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  • Révolution numérique… et révolution érotique !

     

    Publié le 23 juin 2015 dans Technologies

    Par Cyrille Bret.

    Robot Love credits FatcatsimageLLC via Flickr ( (CC BY-NC-ND 2.0) )

     

    La révolution numérique est désormais partout, au travail et en vacances, dans les soirées entre amis et dans les familles, pour le shopping et les déclarations d’impôts. Et s’il est un domaine qu’elle a profondément bouleversé, c’est bien celui de notre vie érotique, au sens large : sentiments, pulsions, affections et affinités. Le compagnonnage de l’amour et de la philosophie – amour de la sagesse – exige de questionner le bouleversement des catégories de l’amour.

    Les sites de rencontre ont assurément donné un nouvel élan à nos quêtes amoureuses, à nos recherches matrimoniales et, bien sûr, à nos vagabondages sexuels. Avec leurs batteries de critères et leurs tourbillons de photographies, avec leurs boutons like et leurs outils de géolocalisation, Meetic, Happn, Tinder, Grindr ou encore Gleeden ont ouvert à nos désirs un champ à leur mesure : infini. La dynamique insatiable et nomade du désir, bien mise en évidence par Platon, Saint-Augustin ou encore Pascal, ne trouve-t-elle pas ici un terrain de jeu inépuisable ? Les startupers de l’amour n’ont-ils pas réalisé ce que les philosophes entrevoyaient à peine : le bonheur des sens et la félicité des sentiments ?

    Dans ce domaine, la disruption numérique paraît évidente : le numérique a fait disparaître l’antique métier de la marieuse et a marginalisé la vénérable institution des agences matrimoniales ou des petites annonces. Tout paraît au mieux dans le royaume de l’amour digital : le tragique des amours impossibles est aboli, la misère sexuelle appartient à un âge révolu et la solitude n’est plus jamais subie.

    Toutefois, l’amour au temps du numérique n’est peut-être pas aussi radicalement révolutionnaire et émancipé qu’il y paraît : de vieux démons amoureux et philosophiques réapparaissent en effet sous de nouvelles formes. La liberté et la félicité ne règnent pas nécessairement sur le royaume de l’amour numérique.
    L’humanité entre-t-elle réellement dans un nouvel âge de l’amour, celui du désir libre et de l’amour heureux ?

    La fin des amours tragiques Platon, smartphone en main

    De prime abord, les outils de l’amour numérique semblent supprimer le tragique de nos vies personnelles.
    Les impasses du désir amoureux sont mises en scène par Platon dans Le banquet. Pourquoi le désir est-il si puissant, si universel et souvent si malheureux ? Pour répondre, un des personnages de Platon, Aristophane, propose une allégorie philosophique. Dans les premiers temps, les êtres humains étaient complets. Androgynes, ils étaient dotés de quatre jambes, de quatre bras, de deux têtes et de deux sexes. Ils étaient heureux parce qu’autosuffisants. Leurs désirs étaient assouvis par eux-mêmes. Le vide du désir leur était inconnu. Ivres de leur félicité autarcique, ils défièrent les dieux et en furent punis de la façon la plus cruelle : les Olympiens les découpèrent en deux et les dispersèrent. La nouvelle condition humaine fut régie par les affres du désir : à la recherche éperdue de leur autre moitié, les êtres humains commencèrent à traquer le bonheur d’être complets.

    Ils chercheraient encore sans Internet…

    Mais voilà qu’entrent en scène les sites de rencontre : recrutant la multitude et démultipliant les campagnes de communication, ils offrent à chaque humain incomplet un immense terrain de recherche. La disproportion entre la finitude de la connaissance individuelle et l’infini des désirs amoureux est désormais abolie, par un usage intensif des sites et par une succession d’essais et d’erreurs, l’humain peut trouver son âme sœur et son corps manquant.

    Le tragique de la séparation originelle est désormais en voie de réduction. Ni la souffrance des Androgynes, ni le décalage entre Saint-Preux et Julie dans La nouvelle Héloïse de Rousseau ne sont désormais possibles : la félicité par la libération des désirs est à portée d’écran tactile. La misère sexuelle et la solitude subie sont elles aussi en recul : tout est affaire d’activité sur Internet.

    Armé d’un smartphone et d’une bonne appli, Platon pourrait proclamer les désirs humains à l’abri du malheur.

    L’amour au temps du numérique : le grand retour de la raison ?

    Certains aspects de l’amour au temps du numérique ne laissent pourtant pas d’intriguer le philosophe. Au premier chef le culte du soi et de la rationalité économique. Dans L’amour au temps du choléra, Gabriel Garcia Marquez met en scène l’indéfectible amour de Florentino, poète maudit, pour Fermina. L’ambitieuse jeune fille finit par préférer le riche Juvenal au dévouement inconditionnel de son adorateur. Médecin promis à une belle carrière politique, Juvénal satisfait les aspirations sociales de la belle. L’amour passionné jusqu’au sacrifice est éclipsé par les solides vertus du mariage de raison. Ce thème bien connu fleure le 19ème siècle, ses tabous bourgeois et ses unions planifiées. L’amour passion est éclipsé par le choix de raison, fondé sur des critères bien solides. Après plusieurs décennies de libération sexuelle, d’émancipation sentimentale et d’individualisation des choix, l’amour au temps du numérique ne propulse-t-il pas les choix rationnels et économiques sur le devant de la scène ?

    Choisir, c’est éliminer selon la belle maxime rousseauiste. Si le foisonnement des sites donne le vertige de possibilités infinies, les critères de recherche engagent le sujet désirant dans un processus de hiérarchisation, de sélection et, finalement d’appariement. Le désir est conscientisé, rationalisé et verbalisé. L’inconscient des pulsions est encadré pour que le match soit parfait. L’imprévu et l’inconnu de l’altérité sont réduits. L’amour non planifié (celui de Swann pour Odette dans La recherche de Proust) devient presque impossible.

    L’acteur de ces limitations du désir et le responsable de cette canalisation des souhaits n’est personne d’autre que le sujet désirant lui-même. Il calcule les chances de succès et les probabilités de compatibilité, soupèse les coûts de la recherche et les bénéfices de la conclusion. On peut même s’interroger si, dans le choix de tel ou tel site, dans l’élaboration et dans la réélaboration d’un ensemble de critères, la fermeture à l’autre ne s’exprime pas sous la forme la plus classique qui soit, le narcissisme.

    L’amour propre des moralistes du 17ème siècle réduit autrui à un instrument du culte du moi. Être ami avec telle célébrité, avoir conquis telle beauté ne sont pas des ouvertures à l’autre. Les autres ne sont que des ornements du moi et des tributs à son amour-propre. Additionner les like et varier les critères de recherche reconduit le sujet désirant à lui-même, à ses fantasmes et à la conscience qu’il a de lui-même. Sortir de soi devient bien difficile.
    L’amoureux digital ne serait-il épris que de lui-même ?

    Les nouveaux jeux de l’amour et du hasard

    La révolution numérique est incontestablement disruptive dans le domaine amoureux : les corps et les imaginaires sont libérés des tabous traditionnels ; la recherche de partenaires est affranchie des limites de l’ignorance constitutive de la condition humaine pré-numérique. Mais les limites de la révolution érotique se font elles aussi sentir : le sujet désirant se fait rapidement agent économique ; le moi assoiffé d’amour se transforme aisément en Narcisse confortablement installé dans la multiplication de relations virtuelles.
    Face au retour de la raison contre l’amour passion, contre les risques de déréalisation de l’autre et à rebours du culte du moi, certaines stratégies numériques insèrent de l’incertitude. Masquer les photographies et organiser des blind dates comme le site Smeeters ; organiser du chaos dans les relations en subvertissant les frontières entre réseaux sociaux amicaux, professionnels et érotiques, telles sont les tactiques numériques aujourd’hui à l’œuvre.
    La nouvelle carte du tendre, numérisée et interactive, ne conduit pas nécessairement l’humanité de l’âge de la frustration à l’ère du bonheur. Mais elle démultiplie les champs pour de nouveaux jeux de l’amour et du hasard.

  • Affaire Ulcan

    Privilège communautaire dans l’affaire Ulcan

    Robert Faurisson et Alain Soral ne figurent pas dans la liste officielle des victimes...

     
         

     

    Ulcan est-il de retour ? Denis Sieffert, Pierre Haski et Daniel Schneidermann ont vu débarquer chez eux, entre mardi et jeudi, une armada de policiers alertée par les appels téléphoniques du hacker sioniste. L’affaire, largement relayée et commentée par les médias, fait silence sur les précédentes agressions concernant les familles d’Alain Soral et Robert Faurisson. Une question d’appartenance communautaire ?

    Le Monde, Mediapart, L’Express, Les Échos… autant de rédactions nationales qui, parmi bien d’autres, n’ont cessé de relayer sur la toile les mésaventures des trois dernières victimes de canulars téléphoniques attribués à Ulcan, le cybercriminel sioniste. Dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, Denis Sieffert, directeur de la publication de Politis, avait en effet été réveillé par la police et les locaux de son journal avaient été dévastés par l’intervention d’un autre groupe armé de la police. Dans le même temps, Pierre Haski, cofondateur du pure-player Rue 89, avait vu débarquer chez lui le SAMU, les pompiers et la police ; contrôle nocturne instillé par un canular similaire. Une agression groupée puisque la veille, le fondateur d’Arrêt sur images, Daniel Schneidermann, avait lui aussi été victime du même procédé.

    Après avoir offert une tribune aux trois journalistes, les médias semblaient avoir enfin pris le dossier Ulcan à bras le corps en dressant une liste malheureusement non-exhaustive des victimes du hacker franco-israélien. Ont été évoqués tour à tour les noms de Pierre Stambul, membre du bureau national de l’Union juive française pour la paix (UJFP), Stéphane Richard, PDG d’Orange, Jean-Claude Lefort, ex-président de l’association France-Palestine Solidarité, ou encore du journaliste de Rue 89, Benoit Le Corre, première victime réellement médiatisée (dont le père était décédé d’une attaque au cœur suite à un canular d’Ulcan). Pour autant, aucune mention n’a été faite des agressions téléphoniques subies par Hicham Hamza, fondateur du média indépendant Panamza, en février 2015, par Robert Faurisson en août 2014 ou par la famille d’Alain Soral en septembre 2014. Oubli involontaire ? Pas si sûr.

    Et pour cause, les dernières victimes du hacker font partie intégrante du système médiatique français et jouissent du suprême privilège d’être membres de la communauté qui y est la mieux représentée. Dès lors, leurs timides prises de positions pro-palestiniennes n’auront pas entamé l’engouement affiché de la caste médiatique à s’épancher sur les déboires de leurs confrères.

    Nommée « swatting », la technique de harcèlement téléphonique rappelle précisément le mode opératoire du hacker franco-israélien Grégory Chelli, alias « Ulcan », tristement célèbre pour ses agressions verbales malsaines auxquelles il a dédié un site web crée en 2011 (violvocal) et dont se gargarise un petit groupe de fanatiques.

    Réfugié à Ashdod (Israël), Ulcan jouit pour le moment d’une impunité effrayante, malgré les nombreuses plaintes déposées à son encontre. En l’absence de traité d’extradition entre la France et Israël, seule une prise en main virile et concertée du dossier dans les deux pays pourrait inquiéter le hacker. « Il est grand temps que le ministère de l’Intérieur s’exprime sur ces affaires », s’est d’ailleurs insurgé récemment Denis Sieffert dans les colonnes du journal Le Monde. Et le directeur de Politis de pointer du doigt « des complicités qui apparaissent de plus en plus évidentes ». Alors qu’Ulcan, ancien membre de la LDJ condamné en 2009 à quatre mois de prison avec sursis, sévit depuis déjà plusieurs années, le ministre de l’Intérieur a soudainement prêté une oreille attentive à ses dernières victimes. Bernard Cazeneuve recevra dans son bureau les trois journalistes dès mardi prochain. Aux dernières nouvelles, il semblerait que Robert Faurisson et la famille d’Alain Soral n’aient pas été conviés.

  • Maroc : le nouveau visage de l’esclavagisme

     

    Publié le 25 juin 2015 dans Afrique

    Une forme de traite humaine perdurant dans ce pays demeuré très inégalitaire, et qui touche la majorité des pauvres. Comment en est-on arrivés là ? Et comment s’en sortir ?

    Par Hicham El Moussaoui et Siham Mengad.

    Maroc - De dos d'âne - Nwardez (CC BY-NC-SA 2.0)

    Maroc – De dos d’âne – Nwardez (CC BY-NC-SA 2.0)

    Selon le « collectif pour l’éradication du travail des petites bonnes », entre 60 000 et 80 000 fillettes de 8 à 15 ans sont exploitées comme domestiques au MarocUne forme de traite humaine perdurantdans ce pays demeuré très inégalitaire, et qui touche la majorité des pauvres. Comment en est-onarrivés  ? Et comment s’en sortir ?

    Appréhender un tel phénomène n’est pas chose aiséemais l’on peut structurer les principauxdéterminants autour de deux aspects : l’offre et la demande du travail domestique. Du côté de l’offre, le chômage (9,9% en 2014) et son corollaire la pauvreté (15% en 2014), conduisent les parents àdevenir incapables de subvenir aux besoins de base de leurs enfantsce qui les contraint à donnerleurs petites filles à des familles plus aisées afind’une part, de se décharger du fardeau de subvenirà leurs besoins, et d’autre part, avoir un revenu supplémentairequoique modeste, pour être capabled’assumer la charge des autres enfantsDans les familles nombreuses, les parents en position defaiblesse n’ont pas vraiment les moyens de négocier des conditions dignes pour l’accueil de leursfillesce qui explique aussi que les familles d’accueil ont tendance à abuser de leur pouvoirsurtoutdevant le silence des petites fillesCelles-ci deviennent en quelque sorte le bouc émissaire del’incapacité des parents à assumer leurs responsabilités. La rareté des opportunités d’emplois etd’activités génératrices de revenus, rend inéluctable le travail des petites filles dans les villes.L’endettement des parents les pousse à donner leurs filles sans se préoccuper de leurs conditions de travail.

    Par ailleurs, l’analphabétisme des petites filles (53% des analphabètes) résultant de leur exclusion de la scolarisation, limite leur horizon en termes d’opportunités, facilitant ainsi  le travail au foyer des autres. La division sexuelle du travail (hommes à l’extérieur/femmes à l’intérieur), enracinée encore dans la société marocaine, justifie encore pour beaucoup cette situation, la cuisine étant considérée comme le lieu « normal » pour la gente féminine. Et ce n’est pas le chef du gouvernement marocain, M. Benkirane, qui dira le contraire.

    Cette culture résultant de l’ignorance des familles a « normalisé » le travail de la « fille mineure ». Elle a permis même, vu le contexte de rareté, de la considérer  comme une source légitime de revenu complémentaire. Certains parents y voient même une chance pour leurs petites filles car elles vont être sauvées de la misère et cela leur ouvrira d’autres portes, notamment celles du mariage. Le statut inférieur des jeunes filles, dans un pan important de la société marocaine, accentue leur vulnérabilité et les rend sujettes à tous les « débordements » et à tous les handicaps sociaux (déscolarisation, exploitation).

    Du côté de la demande, si aujourd’hui les petites filles de parents pauvres sont sollicitées c’est parce que le mode de vie des Marocains a évolué. Ainsi, le taux d’urbanisation est passé à 60%, ce qui implique un changement dans la division du travail entre les hommes et les femmes. Ces dernières se retrouvent de plus en plus à travailler hors foyer et n’ont plus suffisamment de temps pour assurer certaines tâches ménagères.  La demande de bonnes s’est accrue pour satisfaire le besoin croissant des femmes d’avoir un «substitut» domestique permettant à un plus grand nombre d’entre elles d’accéder au marché du travail, mais aussi de permettre à d’autres filles de poursuivre tranquillement leurs études. Un besoin qui a été amplifié par l’absence d’horaires aménagés pour qu’elles puissent assurer quelques tâches domestiques, mais aussi par la rareté des crèches, le déficit dans des services aussi comme le transport scolaire. Autrement dit, la femme marocaine n’est pas du tout aidée logistiquement parlant, d’autant qu’elle n’a pas toujours les moyens d’acquérir les équipements électroménagers lui permettant de gagner en temps et en énergie.

    Si les facteurs susvisés expliquent les raisons d’être du travail des petites bonnes, c’est le vide juridique qui permet à des familles de les exploiter. L’absence de contrat explicite entre les parents et la famille d’accueil ouvre la porte à tous les abus et fragilise la position des petites filles, qui deviennent soumises au bon vouloir et parfois aux pires sévices de leurs employeur(e)s. Aussi, l’absence de définition de la traite des personnes en droit interne ne peut permettre de sanctionner ces abus et encourage l’impunité. Le manque de protection juridique des petites filles qui subissent cette exploitation les dissuadent de révéler les sévices qu’elles subissent. D’où la nécessité, de mettre en place une loi spécifique définissant la traite des personnes, car le code du travail marocain laisse en dehors de son champ d’application le travail domestique dont les conditions d’emploi et de travail doivent être fixées par une loi spécifique (article 4). Après la publication du code de travail, la loi ad hoc prévue par le code n’a jamais vu le jour, alors que des agences de placement du personnel de maison commencent à  s’installer au Maroc en l’absence de réglementation de la profession. De même, le code ne régit pas le travail informel qui constitue avec le travail à domicile le domaines privilégié du travail des mineurs, notamment les filles pour le travail à domicile et les garçons dans les ateliers. Il est nécessaire qu’une loi interdise le travail des mineurs. Elle doit être accompagnée bien évidemment d’un grand travail de sensibilisation de tous les maillons de la chaine judiciaire et toutes les parties prenantes afin de la rendre effective.

    Parallèlement à cette loi, il est bien évidemment incontournable de traiter les facteurs qui favorisent l’offre et la demande du travail des petites bonnes. La scolarisation des filles est incontournable pour leur offrir des perspectives d’emploi plus intéressantes que les tâches ménagères. La lutte contre la pauvreté dans le monde rural est une nécessité pour permettre aux parents de subvenir aux besoins de leurs enfants. De même, fournir aux femmes qui travaillent la logistique et les prestations sociales leur permettant de concilier leur vie professionnelle avec leur vue personnelle, est une nécessité. Enfin, pour un suivi efficace et un ajustement des mesures à prendre, un observatoire de ce phénomène est incontournable.

    Somme toute, le travail domestique n’est pas à combattre en tant que tel, mais c’est contre le travail domestique assuré par des filles mineures et toutes les formes d’exploitation qu’elles subissent, qu’il faudrait lutter.

    Hicham El Moussaoui

  • Heureusement, en France, le port d’arme est toujours interdit.

     

    Publié le 24 juin 2015 dans Édito

    Jeudi 18 juin, une fusillade éclate dans le quartier du square Abbé-Maillet à Meudon. Les tireurs ont pris la fuite sans faire de blessé, ni être inquiétés, mais la situation est tout de même un peu tendue puisque cela fait plusieurs jours que de telles rixes se déroulent entre Clamart et Meudon. Ces petites entorses au vivre-ensemble encouragent les élus des deux communes à se rencontrer pour en discuter. C’est important, le dialogue.

    apathie - peut-être que si on ne s'occupe pas des citoyens, ils arrêteront de nous emmerder ?

    Vendredi 19 juin, au sud de Toulouse, une fusillade éclate au niveau du péage de Palays, là où les policiers du service régional de la police judiciaire de Montpellier et Toulouse (SRPJ) attendaient un go-fast. Deux hommes ont été interpellés et 90 kilos de pâte à modeler ah non de résine de cannabis ont été saisis. Il n’y a heureusement pas eu de blessés dans la fusillade. Saluons la maréchaussée qui, pour une fois, était sur place avant les échanges de coups de feu et qui aura effectivement interpellé des individus. Manifestement, les excès de vitesse, ça motive plus que les deals en quartiers chauds.

    distributeur de tickets d'attenteDans la nuit du vendredi 19 au samedi 20 juin, un homme de 28 ans a succombé à trois blessures par balles d’un tireur isolé aux Bleuets, une cité bucolique des quartiers nord de Marseille, ces quartiers qu’on dit émotifssensibles. Écartant l’hypothèse hardie d’un différent scientifique pour déterminer qui, de Leibniz ou de Newton, avait inventé le calcul infinitésimal le premier, la police se risque plutôt à imaginer un bête règlement de comptes sur fond de drogue, en attendant d’avoir quelques précisions suite à l’enquête qui a pris un ticket comme les fois précédentes et attend avec les 50 autres en salle de pause en fumant une clope (légale).

    Samedi 20 juin au soir, un jeune homme de 19 ans a été abattu à Grenoble. Deux jours plus tôt, deux autres fusillades avaient éclaté dans le centre de la ville, heureusement sans faire de victime. Là encore, des soupçons tendraient à faire penser que tout ceci serait probablement lié à des histoires de substances qui font rire (les substances, pas les histoires), que les fusillades en question auraient comme qui dirait un rapport avec des règlements de comptes (et toujours aucun lien avec des équivoques philosophiques, c’en est presque dommage).

    Notons tout de même que les habitants des quartiers concernés sont un chouilla remontés contre l’équipe municipale dont tout indique qu’il s’agit d’une fière brochette d’élus compétents et impliqués comme en témoigne l’intéressante vidéo suivante :



    … Intéressante vidéo où l’on découvre donc que tout le monde, à Grenoble, connaît assez bien la situation, les principaux fautifs, et les différentes planques d’armes et de drogue. Où l’on découvre aussi que des pétitions et des lettres ont été envoyées, à plusieurs reprises, aux équipes municipales, qui n’ont jusqu’à présent pas démontré ni s’intéresser au problème, ni avoir tenté de résoudre au moins ce qui était directement et explicitement pointé du doigt. L’existence de ces pétitions et de ces courriers papiers tendrait à faire croire hardiment que la situation dure depuis un certain moment, surtout en factorisant la vitesse légendaire des service postaux français.

    Et dans ce contexte, à force, l’immobilisme et l’incompétence ont cette fâcheuse tendance à rendre les victimes particulièrement agressives lorsqu’elles tiennent un responsable de leur situation sous la main. La réaction du maire à la suite de la violente apostrophe lancée à son encontre, toute en paroles ouatées loin de la réalité et de l’action, en parfait décalage avec ce qui lui est demandé, laisse malheureusement supposer que cette douloureuse situation va perdurer un petit moment encore…

    Décidément, cela ressemble tant à cette autre semaine que je décrivais il y a tout juste deux mois.

    Et il y a deux mois, je me refusais d’être bêtement taquin et de remarquer qu’en quelques jours, on recensait tout de même pas mal de fusillades, de morts et de blessés. Tout comme, il y a deux mois, je n’allais pas non plus jusqu’à relever les poignants articles de la presse fustigeant l’inaction américaine face à son « problème avec les armes », presse qui oublie dans le même temps ces petits débordements français maintenant quasi-quotidiens. Franchement, la taquinerie, ce n’est pas mon genre.

    Je ne terminerais donc pas ce billet en notant, exactement comme il y a deux mois, que la guerre contre la drogue, en France, n’a jamais marché et que l’interdiction de port d’arme ne sert, concrètement, à rien puisqu’elle n’a en rien dissuadé ces innocentes fusillades d’apaisement (ni celles du 7 janvier, au passage).

    Non, tout ça, je ne le dirais pas puisque ça ne sert à rien. Je me contenterais de noter seulement que tout ceci confirme décidément ce petit sentiment d’insécurité qui s’empare des Français, notamment les honnêtes, qui payent taxes et impôts locaux.
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  • Un périple autour du monde : safari cycliste au Botswana

     

    Publié le 24 juin 2015 dans Culture

    Parce qu’un con qui marche va toujours plus loin qu’un intellectuel assis, deux frères sont partis sur les routes depuis de longs mois, traversent les frontières, les villes et les campagnes à l’occasion d’un tour du monde à durée indéterminée, sans casques ni golden-parachutes. Au fil de leur voyage, ils livrent leurs impressions sur des expériences qui les ont marqués.

    Aujourd’hui, route mouvementée à travers le Botswana…

    Par Greg.

    Je n’ai pas vu les plus beaux paysages du Botswana donc ne m’en voulez pas si je n’en parle pas. Je me suis contenté de suivre la route principale jusqu’en Zambie, surtout par manque de temps. Et pourtant, il s’est passé beaucoup de choses pendant ces quelques jours.
    Frustré de n’avoir pas pu me payer les excursions safari trop chères d’Afrique du Sud, j’apprenais peu avant la frontière que le Botswana allait m’offrir ce plaisir gratuitement, et en vélo. Vous me direz, les lions en liberté, les bestioles, comment on gère ça en vélo ? Ça a aussi été ma première question mais tout le monde se voulait rassurant sur le fait que je devrais être OK sur la route. Je gardais quand même l’option de bifurquer au Zimbabwe au dernier moment mais ma rencontre avec Eelco, le retraité cycliste sud-africain m’avait convaincu d’y aller.

    Je passais donc la frontière à Groblersburg, un village planté au milieu du bush. Comme d’habitude, on me questionne beaucoup sur mon voyage des deux côtés. Oui oui, je vis comme ça, c’est un long voyage et oui avec ce vélo, pas celui du voisin. Ils sont toujours aussi marrants au Botswana et surtout fiers que leur pays soit sûr. C’est un point sur lequel ils insisteront beaucoup au cours de mon séjour et c’est vrai qu’à aucun moment je ne me suis senti en insécurité, tout du moins à cause des gens.

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    Mon parcours au sud du pays fut assez monotone. Il y a peu de villes et d’activités sur mon passage et les villages ne sont souvent qu’un ensemble de trois ou quatre huttes rondes en terre dispersées dans la brousse. Les habitants, peu nombreux, accompagnent parfois un troupeau de chèvres au milieu du bush ou glandent à l’ombre d’un arbre. L’activité réduite au milieu des logements au toit bancal me rappelle la campagne laotienne : même climat, même ambiance, pas tellement un hasard finalement. Les Africaines portent tout et n’importe quoi sur la tête, le gamin harnaché dans le dos avec un morceau de tissu coloré : sacs de farine, eau, branches, l’une d’entre elles se promenait avec un sac « Dubaï 2020 ». Les femmes travaillent plus que les hommes mais l’activité ne semble tout de même pas harassante. Tout le monde se déplace à un rythme très africain et celui qui transpire le plus dans l’histoire, c’est moi. L’horizon est aride et la chaleur s’installe logiquement au fur et à mesure que je file au nord. À coups de 100-150km par jour, on a vite fait de prendre 10 ou 15 degrés dans la semaine et cela me fait finalement le plus grand bien après quelques jours de gastro en Afrique du sud. J’ai du choper un coup de froid avec la pluie dans les montagnes du Highveld.

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    J’alterne mes ravitaillements en eau entre les villes (Palapye ou Francistown) ou les petits bleds comme Serule. Je peux transporter 3 ou 4 jours de nourriture mais difficilement plus d’une journée d’eau. Certains refusent de me servir l’eau qu’ils boivent sous prétexte que je ne la supporterais pas (trop salée, c’est vrai qu’elle donne un peu soif et la courante, mais rien de bien grave) et vont puiser dans leurs réserves d’eau de pluie. D’autres veulent bien m’écouter et font confiance à mon estomac canin. À Serule, on me fait attendre une demi-heure pour m’amener de l’eau qu’ils jugent correcte. Il faut dire que la plus grande partie du village est désormais fantôme depuis que le tracé de la nouvelle route le contourne et que les habitants ont fui l’arrivée du train qui tuait le bétail. On prend soin du « white guy » un peu con qui ne veut pas utiliser les bus. Après qu’on m’ait offert une chemise en Afrique du sud, un autre citoyen de ce pays prend pitié de moi et m’offre une paire de lunettes de soleil. Un peu plus tard au Botswana, un expatrié m’offrira un bière sur la route et un couple sud-africain, de la viande séchée. Que demander de plus à ces gens ? Ils sont parfaits et tous heureux de voir des cyclistes traverser leur continent. Ils aimeraient faire savoir au monde entier qu’on peut voyager sereinement dans leurs pays magnifiques.

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    J’arrive à Nata après 3 jours de route. Je pensais la ville plus importante et le supermarché fait peine à voir, je n’achète que le minimum pour mon périple. Au départ, tant que je vois des panneaux signalant la présence de bétail, je pense être tranquille. Puis deux Botswaniens m’invitent alors à partager leur repas au bord de la route : du milmil (farine de maïs) avec du bœuf et des herbes, un plat traditionnel de cette région d’Afrique. Le tout se mange avec les doigts. Ils possèdent une ferme un peu plus loin et apportent le ravitaillement en bière Chibuku aux ouvriers. Les lions tuent régulièrement leur bétail mais eux n’ont pas le droit de les tuer, au risque d’aller en prison. Le gouvernement indemnise la perte à hauteur de 1500 pulas alors que la bête se vend à plus de 3000 sur le marché.

    Je poursuis donc en sachant que le panneau bétail n’est pas forcément synonyme de sécurité. Je commence par apercevoir quelques antilopes/gazelles puis rapidement trois éléphants, l’air pataud. J’ai peine à imaginer ces bestioles agressives. Moi, je tremble surtout pour les lions et les chauffeurs me disent en voir régulièrement au bord de la route, observant les voitures. Me savoir en vélo au milieu de cette faune me fait peur et m’excite au plus au point. Je suis sans cesse partagé entre l’envie et la peur d’en voir plus. Savoir que d’autres cyclistes ont pris cette route par le passé me rassure. Ma première journée se déroule sans accroc, et je peux observer quelques pachydermes d’assez près. Pour peu qu’on les laisse à bonne distance, ils font leur vie sans se soucier des humains. On reconnaît assez vite les zones à éléphants par les troncs d’arbres défoncés et l’écorce arrachée.

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    À 16h, j’arrive vers l’antenne relai qu’Eelco m’avait indiqué. Le petit chemin de terre y menant ne me plaît pas vraiment mais il faut bien y aller. Il n’y a personne sur place et la grille est fermée par un cadenas. Hors de question de dormir à l’extérieur avec les félins en liberté, pour entrer, je coupe un bout du grillage, et je referme immédiatement derrière moi. Je passe la nuit sur un petit toit à 3 mètres de hauteur. Au moins, je dors tranquille.

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    Mon petit déjeuner du lendemain sera en revanche perturbé par un animal auquel je ne m’attendais pas ici : l’abeille. Alors que je cuisinais tranquillement, des dizaines puis des centaines d’abeilles envahissent ma tente, mes affaires, tout est recouvert. Ça devient franchement agaçant, voire inquiétant. Je jette tout en bas et cours d’un coin à l’autre de l’enclos tout en rangeant tout péniblement pour éviter un maximum de piqûres. Elles ne sont pas agressives mais je les ai un peu dérangées et me prends deux coups de dard… Le petit dej’ est foutu et je pars le ventre creux pour mon deuxième jour de savane. J’observe toujours un maximum de gazelles (ou un animal du même genre) quand la circulation est réduite, une bonne dizaine d’éléphants ainsi que des zèbres.

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    Un éléphant, légèrement énervé que ses petits n’aient pas osé traversé la route en me voyant au loin décide de me charger en barrissant. Je descends du vélo et recule immédiatement de 2-3 pas, il s’arrête. Je me sens tout petit, ridicule face à ce monstre. Il est à 20 ou 30 mètres maintenant. Il repart sur 4-5 mètres, je recule de nouveau, il s’arrête encore puis, au moment où il s’apprête à lancer une troisième charge, une voiture arrive et le fait revenir vers ses petiots. Sachant que parfois je ne vois aucun véhicule pendant 20 minutes, c’est un sacré coup de pot ! Mon taux d’adrénaline est à son maximum et je sursaute désormais au moindre mouvement dans les fourrés. Je prends mon bâton en main, c’est dérisoire, mais ça me détend, c’est psychologique. « Croqué par un félin au Botswana », ma famille en parlerait encore pendant quelques générations mais je ne tiens pas spécialement à cette gloire posthume.

    Il fait très chaud et les camionneurs prennent pitié de moi et m’offrent parfois oranges et boissons. La route quant à elle, m’offre encore quelques vues sur des phacochères et une bande d’une trentaine de babouins à l’approche de Pandamatenga, mon refuge pour la nuit. Je passe la soirée à discuter avec une bande d’alcooliques près d’un restaurant rudimentaire fait de bâches plastiques. Rien de bien intéressant n’en sort mais le contact humain fait du bien avant une dernière journée dans la brousse en direction de la frontière Zambienne. Ils me rassurent encore une fois sur les lions qui dorment au loin quand il fait chaud et qui fuient si on leur fonce dessus. On verra pour cette option.

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    On me promet girafes et lions pour le lendemain, je n’aurais finalement droit à rien de tout cela malgré les affirmations des automobilistes me jurant en avoir vu une heure après mon passage. Tant pis pour moi, j’ai droit à quelques buffles au loin (animal peureux et pacifique en Asie et très dangereux en Afrique), des phacochères, des babouins et une espèce d’oiseau énorme, type ptérodactyle des temps modernes. Je traverse ensuite le fleuve Zambèze sur une barque, direction la Zambie avant me rendre à Livingstone où m’attendent les chutes Victoria. Malgré d’autres promesses de spectacles d’animaux en Zambie, rien ne se produira. Les chutes Victoria sont en revanche magnifiques, entourées d’une brume et d’un arc-en ciel permanent, le brouhaha assourdissant est à la hauteur du paysage offert. On tente d’abord de se protéger des trombes d’eau projetée par les chutes, avant de se laisser emporter par la magie du Zambèze, trempé, en tentant d’observer le fond du gouffre masqué par la brume. Quelques Africaines en visite entonnent des chants rythmés qui ajoutent de la couleur à l’endroit et quelques chanceux survolent le tout en deltaplane, comme Belmondo dansItinéraire d’un enfant gâté. Je reste profiter du lieu jusqu’au coucher du soleil.

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    Demain, je m’offrirai quelques jours de repos après 3000km pédalage en un mois et je campe un dernier soir près des chutes, en bordure du Zambèze et de son débit impressionnant, gardé par un type armé d’une kalachnikov, les hippopotames ayant l’habitude de s’aventurer sur mon aire de repos.

    Cela conclut superbement et paisiblement ces quelques jours au milieu des animaux. L’Afrique me procure tous les jours un maximum d’excitation et d’adrénaline, des rires, des chants, des sourires en pagaille. J’ai rarement pris autant de plaisir au cours de ce voyage.

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    Pour ceux qui ont 50 minutes à perdre, j’ai exceptionnellement fait une vidéo de mon safari que vous pouvez visionner ci-dessous. Il y a de vrais morceaux de gros mots et je me plante régulièrement sur les noms des animaux, c’est du live.