditorialistes dominants, et en donnant une image de la vie politique dépolitisée, cynique et rebutante, les médias dominants et les émissions soi-disant « politiques » ont une responsabilité écrasante dans l’atrophie du débat public.

    Joachim Lé

  • Les jeux de l’été d’Acrimed

    Les jeux de l’été d’Acrimed : Ces titres d’articles sont-ils authentiques ?

    par Franz PeultierJulien Salinguele 30 juillet 2014

    Le numéro 12 de notre magazine trimestriel Médiacritiques est paru à la mi-juin. Un assortiment du pire de la production médiatique et du meilleur d’Acrimed que vous pouvez toujours vous procurer sur notre boutique. Au sommaire, entre autres, des « jeux de l’été », parmi lesquels un test, déjà publié sur notre site, mais aussi ce « vrai/faux » que nous offrons gracieusement aux lecteurs et lectrices de notre site qui ne seraient pas encore abonnés (mais il n’est jamais trop tard pour bien faire) àMédiacritique(s).

    Pour y voir plus clair, cliquez sur l’image, puis « zoom » (en bas à gauche).


    Les titres que nous avons inventés sont les suivants  : 1, 2, 9, 11, 14, 16, 20, 23, 29, 31. Les autres titres sont rigoureusement (et malheureusement) authentiques. Remerciements au Tumblr « À juste titre », duquel nous nous sommes inspirés.

    Frantz Peultier et Julien Salingue


  • USA :Police& Presse

    POLICE / PRESSE : "L'AUTRE" AFFRONTEMENT DE FERGUSON

    Par Robin Andraca le 19/08/2014

    La police continue de s'en prendre à la presse à Ferguson. Après les correspondants du Washington Post et du Huffington Post, la semaine dernière, l'interpellation d'un photographe fait grand bruit sur les réseaux sociaux. Les émeutes, elles, continuent.

    Dix jours après la mort de Michael Brown, un jeune Noir de 18 ans abattu par un policier, les tensions sont toujours aussi vives entre la communauté afro-américaine de la ville et les forces policières, majoritairement blanches. Hier, Scott Olson, un photographe de l'agence Getty, qui couvrait les émeutes de Ferguson, a été arrêté par la police avant d'être relâché quelques heures plus tard, relate The Independant. Motif invoqué ? Etre sorti de la zone réservée aux médias.

    Cette arrestation n'est pas sans rappeler celles des deux journalistes, Wesley Lowery (Washington Post) et Ryan Reilly (Huffington Post), embarqués la semaine dernière par la police de Ferguson pour ne pas avoir obtempéré assez rapidement. L'arrestation elle-même a évidemment été amplement photographiée par les collègues de Olson.

     

    Depuis la semaine dernière, la situation ne s'est pas calmée dans cette petite ville du Missouri, malgré l'arrivée du capitaine Ron Johnson à la tête de la police locale de Ferguson. Originaire de cette ville, afro-américain, sa nomination était censée apaiser les tensions entre policiers et manifestants. L'exercice de communication n'a malheureusement pas suffi et les versions de la police et de plusieurs témoins divergent toujours à propos de la mort de Michael Brown.

    Selon la police, Brown aurait tenté de dérober plusieurs paquets de cigarillos dans un magasin et aurait ensuite été abattu après avoir agressé un policier et tenté de lui dérober son arme. La version des témoins n'est pas du tout la même. Selon plusieurs témoins, il aurait été atteint de plusieurs balles alors qu'à une dizaine de mètres des policiers il était en train de crier "ne tirez pas".

    La police, elle-même, a changé de version. Quelques heures après avoir révélé l'affaire du vol de cigarillos, le chef de la police a expliqué, samedi dernier, que le premier contact entre Darren Wilson et Michael Brown n’était pas en rapport avec ce vol, mais parce que le jeune homme et son ami "marchaient au milieu de la rue, bloquant la circulation".

    Hier, les premiers résultats de l'autopsie de Brown ont été révélés par le médecin légiste mandaté par la famille de la victime : le jeune homme a été atteint par six balles, semblant avoir été tirées à une certaine distance, et "aucune trace de lutte" n'a été notée. Cette dernière donnée jette le discrédit sur la version officielle de la police qui prétend que Brown a été tué en pleine altercation avec un agent.

    Antonio French, conseiller municipal d'une circonscription de Saint-Louis et très actif sur son compte Twitter depuis le début des événements, a salué la nomination de Johnson, tout en notant que seule l'inculpation du policier permettra de ramener le calme. Soupçonné d'arrière-pensées politiques dans un portrait du Monde.fr, French a tenté de donner une image plus favorable du mouvement, mettant en valeur, toujours sur Twitter, les habitants qui s'opposent aux pillages de magasins ayant marqué les dernières nuits.

    Malgré l'état d'urgence décrété par Jay Nixon, gouverneur du Missouri, la mise en place de plusieurs couvre-feux et l'arrivée de la garde nationale appellée en renfort, les manifestations continuent à Ferguson et sur Twitter.

    Ferguson et le harcèlement policier des journalistes et des internautes : nous nous étions déjà penchés sur le sujet la semaine dernière.

  • Médias & Mouvements Sociaux

    « Pourquoi les médias sont-ils si unanimes contre les mouvements sociaux ? » (Tribune dans L’Humanité)

    par Henri Malerle 6 août 2014

    Le Jeudi 26 juin 2014, L’Humanité posait cette question : « Pourquoi les médias sont-ils si unanimes contre les mouvements sociaux ? ». Et ouvrait ses colonnes aux contributions de Patrick Kamenka, représentant de la Fédération européenne des journalistes, Véronique Marchand, journaliste, secrétaire générale du SNJ-CGT France Télévisions et d’Henri Maler, co-animateur de l’association Action-critique-médias (Acrimed). Toutes ces contributions sont accessibles sur le site de L’Humanité. Nous publions ci-dessous celle d’Henri Maler, sous un titre de notre choix.

    Sur l’hostilité médiatique contre mouvements sociaux


    Pour ne pas être trop schématique, il faut distinguer selon les médias et selon les journalismes. Les chefferies éditoriales, chroniqueurs et éditorialistes des « grands médias », parce que ce sont les médias des alternances sans alternative entre la gauche et la droite, soutiennent peu ou prou les réformes gouvernementales ou les mesures patronales, même lorsqu’elles sont outrageusement défavorables aux salariés.

    Nettement enregistrée chez les éditorialistes, l’hostilité aux mouvements sociaux prend d’autres formes, non dans les commentaires, mais dans les informations ou prétendues informations : en vérité une sous-information lamentable et parfaitement anti-démocratique. Sur quoi la plupart des journalistes des télévisions et des radios peuvent-ils prétendre avoir informé puisque presque aucune information sérieuse n’a été donnée, notamment dans les journaux télévisés sur la nature des réformes proposées, qu’il s’agisse de celle de la SNCF ou celle du régime des intermittents du spectacle, ni sur les motivations des grévistes ou encore sur les contre-propositions faites par les différents acteurs organisés de ces mobilisations sociales. La demande de la CGT-Cheminots ou de Sud-rail d’un débat avec la secrétaire d’Etat aux transports sur la réforme ferroviaire a reçu une fin de non-recevoir. Certes dans la presse écrite, on a pu trouver quelques tentatives de décryptage mais presque rien à la radio et à la télévision qui sont les médias de plus large audience.

    Cette hostilité, ne serait-ce que par défaut quand elle vient des journalistes d’information n’est pas nécessairement intentionnelle, mais elle est fonctionnelle : elle repose sur la recherche de la plus grande audience au moindre coût et sur le ressassement, à grand renfort de micros-trottoirs, des désagréments provoqués par la grève, au détriment de tout le reste.

    Le comble a été atteint avec la marée de reportages et de micros-trottoirs sur la grande angoisse des lycéens de ne pas pouvoir rejoindre leurs centres d’examens, alors que selon certains comptages, seulement 8% des lycéens prenaient le train. Des micros-trottoirs sont parfois concédés aux cheminots, non sans préjugé de classe, comme si les cheminots et leurs syndicats n’avaient rien dire et comme s’ils pouvaient s’expliquer en quelques secondes.

    L’hostilité d’ailleurs n’est pas systématique. Le mouvement des « bonnets rouges », par exemple, a bénéficié d’un traitement que je ne qualifierais pas de favorable mais qui faisait largement état de leurs motivations et aspirations. On peut remarquer également que l’attitude n’est pas tout à fait la même selon qu’il s’agit du mouvement des cheminots ou de celui des intermittents du spectacle. Sans doute parce qu’’une partie du lectorat de presse écrite est fortement attachée à la culture et à la création. Et à la différence d’ailleurs de ce qui s’était passé en 2003 où l’hostilité avait été quasiment générale, les médias ont cette fois-ci adopté une attitude un peu moins malveillante (et parfois même bienveillante) vis-à-vis des intermittents. Cela changera peut-être si le festival d’Avignon était annulé ! On voit là que les proximités sociales entre les journalistes et certains mouvements sociaux font parfois qu’ils ne sont pas traités avec le même degré d’hostilité.

    Mais le journalisme d’enquête sociale est tellement misérable que les préjugés des nouveaux chiens de garde de l’éditocratie infusent un peu partout !

    Henri Maler